Chapitre 1

L’arène de l’Académie était remplie d’élèves venus voir ce spectacle extraordinaire. Deux élèves se battaient, une jeune fille avec deux épées et un jeune garçon avec une lance. 

  De la fumée s’élevait autour d’eux causé par le sable qui recouvrait le sol, le dôme en verre qui recouvrait l’arène empêchait le soleil d’aveugler les combattants, le public remplissait les gradins surélevés pour bien observer le duel et ne rien rater des actions surhumaines qui avaient lieu. 

  Les duels étaient assez fréquents dans cette école, parfois c’était pour s’entraîner en conditions réelles, sinon c’était pour régler des comptes. Mais comme ces combats attiraient beaucoup de monde, certains en profitaient pour faire monter leur popularité. 

  Ce qui surprit tous les spectateurs ce jour, c’était principalement le fait que les combattants riaient et se chamaillait pendant leur duel, bien qu’il fût brutal et vif. 

  Le souffle court, la jeune fille repéra une ouverture dans la pose de son adversaire et frappa de son épée droite sur le flanc droit du garçon pendant qu’elle attaquait sa jambe gauche au même moment grâce à sa deuxième épée. Cette fille était redoutable. Personne n’osait la prendre en défi, tout simplement parce qu’elle n’avait jamais perdu un seul combat. 

  Le garçon essaya d’esquiver avec les forces qui lui restait mais ce ne fut pas assez, il tomba à la renverse et la fille en profita pour plaquer une de ses armes sur son cou. 

  Un sourire fier barrait le visage de la gagnante qui surplombait le garçon de toute sa puissance le faisant rire aux éclats. 

  —Je vois, je vois. Je ne suis pas près de te battre on dirait, n’est-ce pas Alma ? avoua-t-il penaud. 

  —Il va encore falloir t’entraîner dur Hasper. 

  Elle rangea ses épées dans le fourreau de son dos et tendit la main à Hasper pour l’aider à se relever. 

  Les spectateurs de l’arènes n’avait rien loupé de leur combat ni de leur échange. Ils semblaient tous surpris. Alma le remarqua à leurs yeux exorbités et leurs bouches entre-ouvertes. Elle adressa un regard noir à la foule et tous, quittèrent l’arène précipitamment. 

  —Arrête un peu avec ce regard, tu fais fuir tout le monde, l’avertit Hasper. 

  —C’est justement le but. Ce n’était pas un duel public alors je ne vois pas ce qu’ils faisaient tous là.

  Hasper poussa un soupir.

  —Tu t’es créée toi-même cette réputation mais j’espère que tu ne t’en mordras jamais les doigts. 

  Sa réputation. Elle l’avait créée en effet, mais elle était loin de le regretter. Tout le monde la redoutait et personne n’osait se mettre en travers de son chemin, tout allait pour le mieux. Elle savait sur qui elle pouvait compter ou non et ceux, qui n’avait pas le courage de lui faire face et lui parler comme si elle était comme tout le monde ne méritaient pas son attention. 

  Hasper avait été le seul à agir de façon téméraire en lui proposant un défi sans aucune raison, juste pour évaluer son propre niveau. Cela avait intéressé Alma qui avait accepté et bien sûr, gagné. 

  Depuis une amitié était née. Elle le regarda avancer sur le chemin bordé d’arbre en fleur, son chignon blond bougeait au rythme de ses pas, sa démarche négligée et les mains dans les poches de son uniforme, il avait tout du garçon indifférent et négligeant. C’était le cas en effet, lorsqu’il ne combattait pas. 

  —Au fait tu vas à la réunion cet après-midi ? demanda-t-il.

  La réunion sur les examens de fin d’année. Alma l’avait complètement oublié !

  —Ne me dit pas que tu avais oublié. 

  —Pas du tout, j’ai… des choses plus importantes à faire, mentit-elle. 

  —Comme quoi ?

