Chapitre 2 : La Police entre en scène

Par Rouky

Isabella posa une couverture sur mes épaules. Je ne cessai de trembler malgré la chaleur étouffante.
    Je n’avais encore jamais vu de cadavre. Alors, en apercevoir un de si près, et qui plus est un ami... Non, je n’arrivai pas à le concevoir.
    Acampora m’avait aidé à redescendre, avant de fermer la chambre à clé. Descendus au salon, sous le regard interloqué des résidents de l’auberge, il me fit m’assoir, puis ordonna à Slavomir de se rendre au poste de police.
    Il lui fallut une trentaine de minutes pour revenir escorté par une brigade. L’inspecteur Antoine Favre se présenta à nous, accompagné d’un médecin légiste. Ils montèrent tous les deux dans la masure de Bent Larsen.
    Pendant ce temps, Isabella me tint compagnie, le visage tiraillé par l’incompréhension et le chagrin. Des larmes silencieuses roulaient sur ses joues. 
    Slavomir, lui, dardait sur moi un regard brûlant de curiosité. Les frères D’Asande, quant à eux, restèrent figés comme des statues, les yeux baissés vers le sol.
    Les deux compères étaient très proches de Larsen, je pouvais à peine imaginer la douleur qu’ils devaient ressentir en cet instant. Le peintre était presque comme un père pour eux.
    Acampora, enfin, ne cessait de faire les cent pas, refusant de croire à ce malheur.
    Favre et le médecin redescendirent alors, mettant fin au supplice de l’attente.
    -    Mademoiselle, messieurs, commença l’inspecteur. Je puis vous annoncer que monsieur Bent Larsen s’est suicidé.
    -    Quoi ? Mais... comment ? S’exclama Henry Acampora.
    -    Avec un pistolet qu’on a retrouvé sous son lit. D’après notre médecin, il s’est tiré une balle dans la poitrine. Il n’a touché aucun point vital. Il est mort à la suite d’une perte de sang trop importante.
    -    Pauvre Larsen, murmura Eden, les larmes lui montant aux yeux.
    -    Oui, pauvre Larsen, répéta Slavomir d’un air presque dédaigneux.
    -    Sur ce, poursuivit l’agent Favre, nous allons emmener le corps avec nous. Je vous présente toutes mes condoléances. 
    Il fit signe à des policiers, qui montèrent vers la masure du suicidé.
    Mes tremblements redoublèrent d’intensité, et Isabella me passa un bras rassurant autour des épaules.
    -    Allons, monsieur Laon, dit-elle d’une voix brisée. Calmez-vous, je vous en prie. Son acte est incompréhensible, mais nous devons accepter les faits.
    -    Je le sais bien, mais... c’est tellement horrible... Et... et son frère, alors ?
    Favre, qui avait tendu l’oreille, m’entendit, et il répondit aussitôt :
    -    Nous avons envoyé quelqu’un pour aller prévenir Baltus Bent. Il est actuellement à Paris, il devrait arriver dans quelques jours. Sur ce, madame et messieurs, je vous souhaite malgré tout une agréable journée.
    Il remit son chapeau, s’apprêtant à sortir, quand un agent se posta devant lui, l’air confus.
    -    Monsieur, il y a un homme à la porte. Il dit qu’il détient des informations précieuses sur Bent Larsen. Il dit...
    -    Quoi ? Que dit-il ?
    -    Eh bien... Il dit qu’il ne s’agit pas là d’un simple suicide, mais d’un meurtre. Il demande à vous parler.
    Silence dans l’assemblée.
    Acampora éclata d’un rire nerveux.
    -    Quoi ? S’étonna-t-il. Un... un meurtre ? Ici ? Allons, quelle idée saugrenue !
    -    Faites-le entrer, maugréa Favre en retirant à nouveau son chapeau. Voyons voir ce qu’il a de beau à nous conter.
    Le policier s’exécuta. Quelques secondes plus tard, il revint avec ledit personnage.
    De haute taille, élégamment vêtu d’un complet bleu roi, le jeune homme ne devait guère avoir plus de 30 ans. A peine plus vieux que moi, j’en étais certain.
    Il possédait une épaisse chevelure noire de jais bien brossée, des sourcils arqués, et des lèvres fines relevées en un sourire charmeur. Ses iris, aussi sombres que deux obsidiennes, bougeaient dans tous les sens, nous scrutant chacun notre tour. Il se dégageait de lui un certain enthousiasme mal venu en cette situation tragique.
    Alors que tous les regards étaient posés sur lui, le nouvel arrivant effectua une courbette exagérée, puis se tourna vers l’agent Favre.
