Prologue

Notes de l’auteur : Nouvelle version pour cette histoire, et j'espère la dernière.
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La brume s'élèvait des terres sauvages, enveloppant la forêt de Brocéliande d'un voile d'argent. Merlin, comme on le nommait ici, se tenait immobile au sommet d'un promontoire rocheux. Le vent jouait dans sa barbe blanche, et ses yeux, d'un bleu profond, scrutaient l'horizon avec une gravité inhabituelle. La lumière blafarde de la lune éclairait son visage marqué par les âges et les tourment

Pendant des siècles, il guida les peuples, partagea son savoir, et enseigna la sagesse des druides, ce lien sacré entre la terre, le ciel et les étoiles. Ses exploits auprès du roi Arthur, qu'on chantait encore dans les légendes, résonnaient comme des échos d'un âge d'or. N'avait-il pas conseillé le jeune roi dans sa quête de la Table Ronde, forgeant l'idée d'un royaume bâti sur l'équité et la paix ? Et que dire du jour où il avait exploré les forces de la nature pour dresser les murailles de Camelot, ces pierres vivantes qui semblaient respirer la magie ? Mais même ces triomphes ne suffisaient plus. Arthur reposait sous la colline d'Avalon, et Camelot, comme tant d'autres merveilles, n'était plus qu'un souvenir.

Une sombre mélancolie pesait sur le cœur du vieil enchanteur. Une nouvelle foi se répandait comme une rivière en crue, submergeait tout sur son passage. Ses adeptes, porteurs de croix scintillantes, proclamaient une vérité unique et exclusive. La nature, jadis vénérée comme une mère, était désormais reléguée au rang de simple création, et les anciens enseignements druidiques étaient décriés comme des hérésies.

Merlin savait que résister serait vain. Le vent du destin soufflait contre lui, et même l'enchanteur le plus puissant ne pouvait inverser son cours. Ses visions, des éclats d'avenir qu'il avait toujours redoutés, lui montraient des siècles de guerre, d'ignorance et de destruction. Mais elles lui avaient également révélé une échappatoire.

Un souvenir d'Anaximandre revint flotter dans son esprit. Il avait lu les récits de ce philosophe visionnaire, des textes qui parlaient de mondes multiples, tournant dans un cosmos sans fin. Anaximandre avait décrit l'univers comme une danse d'éléments opposés, une harmonie née du chaos. Ces mots, bien qu'anciens, avaient ravivé en Merlin l'espoir d'un renouveau. Et si ces portails qu'il avait découverts n'étaient qu'une nouvelle variation de cet ordre cosmique ? Un équilibre à rétablir, une harmonie à recréer ?

Une goutte de pluie tomba sur son visage, froide et lourde, et Merlin leva les yeux vers le ciel. Cette terre n'était plus son sanctuaire. Il devait partir. Oui, il partirait, mais pas seul. Il apporterait avec lui tous les opprimés de ce monde : les mages, les sages-femmes qu'on nommait maintenant sorcières, les chats noirs, les roux, et les dragons, s'ils le voulaient.

Il se retourna vers la forêt où une foule l'attendait. Ceux qui avaient choisi de quitter ce monde le regardaient avec une crainte mêlée d'espoir. Derrière les arbres noueux se trouvait l'un de ces portails, un cercle de pierres anciennes baigné d'une lumière irréelle. Merlin inspira profondément, son regard brillant d'un mélange de tristesse et d'optimisme. Il était temps.

Il frappa le sol de son bâton, et la lumière du portail s'intensifia, enveloppant sa silhouette. Un murmure parcourut la foule. Un monde nouveau les attendait.

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