  Il s’arrêta de marcher et se tourna vers elle. Il était bien plus grand et Alma avait horreur de devoir pencher la tête pour voir son visage, parce qu’il en profitait pour se moquer.

  Elle n’était pas complexée par sa petite taille, au contraire. Pendant les combats elle gagnait en vitesse et en feintes et ça, c’était son atout favori.

  —Je dois m’entraîner, elle annonça reprenant la marche. 

  Hasper la regarda d’un air réprobateur. 

  —Tu t’entraînes déjà bien assez tu ne crois pas ?

  Elle lui adressa un regard noir qui contrastait avec le sourire narquois sur ses lèvres. 

  —Je me passerai bien de tes remarques. 

  Il ouvrit la bouche pour répliquer quelque chose mais la referma aussitôt emboitant le pas à Alma. 

  Ils passèrent le grand portail en or de l’Académie où des centaines d’élèves bavardaient et rigolaient. Alma observait tous ces gens et repéra une fille rousse aux boucles imposantes, elle la reconnu tout de suite. 

  —Il y a Mariana là-bas, dit-elle en pointant du doigt un groupe d'ami. 

  Un sourire étincelant venait de naître sur le visage d’Hasper et ses yeux s’étaient mis à briller. 

  —Va la rejoindre, moi je dois y aller, annonça Alma. 

  Il se tourna vers elle et son sourire disparut. 

  —Tu devrais essayer de prendre du bon temps. De t’amuser avec les autres et te faire de nouveaux amis.

  —Ça ne m’intéresse pas. A demain. 

  Et elle partit sans attendre de réponse. 

  Se faire des amis ? Et puis quoi encore. Elle n’avait pas le temps pour ce genre de futilités. 

  À cette heure de la journée la brise était fraîche. Elle soulevait les cheveux d’Alma qui s’envolaient et lui caressait la nuque, elle en eu des frissons. Le soleil n’était pas près de se coucher alors elle se dirigea vers la plage. Pas en marchant. Parce que s’il y a bien une chose que les magiciens d’Acinia étaient capable de faire mieux que n’importe qui c’était voler. Alors elle vola. 

  De grandes ailes se déployèrent et la propulsèrent dans le ciel. De magnifiques ailes blanches aux reflets grisées. Elle tourbillonna au gré du vent, allant de plus en plus haut.   

  La ville rapetissait au fur et à mesure qu’elle prenait en altitude. Au bout d’un moment elle s’arrêta, réalisant qu’elle été bien plus haute que prévu. Alors elle en profita pour se délecter de la vue. 

  De cette hauteur, Alma pu observer l’entièreté du royaume, allant des montagnes du nord à la mer qui bordait l’ouest et le sud.

  Elle planait dans le ciel contemplant l’endroit où elle vivait. Un pays si vaste et rempli de ressources, tant naturelles que magiques. Le soleil rayonnait de son plus bel éclat et faisait briller les Joyaux de la Couronne répartis dans les cinq tours du royaume. Dans les montagnes du nord Alma reconnu la Citrine d’un jaune vif, le tranchant du vert Emeraude près de la Grande Falaise de l’est, la tendresse du Saphir bleu dans les résidences du sud-est, le doux violet de l’Améthyste au sud-ouest dans l’Académie et enfin le rouge éclatant du Rubis de l’ouest dans la bibliothèque.  

  On lui avait déjà dit que ces tours formaient une étoile mais c’était la première fois qu’elle la voyait pour de vrai. Vu d’ici le royaume semblait minuscule mais il était d’une splendeur à couper le souffle. 

  Malgré les apparences et ce que pourrait laisser penser sa réputation, Alma adorait admirer et profiter de la nature ou du paysage, c’est bien pour cela qu’elle se dirigea vers la plage. Parce qu’il n’y a rien de plus calme et apaisant que la mer. Elle n’était pas encore arrivée qu’elle sentait déjà l’air marin lui chatouiller le nez. 

