Chapitre 1- C'est parti mon p'tit!

Par Moje
Notes de l’auteur : Bonjour bonsoir!
Voilà un petit moment que j'ai écris cette histoire, et comme j'ai beaucoup de boulot en ce moment il m'est passé par la tête de la continuer (oh la belle fuite des responsabilités!). Donc, avant que qui que ce soit ne commence:
Cette histoire est une fanfiction basée sur l'univers de la Passe-Miroire de Christelle Dabos. L'univers lui appartient donc, mais aucun de ses personnages n'apparaitra (sauf interprétation de votre part :p ). <br />Il s'agit donc de l'histoire d'un gamin des rues vivant dans les trés, trés, tréfonds de la Citacielle, et de toute sa horde de voleurs. Advienne que pourra!
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Le cône du combiné collé à l’oreille, il expira une longue volute de fumée qui s’étirait en s’enroulant sur elle-même.

-Alors ? demanda le garçon assis à côté de lui.

Un sourire machiavélique s’étira sur ses lèvres fines.

-Comme toujours mon p’tit Eddy : tes tuyaux sont en ors. Y a du mouvement là-haut, une fête se prépare !

-ça, ça vaut dire jackpot pour nous, mon p’tit gars ! On va se remplir les poches ! A qui devons-nous ça ?

Eddy, la clope au bec, leva ses grands yeux bleus vers son camarade. Du haut de ses quinze ans, il était l’un des membres les plus hauts placés de la branche illicite de la Confrérie D’en Dessous, un nom bien pompeux pour une organisation qui n’était autre qu’un ramassis de voleur, espions, chapardeurs, de fouilles-l’égout et de truands en tout genre. Eddy, Edouard de son nom, était le chef des espions et autres zieut’moi-ça, chargé de glaner des informations, des potins et de surveiller les conversations téléphoniques. Avec Gus, le chef des voleurs, Aristide, des opérations extérieurs et Anton, veilleur en chef, ils formaient un quatuor implacable à qui rien n’échappait.

-Arrivée de nouvelles têtes à la cour du sieur Farouk si j’ai bien compris, répondit le blondinet au sourire éclatant. Merci de m’avoir prévenu, mon p’tit Eddy. A moi de jouer, maintenant !

-Bha ! C’est mon boulot, mon p’tit Gus. À toi de jouer, maintenant ! …mais soit prudent, d’accord ?

Gus plongea son regard azur dans celui de son ami dont le visage c’était soudain assombrit. Avec un soupir, il sauta du pupitre sur lequel il s’était assis pour écouter la conversation depuis leur téléphone bidouillé pour intercepter tout appel entre le Clair de Lune et l’extérieur. Pour ce qui était des appels à l’intérieur même, c’était une autre histoire, et il valait mieux dépêcher des espions directement sur place soit parmi le personnel, soit par la voie royale des gredins : les conduits d’aérations !

-Fais gaffe. Rappelle-toi que pour eux…continua-t-il alors que Gus pour sortir, passait déjà sous l’embrasure décrépite de ce qui fut autrefois une porte.

-T’inquiètes, pas moyen que j’oublie. Pour eux, nous ne sommes ni plus ni moins que de la vermine à exterminer, répondit Gus pour lui-même.

Puis, baissant les yeux sur sa main droite qui tenait fermement un vieux parapluie autrefois d’un vert pomme éclatant, il jura entre ses dents. « Et même si un jour j’oublie, je n’aurais qu’à baisser les yeux pour m’en souvenir ». En effet, quelques moins auparavant, un gendarme l’avait surpris alors qu’il venait de dérober la bourse d’un passant. L’homme, encore un de ses gros nobles ventripotent, avait exigé que le gendarme coupe la main du voleur. Heureusement, Gus avait de bons réflexes ; il s’était laissé faire jusqu’au moment fatidique pour mieux surprendre les deux hommes, et il n’avait perdu que la moitié de son petit doigt.

-Mais pour le moment, susurra-t-il en longeant les couloirs obscurs dont la moisissure décollait le plâtre des murs, oui, pour le moment, ces consanguins de nobles sont de bons pigeons et c’est moi le chat !

Une ouverture dans le mur du couloir laissait filtrer une lumière tamisée et un bruissement des corps s’activant tout en conversant. Gus enjamba l’amas de plâtre qui gisait par terre et entra dans la pièce. Une forte odeur de sueur, de corps mal lavés, de suif et, encore, de moisissure emplissait l’air. Ici, les seules aérations occasionnelles provenaient de trous dans les murs, conséquence directe de la vétusté des lieux, mais comme les habitants s’empressaient de reboucher chaque interstice méticuleusement, il ne fallait pas compter sur une quelconque bouffée d’air frais. D’ailleurs, l’air de dehors n’était jamais frais ; il était glacial, car au pôle, la température moyenne était de moins trente degrés. Ici, tout en bas de la Citacielle, dans les bas-fonds des bas-fonds, elle était relativement plus élevée. En effet, les vingt degrés étaient une constante annuelle, dû à la fois à la proximité avec le cœur de la Citacielle qui servait à alimenter en chaleur les niveaux les plus élevés et à la promiscuité. Mais tout ça, Gus s’en moquait. Son boulot à lui, c’était de coordonner tous ses petits voleurs qui s’afféraient déjà à préparer leur excursion de ce soir, pas de faire l’état du taudis dans lequel il vivait.

