Il paraîtrait que le sport permet d’évacuer le stress et toute la tension que l’on a accumulé au cours de la journée. Pour ma part, il ne faisait que renforcer mes pensées et mes convictions. Elles dérivaient bien souvent dans les tréfonds de ma mémoire, me souvenant d’un instant précis, d’une odeur ou des paroles sortant tout droit de leur créateur.
Il suffisait de caler une musique en concordance avec mes souvenirs lors de ma course pour obtenir une certaine émotion. De l’électro pour me dépasser, du rock pour monter en adrénaline, des chansons gaies pour me souvenir des bons moments ou des chansons sombres pour me rappeler des évènements tragiques.
Comme ceux de l’année dernière.
En cette heure tardive, je courais regardant devant moi mais ma vue n’enregistrait pas le paysage et mon cerveau prit possession de ma vision pour me souvenir : des disparitions inexpliquées, des parents tourmentés, une ville qui vivait sans cesse dans la peur durant plus d’un mois.
Aujourd’hui précisément, cela faisait un an que le cauchemar commençait pour des élèves d’une classe de prépa à Carcassonne. Ils étaient treize. Comme si le chiffre leur avait porté malheur. Foutaise.
Le premier garçon à être porté disparu s’appelait Xavier. Le dernier s’appelait Max. Au départ, il ne fallait pas que la France s’inquiète. Il y a eu de brèves apparitions des évènements dans les journaux télévisés. Les forces de l’ordre travaillaient mieux ainsi : sans pression du gouvernement et agitation précoce de la part de la population.
Mais tout avait très vite basculé.
A la première disparition, pas d’inquiétude particulière. Xavier était un garçon à histoire qui fuguait relativement souvent. Sa mère perdant patience, elle s’était arrêté de s’en soucier.
A la seconde disparition peu de temps après celle de Xavier, les parents eux, s’étaient inquiétés. Une enquête a été ouverte.
Cinq jours après, une troisième personne s’était volatilisée. Elle n’était pas rentrée à son appart et son fiancé s’était inquiété. C’était la plus âgée de ses camarades. Seulement vingt-deux ans et plus aucunes nouvelles de sa part du jour au lendemain.
C’est à ce moment précis, que les familles des deux premiers « fugueurs » avaient compris que ce n’était pas normal. La presse s’était réveillée et la petite ville de Carcassonne apparaissait pendant de nombreuses semaines dans les journaux télévisés.
Les disparitions avaient continué. L’inspection académique avait réalisé quelques rappels de sécurité auprès des établissements scolaires et des professeurs. Surtout ceux d’Occitanie. Les élèves de l’établissement en question ne sortaient plus, les familles étaient contrôlées par l’angoisse. D’autres, ne laissaient plus leurs ados aller en cours. Des cellules psychologiques ont été créées pour les parents endeuillés. Des professeurs quittèrent leurs fonctions et les militaires s’étaient retrouvés à envahir la ville au bout de trois semaines. Au bout de sept disparitions. De là, commençait le confinement pour tous les élèves des lycées de la ville de Carcassonne.
Les groupes d’enquêteurs avaient mis le doigt sur une explication plausible : le groupe de jeunes avaient préparés en amont leur fugue. Pourtant, il n’y avait aucun signe des départs en question. Tous, avaient leur téléphone portable. Les ordinateurs ont été fouillés. Ils avaient tous des projets : des soirées pour le week-end suivant, des poursuites d’études et même des voyages à l’étranger. De plus, aucun n’avait pris ses affaires personnelles avant de partir.
Alors la seconde hypothèse ne pouvait être que l’enlèvement. Plus réaliste aux yeux des parents et du monde. Mais aucune trace de lutte ou de sang n’avait été trouvée. Aucun corps mort ou vif n’avait été découvert dans les forêts, les plaines, les lacs ou le canal du midi à proximité de la ville.
C’était la fiction … dans la réalité.
Max, le dernier en liste, avait disparu un 16 octobre 2018. Il était parti chercher des clopes sans que ses parents s’en aperçoivent. Du moins, c’est ce que l’on croyait.
Avant qu’il disparaisse, le lycée avait fermé ses portes par ordre du directeur. De même, pour les établissements à proximité. Le taux d’absentéisme avait battu des records. Le système scolaire en France en avait pris un coup. Du jamais vu pour un pays. Le Président avait souhaité s’exprimer sur l’affaire. Les parents choqués avaient formé un groupe de soutien psychologique afin de se rassembler et d’exprimer leur torture au quotidien. Certains avaient été admis à l’hôpital.
On a jamais su s’ils étaient encore vivants … ou morts.
Ils avaient laissé derrière eux une incompréhension totale, des familles dans le chagrin ainsi que le désespoir et une France blessée. Le monde avait ouvert son cœur avec des messages de soutien à travers la planète.
Les Français avaient repris le cours de leur vie normale quelques mois après seulement. Ils étaient encore sous le choc de ces disparitions. Les parents désormais, surprotégeaient leurs enfants. Et des hommes philosophes et concernés, passaient durant l’année dans les classes pour parler de ce que la vie représentait. La sécurité a été renforcée dans tous les établissements scolaires de niveau supérieur.
En cette soirée de septembre, je terminais ma course devant mon appartement. J’enlèvais mes écouteurs et m’étirais au quatrième étage devant la porte n°9. Les bras levés inspirant profondément, je me demandais pour la première fois depuis quelques mois, si je ne devrais pas être plus prudente et courir moins tard le soir … .
Un chapitre bien écrit, et très très descriptif. Tu places le contexte, j'imagine que tu nous prépares une bonne petite action pour le chapitre suivant (en lien avec le jogging je pense, du fait qu'elle court de plus en plus tard ...)
Le seul point que j'ai relevé: les parents "endeuillés" de la disparition des enfants. Il me semble (à vérifier du coup), temps que les enfants ne sont pas retrouvés, ils ne sont pas considérés comme morts mais bien comme "disparus". A moins que les parents sont déjà désespérés de pas revoir leur progéniture... ?
Bref, ce n'est que mon avis, peut-être bon après tout. Ça serait bizarre de voir les ados revenir alors que les parents les ont enterrés deux jours avant x) Ce que je veux dire, c'est que la réaction est précipitée non ?
Bref, j'attends la suite, bon courage pour son écriture ! Je serais au rendez-vous.
A bientôt !