Chapitre 2 : Dernière chance, Tigre Blanc et jeux de hasard.

[ 1 ]

Jong-goo était suspendu par les pieds. Le sang lui battait aux tempes. Il encaissait les coups sans broncher. Son corps était couvert d'hématomes, il avait quelques côtes brisées, et il avait perdu une ou deux dents de lait. Baek Chul-sang laissa reposer son bâton le long de sa jambe. L'interrogatoire pouvait commencer.

— Gamin, réponds-moi. Pourquoi as-tu essayé de tuer ce garçon ?

— Il m'a pris de haut.

— Non ! s'exclama le vétéran de guerre en lui assénant un nouveau coup. Ce n'est pas la bonne réponse. Pourquoi as-tu essayé de tuer ce garçon ?

— J'étais en colère. J'ai perdu le contrôle de mes émotions.

— Faux ! Pourquoi as-tu essayé de tuer ce garçon ?

Jong-goo ferma les yeux un instant, le visage dégoulinant de sang. Quelle réponse attendait-il exactement ? Visiblement, ce n'est pas la vérité qu'il voulait. Qu'est-ce qui pouvait justifier son acte ? Quelle histoire était la plus crédible et la plus acceptable ?

— Parce qu'il s'en est pris à Yerin. Je l'ai attaqué parce qu'il lui a fait du mal.

— Bien. Bonne réponse. Tu vois quand tu veux. Tu n'as fait que protéger ta famille, mais tu as aussi mis M. Kim dans l'embarras. Ton geste était louable, mais son exécution laissait à désirer. C'était barbare et grossier. À partir de maintenant, et jusqu'à nouvel ordre, tu resteras ici et tu reprendras ta formation depuis le début. Ce sont les ordres de M. Kim.

Jong-goo fut enfin libéré de son calvaire. Après un séjour à l'hôpital et un long mois de convalescence, il reprit son entraînement qui dura deux ans.

Après deux longues années de redressement disciplinaire, il fut enfin autorisé à apprendre le maniement des armes, mais pas n'importe comment. Il suivrait la voie du Haidong Gumdo, l'art martial du sabre Coréen.

Malgré son âge avancé, Shin Yeong-hwan était un bretteur exceptionnel. Maître incontesté du Haidong Gumdo, il était aussi versé en kendo et en iaïdo. Certains disaient qu'il était né avec un sabre entre les mains. Son corps était un outil et son âme résidait dans sa lame.

Il lui avait suffit d'un regard pour comprendre que ce garçon n'était pas encore prêt à recevoir son enseignement. Il y avait encore trop de hargne et de rage en lui. Trop d'instabilité et d'imprévisibilité. Il n'était pas prêt à faire de son corps un outil.

— Je ne le prendrai comme disciple qu'à une seule condition.

— Laquelle ?

— Je veux que Lee Do-gyu prenne en charge le reste de sa formation. Quand le Tigre Blanc jugera qu'il est prêt à recevoir mon enseignement, je lui apprendrai tout ce que je sais.

— Lee Do-gyu ? Ce monstre ? Si je lui confie le gamin, il ne survivra pas une journée. Puis il ne voudra jamais. Il ne pense qu'à l'argent et ne fait jamais rien sans contrepartie. Vous pensez qu'il peut réussir là où j'ai échoué ? Qu'il arrivera à le dompter sans le briser ?

Shin Yeong-hwan secoua là.

— Non. Il va le briser. Il va le briser en mille morceaux, puis recoller les morceaux un à un. Ce garçon doit mourir et renaître. C'est sa dernière chance.

[ 2 ]

Baekho HRM, aussi connu sous le nom de Centre de Recrutement du Tigre Blanc, ne recrutait que les meilleurs talents afin d'offrir entière satisfaction au client. Située dans un vieil immeuble délabré du district de Mapo, l'organisation prêtait les services de ses recrues pour des missions d'escorte, de recherche de personnes disparues ou de recouvrement de dettes. Le client payait à l'avance, car Baekho n'échouait jamais.

Lee Do-gyu, le fondateur de l'organisation, avait deux règles simples : on n'accepte aucune mission qui n'a pas été payée à l'avance, contrat à l'appui, et on ne questionne pas les ordres du client. La plupart des membres qui travaillaient pour le compte du Tigre Blanc étaient des policiers à la retraite, des vétérans de guerre ou des ex-agents des services secrets coréens. Ils avaient l'expérience et les ressources nécessaires pour mener leurs missions à bien.

Kim Byeong-cheol était un client comme les autres, mais sa requête était un peu particulière.

— Ça va vous coûter cher. Prendre ce gamin sous mon aile et en faire un combattant aguerri, un garde-du-corps loyal, et un homme d'affaire éclairé, ça va me demander plusieurs années. Vous m'en demandez beaucoup. Je pourrai vous recommander un de mes hommes qui remplirait parfaitement ces fonctions.

Le PDG de Blue Sky secoua la tête.

— Je veux faire de Jong-goo mon successeur.

— Qu'en est-il de votre fille, vous comptez la déshériter ?

L'homme secoua la tête.