  Le sable remua quand ses grandes ailes battirent une dernière fois pour atterrir. Du sable et la mer s’étendait à perte de vue sans personne, elle était seule à cet endroit, seulement elle et sa solitude. Elle se déchaussa et alla tremper ses petits pieds dans l’eau froide de la mer. Pour une fois, elle appréciait son uniforme qui était composé d’une jupe noire, elle n’eut pas besoin de se déshabiller pour tremper ses pieds et sentir la froideur printanière. 

  Elle respirait à fond cet air si pure et délicat profitant de cet instant de tranquillité. Elle avait détaché ses cheveux noirs qui à présent, volaient dans la brise marine avec délicatesse. 

  —Je savais que tu serais là. 

  Alma sursauta mais se reprit, reconnaissant cette voix. 

  —Pourquoi es-tu ici, Loréa ?

  Une fille aux cheveux clairs venait d’arriver. Elle était grande, bien plus qu’Alma et marchait avec grâce. Elle ressemblait bien plus à une danseuse qu’à une magicienne avec ses longues jambes fines. 

  —Il fallait que je te transmette une lettre, dit-elle agitant le papier blanc au-dessus de sa tête, et comme tu n’étais pas chez toi je suis venue ici. 

  Alma souffla mais rejoignit Loréa hors de l’eau. Le sable doux lui collait aux pieds. 

  —De qui est cette lettre ? 

  —De la reine.

  Elle grimaça avant de prendre la lettre.

  —J’ai reçu la même. 

  Alma ne répondit rien et lut la missive. 

  —Un bal ? Sérieusement ?

  —OUI ! dit Loréa sautillant sur place, le sourire jusqu’aux oreilles. 

  Un bal royal. C’était un événement grandiose qui avait lieu tous les ans pour chaque génération. Tout le monde attendait avec impatiente son tour. Tout le monde, sauf elle. 

  —Je n’irais pas, annonça-t-elle.

  Loréa la dévisagea longuement. Elle était du genre très joyeuse et optimiste, à vouloir profiter de chaque occasion qui se présentaient pour s’amuser, alors le bal était celle qu’elle attendait le plus. 

  —Tu m’énerves des fois tu sais ?

  —Et toi tu m’énerves tout le temps, répliqua Alma avec un petit sourire. 

  Elle retourna dans l’eau mais cette fois si elle ne resta pas au bord, elle plongea la tête la première et apprécia ce moment de détente. La fraîcheur de l’eau la fit frissonner et ses vêtements qui lui collait à la peau, lui donnaient l’impression de peser une tonne.

  Remontant à la surface, elle vit Loréa en train d’enlever ses chaussures. Elle sourit. Elle savait que son amie détestait l’eau froide alors elle n’arriverait pas à la rejoindre. Pourtant allant de surprise en surprise, celle-ci arrivait près d’elle, une grimace sur le visage. Alma rigolait pour de bon cette fois. 

  —Ne te moque pas de moi ! s’énerva Loréa. 

  —Non je n’oserai pas, feint Alma. 

  Elle esquissa un sourire. Loréa était l’une des seules personnes qu’elle appréciait vraiment et en qui elle pouvait avoir confiance. Elles se connaissaient depuis l’arrivée d’Alma, il y a six ans maintenant. 

  —Tu ne veux vraiment pas venir au bal ? lui demanda son amie qui la suppliait du regard. 

  Alma rigola face à la tentative désespérée de Loréa. 

  —Tu sais très bien que ce genre d’événement ce n’est pas pour moi. Il y a trop de monde et puis tu me vois porter une robe de bal ? Sérieusement non merci. 

  —C’est tellement dommage ! Je suis sûre que tu serais tellement belle avec. 

  Elle la dévisagea. 

  —Beurk. 

  —Roh allez s’il te plait. 

  —Non. 

  —Almaaaaaaa !

  —Non ! 

  Alma l’éclaboussa et lui donna un croche-pied pour la faire couler - et taire en même temps. Loréa ressorti en toussant, manque de chance elle avait bu la tasse. 

  —T’es méchante ! 

  —Toujours.