Chapitre 1

Le Delta-B-09 se posa avec perte et fracas manquant de peu la piste d’atterrissage dédiée à ce but. Amaëryl sortit de l’engin les poings serrés. Ses cheveux habituellement lisses présentaient plusieurs épis ça et là signe du chamboulement qu’avait subi son véhicule. La voleuse manqua de cracher ses poumons à force de tousser. De la fumée noire fuyait par les réacteurs tandis que le flan droit du vaisseau se trouvait carbonisé, le métal de protection ayant fondu sous une puissante chaleur. Plusieurs mécaniciens se dirigèrent à la hâte vers le Delta munit de plusieurs lances et de tout type de matériel électronique. Ses bottes métalliques claquaient avec rage sur le goudron faisant tinter les chaînes qui se trouvaient accrochées aux armatures.  

  • « Fate !  Si tu ne ramènes pas ton cul ici dans les 30 secondes qui arrivent. Je te jure sur ta propre tête que tu peux déjà creuser ta tombe sale gosse ! »

Le dit Fate courrait à perdre haleine tentant de trouver une planque adaptée à la situation. Le jeune homme était sûr d’une chose, si Am arrivait à lui mettre la main dessus il ne donnait pas cher de sa peau. Comme à chaque fin de mois les locaux de la gamma-corp étaient en pleine effervescence. La voleuse se frayait un chemin tant bien que mal entre les différents membres de la corporation qui allaient et venaient dans le vieux bâtiment de pierre. Une migraine prenait en étaux son crâne tandis qu’elle était occupée à pister le l’adolescent aux cheveux rouges. La voleuse croisait autant de visage connus que de visages inconnus. Beaucoup de personnes différentes affluaient au QG de la Gamma Corp : des voleurs, techniciens et mécano en quête de travail, de simples personnes en quête de justice voulant aider leurs prochains, des populations dans le besoin réclamant de l’aide pour leur survie. Des groupes hétéroclites encore marqués par les conséquences de l’explosion de Primæ 18 ans en arrière.

Les bottes de la voleuse ne cessaient de claquer contre le sol, la brune ne décolérait pas. Fate était un adolescent d’une quinzaine d’année. Am l’avait recueilli lors d’une de ses nombreuses rixes, il avait seulement 3 ans. Dans l’ombre la guerre pour le pouvoir faisait rage, une guerre froide, sans bruit, juste des actions dispersées çà et là. Les puissants ne risquaient rein, le peuple lui en revanche, servait de dégât collatéral. La famille de Fate avait été massacré lors de l’une de ces actions sanguinaires, le renouveau un groupuscule de l’ombre avait mené une attaque sur plusieurs planètes simultanément. 10 villages massacrés, des centaines de personnes massacrées humains, robots, hybrides, aliens, nul n’avait été épargné par la furie des assassins du renouveau. Am était arrivée à l’instant où l’un de ces assassins allait lancer l’enfant aux cheveux rouges dans un brasier géant. Pour la première fois de sa vie Am se couvrait les mains de sang. Certes pour une bonne cause, mais elle n’avait jamais tué auparavant, depuis ce jour Fate était devenu son apprenti et protégé. Et il venait accessoirement de manquer de détruire son vaisseau.

L’adolescent était plus rusé qu’une fouine. Il n’aurait pas eu l’idée de se cacher dans une foule, mais plutôt dans un lieu plus désert. Naturellement la jeune femme se dirigea vers le hangar où se trouvait une multitude de vaisseaux. Le contraste entre le hangar et le QG principal de la corporation était assez effarant, si le château principal semblait vétuste et vieilli, le hangar lui était un bijou de technologie. Hologramme de projection, capteur de virus, scanner de panne, pièces de mécaniques, programmes d’intelligences artificielles, tout le matériel adéquat pour réparer n’importe quel vaisseau du plus ancien au plus sophistiqué.