— Une pièce a toujours deux côtés. Ma société aussi. Yerin ressemble trop à sa mère, elle a horreur de l'injustice et de la violence. Elle sera parfaite pour l'image de la société et elle héritera des activités ordinaires, mais pour ce qui est du reste, il me faut quelqu'un qui n'a pas peur de se salir les mains. Quelqu'un qui sera capable de protéger à la fois Yerin et la société de mes ennemis passés, présents et futurs.

— Je vois. Je vais voir ce que je peux faire. Envoyez-le moi dans une semaine. Qu'il vienne seul. J'ai juste une condition.

— Laquelle ?

— Il se peut qu'il meure. Si cela arrive, la direction décline toutes responsabilités.

— Très bien, soupira Kim Byeong-cheol. S'il meure, c'est qu'il n'était pas destiné à devenir mon successeur.

[ 3 ]

— Alors c'est toi, la terreur des bacs à sable ? lança Lee Do-gyu avec un rire tonitruant.

Cet homme était immense. Ce n'était pas un homme. C'était une montagne de muscles saillants et veineux, et Jong-goo se tenait dans son ombre, le cou tordu pour apercevoir la tête qui lui servait de sommet. Mais pourquoi diable se tenait-il en sous-vêtements au milieu de son bureau ? Quel genre de pervers était-ce ?

— Petit, je sais ce que tu penses. Je ne suis pas ce genre de personne. Je viens de faire passer un entretien, et je n'aime pas salir mes vêtements, c'est tout.

— Moi aussi, je dois passer un entretien ?

— T'es un petit malin, toi. Tu comprends vite ! Parfait ! J'aime les esprits vifs. Je vais compter jusqu'à cent et tu vas te cacher. Si je t'attrape, tu te prends une raclée.

Jong-goo avait l'habitude des raclées, mais quelque chose lui disait que si ce monstre lui mettait la main dessus, il ne s'en sortirait pas à si bon compte. Il jouait sa vie.

Un. Jong-goo n'avait pas le temps de réfléchir. Deux. Il fallait qu'il mette le plus de distance entre lui et son adversaire. Trois. Il courait vers la cage d'escalier. Quatre. En haut ? Cinq. En bas ? Six. Il ne pouvait pas se cacher dans le premier placard qui s'offrait à lui. Sept. Ce serait trop simple. Huit. Il lui fallait un plan...

— CENT ! Caché ou pas, me voilà !

L'immeuble abritait plusieurs sociétés, dont un garage de réparations automobiles au rez-de-chaussée. Le terrain lui était favorable. Il y avait de quoi se déplacer de cachette en cachette sans se faire repérer, mais surtout, il y avait de quoi se défendre contre cette brute.

Jong-goo ne pensait pas qu'il le trouverait si facilement. Il avait sous-estimé ses capacités intellectuelles. Lee Do-gyu n'était pas seulement une force de la nature, c'était aussi un fin tacticien.

— Cache-toi bien, mon petit. Si je vois une mèche de cheveux dépasser, je te... L'ARRACHE !

Son poing s'abattit sur le coffre d'un des véhicules, la carrosserie s'affaissant sous la puissance de l'impact. L'alarme antivol du véhicule retentit bruyamment. Mauvaise pioche.

Jong-goo avait assisté à la casse depuis sa cachette. Ce n'était pas une partie de cache-cache, c'était une partie de chasse. Il devait à tout prix éviter de se faire toucher par cet homme. Un seul coup de poing pourrait le tuer. Instant kill. Game over.

C'est alors qu'il réalisa quelque chose. Lee Do-gyu ne lui avait pas dit comment mettre un terme au jeu. Il n'y avait pas de limite de temps, ni de tâche à accomplir. Cela signifiait que s'il voulait réussir l'entretien, il devait trouver un moyen de le battre.

Il y avait beaucoup d'outils qui feraient de bonnes armes dans ce garage. Jong-goo se saisit d'un pied de biche. Agilité, rapidité, discrétion et force. Il devait frapper par derrière, aussi vite que l'éclair. Prendre de la hauteur, lui fondre dessus et lui fendre le crâne.

Son plan aurait fonctionné, si le Tigre Blanc ne l'avait pas vu venir. Il s'était retourné au moment où Jong-goo bondissait dans les airs et l'avait intercepté en plein vol. Il lui arracha l'arme des mains.

— Un homme se bat avec ses poings ! gronda-t-il en jetant Jong-goo à travers la pièce comme s'il ne pesait pas plus lourd qu'un ballon de rugby.

Le garçon s'écrasa sur le capot d'une voiture. Il sentit son épaule se déboîter, mais il n'avait pas le temps de savourer la douleur. Lee Do-gyu fondait déjà sur lui. Il était rapide. Trop rapide. Jong-goo esquiva son poing de justesse. Il roula sur le côté et disparut sous la voiture.

— Hé, m'sieur, vous voulez pas faire une pause ?

— Une pause ? Déjà ? Mais on commence tout juste à s'amuser !

Jong-goo avait mis la main sur un marteau. Toujours caché sous la voiture, il avait la cheville du monstre en ligne de mire. Un point faible. S'il pouvait lui infliger une blessure, même minime, cela suffirait peut-être à mettre fin à la traque. Il lui fallait juste de quoi gagner en vitesse pour le prendre par surprise.

