La pluie tombait ardemment, ravivant le souvenir de la nuit précédente aux habitants. L'eau s'infiltrait dans les égouts, transformant les ruelles en pièges glissants. Dans ces décors effrayants, une silhouette courait, trahie par son souffle court et saccadé.
Il ne voyait plus rien. Ses larmes, mélangées à la pluie, cachaient les ombres déformées par les lampadaires, les murs embrumés et les allées tortueuses. Seuls ses battements de cœur, mêlés aux gouttelettes d'eaux qui s'éclataient au sol venaient rompre le silence assourdissant qui régnait sur la ville.
Il jeta un bref coup d'œil derrière lui. Personne. Mais il savait que ce n'était qu'une illusion.
As était bien là, surveillant avec attention sa proie, comme il le faisait toujours. Il était silencieux, ne laissant comme trace que le corps sans vie de celui qu'il poursuivait. C'était un spectre, un fantôme qui venait hanter les mortels avant de les tuer avec sauvagerie.
L'homme courait, mais c'était déjà trop tard. Depuis qu'As l'avait marqué, il n'avait plus aucune chance. Pourquoi lui ? Avait-il rencontré la mauvais personne ? Parlé à la mauvais personne ?
Ou peut-être n'était-ce que la malchance ? Dans tous les cas, c'était terminé.
Il trébucha, se rattrapa rapidement et tourna dans une allée. Peut-être arriverait-il ...
Un rire court et sec vint interrompre ses pensées, comme pour briser le mince espoir qui s'était formé en lui. Il était évident qu'As se moquait de lui - il se moquait toujours de ses cibles -, s'amusant à jouer avec ses sentiments. Il voulait le faire craquer.
Un cul-de-sac. Non. L'homme se laissa tomber contre le mur qui venait d'apparaître en face de lui.
« – Et bien, il faut croire que la première partie se termine déjà. Tu cours vite. Dommage, mais pas assez. » soupira As.
Sa voix était légère, teinte d'un amusement mal dissimulé, bien qu'un timbre doux, presque enfantin se laissait entendre. Sa silhouette apparaissait enfin derrière sa cible, bien qu'elle restât encore cachée.
« – On dirait qu'il te hâte de voir à quoi je ressemble. Pourtant, ce moment-là signera le début de ta véritable torture. »
L'homme frissonna en reculant vainement, s'étalant contre le mur du mieux qu'il pouvait. Ses battements de cœurs devenaient de plus en plus puissants, si bien qu'il ne doutait pas qu'As l'entende - et il était évident qu'il s'en amusait profondément.
« – Pourquoi moi ? Balbutia-t-il avec angoisse.
– Pourquoi toi ? Tu tiens vraiment à le savoir ? Tu vas être déçu, prévint le chasseur en s'arrêtant à quelques mètres de sa proie. »
L'homme acquiesça, tentant d'éviter de montrer sa peur, pourtant trop évidente.
« – Et bien.. J'ai fermé des yeux, compté jusqu'à dix, ouvert les yeux et suis tombé sur toi » Avoua As.
Ainsi, même sa mort n'aura été que malheureux hasard. Un jeu de dé avait décidé de sa mort, comme un pari avait décidé de sa naissance. Le fortuit destin, voilà ce qui l'avait accompagné toute sa vie.
« – T-Tu n'es pas obligé de faire ça... »
Le chasseur éclata de rire - un rire enfantin, presque moqueur.
« – Bien sûr que non. Mais si je ne faisais que ce que j'étais obligé de faire, la vie serait plus qu'ennuyante. »
L'homme ouvrit la bouche pour supplier mais As ne lui en laissa pas le temps. En un instant, il était devant sa proie, son souffle le faisant frissonner d'horreur.
Il n'était pas aussi grand que l'aurait cru l'homme ; A peine quelques centimètres de plus. Mais ses yeux étaient plus qu'effrayants. Brillant d'un éclat dément, ils observaient sa cible avec une curiosité enfantine. Il portait un pantalon brun, avec des bretelles de la même couleur, une chemise blanche et un cravate pendant négligemment sur son torse.
« – Je peux te montrer quelque chose ? » Voulut savoir As.
L'homme secoua négativement la tête avec panique, mais le chasseur n'en prit pas compte. Un pression soudaine vint s'appuyer sur son cou. Il tenta de se débattre, mais ce mouvement ne fit qu'amuser son ennemi, qui resserra sa prise avec une facilité déconcertante. Il voulut crier ; Aucun son ne sortit. De toute façon, c'était vain. Qui viendrait l'aider face à ce monstre ?
« – Regarde comme c'est amusant, poursuivit As, ses lèvres s'étirant en un sourire presque rêveur. Ce moment précis où ton corps réalise qu'il n'a plus de contrôle. Où chaque battement de ton cœur devient un compte à rebours. Où tu comprends que tout va s'arrêter... »
L'homme convulsa, tentant vainement de s'échapper de l'emprise de son chasseur. L'air peinait à passer dans son corps. Il griffa le bras d'As du mieux qu'il pouvait, mais celui-ci ne paraissait pas en être impacté.
Quand est-ce que ça avait mal tourné ? Quand est-ce que sa vie avait pris ce tournant ?
« – Ce moment où tu comprends que c'est vraiment terminé, continua-t-il, C'est ce moment là que j'attends avant tant d'impatience. Tes yeux qui perdent tout espoir... Mais ton corps qui continue de frétiller comme un poisson pris au piège dans un filet de pêche. »
As sourit, avant de laisser tomber l'homme. Celui-ci s'effondra à terre, toussotant violemment en tentant de reprendre son souffle. Ses muscles tremblaient, traversés par des spasmes incontrôlés. Mais une question persistait dans son esprit ; Pourquoi était-il encore en vie ?
Le chasseur s'accroupit à côté de lui, posant son menton sur sa main, comme un enfant observant un insecte blessé.
« – Tu pensais que ce serait rapide ? Dommage pour toi, mais j'aime bien m'amuser toute la nuit avec mon jouet. Et si tu es divertissant, je te garde même au petit matin »
Un sourire joueur s'étira sur ses lèvres, alors que l'homme sanglotait. C'était terminé et il le savait. C'était un jeu qui était décidé par As... Et lui seul pouvait l'arrêter.
La pluie continuait de tomber, lavant les traces de cette nuit sans lune. Mais il n'y avait pas d'eau assez pure pour effacer l'ombre qui régnait sur cette ville.
As sourit, et le jeu reprit.