    -    Bonjour, monsieur, dit-il d’une voix douce et posée. Je viens vous aider à résoudre cette affaire.
    -    Allons, garçon ! S’impatienta le policier. Mais de quelle affaire parle-tu ?
    -    Eh bien, répondit le jeune homme d’un air confus, l’affaire d’assassinat qui vient de se produire.
    -     Tu parles de ce suicide ? Cette affaire est déjà résolue ! Et puis, comment sais-tu qu’il y a eu un mort ici ? D’où est-ce que tu sors ? Nous venons à peine de prendre ce dossier en main ! Qui es-tu, à la fin ?
    -    Pardonnez ma maladresse, monsieur ! S’exclama son interlocuteur. Je me présente, je suis le détective Isen Gallant. Une de mes sources m’a confié quelques informations qui m’ont menés jusqu’ici. Je suis donc venu vous apporter mon aide. Je savais déjà qu’un meurtre avait eu lieu avant même que vous ne trouviez le corps.
    -    Mais quelle aide, crétin ? Un peintre s’est suicidé d’une balle dans la poitrine, fin de l’histoire !
    -    Est-il mort sur le coup ?
    -    Non, il n’a pas touché de point vital. Il a dû tirer dehors, puisque personne ici n’a rien entendu. La blessure date de quelques heures. Il a donc tiré dehors et est revenu ici, se laissant agonisé sur son lit. Mais, qu’est-ce que-
    -    Vous trouvez cela crédible, vous, monsieur ? Se suicider d’une balle dans la poitrine, au lieu de toucher un point vital, ou même dans la tête ? La poitrine, ce n’est pas un endroit commun pour se suicider. Pas besoin d’être médecin pour distinguer quel endroit du corps est le plus susceptible de nous tuer sur le coup. Et puis revenir jusqu’ici pour se vider de son sang ? Allons, inspecteur, rien qu’à énoncer les faits, vous sentez bien que quelque chose cloche !
    L’inspecteur Favre s’empourpra.
    Pour ma part, j’étais suspendu aux lèvres du dénommé Gallant. Se pouvait-il qu’il ait raison ? Mais, dans ce cas, qui serait coupable du meurtre de Larsen ? Un assassin se baladerait-il dans la bourgade ?
    -    S’il vous plaît, inspecteur, reprit Gallant en joignant les mains devant lui en signe de prière. Accordez-moi jusque ce soir, et je vous prouverai qu’il s’agit bien là d’un meurtre ! Juste cette fin d’après-midi, c’est tout ce que je vous demande !
    -    Et puis quoi, encore ? Tu insinues peut-être que c’est quelqu’un ici qui a commis un meurtre ?
    -    J’en suis certain, monsieur. 
    -    Pardi ! Et tu veux regarder le cadavre, pendant qu’on y est ?
    -    Si cela est possible, oui. J’apprécierai de voir la scène de crime, monsieur.
    -    Mais puisque je te dis qu’il n’y a pas eu de crime, gamin !
    -    Attendez ! Les interrompis-je en me relevant.
    Gallant jeta un coup œil curieux dans ma direction, me jaugeant rapidement des pieds à la tête.
    -    Et s’il disait vrai ? Demandai-je en me tournant vers Favre. Imaginez, monsieur, que Bent Larsen ait vraiment été assassiné ? Après tout, il est vrai que c’est une drôle de manière de se suicider...
    Les autres occupants de l’auberge me regardèrent comme si j’étais devenu fou. Mais, après tout, si meurtre il y avait eu, ne serait-ce qu’une suspicion, nous nous devions de rendre justice à Larsen.
    Favre fronça les sourcils, pesa le pour et le contre. 
    Heureusement, je possédais un atout dans ma poche. Mes parents avaient généreusement offert des dons au commissariat de la bourgade. Ainsi, selon leur dire, “les policiers seraient plus à même de faire leur travail correctement en cas de soucis”. Favre était bien au courant de ces gracieuses dispositions, car il m’avait reçu le jour même de mon arrivée dans son bureau, un grand sourire aux lèvres.
    L’inspecteur se décida donc finalement en ma faveur.
    -    Bien, trancha-t-il. Jusqu’à ce soir, jeune homme. Si j’estime que vous m’avez fait perdre mon temps, je vous ferai arrêter pour entrave à une enquête de police. C’est bien compris ?
    -    Oui, monsieur, répondit Gallant en hochant vivement la tête.
    -    Et je laisserai un agent devant la chambre pour qu’il surveille vos faits et gestes sur la scène de suicide. Compris ?
    -    Oui, monsieur.
    -    Bien... Sur ce, je vous laisse... pour le moment.
    Il sortit pour de bon, prenant soin de poster son agent à l’étage.