— Tu abandonnes, petit ?

— Oui. Vous êtes trop fort pour moi. Je me rends, alors ne me frappez pas.

Jong-goo s'était propulsé à l'aide d'une planche à roulette, les yeux rivés sur la cheville de sa cible.

— Je déconne ! Vous croyez quand même pas que j'allais abandonner aussi facilement !

Tenant le marteau d'une main, il avait concentré toute sa puissance dans son bras valide. D'abord surpris, Lee Do-gyu esquissa une grimace de douleur lorsqu'il sentit le choc se répandre dans sa cheville.

— Je dois l'avouer, petit, tu as des couilles ! rugit le Tigre Blanc. Je suis curieux, maintenant, de voir ce que t'as dans le pantalon ! C'est bon, tu as passé le test !

— Sérieux ?

— Sérieux. Mais ce n'est que le début. Aujourd'hui, tu as su me prouver ta détermination, et j'admire ta créativité, mais tu n'auras mon approbation que lorsque tu seras capable d'encaisser mes poings et de me rendre mes coups. As-tu déjà entendu parler du Chemin de la Maîtrise ?

— Non, c'est quoi ? Ça a l'air kitsch. C'est un truc de vieux, non ?

— Haha ! T'es un petit plaisantin toi, hein ? On dit que quand un homme se trouve face à un mur il a deux choix : renoncer ou franchir ce mur. Et quand un homme décide de se surpasser pour franchir le mur qui se dresse face à lui, il entrevoit le Chemin de la Maîtrise. Je serai ce mur que tu devras franchir. Si tu veux vivre, du moins, car renoncer, c'est choisir la mort.

— Et je suis censé maîtriser quoi au juste en prenant ce chemin ?

— Ce que tu sais faire le mieux. Transformer n'importe quel objet en arme mortelle. C'est ton talent, n'est-ce pas ?

— Il parait, ouais. Et c'est quoi votre talent à vous, exactement ? À part vous battre à poil.

— Mon talent ? C'est de faire de l'argent ! répondit le patron de Baekho HRM en dévoilant une rangée de dents en or.

[ 4 ]

Jong-goo claquait des dents. Le feu qui brûlait dans ce vieux baril suffisait à peine à réchauffer ses doigts mordus par le froid de l'hiver. L'odeur âcre de vieux clodo alcoolique qui ne s'était pas lavé depuis des semaines lui piquait les narines et lui irritait la gorge. Il avait la gerbe.

Lee Do-gyu l'avait mis à la rue. Il lui avait donné une pièce de cinq cent wons et un mois pour lui rapporter dix millions de wons, soit l'équivalent de 7500 dollars américains. Comment un gamin de dix ans pouvait-il récolter autant d'argent en si peu de temps ?

On pouvait devenir riche avec 500 wons, si on avait de la chance... ou si on savait bien tricher. C'était risqué, mais il pouvait commencer par là. Trouver une maison de jeux illégaux, augmenter sa mise de départ, puis réinvestir son pactole dans une activité plus lucrative. Le seul problème, c'est qu'il ne savait jouer à aucun de ces jeux, mais il était au bon endroit pour apprendre.

On ne se retrouvait pas à crever la faim sous un pont sans raison. Certains avaient joué de malchance et d'autres avaient joué avec la chance. De nombreux sans-abris étaient accros aux jeux et aux paris illégaux. Ils avaient tout parié, jusqu'à leur maison, et ils avaient tout perdu, jusqu'à leur famille. Pourtant, avec une pièce de 500 wons en poche, ils étaient prêts à replonger.

Godori, poker, mahjong, il y avait beaucoup de jeux populaires qui faisaient tourner le business des salles de jeux. À l'ère de la technologie et de l'informatique, les paris en ligne commençaient également à se développer, mais Jong-goo n'avait ni le temps, ni les moyens de mettre en place un programme en ligne pour dépouiller les plus infortunés. Il allait devoir faire ça à l'ancienne.

Son apparence d'enfant était une lame à double tranchant. Il n'était pas perçu comme un menace par la plupart des adultes, et les plus sympathiques d'entre eux étaient prêts à s'ouvrir à lui et à lui dire ce qu'ils savaient. En revanche, il était perçu comme une proie facile par ceux qui n'avaient pas une once de décence en eux.

[ 5 ]

Lee Kang-cheol était le patron du pont de Supyeong. C'était un homme dans la quarantaine et un ancien combattant professionnel de MMA. Sa carrière avait pris fin abruptement lorsque son addiction aux jeux d'argent et son implication dans des paris sportifs illégaux avaient été révélés dans la presse. Il ne s'était jamais relevé de ce scandale. Sa femme avait demandé le divorce. Elle avait obtenu la garde de ses deux enfants qu'il n'avait pas revus depuis plusieurs années.

Endetté jusqu'au cou, il avait rejoint le monde des sans-abris pour échapper à ses débiteurs. Pourtant, même au fond du trou, il n'avait jamais vraiment réussi à se débarrasser de son vice. Il ne vivait pas pour l'argent, il vivait pour les frissons des probabilités. Mais sans argent, il ne pouvait pas jouer. Il avait donc pris le contrôle des lieux et il exigeait un paiement de la part des sans-abris en échange de sa protection. 500 wons par tête et par jour. Ni plus, ni moins.

— Hé ! Gamin ! Viens par-là. Le patron veut te voir.

Jong-goo acquiesça. Sa présence avait dû – enfin – se faire remarquer. Parfait. Il était temps de passer aux choses sérieuses. Cela faisait quelques jours qu'il traînait dans le coin, mais il n'avait pas encore aperçu le fameux roi des mendiants.

Il fut introduit dans la tente du maître de Supyeong. Une vieille tente de camping trouée qui avait été jetée au rebut. Ils avaient été nombreux à se battre pour obtenir ce vieux bout de toile qui tenait à peine sur ses piquets, mais Lee Kang-cheol était sorti vainqueur de la bataille.

— Tu as déjà dû entendre parler de moi, petit. Je suis Lee Kang-cheol. Et toi, comment tu t'appelles ?

— Goo. Vous pouvez m'appeler Goo.

— D'où est-ce que tu viens, Goo ?

— J'ai fugué de l'orphelinat.

— Mieux vaut l'orphelinat que la rue. Pourquoi t'es-tu enfui ?

— On me maltraitait là-bas. Je ne veux pas y retourner.

— Cet endroit n'est pas fait pour un gamin comme toi. C'est dangereux.

— Je n'ai pas le choix. Je n'ai nulle part d'autre où aller. Et j'ai besoin d'argent.

— Qui n'a pas besoin d'argent ici ?

— Je ne sais pas comment en gagner. On m'a dit que vous étiez le plus riche ici. Comment faites-vous pour gagner de l'argent ?

— Ha ! Ha ha ha ! Tu crois que c'est si facile ? Il n'y a pas de récompense sans dur labeur. De quoi es-tu capable exactement, mon garçon ?

— Je sais me battre. Et je suis malin. Je pourrais vous être utile.

— Hm. Je demande à voir. Tu sais compter ?

— Oui.

— Tu as une bonne mémoire ?

— Plutôt, oui.

— Tu as une bonne vue ?

— Ça va.

Jong-goo avait remarqué que sa vue baissait, mais sa myopie était encore assez légère.

— Je vais y réfléchir, mais si tu comptes rester ici un jour de plus, il va falloir s'acquitter de la taxe de séjour. C'est 500 wons. T'as ça sur toi ?

500 wons c'était toute sa fortune. En y repensant, ce n'était peut-être pas une coïncidence si Lee Do-gyu lui avait donné cette pièce avant de le larguer sous ce pont.

[ 6 ]

Jong-goo était entouré de trois hommes qui ne lui voulaient pas du bien. Il n'était ni étonné, ni intimidé.

— C'est Kang-cheol qui vous envoie ?

— T'as vu juste, gamin. Si tu crois que les bagarres entre gosses c'est pareil que les combats de rue, tu te fourres le doigt dans l'œil. On va juste te donner une petite leçon, pour te faire passer l'envie de fuguer.

L'homme abattit sa grosse main sur Jong-goo. Il n'allait pas utiliser ses poings contre un mioche, mais ses claques étaient tout aussi redoutables.

— Hé ! Je croyais que tu savais te battre. Pourquoi tu restes là à te prendre des coups ?

— Je dois apprendre à encaisser si je veux franchir le mur.

— Qu'est-ce qu'il raconte ? T'as toujours pas compris ?! On ne veut pas de toi ici ! Rentre chez toi !

Jong-goo avait perdu le compte des taloches et des coups de pied. Il se relevait à chaque fois et encaissait jusqu'à ce qu'il s'effondre.

— Arrêtez les gars, c'est bon. Il a eu son compte.

— Vous avez fini ? demanda Jong-goo en grimaçant. C'est à mon tour alors.

Jong-goo avait saisi le tisonnier en acier qui brûlait dans un des barils. Il le tenait à deux mains, dans l'alignement de son corps, un pied légèrement plus avancé que l'autre.

— T'es tenace, gamin. Je te l'accorde. Mais qu'est-ce que tu vas faire dans ton état ? Et c'est quoi cette posture ? Tu te prends pour un samurai ?

Jong-goo pouvait sentir la chaleur du tisonnier chauffé à blanc lui réchauffer le visage. Son corps était aussi brûlant que son corps. La douleur était un carburant qui lui permettait de repousser ses limites. Ce qui ne tue pas rend plus fort. Dans la lueur rougeâtre, un sourire féroce se dessina sur son visage.

Vous êtes foutus.

Les coups ardents pleuvaient comme des météores, lacérant et brûlant la chair des trois hommes. lls battirent rapidement en retraite en poussant des jurons et des cris de douleur.

[ 7 ]

— C'est toi qui as fait ça à mes gars ? demanda Lee Kang-cheol.

Il se tenait face à Jong-goo, les bras croisés sur sa poitrine.

— Ouais, mais c'est eux qu'ont commencé.

— Où est-ce que tu as appris à te battre comme ça ?

— Qu'est-ce que ça peut vous faire ? Vous allez m'apprendre à gagner de l'argent ou pas ?

L'homme poussa un soupir résigné.

— Très bien. Je joue de malchance en ce moment, et j'ai besoin de quelqu'un pour m'aider pendant les parties. Si tu vois ce que je veux dire.

— Vous aider à tricher, vous voulez dire ?

— Juste me donner quelques indices, c'est tout. Si tu m'aides à gagner, je te donnerai dix pour cent de mes gains. Je te montrerai les signes à faire en fonction de la main de mes adversaires, mais tu dois être discret. Si tu te fais prendre, c'est fini pour toi. Compte pas sur moi pour te sortir de là. Compris ?

— D'accord. Vous jouez à quoi ?

— Au Godori. Tu sais jouer ?

— Non.

— OK. Alors d'abord, je vais t'apprendre les règles du jeu et tu vas mémoriser les cartes. On fera quelques essais, et si je suis convaincu par ta performance, on ira faire un tour à la maison de jeux.

Ce garçon en avait dans la caboche. Il apprenait vite et il était rusé comme un renard. Il irait loin dans la vie, c'était certain.

[ 8 ]

La chance lui souriait. Kang-cheol n'avait jamais gagné autant d'argent en aussi peu de temps. Ce garçon était doué. C'était une véritable poule aux œufs d'or. Ils étaient partis du mauvais pied, mais ils formaient à présent une belle équipe. Goo ne se contentait pas de faire gagner Kang-cheol, il le faisait aussi parfois perdre exprès, pour éviter les soupçons.

La première fois qu'il lui avait fait perdre sa mise, Kang-cheol était fou de rage. Il était prêt à le rouer de coups, mais Goo lui avait promis de lui faire gagner le double à la manche suivante. Il perdait un peu, puis gagnait beaucoup et les comptes finissaient pas s'équilibrer.

Si le joueur était satisfait, il n'en allait pas de même pour Goo. Dix pour cent c'était trop peu. En deux semaines, il s'était fait à peine deux millions de wons. Il était encore loin de son objectif et il ne lui restait plus qu'une dizaine de jours pour récolter les huit millions manquant. Il lui fallait un autre client. Quelqu'un qui pourrait lui rapporter gros. Un gros parieur.

Il n'avait pas tardé à repérer le candidat idéal. Un employé de bureau dans la cinquantaine, un peu dégarni, le nez chaussé d'une paire de lunettes mal essuyées. Costume trois pièces, mocassins en cuir noir, porte-document... Il s'était rendu à la salle de jeux dès la sortie du travail.

Il s'épongeait nerveusement le front avec son mouchoir en tissu. La chance n'était pas de son côté. Il avait perdu toute sa mise dès la deuxième manche. Jong-goo soupçonnait le croupier de cette table d'être de mèche avec certains des joueurs réguliers. Des joueurs qui avaient des têtes de gangsters.

Tricher contre des tricheurs, ce n'était pas vraiment de la triche. C'était une façon de rééquilibrer la balance.

Le quinquagénaire avait quitté la salle en traînant des pieds, les épaules basses et l'air défait. Il se lamentait en contemplant son portefeuille vide. Quelque chose en rapport avec sa femme et leurs économies. Son téléphone sonna.

— Allô ? Oui, chérie, je suis avec mes collègues. Le dîner d'équipe est presque fini, je ne vais pas tarder à rentrer. D'accord. Oui. J'ai compris. À toute à l'heure.

Il jouait donc avec l'argent de sa famille et mentait à son épouse. À ce rythme, ce type allait finir SDF. C'était sûr. Et cette chiffe molle ne survivrait pas une semaine dans la rue.

— Hé ! Monsieur !

L'homme se retourna, l'air étonné.

— Toi, je te reconnais. Tu traînes avec ces hommes louches. Qu'est-ce que tu veux ? Si tu veux me dépouiller, tu t'adresses à la mauvaise personne. Je n'ai plus un rond.

— Non, non. Je ne veux pas prendre votre argent, je veux vous aider à en gagner.

— Pardon ?

— Vous avez des problèmes d'argent et c'est la première fois que vous venez ici, n'est-ce pas ? Et vous ne voulez pas que votre femme le sache. Sauf que vous n'avez pas de chance en ce moment, et vous avez peur qu'elle découvre que vous avez tapé dans vos économies.

— C-comment tu sais tout ça ?

— J'ai posé quelques questions sur vous à la salle et j'ai entendu votre conversation au téléphone. Vous savez pourquoi vous perdez tout votre argent ?

— Pourquoi ?

— Parce que vos adversaires trichent. Ils sont de mèche avec le croupier. Mais moi aussi je sais tricher. Sans me faire prendre. Je peux vous faire gagner gros.

— Pourquoi tu ferais ça pour moi ?

— C'est pas gratuit. Je veux cinquante pour cent de vos gains.

— Cinquante pour cent ?! Mais c'est énorme !

— C'est mieux que rien du tout. Ce soir vous êtes repartis les poches vides. Et quand vous aurez tout dépensé, et que vous serez au fond du trou, vous savez ce qu'il va se passer ?

— N-non. Quoi ?

