Les mésanges chantaient.
Le soleil était resplendissant en cette fin d’après-midi. La chaleur, elle, étouffante.
Allongé à même le gazon, je profitais des hautes températures, bien loin du ciel gris d’Angleterre.
L’auberge Chez Acampora était située dans une jolie bourgade fleurie du sud de la France. Pas plus d’une trentaine d’habitations, toutes aussi éloignées les unes que les autres. C’était à cet endroit retiré du monde que j’avais décidé de passer quelques semaines, afin de me ressourcer.
Tout plongé dans mes pensées, j’entendis à peine monsieur Henry Acampora, le maître de maison, s’approcher de moi.
- M’sieur Laon ? commença-t-il d’une petite voix, comme pour ne pas me déranger. Voulez-vous nous rejoindre dans le petit salon ? Nous nous apprêtons à servir le thé.
- Le thé ? demandai-je en m’appuyant sur mes coudes. Mais, vous ne buvez pas de thé, ici.
- En effet, jeune homme. Mais, puisque vous repartez demain, nous nous sommes dit que c’était un bon moyen de fêter votre départ. Il ne sera certainement pas aussi bon que chez vous, mais-
- Oh, monsieur Acampora ! m’exclamai-je en me relevant. Je vous en suis très reconnaissant, vraiment. J’ai hâte de le goûter !
Nous nous dirigeâmes alors à l’intérieur de la petite auberge.
Isabella Acampora, la fille de l’aubergiste, était en train de dresser la table. Sa longue chevelure blonde était relevée en une queue de cheval. Son visage pâle s’éclaircit en un merveilleux sourire quand elle nous vit entrer.
- Monsieur Laon ! J’espère que vous apprécierez le thé. Nous n’avons pas l’habitude d’en faire, alors excusez-nous si la saveur n’est pas aussi exquise que chez vous.
- Il sera parfait, Isabella, j’en suis certain. Je vous en remercie.
Alors qu’Acampora tirait une chaise pour me permettre de m’assoir, Slavomir Beran descendit les escaliers menant aux masures.
Vêtu d’une simple chemise blanche et d’un pantalon en flanelle, ce jeune peintre d’origine tchèque me faisait toujours une drôle d’impression. Les yeux noirs, le visage fermé, il semblait continuellement se méfier des gens autour de lui.
- Bonjour, lâcha-t-il si bas que je peinais à l’entendre.
Sa voix naturellement basse et son léger accent me donnait bien du mal à tenir une conversation avec lui, mais je décidais de ne pas baisser les bras.
- Bonjour, lui répondis-je alors d’une voix claire. Avez-vous avancé sur votre prochaine œuvre ?
- Pas vraiment, je suis encore loin d’avoir terminé...
Sans rebondissement de sa part, je considérai qu’il ne voulait pas converser davantage. Ce n’était pas faute d’avoir essayé...
Isabella commençait à servir le thé. Son père, assis en bout de table, tourna ses petits yeux vers l’entrée.
- C’est étrange, dit-il. Hazel devrait déjà être arrivée.
Hazel Ludena, bohémienne sans un sou, ne ratait jamais l’heure du café. Ou, présentement, du thé. Or, cette fois-ci, elle brillait par son absence.
Un grabuge se fit soudain entendre à l’étage. Quelques secondes plus tard, les frères D’Asande déboulaient dans la salle à manger, visiblement pressés de goûter.
Dorian D’Asande, l’aîné des deux, avait la mine grave, ses yeux clairs furetant sur chacun d’entre nous. Ils s’attardèrent un moment sur Slavomir, avant de s’abaisser vers les tasses de thé. Son expression se changea en un étonnement non dissimulé.
- Thé ? demanda-t-il simplement.
- Eh oui ! répondit Acampora d’un ton jovial. Pour fêter le départ de monsieur Laon, qui nous quitte demain.
- L’Anglais repart déjà ?
- Dorian ! le gronda Eden D’Asande.
A moitié caché derrière son aîné, le plus jeune des frères traînait des pieds, le visage baissé. Il semblait triste, ce qui était loin de son caractère habituel. Il avait à peine élevé la voix contre son frère.