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Le Perce Val
Posté le 15/07/2025
Hello!
Ton style est toujours aussi direct, au moins tu ne te poses pas trop de questions… Si tu t’amuses volontairement des codes du polar, je pense que tu peux pousser encore plus, y’a un potentiel comique un peu meta assez énorme.
Le personnage de l’inspecteur est intrigant, presque out of place dans le bon sens du terme. Je ne suis, par contre, pas très convaincu par sa description: je suis plutôt partisan personnellement de décrire un perso en deux phrases, puis de développer la description plus tard, au fil du texte, touche par touche. Ça fait moins GPQAEDP (« gros pavé qu’on a envie de passer ») et c’est plus digeste, je trouve, pour le lecteur.
Pour moi tu peux renforcer la confiance en soi de l’inspecteur de police , ça rendrait moins louche son incompétence.
Et on veut savoir des choses sur ce narrateur! Il m’intrigue mais pour l’instant il a presque un aspect caméra extérieure.
(je trouve) Tu plantes une graine avec sa famille, c’est sympa!
J’espère que tu ne prendras pas mon commentaire trop mal (il faut pas c’est bien quand même je pinaille un petit peu)
Hâte de lire la suite
Timothée
Rouky
Posté le 15/07/2025
Salut ! ^^

Oui je suis du genre à préférer les histoires courtes qui vont directement là om je veux aller, j'évite de m'attarder sur les détails. Mais c'est aussi dû au fait que je n'arrive pas à écrire de longues histoires ah ah !
C'était ma toute première histoire que j'ai mené à terme, mais avec du recul je remarque que oui, ça aurait gagné à développer le personnage par ses actes et ses paroles que par un GPQAEDP (merci pour cet acronyme que je découvre ah ah !).
Le narrateur prendra de plus en plus d'importance, ce n'est qu'une question de chapitre !
Oh non ne t'inquiète pas, j'accepte les critiques constructives sous toutes leurs formes, elles apportent toujours un regard neuf et objectif ^^

A bientôt pour la suite ! :-)
Verha
Posté le 26/06/2025
Y a un vrai plaisir de lecture, j’vais pas mentir. L’ambiance fonctionne bien, le ton du détective est clairement assumé et ça donne un côté polar à l’ancienne, presque théâtral, qui marche. Ça se prend pas pour du Simenon, et c’est tant mieux : on sent que t’as envie de t’amuser avec les codes du genre, et ça fait le taf. Mention spéciale pour Gallant, qui déboule comme s’il sortait d’un roman posé sur une étagère poussiéreuse. C’est un peu gros, mais c’est justement ça qui est cool.
Rouky
Posté le 27/06/2025
Salut ! ^^

Je suis contente que le côté théâtrale ressorte de ton commentaire, je voulais justement une histoire un peu plus originale qu'un simple polar. Ah ah, si un jour on me compare à Simenon ce serait un hommage incroyable (on en est encore très très très loin !).

J'espère que la suite te plaira ! :-)
axel
Posté le 25/05/2025
Bonjour Rouky,

Je reprends ma lecture et le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est toujours mené à grande vitesse. Tout va très vite : l'inspecteur se débarrasse très vite de cette affaire et le détective Gallant débarque sans crier gare.
Rouky
Posté le 26/05/2025
Bonjour !
Oui ah ah, j'évite de m'encombrer de superflu, au risque d'aller parfois un peu trop vite !
Minerve
Posté le 11/05/2025
La première apparition de Gallant! J'aime beaucoup sa description, elle est efficace et on découvre ce personnage de part son enthousiasme d'enquêteur, et son caractère aussi bien charmeur que malicieux ! Bref, moi je le connaissais déjà, mais j'ai eu vraiment plaisir à lire cette scène (j'aime beaucoup le personnage!)
Rouky
Posté le 12/05/2025
Rebonjour ! ^^

Ce doit être assez amusant de découvrir l'apparition d'un personnage dont tu as déjà lu une autre histoire (ça ne m'est jamais arrivé, mais ce doit être intéressant de commencer par une autre histoire puis de découvrir le début !).

J'espère que les prochains chapitres te plairont tout autant ! ^^
Paloma Chataig
Posté le 18/04/2025
Bonjour Rouky,
J’ai commencé par le second tome et je découvre avec plaisir la rencontre entre Laon et Gallant. Je ne suis pas très à l’aise avec la conclusion sur le suicide. La situation me semble un peu tiré par les cheveux mais je lis que je ne suis pas la seule à avoir été interpellée. J’apprécie l’humanité de Laon et ses réactions, lui qui a découvert le corps.
A suivre :-)
Rouky
Posté le 18/04/2025
Merci pour ton commentaire et pour ton suivi des aventures de Gallant ! ^^
Oui on m'a déjà fait la remarque pour le suicide, je devrais vraiment envisagé de retourner la chose autrement ! :-)
Artose
Posté le 16/04/2025
Salut!
Alors j'aime énormement la description de Mister Gallant, particulièrement la tournure ''un enthousiasme mal venu" qui renforce le décalage entre l'amusement presque insolent d'Isen et le reste de l'assistance.