— Des hommes vont venir vous voir. Probablement ceux vous ont saigné en trichant et qui gèrent cette salle de jeux. Et ils vont vous proposer un prêt illégal. Et vous allez l'accepter, parce que vous ne voulez pas finir SDF. Vous allez vous enfoncer encore plus dans les jeux de hasard, vous ne pourrez pas rembourser votre dette, alors les collecteurs de dette vont s'en prendre à votre famille. Ils vont vous tabasser, vous menacer, et peut-être même vendre un de vos reins, qui sait ? C'est ça que vous voulez ?

L'homme était tout pâle. Le tableau que ce gamin lui faisait de son futur n'était pas très réjouissant.

— Petit, tu dis des choses bien effrayantes pour un garçon de ton âge.

— Parce que j'ai vu des choses très effrayantes pour mon âge. Je sais de quoi je parle. Et vous savez aussi que je dis vrai.

— Certes. Certes. Alors, tu dis que tu peux m'aider à regagner tout ce que j'ai perdu ?

— Oui. Mais faut faire exactement ce que je dis. Et si vous vous faites prendre parce que vous êtes trop nul, c'est pas mon problème.

— D'accord. Mais je n'ai plus d'argent...

— Je peux vous en prêter. J'ai deux millions de wons.

[ 9 ]

Yoon Sang-ook n'était pas un joueur compulsif. Il ne jouait pas pour les frissons des probabilités, mais par nécessité. Simple employé de bureau, il travaillait quarante heures par semaine, parfois plus, pour un salaire qui n'était pas à la hauteur des besoins de sa famille.

Époux d'une femme au foyer et père de trois enfants, Sang-ook ne rechignait pas à faire des heures supplémentaires et à brosser ses supérieurs dans le sens du poil dans l'espoir d'obtenir une promotion. Il était prêt à sacrifier sa dignité et à se faire marcher sur les pieds, si cela lui permettait d'obtenir une augmentation, même minime. Mais le zèle ne suffisait pas.

Il avait fait des centaines de simulation de budget. S'il ne gagnait pas plus d'argent, il ne pourrait jamais payer les frais de scolarité de ses trois enfants. Ils devraient les transférer dans une école publique et renoncer au cours du soir. Ses enfants perdraient l'opportunité de recevoir une éducation de qualité et de postuler dans de bonnes écoles. Ils seraient déclassés.

Sang-ook ne voulait pas que ses enfants aient à souffrir de la pauvreté. Il était prêt à tout pour assurer leur bonheur. C'est alors qu'un de ses collègues lui avait parlé des jeux de hasard. Il lui avait donné quelques astuces et conseils, et lui avait promis qu'on pouvait gagner gros. Il voulait essayer, juste une fois. Il avait essayé, et il avait tout perdu. Ses économies si durement gagnées, parties en fumée en l'espace d'une soirée.

Ce garçon lui assurait qu'il pourrait l'aider à récupérer son argent et à en gagner encore plus. L'offre était alléchante, mais il n'était pas serein. Utiliser des enfants pour endormir la méfiance des adultes et les défrauder, ce n'était pas nouveau.

Les soupçons de Sang-ook s'envolèrent rapidement. Il gagnait. Manche après manche. Mise après mise. Il remportait partie sur partie.

— Tiens, c'est ta part. Merci, petit.

Trois millions de wons. Ce n'était pas encore suffisant.

— Revenez demain. Je peux vous faire gagner le double.

— Le double ? Tu ne crois pas que ce sera suspect ?

— Pas si vous misez moins qu'aujourd'hui et que je vous fais perdre. Pas tout, mais une partie de vos gains. On fera en sorte d'équilibrer la balance. Vous ne perdrez rien, mais vous ne gagnerez rien non plus. Cela rassurera vos adversaires, ils seront plus audacieux. Et après-demain, on rafle tout.

— Je ne sais pas si je peux venir trois soirs de suite, ma femme va commencer à se poser des questions...

— Allez, m'sieur ! C'est pas le moment de faire votre poule mouillée. Vous voulez que votre femme découvre que vous avez perdu toutes vos économies ?

— N-non. Surtout pas ! Tu n'irais quand même pas lui dire ?

— Si vous vous dégonflez, je n'aurai pas le choix. Ce sera votre punition. Encore deux jours. Après, vous pourrez tout arrêter si vous voulez.

[ 10 ]

Les choses avaient mal tournées. Les gangsters n'aimaient pas se faire dépouiller. Surtout pas par un vieux schnock en costard cravate. Ils ne comprenaient pas pourquoi ils n'arrivaient pas à gagner malgré leurs combines. Ce binoclard devait cacher des cartes dans sa manche.

Un homme à la carrure de lutteur coréen, le corps couvert de tatouage et le crâne rasé, tapa du poing sur la table.

— Hé, le col blanc ! Tu triches ?

— Hein ? J-je... Non !

— Lève-toi ! Et déshabille-toi !

— Je ne vous permets pas ! s'offusqua Sang-ook en serrant sa veste contre lui.

Le gangster avait fait le tour de la table pour attraper le pauvre employé de bureau par le col. Jong-goo en avait profité pour se glisser sous la table. Bingo !

— Oh ! s'exclama-t-il sur un ton faussement émerveillé. Y a des cartes collées sous la table. Et un double fond qui tourne. Wow ! Trop cool ! C'est que des bonnes cartes en plus. Je me demande qui a fait ça...

Un autre joueur se pencha à son tour pour confirmer la découverte de Jong-goo.

— Le gamin a raison, la table est truquée !

Un murmure d'indignation et de colère fit frémir la salle de jeux. Les tables voisines avaient cessé de jouer. Après vérification, un bon quart des tables avaient été modifiées pour permettre au croupier et son complice de tricher. Les esprits s'échauffaient. Une bagarre généralisée n'allait pas tarder à éclater.

— Toi ! rugit le gangster, furieux d'avoir été pris la main dans le sac. T'es le gamin qui traîne toujours avec Kang-cheol. Tu dois être sacrément attardé ! Je vais te montrer ce qui arrive aux cafteurs dans ton genre !

Jong-goo poussa une chaise devant lui pour ralentir la progression de son assaillant. Pas très efficace. Le gangster se saisit de la chaise et la balança dans la direction du garçon qui l'évita de justesse.

— Attrapez-le ! ordonna le gangster. Attrapez-moi ce mioche ! Je vais lui faire la peau !

Jong-goo vit les billets qui jonchaient la table de jeu. C'était maintenant ou jamais. Il n'était pas le seul à avoir eu cette idée. Sang-ook était en train de fourrer les billets dans son porte-document.

Pendant ce temps, les membres du gang qui gérait la salle avaient fait irruption pour nettoyer les lieux. Armés de bâtons et de barres de fer, ils rouaient de coups les joueurs floués pour les disperser, mais ceux-ci ne se laissaient pas faire. On ne rigolait pas avec l'argent.

Jong-goo aidait son complice à ramasser les billets, lorsqu'il sentit une présence dans son dos. Il bondit sur le côté alors que le bâton s'abattait sur la table. Les coups venaient de tous les côtés. Sang-ook en avait reçu quelques-uns aussi, mais il tenait bon.

— M'sieur, faut pas qu'on traîne ! On a pris tout ce qu'on pouvait, faut qu'on se taille !

Il n'y avait que quelques mètres à parcourir jusqu'à la sortie, mais c'était un véritable champ de bataille. Heureusement, Kang-cheol et sa bande étaient de la partie. L'ex-champion de MMA ne retenait pas ses coups. Il était furieux de s'être fait rouler dans la farine, lui aussi. Trois, cinq, dix adversaires ne suffisaient pas à l'abattre. Il était fort. Très fort.

La voie était libre. C'était leur chance. Jong-goo attrapa le père de famille par la manche et ils piquèrent un sprint vers la sortie. Ils ne s'arrêtèrent qu'une fois la salle de jeux loin derrière eux. Les mains sur les genoux et les poumons en feu, Sang-ook peinait à reprendre son souffle.

— Vous avez réussi à tout prendre ?

— Je crois oui.

Les billets avaient été fourrés dans la mallette à la va-vite. Ils étaient tout froissés. Ils les rassemblèrent pour les compter. Il y avait deux cent cinquante coupures de 50 000 wons, soit un total de 12 500 000 wons.

— Je vous en donne la moitié et je garde le reste. On a eu chaud, mais ça valait le coup.

— Petit, pourquoi je te donnerai cet argent ? C'est moi qui l'ai gagné.

— Vous essayez de me rouler ? Je vous ai sauvé la mise toute à l'heure. Sans moi, ils vous auraient plumé.

Sang-ook était aveuglé par l'appât du gain. Qu'est-ce qu'un gamin de dix ans pouvait faire contre lui ? Il ne pouvait pas renoncer à autant d'argent. Avec cette somme, l'avenir de ses enfants était assuré. C'était son argent. Son argent, rien qu'à lui.

— Cet argent est à moi. À moi, tu entends ? Je ne te donnerai pas un seul won. Je ne veux pas te faire de mal, alors va-t-en.

— M'sieur, c'est pas très sympa de me faire ça. Après tout ce que j'ai fait pour vous. Les adultes sont tous pareil. On ne peut pas vous faire confiance. Vous nous utilisez puis vous nous abandonnez.

Jong-goo s'avança vers lui d'un pas déterminé.

— Qu'est-ce... qu'est-ce que tu as dans les mains ?!

Trop tard. La lame s'enfonça entre les côtes du quinquagénaire. Une torsion du poignet lui arracha un cri de douleur.

— Fallait pas me la mettre à l'envers, murmura Jong-goo. Vous m'avez rendu triste. J'aime pas être triste.

Il retira la lame d'un coup sec. Sang-ook glissa contre le mur, la main pressée contre son flanc qui saignait abondamment. Impuissant, il regardait Jong-goo ramasser l'argent. Tout son argent.

— Vous avez joué et vous avez perdu. Vous auriez dû prendre la moitié de l'argent. Maintenant, vous n'avez plus que vos yeux pour pleurer. Adieu, M. Yoon. Bonne chance.

[ 11 ]

Jong-goo s'était rendu à la cabine téléphonique la plus proche. Il avait composé le 119, le numéro des secours. Il avait fait un signalement anonyme, puis avait raccroché. Il s'était ensuite rendu au bureau de Baekho HRM.

— Voilà, fit-il en vidant le porte-document plein de billets sur le bureau de Lee Do-gyu.

Le regard du tigre blanc s'illumina et il poussa un rugissement satisfait en s'emparant des billets qu'il huma à plein nez.

— Tu l'as vraiment fait ! Haha ! Petit, tu es incroyable ! Je ne pensais pas que tu y arriverais... Mais... Pourquoi est-ce que ces billets sont tout plein de sang ? Hm.. Non, ce n'est pas important. Tu as réussi. C'est l'essentiel.

Son patron avait compté l'argent. Il y avait un peu plus de dix millions de wons.

— Tu as bien bossé. Tiens, la moitié est pour toi. Fais-en ce que tu veux.

— Qu'est-ce que je dois faire maintenant ?

— Tu vas continuer à bosser pour moi. Je vais t'apprendre toutes les ficelles du métier. C'est ce qu'on appelle l'école de la vie.

— D'accord. Je voulais aussi vous dire. J'ai rencontré quelqu'un, un type très fort. Il ferait n'importe quoi pour l'argent. Vous devriez lui faire passer un entretien.

— Ho ho ! Si tu me le recommandes, je veux bien voir ce qu'il a dans le sac. Amène-le moi, je verrai s'il vaut la peine d'être engagé.

C'est ainsi que Lee Kang-cheol avait rejoint Baekho HRM. Jong-goo ne savait pas ce qu'était devenu M. Yoon. Il n'avait pas cherché à savoir.

Pendant presque trois ans, il avait suivi Lee Do-gyu. Il avait acquis tout un tas d'expériences diverses et variées. Il avait appris à utiliser son cerveau aussi bien que ses poings. Il était encore loin d'égaler Lee Do-gyu, mais celui-ci affirmait qu'il n'avait plus rien à lui apprendre.

— À présent, c'est à toi de trouver ta voie. Tu es encore jeune, mais tu n'es pas un enfant ordinaire, tu es un prodige Tu vas grandir, tu vas devenir plus fort, plus puissant, et un jour tu pourras rivaliser avec moi.

— Je ne peux pas continuer à travailler pour vous ?

Son patron secoua la tête.

— Désolé, petit. J'aurais adoré te garder avec moi, mais ton père a d'autres projets pour toi.

[ 12 ]

Jong-goo venait de fêter sa treizième année lorsqu'il avait fait ses adieux à Lee Do-gyu. La semaine d'après, il rencontrait Choi Dong-soo, un homme d'affaires ambitieux qui recrutait de jeunes talents pour l'aider à faire décoller son business.

— Tu dois être Kim Jong-goo. J'ai beaucoup entendu parler de toi. Tu dois te demander ce que tu fais ici. Je vais tout t'expliquer.

La proposition de M. Choi était simple. Il avait besoin d'argent. Beaucoup d'argent. Il ne pouvait pas se faire autant d'argent par des voies ordinaires, mais il ne voulait pas non plus emprunter des voies – trop – illégales, car cela mettrait en péril son projet. Il lui fallait un moyen de contourner ce problème. Il voulait exploiter la délinquance juvénile à son avantage. Les mineurs se faisaient rarement arrêter et, si jamais ils étaient condamnés, ils allaient en centre de détention pour mineurs pendant quelques mois, puis étaient relâchés.

— J'ai besoin de jeunes intelligents qui sauront profiter du système. Des jeunes comme toi. Tu ne seras pas seul. J'ai d'autres profils intéressants en tête. Je vous donnerez tout ce dont vous avez besoin, vous ne manquerez de rien.

— Combien il vous faut ?

— J'ai un plan sur trois ou quatre ans. À raison de 400 millions de wons par mois.

C'était quarante fois plus que ce que Lee Do-gyu lui avait demandé de faire en un mois. D'après ses calculs, cela faisait... Jong-goo essayait de compter sur ses doigts, mais la somme était astronomique.

— Quinze milliards de wons. C'est mon objectif. Il faudra prendre le contrôle des principales zones de Séoul. C'est pour ça que je ne compte pas commencer maintenant. Il faut préparer le terrain. Je t'ai fait venir, toi et d'autres prodiges comme toi, afin de vous préparer. Pendant les quatre à cinq prochaines années, je vais vous former afin que vous ayez les ressources nécessaires pour mener à bien mon projet.

— Je comprends. J'ai juste une question. Qu'est-ce que M. Kim a à voir là-dedans ?

— Ton père adoptif est une vieille connaissance. Il a investi dans mon projet. Je lui ai également promis des parts dans ma société lorsque mes affaires auront décollé. Quand il m'a parlé de toi, j'ai su que tu étais le genre de personne que je recherchais. Il a accepté que je t'emprunte, moyennant quelques conditions.

— Lesquelles ?

— S'il a besoin de toi pour quoi que ce soit, ses ordres sont prioritaires sur les miens.

— Je vois.

— Alors, qu'est-ce que tu en penses ? Tu veux te joindre à moi ?

— Est-ce que j'ai vraiment le choix ?

— On a toujours le choix, lui répondit M. Choi avec un sourire énigmatique.

Une nouvelle page se tournait pour Jong-goo. Il ne vivrait plus que pour l'argent. L'argent pouvait être sale, mais il ne mentait pas. L'argent ne le trahirait pas. Si c'était pour l'argent, il était prêt à tout.

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