Corpaulum ville centrale de la planète Primæ, capitale de l’empire. La population ne cessait d’affluer ces dernières années. L’empereur Xanos régnait depuis des décennies sur la galaxie d’Hincundi. Malgré quelques tentatives de renverser le gouvernement tout n’était que paix et prospérité. De nombreux nobles venant de part et d’autre de la galaxie affluaient en direction de Primæ Tous se pressaient vers le palais impérial. Ce jour-ci était un jour bien particulier : le jour de la passation de pouvoir. L’empereur Xanos troisième du nom déléguait le pouvoir à son fils Antons. Une première depuis que les planètes avaient vu vivre l’humanité. Habituellement le titre et le pouvoir de l’Empereur se transmettait après la mort de l’empereur en fonction. Nul ne connaissait le motif de Xanos quant à ce changement soudain de tradition, pas même ses plus proches conseillers. Beaucoup de gens allaient et venaient, les rues habituellement fluides étaient à présent noires de mondes, les pas se pressaient, les voix s’éraillaient. Le soleil ardant se reflétait sur la structure du palais aveuglant quiconque le contemplait trop longtemps. Les gardes Impériaux tentaient tant bien que mal de réguler les visiteurs au-delà des ponts reliant le palais à Corpaulum. Au milieu de toute cette euphorie un enfant courrait tentant de se frayer un passage au travers de la population surexcitée. Sa fine corpulence et sa petite taille lui permettait de se frayer rapidement un chemin entre les jambes des nobles. Une nouvelle glissade sur le sol cuivré et Xavis se faufila avec aisance entre les jambes d’un garde en armure.
« - Petit revient ici ! » le hélas le garde.
Mais Xavis ne l’entendait pas trop occuper à courir droit devant lui. Il passa le grand portail permettant l’accès au palais. Un hurlement horrible lui vrilla les tympans, par réflexe l’enfant posa ses mains sur ses oreilles. Un rapide coup d’œil en arrière confirma son idée. Deux gardes en armure se trouvaient sur ses talons, ils gagnaient du terrain à vue d’œil. Le garçon aux cheveux violet se mit à compter à rebours mentalement : 10, 9, 8. Un garde lui barrait le chemin quelques mètres plus loin prêt à réceptionner l’enfant sur cette ligne droite. Tandis qu’il continuait son décompte Xavis se déporta sur la gauche son corps frôlant de près les barrières de protection du pont. Son pied prit appuie sur une caisse appuyée le long de la barrière. Quand il atteint le 0, l’enfant se propulsa de toutes ces forces en avant déviant son saut toujours vers la gauche. Il put sentir le bras d’un des soldats dans son dos manquer de le saisir par sa tunique. Durant une demi seconde le cœur du garçon s’arrêta. Plus aucun sol sous ses pieds, juste le vide, le ciel et les nuages. À l’instar de son cœur la respiration du petit humain, c'était arrêté, il ferma les yeux priant intérieurement pour avoir réussi sa manœuvre. Son corps frêle s’écrasa un mètre plus bas, ses pieds cédant sous son poids et sa vitesse, sur un drone de contrôle qui volait par là. La poitrine de l’enfant se souleva de manière frénétique, un éclat de rire franchit ses lèvres. Xavis ouvrit à nouveaux les yeux ses iris verts pétillants de malice. Le garçon prit place en position assise sur le drone, il fit un petit signe de la main aux gardes qui le regardèrent s’éloigner incrédules. Les soldats impériaux venaient de se faire berner par un enfant. Le drone de surveillance continuait de voler suivant l’itinéraire pour lequel il avait été programmé. L’enfant sifflotait de manière insouciante presque insolente. Même si extérieurement il ne semblait rien laisser paraître, intérieurement il en était tout autre, il l’avait échappé belle. Le jeune garçon n’osa pas imaginer ce qui aurait pu lui arriver cette fois si les gardes avaient réussi à l’attraper. Ses fesses se rappelaient encore de la douleur qu’il avait subi une semaine auparavant après s’être fait attraper en train d’infiltrer au palais.
Les cris des gardes et de la foule se firent plus lointains. Le drone prenait de l’altitude en émettant de petits bruits de « bip » joyeux. Xavis eut le malheur de regarder en contrebas. Des nuages s’étendaient à perte de vue. Aucune terre en vue, juste du vide. Son cœur rata un battement et son estomac se mit à brûler. L’enfant déglutit avec difficulté tandis que le robot commençait à remonter. Au moment où le jeune garçon allait relever la tête une orange vint rebondir sur son crâne avant de tomber dans le vide.
« - Aie ! » Seule une onomatopée franchit les lèvres de l’humain, il fut bien vite suivi d’un rire aigu.
Avec un grognement le garçon aux cheveux violets releva la tête pour croiser le regard malicieux d’une enfant couronnée dont la tête dépassait d’une fenêtre ouverte.
-« Touché et en pleine tête ! Ça compte au moins pour deux points ! »
-« C’est pas du jeu ! » rétorqua Xavis « Je n’avais rien pour me défendre tu as triché ! » Une légère moue boudeuse prit place sur les traits du garçon.