Cet endroit se trouvait être le territoire des techniciens et des pirates de la Gamma-corp. Ayez le malheur de poser un orteil à l’intérieur du hangar sans une raison bien précise et vous risquiez d’y perdre quelques plumes au passage. Vaisseau de combat, arsenal militaire, vaisseau de voyage. Am se glissaient entre les différents engins toujours à la recherche de la tignasse flamboyante de son apprenti. Tout était calme. Trop calme. De retour de mission la jeune femme avait toujours l’habitude de traîner dans le hangar aidant au pied levé son amie mécano Zyndia. Cette dernière passait ses journées à chanter et à sauter dans tous les sens manquant de rendre fou les hackers travaillant non loin. Perdue dans ses pensées elle ne vit pas venir la clé à molette qui la percuta de plein fouet au milieu du front. Une plainte de douleur échappa à l’humaine pendant que l’objet retomba au sol dans un bruit vacarme métallique.

  • « Bonjour Raph’ moi aussi ça me fait plaisir de te voir. » Ironisa la jeune femme en se frottant le front où régner à présent une marque rougeâtre.

Le dit « Raph » sortit de sous un vaisseau militaire, un modèle « B-III-V » dernière pièce de chasse de Zyndia. Sans aucune parole le jeune homme prit place devant son écran de contrôle accolé au vaisseau. Ses doigts vernis pianotaient sur les touches pendant que la lumière de l’écran se reflétait sur l’iris du hacker.

La voleuse ne fut pas étonnée par le comportement de son collègue. Raphaël n’était pas un grand bavard, il se trouvait l’être encore moins lorsqu’il se mettait à travailler. Amaëril finit par s’adosser au bâtiment militaire observant l’attitude de l’homme en face d’elle. La surexposition en lumière du hangar n’empêchait pas la lumière de l’ordinateur de se refléter sur les bouts de métaux enfoncés ça et là dans le visage du jeune homme. Des implants de pure technologie. Raphaël faisait partie d’une race appelée hybride : nés humains les hybrides lors de leur croissance subissent de nombreuses opérations afin de remplacer plusieurs parties de leur corps par des implants de technologies pures. Au cours de ces voyages Amaëril n’avait rencontré que peu d’hybride. La douleur des opérations était telle que le cœur ne supportait pas toujours le choc. La voleuse avait entendu pas mas de rumeur à propos de cette race, les hybrides ne vivaient jamais vieux, si la douleur des implants ne les tuaient pas, c’est la psychose qui les emportaient. De justesse la brune rattrapa une clé USB qui volait en sa direction.

- « C’est une manie chez toi tenter d’assassiner les gens ? »

- « Et toi ta manie, c’est de détruire ton vaisseau ? »

La hacker désigna d’un mouvement de tête le Delta-B-09 dont de la fumée noire fuyait encore tandis qu’un bon nombre de mécaniciens se pressait autour du bâtiment afin de limiter la casse. La jeune femme se racla la gorge avant de hausser les épaules.

- « Premièrement ce n’est pas de ma faute. J’ai rencontré un imprévu appelé obus anti-technologie. D’ailleurs je pourrais savoir qui a laissé ce canon entre les mains de Fate ?»

- « Ce gamin était intenable. Il courrait de partout dans le hangar, je lui ai donné de quoi s’occuper. » répondit Raphaël de sa voix traînante. « Manque de bol, tu étais sur la route. Je suis quasiment sûr que si ce mioche savait mieux viser il aurait enfin pu t’éliminer. »

Un léger sourire en coin souleva les lèvres du pirate informatique. Tandis que durant un bref instant ses pupilles s’illuminèrent d’un éclat rieur. Les deux membres de la corporation éclatèrent de rire à l’unisson. La voleuse secoua la tête sourire aux lèvres. Ce genre de blague était courante entre les deux amis. Après tout, leur première rencontre pouvait se résumer à une tentative mutuelle d’assassinat. Tout ceci avant de finir par travailler ensemble, personne n’y aurait cru. Après quelques indications précise de la part de Raphaël, la brune se rendit dans le fond du hangar. Là-bas elle y trouva un petit vaisseau à la carrosserie rayée. C’était un simulateur de vol utilisé par les jeunes recrues. Le garçon caché à l’intérieur sentit la douleur de la claque à l’arrière de son crâne avant de voir venir la brune.

- « Mais aïe !» S’exclama Fate. « Je vais finir par appeler S.O.S jeune technicien battu !»