- Ce n’est rien, répondis-je à l’attention du cadet. Oui, Dorian, je repars dès demain. Voilà deux semaines que je suis ici, il faut bien que je rentre chez moi un jour.
- Le soleil du sud risque de vous manquer, plaisanta Acampora.
- Cela, c’est certain !
- J'espère que vous reviendrez, renchérit Isabella.
- De cela aussi, j’en suis certain. Ce n’est qu’un au revoir, pas un adieu.
Ce n’est qu’une fois tous attablés que Slavomir fit remarquer :
- Où est Larsen ? Que la vagabonde soit absente, je le conçois. Elle doit être endormie dans une ruelle quelconque. Mais Larsen, lui, n’est-il pas dans sa chambre ?
- Il était parti dehors pour peindre une toile, je crois, dit Isabella.
- Mais il est rentré, depuis, expliqua Acampora. Je l’ai aperçu en train de remonter dans sa chambre tout à l’heure. Je vais le chercher.
Alors qu’il faisait mine de se lever, je l’en empêchai d’un signe de la main.
- Non, monsieur, lui dis-je. Laissez-moi, je vais m’en charger. Je voulais justement voir s’il avait fini d’autres peintures.
J’eus droit à l’éternel regard noir de Slavomir tandis que je me dirigeai vers l’escalier. En montant les marches, une appréhension me tirailla brusquement le ventre.
Le silence était anormal. En temps normal, on pouvait toujours entendre Bent Larsen depuis le bas des escaliers. Peintre danois ayant trouvé refuge ici, l’homme d’une trentaine avait l’habitude de grommeler ou se parler à lui-même, se criant même dessus lorsqu’il ratait un coup de pinceau. Larsen, on l’entendait toujours.
Mais pas cette fois-ci.
- Monsieur Larsen ? Appelai-je en toquant à sa porte.
Pas de réponse.
Délicatement, je tournais la poignée et entrais dans la minuscule chambre.
La multitude de tableaux laissés çà et là en pagaille me sauta aux yeux. Des couleurs vives, des silhouettes informes, des paysages clairs... Il devait bien y avoir une trentaine de peintures empilées dans les moindres recoins.
Les rayons du soleil pénétrant par la lucarne m’éblouirent un instant. Je dus plisser les yeux pour me concentrer sur ce que je désirai voir : le lit du peintre.
Bent Larsen était allongé dessus, l’ensemble du corps recouvert par un édredon. Sa main droite pendait dans le vide.
Partagé entre le désir de le réveiller et l’inquiétude de l’ennuyer, je restais quelques secondes sans bouger, quand une chose me frappa.
La couverture était immobile. Pas un seul mouvement ne la soulevait.
Je dirigeai une main tremblante vers la couverture, puis la retirai.
Un cri d’horreur s’échappa aussitôt de mes lèvres tandis que je reculais rapidement. Je trébuchai contre une pile de pots de peinture, saisi par l’effroi, et chutais sur mon séant.
J’entendis bientôt un bruit dans l’escalier, et Acampora apparut sur le seuil. Alors, il put à son tour contempler ce qui m’avait tant ébranlé.
Les yeux mi-clos fixés sur le plafond, la bouche encore entrouverte, un large cercle rouge sur la poitrine, il était mort. Dans sa petite masure colorée, Bent Larsen était décédé.
trés légérement so british !
no more water sir ?
no thank you Margareth !
la galerie de personnages est picaresque !
j'adore !
Merci pour ton commentaire ! Tu viens de m'apprendre le mot picaresque, merci ! ;-)
Ah ah j'aime beaucoup l'imitation british ! J'espère que la suite te plaira tout autant ! ^^
Je laisse ce commentaire en tant que novice en policier (j’ai lu Dix petits negres et Le crime de l’Orient express plus vu quelques films/séries) donc mon avis vaut ce qu’il vaut…
Il y a effectivement cette ambiance type Agatha Christie (bien fait d’ailleurs). Hésite pas à, comme elle, avoir des personnages limite caricaturaux au début, pour se complexifier au fur et à mesure…
Je pense que ton personnage principal gagnerait à porter une voix et un regard particulier sur le monde. Il est peintre, aussi? (j’irai lire la suite pour le savoir…) Si oui ça peut se sentir dans une sensibilité particulière à la lumière, aux textures, à l’espace…
Le cadre est original, le style clair, tu vas droit au but, les personnages ont un potentiel fort, un bon jeu de mots…Du bon boulot!