Avec difficulté, il se redressa sur le drone qui se mit à tanguer. Une fois à la hauteur de la fenêtre Xavis sauta et se rattrapa au rebord du bout des doigts. Un petit glapissement franchit ses lèvres tandis que ses jambes battaient dans le vide. Deux petites mains se saisirent de sa tunique le tirant à l’intérieur de l’ouverture à l’abri. Le garçon n’eut pas le temps de remercier sa sauveuse, en effet, le roturier s’écrasa tête la première contre le sol dallé. Des larmes perlèrent au coin de ses yeux, son nez avait été la première partie de son visage à rencontrer le sol. Ce qui n’était pas la chose la plus agréable il devait l’avouer. Xavis s’assit sur le sol froid et se frotta le nez d’un air grognon. Un nouveau rire aigu raisonna dans la grande pièce. Il entendit les fenêtres claquer signe de fermeture. L’enfant face à lui, lui tendit la main avec un doux sourire amical.
-« Tu as mis les soldats en rogne ! Tu as eu de la chance que j’ai entendu le chef Argston jurer comme un charretier. Mon père n’aurait sûrement pas apprécié tomber sur toi tu sais ? »
« Pff ». Voilà le seul son que répondit le garçon. Il se saisit de la main de la fille face à lui qui l’aida à se relever.
-« J’aurais trouvé un moyen de m’en sortir je le trouve toujours ! » bougonna l’enfant en époussetant inutilement ses vêtements.
« Alors qu’est-ce que ça fait de se retrouver numéro 2 hein ? » Xavis ricana alors que le visage de la fillette se crispa.
Ses pieds nus se déplaçaient sur le sol sans un bruit, sa robe surmontée de multiples jupons l’empêchait de bouger aisément. L’enfant aux cheveux violets ne put retenir un rire en voyant son amie dans un tel accoutrement. Elle était bien loin la petite fille aux vêtements rapiécés qu’il avait croisé sur les marchés de Corpaulum.
-« Tu as de la chance que… » commença à bougonner la deuxième enfant.
Mais sa menace fut coupée courte par une fanfare de trompette qui s’exclamèrent. Les yeux de la princesse s’écarquillèrent, brusquement elle prit la main du roturier et le tira à sa suite. Tout deux quittèrent la chambre de la petite fille se dirigeant vers la salle de réception royale.
-« Nous sommes en retard pour le couronnement vite ! »
Xavis suivait tant bien que mal l’allure effrénée de sa cadette, l’empêchant plusieurs fois de tomber à cause de sa lourde robe. Le garçon aux cheveux violets tentait d’analyser le chemin par lequel ils passaient sans grands succès. Les couloirs se ressemblaient tous brillants de mille et une dorure. Bientôt l’enfant brune ralentie la cadence de sa course, sa respiration entrecoupée de soubresauts. La dernière-née de la famille royale avait beau faire la fière, sa condition physique se trouvait être déplorable ce qui amusait son ami.
-« Si on tourne à cet angle… on devrait pouvoir… arriver à la salle du trône. » Chaque mot de l’héritière était entrecoupé d’une lourde inspiration.
Tandis que le duo tourna à l’angle d’un dernier couloir, pour se retrouver devant les portes de la salle de réception, une explosion retentit à l’intérieur de cette même salle. Aucun des deux enfants n’eût le temps de faire un commentaire que le souffle de l’explosion se répandit en une énorme vague de chaleur. Les lourdes portes s’ouvrirent avec violence et la force propulsa plusieurs mètres en arrière les deux chérubins, comme une brindille portée par le vent. Tout devint noir. Xavis sentit son corps s’irradier de la pointe de ses cheveux au bout de ses orteils. Il tenta d’ouvrir les yeux, le paysage était flou. Son corps hurlait de l’intérieur la douleur était à peine supportable. À quelques mètres de lui se trouvait un petit corps étendu entre deux débris de métal. Il tenta de se redresser, sans succès, une fumée noire avait envahi le couloir. Des flammes dansaient sur les murs tandis que des bouts de plafonds chutaient sur le sol. L’enfant se mit à ramper difficilement vers son amie. Les flammes léchaient à présent le sol, engouffrant dans leur chaleur la moindre petite particule pouvant s’enflammer. Xavis tendit sa main vers la masse évanouie mais tout espoir semblait vain.
-« Amaëryl ! Amaëryl ! Amaëryl ! AMAËRYL ! »
La jeune femme se réveilla en sursaut. Le réveil fut si rude que la tête d’Amaëryl heurta violemment le sol. Visiblement elle, c'était endormie à son poste de pilotage. Un grognement de douleur échappa à la voleuse.
« - Bordel Dux ! Qu’est ce qui te prends de hurler comme ça ?! »
Une forme translucide se matérialisa devant la jeune femme. Il fallut par ailleurs quelques instants à la brune pour reprendre correctement ses esprits. Son visage était couvert de sueur et sa respiration lourde. C’était toujours le même cauchemar. Amaëryl avait fini par se relever manquant de cogner son crâne endolori contre le poste de pilotage. Avec un soupir la voleuse regarda sa campagne de voyage en se massant l’arrière du crâne. Ladite Dux croisa ses bras sur sa poitrine holographique, un air sévère au visage.
-« Si c’est pour recevoir un tel traitement je te laisserai hurler à la mort la prochaine fois. » commenta l’Intelligence Artificielle.
Un soupir lourd affaissa la poitrine de la voleuse. Dans l’immédiat elle ne trouva rien à répliquer. La jeune femme se massa les tempes en tentant de reprendre son esprit.
-« Tu devrais aller te préparer. Dans moins de 5 minutes, nous serons sur Mekanœ. »
Après avoir délivré son message l’IA disparut dans un grésillement électrique aussi vite qu’elle était apparue. La brune laissa alors le « Delta-B-09 » en pilotage automatique et se rendit dans son dortoir afin de se changer. Il était temps pour elle de rentrer à la maison.