Le garçon aux cheveux rouges et noirs tentait tant bien que mal de sauver les apparences. Intérieurement il était à la fois inquiet et paniqué. Après tout il avait tiré sur le vaisseau de son mentor. Bien que le vaisseau de celle ci se trouvait en basse atmosphère la chute aurait pu être fatale pour Amaëryl. Fate se faisait tout petit en suivant la jeune femme. Comme à son habitude il entortillait la chaîne se trouvant à sa ceinture autour de ses doigts, signe de nervosité. La brune avait bien capté cette sale habitude. Sans un mot, elle le conduisit à l’extérieur. Le moteur de son vaisseau avait cessé de fumer. L’humaine contempla quelques instants les ruines de ce vaisseau qui l’avait accompagnée dans bien des rixes. Ce même vaisseau ou Fate avait embarqué quelques années auparavant. Elle se laissa tomber sur le goudron assise en tailleur. L’élève et le mentor se trouvaient à l’abri du soleil sous un des haut-vent protégeant l’entrée du hangar. De là ils pouvaient tous les deux voir les techniciens s’affairaient à tenter de sauver ce qu’ils pouvaient de la carcasse du pauvre vaisseau.  Le garçon lui était resté debout contemplant son œuvre. Fate avait du mal à déglutir il se sentait coupable. S’il n’avait pas été aussi imprudent avec cette arme entre les mains alors rien de tout ceci ne serait arrivé. Pendant un long moment le silence régna entre les deux personnes.

- « A ton avis que serait il arrivé si ce n’avait pas était moi aux commandes ?»

 La jeune femme finit par briser le silence sa voix était neutre. Après tout l’adolescent se torturait déjà bien assez sans que Am n’ai à en rajouter.

- « Heureusement que j’ai pu l’éviter de prime à bord. Et que l’obus n’a touché que la partie arrière.»

- « Je sais. J’suis désolé Am. Je..j’ai pas réfléchis, bordel j’aurais pu tuer quelqu’un ! »

La voix de l’adolescent se brisa à la fin de sa phrase. Lui-même était hanté par les fantômes de son propre passé.  Lui qui avait vu nombre des siens périr il avait la mort en horreur. L’apprenti technicien finit par se laisser glisser au sol, aux côtés de son mentor, il laissa ses genoux remonter contre sa poitrine. La brune se contenta de tapoter ses cheveux rouges d’un geste maternel.

- « Les conneries ça arrive à tout le monde. Le principe c’est d’apprendre de ses erreurs et de ne pas recommencer. Donc apprends à viser crétin. Je suis sûre que tu ferrais un bon sniper sur le terrain. »

La poitrine de l’adolescent se souleva rapidement sous un rire étouffé. La voleuse frappa à nouveau l’arrière de son crâne ce qui lui arracha cette fois un vrai rire. Am secoua la tête amusée. Elle finit par se relever époussetant rapidement son pantalon de cuir. Puis elle se dirigea alors vers le bâtiment central de la planque.    

- « Au fait avant que j’oublie ! Tu vas bosser sur le Delta jusqu’à ce qu’il soit complètement comme neuf et c’est un ordre gamin ! »

A mesure qu’elle s’éloignait la brune pouvait entendre Fate pester contre elle. L’effervescence autour de la base de la corporation avait finie par se calmer. La voleuse passa la lourde porte en bois d’entrée du bâtiment, alors qu’elle allait refermer les battants de la porte un cri retenti de l’extérieur.

« - La porte ! La porte ! La porte !»

 

Alors que la voleuse se décala devant la porte afin de voir qui était la personne à l’origine du cri, une masse rouge vint percuter la brune qui elle même se retrouva bien vite contre le sol. Durant un instant la respiration d’Am se coupa, elle lâcha un grognement mi-plaintif, mi-agacé.

- « Bordel Zyn’. On ne t’a jamais dis de ne pas foncer sur les gens comme ça ? Fais gaffe je commence à plus sentir mon estomac. »

La dite Zyn était allongée de tout son long au-dessus de son amie. Il lui fallut quelques longues secondes avant de se rendre compte de la situation dans laquelle elle se trouvait. La mécano roula alors sur le côté se retrouvant allongée à côté de la voleuse. Un simple coup d’oeil et les deux amies s’enflammèrent d’une crise de rire endiablé. Zyn plus communément appelée Zyndia retira ses lunettes rondes de protection dont l’élastique couina à l’arrière de son crâne. Toutes deux se relevèrent quand leur fou rire s’estompa avec difficulté. Comme par reflex Am épousseta son pantalon alors que Zyndia renouait le nœud de sa cape rouge, puis elle remit un peu d’ordre dans ses cheveux crépus quelques peu déformé par l’attache de ses lunettes .