J'aurais fait le même commentaire que Clément concernant le policier qui est si incompétent que ça en devient louche, mais tu as déjà répondu à ça.

La rapidité d'Isen a être sur la scène m'intrigue, je dois dire. J'espère que ça sera expliqué plus loin. ^^

Merci
Artose
Posté le 16/04/2025
Mais de quelle affaire parle-tu ? => je me demande si on écrirait pas : 'parles-tu?'
Rouky
Posté le 16/04/2025
Salut !

Merci pour la coquille, quand j'écris je fuse tellement dans les idées et les dialogues que j'en oublie de me relire😅
Alors, comme pour Clément, j'espère que tu apprécieras la suite de l'histoire malgré l'incohérence du policier !

Merci pour ton commentaire !
Artose
Posté le 16/04/2025
Je fais également des fautes, aucun stress^^.
Oui je suis d'apprécier.
ClementNobrad
Posté le 11/04/2025
Re ! Me voilà de pour la suite.

Je trouve le policier très peu professionnel à la limite de l'incompétence. Soit c'est le cas, soit c'est louche et il est dans le coup. Pour conclure au suicide aussi rapidement alors que, comme il le dit lui même cinq minutes plus tard "Nous venons à peine de prendre ce dossier en main ! ". Sois c'est voulu de ta part et il faudra des explications convaincantes par la suite, soit c'est, à mes yeux, une incohérence qu'il faut corriger. La police ne peut pas, et ne déclare jamais un suicide aussi rapidement, même quand l'évidence s'impose.
Un peu la même chose pour l'arrivée du détective Galant, je trouve qu'il est très, voir trop, rapidement sur les lieux du crime. Bizarre pour être une coïncidence, ou lui aussi est louche, ce qui m'étonnerait. Qu'il ait sa théorie du meurtre avant même de voir la scène de crime, pourquoi pas, à la façon d'un Rouletabille, mais là ça venue pourrait être mieux travaillée.

Le style est aussi direct, ce qui n'est pas pour me déplaire. Un peu comme ma remarque pour le premier chapitre, tu gagnerais à décrire davantage tes lieux et personnages, de bien installés ton univers avant de faire intervenir un nouveau personnage. Ça file un peu trop vite à mon goût.

"Nous avons envoyé quelqu’un pour aller prévenir Baltus Bent" > citer le nom et le prénom du frère de la victime n'est pas très naturel dans le propos, d'autant plus qu'ils ont l'air de le connaitre. Juste le prénom peut-être ?

Tes dialogues gagneraient à être entrecoupés de phases narratives, ce qui renforcerait l'immersion du lecteur et rejoindrait ma remarque un peu plus haut.

En tout cas, la mort en elle-même est bien mystérieuse, on a envie de savoir ce qui s'est vraiment passé ! Dis moi si tu trouves mes remarques trop directes, je les fais pour t'aider à améliorer ton univers :)

A bientôt !
ClementNobrad
Posté le 11/04/2025
* me voilà pour. *soit
ClementNobrad
Posté le 11/04/2025
*sa venue
ClementNobrad
Posté le 11/04/2025
*de bien installer

Faudrait pouvoir édit son post :) ou que je me relise avant de publier.... dsl pour le flood de messages et les grossières fautes d'orthographe dans le post
Rouky
Posté le 13/04/2025
Salut !
Merci pour ton commentaire ! Je comprends la manque de cohérence vis-à-vis du policier, et honnêtement c'est juste histoire d'impliquer la police, et de s'amuser du cliché du flic qui n'essaie même pas de comprendre, donc désolée de te décevoir mais pour le coup c'est juste une incohérence !
En espérant que tu apprécieras quand même l'histoire ! ^^
Edouard PArle
Posté le 23/03/2025
Coucou Rouky !
L'idée de décaler des présentations de personnages ici n'est finalement peut-être pas une super idée, vu que ce chapitre est aussi très dense en terme de nouveaux personnages, mais ici ça ne m'a pas dérangé vu que ça s'inscrit assez logiquement dans le cours de l'enquête et avec des archétypes de personnage qu'on connaît déjà : l'inspecteur, le détective. La théorie du suicide repoussée par le détective m'a rappelé mes lectures d'Agatha Christie, une de mes auteures préférées (=
J'aime bien le personnage de Gallant, il a de la personnalité. Hâte de le voir en situation d'enquête maintenant !
Un plaisir de te lire,
A bientôt !
Rouky
Posté le 25/03/2025
Salut !
Très contente que ça t'a rappelé Agatha Christie, vu qu'il s'agit de mon auteure préférée ! :-)

J'espère que la suite et la fin de cette histoire te fera tout aussi plaisir !
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