Me réjouis de lire la suite!
Timothée
Merci pour ton commentaire ! Je suis une grande fan d'Agatha Christie, et le cadre bucolique de cette histoire est grandement inspiré de certains de ses romans.
J'aime beaucoup le conseil que tu m'as donné sur la sensibilité à l'art, je suis justement en train d'écrire une histoire avec un peintre alors ce conseil va beaucoup me servir ^^
Désolée pour le spoil mais non, malheureusement le personnage principal n'est pas un peintre :-(
Encore merci pour ton passage ici, et peut-être à bientôt ! :-)
Je recommence par le début pour bien comprendre.
premier chapitre bien construit avec la mise en place des personnages.
Le 1er coup de tonnerre avec la mot de Larsen.
Peut être quelques phrases à allégés ou d'autres à ajouter dans les dialogues pour affiner le rythme mais ça se lit déjà très bien.
Je vais continuer :)
Ah ah, te voilà donc remis en place pour comprendre la suite de l'histoire que tu avais précocement commencé ! J'espère que tout ça te plaira ! ^^
Le cadre est posé, l’ambiance fait très enquête classique et ça fonctionne.
J’ai été un peu largué au début avec tous les personnages d’un coup, mais j’imagine que ça va se clarifier dans la suite.
Curieux de voir ce que va donner l’enquête maintenant que le meurtre est lancé :)
(J'ai répondu à ton deuxième commentaire avant le premier, oupsi !). Je sais ce que tu penses du deuxième chapitre du coup, donc j'espère que la suite et la fin te plairont ! :-)
Avant de continuer "Dans les pas du rois" (dont je suis trop fan), je me suis dit qu'il fallait que je lise le tome un d'abord!
Le cadre est très bien trouvé, j'aime beaucoup l'ambiance amenée par cette auberge dans le sud de la France ! Ça donne l'occasion de découvrir des personnages vraiment hauts en couleurs (des peintres, une bohémienne) : on voyage et c'est trop chouette! Sinon ce chapitre introductif est bien amené je trouve, avec d'emblée les différents suspects, ce qui nous permet déjà de faire nos pronostics quant au vrai coupable!
Je suis contente que ce premier tome te plaise autant que le deuxième ! :-)
Pour cette histoire je me suis inspirée de la mansarde de Vang Gogh à Auvers-sur-Oise, qui pose un cadre bucolique propre à certains villages paisibles (je conseille d'aller la visiter un jour, c'est très impressionnant !).
Merci pour ton retour très positif ! ^^
Me voilà pour plonger dans du policier, parmis tes 6 histoires, je prends logiquement la première dans l'ordre de numérotation !
Voici quelques remarques, pas forcément dans l'ordre du récit.
Ton petit village français m'a l'air très bucolique, propose à la retraite méditative ou artistique. Je trouve que pour l'immersion, tu y gagnerais à ajouter un petit paragraphe descriptif supplementaire supplémentaire, sur le village ou la maisonnée.
Je trouve qu'il y a un peu trop de personnages présentés pour un premier chapitre. Peut être les introduire plus progressivement au fil des chapitres permettrait de mieux les appréhender et mieux les cerner.
J'aime beaucoup l'arrivée très tôt de la découverte du meurtre. On lit un policier et on ne tergiverse pas sur le genre.
La première moitié du chapitre s’attarde longuementdes échanges cordiaux qui, bien qu’agréables, manquent parfois de densité dramatique ou de tension sous-jacente. Attention, tu n'utilises pas les bons tirets — pour tes dialogues.
Le narrateur, Monsieur Laon, manque encore de profondeur ou de couleur propre. Il observe beaucoup mais reste passif émotionnellement, même dans ses tentatives de dialogue
Ton texte pose rapidement une atmosphère bucolique, presque hors du temps. L’arrivée du thé, la chaleur du sud, l’auberge retirée : tout concourt à créer une scène paisible, propice au contraste avec le drame final, mais gagnerait, comme je le disais plus haut, à être encore développé.
Le style est clair, direct, et va bien avec le genre policier. Tout ça est très agréable à lire. Tu maitrises bien le contraste entre l'ambiance et la tension qui monte. Bravo !
On m'a déjà fait la remarque pour l'introduction de trop nombreux personnages si tôt, je devrai vraiment penser à diluer tout ça 😅
J'espère que les problèmes que tu énonces seront mieux rétablis dans les prochains chapitres.
En attendant je te souhaite une bonne lecture !😁
J'adore le policier mais n'en lit pas assez donc je me suis laissé tenter par ton histoire ! J'ai apprécié le premier chapitre, il a beaucoup de points forts.
Sur la forme, je trouve que ça serait chouette de mettre le texte en justifié, j'ai lu ce chapitre sur téléphone et les passages de narrations étaient un peu cassés par les retours à la ligne.
Sur le fond, j'ai été surpris par le nombre de personnages, je ne m'attendais pas à en avoir autant en un si petit chapitre. Ca m'a donné un peu l'impression d'une to do list, avec l'objectif de donner tous les personnages le plus vite possible par moments. Peut-être que différer l'introduction de certains au prochain chapitre permettrait d'alléger l'ensemble.
Par contre ce qui est super chouette c'est d'arriver aussi vite au meurtre, tu n'as pas de temps à perdre et nous on ne s'ennuie pas. C'est très rythmé, top pour un premier chapitre.
Quelques portraits de personnage m'ont pas mal intéressé, notamment celui de Slavomir, tu réussis à l'introduire de manière très efficace, chapeau !
J'ai apprécié ta plume, notamment l'écriture des dialogues qui est chouette. C'était un plaisir de la découvrir !
A bientôt !
Je vais essayer de rectifier pour le texte, je n'ai jamais lu sur téléphone !
Je suis du genre à vouloir aller à l'essentiel, sans m'embarrasser de surplus, d'où peut-être l'effet "les personnages attendent leur présentation à la queue leuleu"😅
J'ai beaucoup aimé écrire Slavomir, alors je suis contente que tu l'apprecies ! Et j'espère que tu apprécieras autant la suite !😉
Je vais me risquer à laisser le premier commentaire. Tout d'abord, je te souhaite de bons moments à écrire ce polar qui va nous plonger, me semble-t-il, dans une ambiance à la "Agatha Christie".
L'ambiance, le cadre, les personnages, tout est clairement et rapidement mis en place. L'événement déclencheur arrive très vite. On se dit que cette histoire devrait être menée tambour battant.
Quelques petites fautes que tu as laissé passer :
L’auberge Chez Acampora était situé (située)
Ce n’est qu’un aurevoir (je pense que au revoir s'écrit en deux mots, même quand on l'utilise comme nom)
J’eu droit (eus)
Je dû plisser (dus)
Alors, il pu à son tour (put)
Tu mets des majuscules à tes incises. Or, on n'en met jamais, même après un point d'exclamation ou un point d'interrogation
Enfin, pas mal le jeu de mots (Larsen, on l’entendait toujours)
Bonne continuation à toi
Quelques petites fautes que tu as laissé passer (laissées) ;)
Je te remercie pour ton commentaire constructif ! Je vais de ce pas réparer ces coquilles :-)
Oui, c'est vrai que j'ai cette fâcheuse tendance pour les incises ah ah !
Encore merci pour la comparaison avec l'ambiance "Agatha Christie", car il s'agit de mon auteure préférée !
Alors, je corrige mon erreur. Il fallait finalement bien écrire "laissé passer". L'explication se trouve sur cette page : https://www.projet-voltaire.fr/dossier-voltaire/accord-du-participe-passe/#l-accord-du-participe-passe-suivi-d-un-infinitif