- « Pour ma défense, j’étais en retard ! » Se justifia la mécano. « D’ailleurs qu’est-ce que tu fais encore ici ? Je te pensais déjà en salle de briefing. Tu sais bien que le patron n’aime pas quand on est en retard.»

Les sourcils d’Am se froncèrent, elle ne comprenait rien aux dires de son amie.

- « Pourrais-tu, oh grande technicienne que tu es, m’expliquer de quoi tu parles ?» Se moqua à moitié la voleuse.

- « Le boss a dit qu’il avait un gros coup pour nous» expliqua la mécanicienne pendant que les deux femmes se dirigeaient vers la salle de réunion Est du bâtiment.

- « Cette fois un vrai gros coup.» Précisa Zyndia en voyant l’air à la fois moqueur et peu rassuré de son amie.

- « C’est vrai que c’est pas comme si j’avais finis par me faire dévorer vivante par une armée de vers géants la dernière fois qu’il m’a envoyé sur ce genre de «gros coup».»

Am eut un frisson de dégoût. Le principe de la Gamma-corp était simple : voler des vaisseaux aux personnes les plus fortunées, les réparer et leur apporter des modifications, puis les revendre à d’autres riches. Ainsi la Gamma-corp récupérait une coquette somme d’argent que les dirigeait divisés pour faire vivre la partie pauvre du peuple.  

Mais depuis plusieurs mois leur dirigeant intéressait de plus en plus à des navires de guerre. Tout ça au grand désarroi de la voleuse, s’attaquer à des richou peureux était une chose s’attaquer aux dernières forces armées restant de l’Empire ça en était une autre. Amaëryl l’avait appris à ses dépends, plusieurs mois en arrière elle avait été envoyée récupérer un vaisseau de guerre abandonné sur la planète Ferra Terras. Une planète aride et désertique où très peu d’êtres vivants pouvait espérer survivre. Cette mission devait être un «gros coup» ainsi qu’une « formalité». Cette fois là la jeune femme avait commis l’erreur de tout débutant, écouter son supérieur et sous estimer sa mission. Le IZK-9 s’avérait être en vérité un piège, piège où l’humaine avait sauté à pied joint. Elle, c’était retrouvée bloquée dans une sorte de crevasse où une colonie de vers des sables géant avait établie son repère. Amaëryl avait manqué de peu de leur servir d’amuse bouche. Et elle ne voulait pas parler de la pléthore de gardes qui l’attendait à la sortie de la crevasse. Depuis elle restait plutôt septique quand à la facilité des missions que l’on pouvait lui confier à elle et son unité.

Zyndia haussa las épaules quand au commentaire de la voleuse.

- « Imagine, c’est possiblement le plus gros coup de notre vie qui sait ?» ria la jeune femme.

La brune secoua la tête amusée. Les deux compères finirent par arriver devant la porte en bois de la salle de réunion. Aucune d’elles n’eut besoin de toquer puisque la porte s’ouvrit sur un homme à la carrure massive, la lumière de la pièce se reflétait sur son bras métallique. Les yeux noirs de l’homme s’illuminèrent d’une lueur rougeâtre presque menaçante. Il fixa de haut en bas les jeunes femmes face à lui et finit par se décaler derrière la porte, cette dernière s’ouvrit en grand.

- « Entrez. Vous êtes en retard.» Sermonna le géant d’une voix grave.

La voleuse et la mécanicienne s’engouffrèrent dans la salle de réunion. La pièce était absurde d’elle même. Un mélange entre l’ancien et la technologie. De nombreux écrans se trouvaient encastrés dans les murs en pierre grisâtres. Sur la table en bois massif se trouvaient un grand nombre d’holo vidéo en attentent d’activation. Les 6 personnes dans la pièce, dont deux hologrammes,  se tournèrent vers les nouvelles venues. Amaëryl n’eut pas le temps de reconnaître les personnes autour de la table qu’une voix forte et enjouée clama avec entrain.

- « Et voilà nos retardataires ! Parfait ! Mesdames prenez place ! Le projet V.I peut commencer ! »

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez