[ 1 ]
Il n'avait pas de nom. Peut-être n'en avait-il jamais eu ou peut-être l'avait-il simplement oublié. Il n'avait pas d'âge. Il n'avait pas de date de naissance. Il n'avait pas d'existence. C'était un fantôme depuis sa naissance. D'orphelinat en orphelinat, d'abus en abus, il avait passé les premières années de sa vie à errer sans but. C'était le profil parfait. C'était ce garçon qu'il lui fallait.
— Lui, fit Kim Byeong-cheol en tapotant du doigt la photo du jeune garçon. C'est lui qu'il me faut.
— Si je puis me permettre, pourquoi lui en particulier ?
— Son regard. Il est si jeune, et pourtant, il a le regard de quelqu'un qui a regardé la mort en face. Le regard de quelqu'un qui a déjà tout perdu et qui est prêt à tout pour gagner.
— Je dois vous prévenir, Monsieur, mais ce garçon n'est pas tout à fait ordinaire. Je l'ai inclus parce que j'ai pensé que son profil pourrait vous intéresser, mais je tiens tout de même à vous mettre en garde. Il est anormalement hargneux et violent pour son âge. Il a déjà mordu des camarades jusqu'au sang, il en a poignardé un avec une paire de ciseau, et il a crevé l'œil d'un autre de ses congénères avec un crayon à papier.
— Pourquoi a-t-il fait ça ? Y avait-il une raison à son geste ?
— Il prétend qu'il se faisait harceler et qu'il n'a fait que se défendre, mais sa réaction était disproportionnée. Il a plus le profil d'un bourreau que d'une victime, si vous voulez mon avis. Et je suis inquiet...
— Qu'est-ce qui vous inquiète, secrétaire Park ?
— J'ai peur que si vous l'accueillez dans cette maison, il fasse du mal à Mademoiselle Yerin.
— Pourquoi s'en prendrait-il à Yerin ? Ma petite fille est la plus douce et la plus innocente des enfants. Puis ce garçon est loin d'être idiot. Il saura agir dans son meilleur intérêt, s'il tient à rester en vie.
— Certes. Si vous êtes certain de votre choix, je m'occupe des papiers d'adoption et je vous l'amène dans une semaine.
— Bien. Très bien.
[ 2 ]
Kim Yerin avait six ans quand elle avait rencontré Kim Jong-goo pour la première fois. C'était, si l'on peut dire, une rencontre du troisième type. Ce garçon ne lui ressemblait pas du tout. Ils étaient comme l'été et l'hiver. Il était aussi froid et renfrogné qu'elle était chaleureuse et rayonnante. Pourtant, il était né le même jour qu'elle, il avait le même âge qu'elle, et il allait désormais être son frère jumeau.
— Yerin, voici Jong-goo, lui annonça son père avec un grand sourire. À partir d'aujourd'hui, Jong-goo est ton frère. Il fait désormais partie de la famille.
Yerin n'avait que six ans, mais elle n'était pas bête. Même si elle apprenait tout juste à écrire et à compter, il n'y avait pas besoin d'être un génie pour comprendre que cela était impossible. Ce garçon ne pouvait pas être son frère. C'était un menteur. Un tricheur. Un imposteur.
— Maman, fit-elle en se tournant vers sa mère pour lire son expression. C'est vrai ?
— Oui, ma chérie, répondit-elle en s'agenouillant près d'elle et en lui offrant un sourire rassurant. Tu réclamais un petit frère, mais maman a des soucis de santé et ne peut plus avoir de bébés, alors papa a décidé d'adopter un petit garçon pour te tenir compagnie. Tu verras, si tu es gentille avec lui, il sera très gentil avec toi aussi.
Sa mère avait l'air sincère. Son père, lui, était toujours aussi difficile à déchiffrer. Elle sentait en lui quelque chose qu'elle n'était pas encore capable d'interpréter à son jeune âge. Ce n'est que plus tard qu'elle comprit que ce regard concupiscent qui animait le regard de son père était en fait de l'avidité et de l'ambition. Si son rôle était d'être un frère pour Yerin et un fils pour sa mère, il n'était qu'un pion pour Kim Byeong-cheol. Et ça, Jong-goo l'avait compris dès son plus jeune âge.
[ 3 ]
Kim Seo-hyun ne savait rien des secrets de son mari, mais elle savait quel genre d'homme c'était et quel rôle elle avait à jouer dans ce mariage. Sa seule préoccupation était l'éducation et le bonheur de ses enfants, mais elle avait le sentiment que ce fils dont elle avait tant rêvé n'était qu'une marionnette entre les mains de son époux. Elle avait de la peine pour lui.
— Chéri, Yerin pose beaucoup de questions sur son nouveau frère. Elle veut savoir ce qu'il fait, où il est, pourquoi elle ne le voit jamais. Si tu voulais le garder caché, pourquoi nous l'avoir présenté officiellement ? Elle est trop jeune pour comprendre ce qu'il se passe. Ils devraient apprendre à se connaître, pour qu'elle puisse l'accepter comme son véritable frère. N'est-ce pas ce que tu veux aussi ?
— Tu as raison. J'ai été négligent. En faire de lui mon fils sur le papier ne suffit pas à garantir sa loyauté. Si je veux qu'il soit entièrement dévoué à notre famille, il doit prouver qu'il a sa place parmi nous.
Byeong-cheol lui avait concédé deux soirs dans la semaine, pas plus.
— C'est tout ?
— Ce sera suffisant pour l'instant. Ce garçon manque de compétences sociales, il lui faudra du temps pour s'adapter. S'il se tient correctement au dîner, il pourra venir plus souvent et passer du temps avec Yerin, mais ne les laisse pas seuls tous les deux. Jamais. Il ne faut pas les laisser sans surveillance. C'est compris ?
— O-oui, mais... Pourquoi tant de précautions ? Ce n'est qu'un petit garçon. Tu ne penses quand même pas que...
— Jong-goo est loin d'être un petit garçon ordinaire. Il a trop de potentiel pour que je renonce à lui, mais je ne veux pas compromettre la sécurité de Yerin. Jong-goo est imprévisible. Il est aussi intelligent que caractériel. Je ne pense pas qu'il ferait de mal à Yerin. Il sait qu'il est encore à l'essai. Il a conscience de son importance et de ce qu'il y a à perdre s'il s'en prend à elle, mais je ne lui fais pas encore totalement confiance. Je ne sais pas s'il sera capable de contrôler son tempérament.
— Très bien. Faisons comme cela alors. J'expliquerai la situation à Yerin.
[ 4 ]
Yerin et Jong-goo avait beau être de la même famille, ils vivaient un quotidien bien différent. Celui qu'elle devait désormais considérer comme son frère était un étranger pour elle. Elle ne le voyait que deux fois par semaine, le samedi et le dimanche soir, quand il était invité à dîner avec le reste de la famille. Elle voyait certains de ses camarades du jardin d'enfant plus souvent que cela.
Elle n'avait jamais joué avec lui. Il lui adressait à peine la parole, il évitait son regard et se dérobait à sa curiosité d'enfant. Il était toujours très poli avec ses parents, mais il n'y avait ni tendresse ni affection dans leurs échanges. Il traitait son père comme un employé traiterait son supérieur. Respect, discrétion, soumission. Même le secrétaire Park n'était pas aussi coincé.
Il était ennuyeux. Il était frustrant. Elle en avait marre de ces dîners où il ne faisait que mastiquer sa nourriture en broyant du noir. Elle voulait le faire réagir.
Quelques semaines plus tôt, Yerin avait découvert le yo-yo. C'était sa grande passion. Elle ne savait pas encore faire de figures élaborées, elle commençait tout juste à maîtriser les bases et à le faire monter et descendre, mais c'était suffisant pour ce qu'elle voulait en faire ce soir.
Elle avait discrètement sorti le yo-yo de sa poche et l'avait déroulé suffisamment pour qu'elle puisse atteindre les genoux de Jong-goo qui était assis en face d'elle. Elle avait commencé par un coup discret tout en guettant sa réaction, mais rien. Est-ce qu'elle avait tapé à côté ? Où est-ce qu'il n'avait rien senti ?
Elle tenta de lancer son yo-yo plus fort et, cette-fois, elle entendit un pop discret alors que l'objet percutait le genou de son frère adoptif. Jong-goo était impassible. Il continuait de manger, comme si de rien était, mais Yerin avait remarqué quelque chose. Ses mains, crispées autour de ses couverts, tremblaient légèrement. Elle devait l'avoir énervé, mais il était trop poli pour exploser en plein repas. Et Yerin ne voulait pas déclencher une bagarre, ce n'était pas son but. Elle voulait juste un peu d'attention. Elle rangea donc son yo-yo. Mission accomplie.
[ 5 ]
— Pourquoi es-tu plein de rage aujourd'hui, petit ? demanda Baek Chul-sang. Et qu'est-ce qui t'es arrivé au genou ?
Rien n'échappait à cet ex-militaire, devenu précepteur pour le compte de Kim Byeong-cheol, afin de faire de ce danger ambulant un soldat obéissant. Il l'entraînait d'une main de fer, lui inculquant endurance, résilience, patience et discipline. On ne faisait pas d'omelette sans casser d'œufs, et on ne formait pas des guerriers sans briser quelques os, mais le but était d'endurcir le gamin, pas de le mutiler ou de le tuer.
Chul-sang suivait donc de près l'état de santé du garçon, il savait exactement quand, où et comment il avait reçu chacune de ses blessures. Jong-goo n'avait pas l'autorisation de quitter la résidence en dehors de ses dîners avec la famille Kim. Alors comment s'était-il fait ce bleu ?
C'était un tout petit bleu insignifiant. Il ne devait même pas faire mal, mais même les plus petites blessures pouvaient cacher de lourds secrets.
— Vous savez faire du yo-yo, Monsieur ? demanda Jong-goo avec un sourire féroce.
— Non, je n'en ai jamais fait, mais pourquoi tu me parles de yo-yo ? Ça ne répond pas à ma question.
— J'ai essayé d'en faire, mais je me suis pris les pieds dans le fil et je suis tombé.
Il mentait. Chul-sang le savait. Jong-goo n'était pas du genre à se faire mal aussi maladroitement.
— Dites, Monsieur Baek, vous croyez qu'on peut tuer quelqu'un avec un yo-yo ?
— Je suppose que oui. Après tout, entre des mains expertes, n'importe quel objet peut devenir une arme mortelle. Qui est-ce que tu veux tuer ?
— Personne. Pour le moment. Je suis juste curieux. Je suis là pour apprendre après tout, n'est-ce pas ?
Ce garçon était beaucoup trop mature et violent pour son âge. Chul-sang comprenait pourquoi on lui avait confié cette mission. Il n'était pas là pour rendre ce gamin plus fort, il était là pour le dompter.
[ 6 ]
Jong-goo voulait juste savoir une chose. De cette réponse dépendait la suite de ses actions. S'il y avait une chose qu'il détestait, c'est qu'on pense qu'il était faible et une cible facile.
La petite peste qui lui servait de sœur devenait un peu trop créative à son goût avec son satané yo-yo. Cette fois-ci, elle avait bien failli l'avoir. Elle avait réussi à l'enrouler autour de ses chevilles, et il avait manqué se casser la figure en se levant de table. Il avait glissé un couteau à steak dans sa manche, puis avait fait mine de refaire ses lacets pour sectionner le fil sous la table.
Alors que le secrétaire Park l'attendait dans la voiture pour le ramener à la résidence secrète, Jong-goo avait pris Yerin à part. Il la poussa contre le mur et pressa son couteau à steak sous sa gorge. Il était plus grand et plus fort qu'elle et la pression qu'il exerçait sur sa clavicule lui arracha un cri de douleur.
— Arrête ! Tu me fais mal ! gémit-elle.
— Pourquoi tu fais ça ? C'est parce que je ne suis qu'un orphelin que ton père a ramassé dans la rue ? Tu crois que je suis un moins que rien, un faible que tu peux martyriser comme tu veux ? Tu crois que j'ai peur de toi ou de ton père ? Pour tuer il faut être prêt à mourir, et je n'ai pas peur de la mort. Tu veux mourir, c'est ça ?
—Q-quoi ? N-non !
Yerin était au bord des larmes. Elle avait peur. Elle voulait juste attirer son attention. Elle voulait juste qu'il la regarde, mais pas comme ça. Pas avec ces yeux-là.
— Alors pourquoi ? Pourquoi tu me pourris la vie avec ton putain de yo-yo !
— J-je... je voulais juste t'embêter un peu, pour que tu arrêtes de m'ignorer. Je suis désolée, je ne voulais pas te fâcher.
Elle pleurait pour de bon. Pas de peur, mais de culpabilité. Elle ne pensait qu'à elle et elle était allée trop loin.
— Arrête de pleurer. Si tu pleures, je vais avoir des ennuis.
— Pourquoi ?
— Parce que je dois être gentil. Si je ne suis pas gentil, je ne pourrai plus jamais revenir ici. C'est ce que tu veux ? Que je disparaisse pour toujours ?
C'était un test. Puisque tout le monde voulait le mettre à l'épreuve, c'était normal qu'il fasse de même. C'est lui qui déciderait si cette famille était digne de lui autant qu'il était digne d'elle.
— N-non, fit Yerin en secouant énergiquement la tête. Je suis désolée. Je ne recommencerai plus, je te le promets ! Je ne pleurerai plus et je serai gentille, moi aussi. Alors la prochaine fois que tu viens, ne m'ignore pas. Je veux juste qu'on soit amis.
— Amis ? Je n'ai pas le droit d'avoir des amis, mais si tu y tiens vraiment, alors ça doit être un secret. Tu seras ma première amie secrète. Et si tu es mon amie, tu ne dois pas parler de ce qui s'est passé ce soir, c'est compris ?
Yerin hocha la tête. Jong-goo fit disparaître le couteau dans sa poche. Il s'attendait à ce qu'elle hurle d'effroi et alerte tout le monde à la vue de son arme, mais elle était plus courageuse et plus maligne qu'il n'y paraissait. Elle avait fait le bon choix.
[ 7 ]
Février. Cela faisait presqu'un an depuis l'adoption de Jong-goo et son intégration progressive à la famille. Il était toujours absent pendant la semaine, mais il avait désormais le droit de passer tout le week-end à la résidence principale. On lui avait attribué une chambre spacieuse et confortable, le dressing était rempli de vêtements adaptés à sa taille, et le personnel s'assurait qu'il ne manquait de rien.
Sa mère adoptive était particulièrement attentive à ses besoins. Elle les emmenait parfois en ville, Yerin et lui, pour faire du shopping, regarder un film, visiter un musée, ou déjeuner dans un bon restaurant. Une fois de temps en temps, ils allaient même au Blue Star Amusement Park, un parc d'attractions construit par la compagnie de leur père, situé en plein cœur de Gangnam.
Cette vie de luxe et de liberté contrastait avec le régime spartiate qu'il devait suivre toute la semaine. Ces deux jours de repos auraient dû être une bouffée d'air frais pour le garçon qui subissait une pression constante, mais il avait encore du mal à baisser sa garde. Il pouvait rire et sourire, il pouvait s'amuser et passer un bon moment, mais il ne pouvait pas oublier qui il était vraiment.
Le septième anniversaire de Yerin approchait et, peu de temps après, elle ferait sa première rentrée à l'école. Sa mère avait réservé le Blue Star Amusement Park pour la journée, car c'était l'endroit préféré de sa fille.
Yerin avait fabriqué les invitations elle-même, avec ses petites mains d'enfant bricoleuse. Une pour chacun de ses camarades du jardin d'enfant. Une pour chacun de ses cousins et cousines. Et une pour son ami secret.
— Pourquoi as-tu besoin d'une invitation pour Jong-goo ? demanda sa mère avec étonnement.
— Parce que je veux qu'il soit là aussi. Je ne peux pas l'inviter ?
— Tu as déjà oublié ? Jong-goo est né le même jour que toi, ce qui veut dire que c'est aussi son anniversaire. Vous le fêterez ensemble.
— C'est vrai, je suis bête ! répondit sa fille en lâchant un rire joyeux. Mais je veux quand même lui envoyer une invitation.
— Si tu insistes. Tu lui donneras la prochaine fois que tu le verras. Ça lui fera plaisir, j'en suis certaine.
[ 8 ]
— Renforcez la sécurité. Je veux des caméras partout. Il y aura beaucoup d'enfants, mais aussi leurs parents. Ce sont des personnalités influentes et c'est la première apparition publique de Jong-goo. Il ne faut pas qu'il cause d'ennuis.
— Oui, Monsieur Park. Ne vous en faites pas, nos équipes sont en place. Nous ne le lâcherons pas d'une semelle.
— Soyez discrets. Monsieur Kim ne veut pas qu'on effraie les enfants ou qu'on alerte les parents. N'intervenez que si cela vous semble strictement nécessaire.
Le secrétaire Park connaissait son métier sur le bout des doigts. Il avait le bras long et des yeux partout. Planification, sécurité, gestion des imprévus, il faisait en sorte que rien n'entache la réputation de son supérieur et que tout se déroule sans accroc. Il avait résolu de nombreuses situations de crise et n'avait pas hésité à se salir les mains pour protéger l'empire qu'avait bâti Kim Byeong-cheol.
Sky is the limit. C'était le credo de Blue Sky Inc., un des conglomérats les plus puissants de Corée, qui s'était hissé au sommet en seulement quinze ans grâce à un seul homme. Un homme talentueux, ambitieux et intraitable qui n'avait pas peur de rivaliser avec les cieux. Sa réussite suscitait la jalousie et les convoitises de ses concurrents et de son entourage, aussi bien à l'extérieur de la compagnie qu'en interne.
La nouvelle de l'adoption de Jong-goo n'avait pas plu à tout le monde. Partout, on chuchotait que Kim Byeong-cheol était en train de former son successeur. Pour certain, l'idée qu'un simple orphelin sans lignée puisse devenir l'héritier légitime de Blue Sky leur était insupportable.
Le PDG de Blue Sky n'avait ni frères ni sœurs. Hormis ses parents, il avait deux oncles et une tante, ainsi que quelques cousins et petits-cousins. Du côté de sa femme, il avait un beau-frère, à qui il avait confié la direction d'une de ses succursales, Blue Resorts. Tous voulaient une part du gâteau, la plus grosse possible. Ils pensaient pouvoir s'emparer du trône par des moyens légaux en acquérant suffisamment de parts pour devenir actionnaires majoritaires, mais Kim Byeong-cheol était un homme de valeurs et de traditions.
L'argent n'était qu'un effet secondaire du pouvoir. C'était un résultat satisfaisant, mais c'était un bien piètre moyen d'arriver à ses fins. L'argent pouvait disparaître du jour au lendemain. L'économie pouvait s'effondrer, une entreprise pouvait faire faillite. Ce qui faisait la valeur d'un homme, ce n'était pas son argent. C'était sa force et sa détermination à faire face à l'adversité, et à se relever, encore et encore.
Jong-goo avait été jeté dans la fosse aux lions, mais s'il sortait vainqueur de l'arène, ce petit démon prouverait qu'il était digne de rejoindre les cieux.
[ 9 ]
Yerin passait un bon moment. Jong-goo, pas vraiment. Ces gamins criards étaient insupportables. Ils couraient dans tous les sens, se poursuivaient, se poussaient, tombaient, pleuraient, riaient et recommençaient. Les adultes étaient pires. Sourire hypocrite et regard de mépris. Insultes sournoises déguisées en compliments superficiels. Tout puait la fausseté et l'arrogance chez ces individus qui se targuaient d'être des modèles de vertus et de bienveillance.
Assis dans un coin, Jong-goo regardait tout ce cirque de loin. La journée s'achevait et sa patience avait atteint ses limites. Il avait fallu chanter la chanson d'anniversaire, souffler les bougies, ouvrir les cadeaux, puis couper le gâteau et le manger. Le gâteau était bon. Les jouets qu'il avait reçus étaient déjà entre les mains des autres enfants. Tout se serait bien passé, sans ce fichu yo-yo.
C'était un cadeau de Yerin. Un yo-yo artisanal en bois, fait sur mesure, sur lequel était gravé son nom. Il avait l'air fragile. Trop fragile pour tuer quelqu'un, mais assez solide pour infliger quelques beaux hématomes. Le fil était robuste. Un bon outil de strangulation.
— Tu peux me le prêter ?
Jong-goo leva les yeux vers le gamin qui venait de lui adresser la parole. Il avait l'air plus grand que lui et il n'aimait pas son regard. Il le prenait de haut.
— Non. C'est pas un jouet.
— Qu'est-ce que tu racontes ! Si c'est pas un jouet, qu'est-ce que c'est alors ?
— Une arme.
— Pff.. Pouah haha ! N'importe quoi ! Allez, vas-y. Je veux juste essayer. Je te le rends après.
— J'ai dit non. Va-t'en.
Le gamin lui jeta un regard mauvais.
— Tu te prends pour qui ?! T'es qu'un sale orphelin qu'on a ramassé dans la rue. Tu crois que tu peux me donner des ordres ?
Il se jeta sur Jong-goo pour lui arracher le yo-yo des mains.
— Donne-moi ça ! Donne-le moi !
Jong-goo méditait sur la situation. Il avait envie de le fracasser, mais ce n'était pas une bonne idée. Peut-être que ce n'était qu'un jouet après tout. Il pouvait bien s'en passer.
— Hé ! Cha Min-jun ! Qu'est-ce que tu fais ? Laisse-le tranquille !
— Yerin ! C'est lui qui a commencé. Je lui ai juste demandé de me prêter son yo-yo et il m'a insulté !
— Tu mens ! Je t'ai vu. Il a dit non et tu as essayé de le lui prendre de force.
— Et alors ? Tu vas prendre sa défense ? C'est même pas ton vrai frère. C'est qu'un sale orphelin et un voleur. Il va te prendre tout ce que tu as.
— C'est toi le voleur ! répliqua Yerin en lui assénant un coup sur la tête. Retire ce que t'as dit ou je le dis à ma maman ! Espèce de caca boudin !
— Jamais de la vie !
Min-jun avait attrapé sa camarade par les cheveux et l'avait tirée en arrière si violemment qu'elle était tombée sur les fesses. Elle avait tenté d'amortir sa chute et s'était foulé le poignet. Elle s'était à peine mise à pleurer que Jong-goo se jetait déjà sur son agresseur.
En moins d'une seconde, il avait mis son adversaire à terre et comprimait sa colonne vertébrale avec son genou. De ses deux mains, il tirait de toutes ses forces sur le fil du yo-yo qu'il avait enroulé autour du cou de sa victime. Min-jun suffoquait, Yerin pleurait de plus en plus belle et le suppliait d'arrêter, et Jong-goo riait comme un lunatique. Ce n'était pas qu'un jouet, finalement. C'était une putain d'arme.
[ 10 ]
Les minutes qui suivirent furent chaotiques. L'équipe de sécurité avait fait irruption pour séparer les belligérants. Enfin, sauver la proie des griffes de son prédateur aurait été une meilleure façon de décrire la situation, car Jong-goo n'avait pas l'intention de lâcher prise aussi facilement. Il avait fallu trois hommes adultes pour maîtriser ce monstre déchaîné.
Le garçon avait été traîné dans une pièce, sous la surveillance étroite des agents de sécurité, tandis qu'on portait secours à Min-jun. Sa mère avait accouru, plus furieuse qu'inquiète, et proférait déjà de graves accusations et des menaces de poursuites légales.
— Calmez-vous, Madame Cha, intervint Kim Byeong-cheol. Ce n'est qu'une bagarre entre garçons. Il doit bien y avoir une raison.
— Une bagarre ?! Vous appelez ça une bagarre ?! Il a essayé d'étrangler mon fils !
Byeong-cheol ignora la femme hystérique. Il se tourna vers sa fille.
— Yerin, ma chérie, peux-tu nous dire ce qu'il s'est passé ?
L'enfant sécha ses larmes en reniflant, mais elle était encore sous le choc. Elle parlait de yo-yo, d'orphelin et de voleur, mais son récit était confus et décousu.
— C'est Jong-goo qui t'a poussée ?
Yerin secoua la tête.
— N-non, c'est Min-jun.
— Je vois.
— Quoi ? Mon fils n'aurait jamais fait une telle chose !
— Dans ce cas, vous sous-entendez que ma fille ment ?
Le ton du PDG de Blue Sky était froid et tranchant comme une lame d'acier.
— Ce n'est pas que j'ai dit, mais elle a peut-être mal vu...
— Eh bien, cela tombe bien, nous avons des caméras de sécurité installées partout dans le parc. Venez avec moi en salle de contrôle, nous pourrons voir de nous même ce qu'il s'est réellement passé.
Les images ne mentaient pas. On y voyait clairement Min-jun provoquer Jong-goo en le poussant et essayer de lui arracher le yo-yo des mains. Yerin était intervenue, et il l'avait tirée par les cheveux pour la faire tomber en arrière.
— Madame Cha, on dirait bien que c'est votre fils l'agresseur. Il n'en s'est pas seulement pris à Jong-goo, mais aussi à ma fille. Et mon fils essayait simplement de protéger sa sœur.
— On ne sait pas ce qu'ils se sont dit ! Mon fils ne les aurait pas attaqué sans raison.
— Parce que vous croyez que quelque chose justifie un tel acte ? Comment avez-vous élevé votre fils pour qu'il s'en prenne ainsi à une petite fille, plus petite et plus faible que lui ? En tant que femme et mère, vous devriez avoir honte.
La dame était blanche comme un linge. L'insulte était cinglante et l'humiliation cuisante.
— Madame Cha, je reconnais que mon fils est allé trop loin. Il sera puni en conséquence et je vous dédommagerai pour les frais médicaux de Min-jun. Nous devrions en rester là. Impliquer la justice dans cette affaire ne nous apportera rien de bon, ni à moi, ni à vous, ni à nos enfants. En tant que parent, je suis sûr que vous comprenez.
Madame Cha comprenait. Elle comprenait parfaitement. Elle n'avait aucun pouvoir face à cet homme. Il était aussi rusé qu'impitoyable, il menait le bâton et la carotte à la perfection, et ses menaces n'étaient pas à prendre à la légère.
— Le secrétaire Park vous contactera pour trouver un accord. En attendant, vous devriez retourner auprès de votre fils.
Ainsi, l'anniversaire de Yerin s'était achevé par une visite à l'hôpital et une atèle au poignet en guise de cadeau surprise. Ce qu'elle ne savait pas encore, c'est que c'était aussi la dernière fois qu'elle voyait Jong-goo.
Les personnages principaux de Yerin et Jong-goo, c'est une pur pépite !
J'ai eu un énorme fou rire au "espece de caca boudin".
Cette histoire est incroyable j'ai qu'une envie c'est de dévoré le chapitre 2 !
Mdr, j'ai jamais écrit avec des personnages aussi jeunes (heureusement, ça dure pas trop longtemps), du coup j'ai essayé de trouver une insulte d'enfant de sept ans, et c'est le premier truc qui m'est venu à l'esprit ! x)
Ce n'est que le début, tu as le temps ! Et y a beaucoup de chapitres en plus. ^^' (71 actuellement, et c'est toujours en cours d'écriture). Là le premier tome se focalise sur l'enfance de Yerin / Jong-goo donc c'est toute la partie inventée, puis à partir du tome 2, on rejoint l'intrigue du webtoon.
Merci beaucoup pour ce commentaire super positif et très enthousiaste ! Ça fait vraiment plaisir !
J'espère vraiment que la suite te plaira tout autant !
J'ai clIqué par curiosité grâce à la cover et au synopsis et j'avoue que c'était un chapitre très agréable à lire. D'habitude j'ai du mal avec les écrits à la troisième personne mais là j'ai trouvé que tu avais un très jolie plume et un style très fluide. C'était très facile de s'imaginer la scène, je croirais regarder un animé.
Je l'ajoute à ma PAL !
À + !
Merci beaucoup pour ton commentaire, ça fait vraiment plaisir et je suis contente que tu apprécies l'histoire ! ^^
Je dois admettre que c'est un peu tout l'inverse pour moi. J'ai beaucoup de mal avec la lecture et l'écriture à la 1ère personne. Je trouve que c'est assez contraignant et limitant, surtout quand on a beaucoup de personnages (ce qui est le cas ici, il y en aura de plus en plus) qui ont chacun leur histoire personnelle et tout un lore à développer autour d'eux.
Dans tous les cas, j'espère que la suite te plaira ! N'hésite à me laisser tes impressions. ^^
En tout cas c'est clairement un signe pour reprendre Lookism ! Bon courage pour l'écriture !