-Au boulot, bande de rats d’égouts, leur cria le petit chef. On a du pain sur la planche, alors magnez-vous le fion ! Et trouvez-moi Bennie !

Ici, une trentaine d’enfants s’agitaient en tous sens. Un frère et sa petite sœur discutaient de la taille d’un grand sac en toile, se demandant si il serait suffisamment grand et résistant. Un jeune garçon montrait des listes de noms à une fillette en robe déchirée, pendant que deux gamins parlementaient sur le meilleur moyen de voler « à la pêche » avec des hameçons, ce qui était plus pratiques dans les rues car on pouvait se placer sur le toit des maisons pour crocheter les bourses. Une fille aux cheveux bruns emplissait un sac de draps et de cordes pour faciliter l’extraction de leur butin. D’autres enfants couraient en tous sens, accaparés par leurs tâches respectives. C’est alors qu’un gamin d’une douzaine d’année s’approcha de Gus d’un pas assuré et alerte malgré son léger embonpoint. Avec un grand sourire, il interpella son chef ;

-Alors ? On part en balade ce soir ?

-Hey, Big Ben, le salua Gus en répondant à son sourire. Toujours au courant de tout, hein ?

Bennie, surnommé Big Ben par ses paires tant il était rare chez les enfants de la Confrérie de pouvoir se targuer d’être gras, était un garçon charmant, toujours souriant, au teint pâle, au visage rond orné d’un nez fin, d’une bouche légèrement ourlée, de deux grands yeux d’un bleu vif, entouré de cheveux d’un noir de jais coupés court sur les côtés et un peu plus long, toujours bien peignés, sur le dessus. S’il n’était pas né bâtard, il aurait sûrement fait fureur auprès de ces demoiselles de la haute, tant par l’harmonie de son visage que par la douceur de ses mœurs et son attitude enjouée.

-Boarf, des bruits de couloirs, rien de plus, répondit-il d’un sourire canaille. Ça s’affole dans les cuisines, les domestiques courent dans les couloirs… tu connais la chanson ! Du coup j’ai commencé à préparer l’excursion et j’ai sorti les plans qu’on avait fait avec les fouilles-tuyaux la dernière fois !

Gus répondit par un sourire et lui ébouriffa ses cheveux bien peignés de sa main entière, l’autre étant toujours fermement crochée sur le manche de son vieux parapluie.

 

Les préparations durèrent une bonne partie de l’après-midi ; il fallait inventorier chaque corde, chaque ficelle, chaque sac, hameçon, grappin, clef de neuf, coutelas, échelle et collet. On vérifiait l’état et la résistance du matériel, car une échelle qui refusait de s’ouvrir à un moment critique et l’accès aux conduites d’aération leur serait interdite : tout le monde finirait au trou. On rapetassait les pantalons toiles, lustrait hameçons et couteaux, réparait les chaussures pour s’assurer de leur solidité, de leur bonne tenue au sol mais surtout de leur discrétion, faisait un dernier entrainement de lancer de lasso, de forçage de serrure et de subtilisation de colliers à attache simple, double ou a crochet, et enfin, répétition générale du rôle de chacun. Si la Confrérie possédait une équipe de veilleurs et une équipe d’espion général pour la Citacielle entière, celle des voleurs avait également ses propres veilleurs et son propre réseau d’informations afin de savoir qui était où, quand et faisait quoi. Ce qui était indispensable pour éviter les gendarmes !

Quand enfin tout le monde fut prêt…

-C’est parti mes p’tits gars ! Bonne chance à tout le monde et n’oubliez pas : si vous vous faites prendre, vous êtes des orphelins esseulés !

À l’entrée d’une bouche d’aération qui faisait au moins deux fois sa taille, Gus se mordit la lèvre. Un dernier regard en arrière pour évaluer l’état de ses troupes, puis il frappa le sol de son parapluie. Il s’engagea le premier dans la conduite, suffisamment grande en son début pour qu’il se tienne debout. Ensuite, ça se rétrécissait, mais son mètre quarante lui permettait toujours de rester debout, quoi que son haut de forme éculé et plié dusse jouer les accordéons. Plus loin il fallait monter une mince échelle de fer pendant une quarantaine de mètres avant d’arriver à la plate-forme qui avait jadis servit à monter les provisions, mais qui depuis était tombée dans l’oubli au profit d’une plus grande située dans les entrepôts Reingiss, où étaient stockées les réserves de nourriture du Clair-de-Lune et d’une partie de la Citacielle.

Pourtant, rien dans les conduits oubliés n’était en mauvaise état. Ici, pas une trace de rouille, pas un barreau d’échelle manquant : les veilleurs entretenaient tout le réseau de tuyauterie qui leur permettait de se déplacer. Aussi, Gus n’eut qu’à tirer la commande pour demander aux veilleurs plus haut d’actionner le mécanisme de contre-poids qui permettait au monte-charge de se soulever du sol malgré la dizaine d’enfants qui l’appesantissait. Il suffit de quatre voyages pour monter la totalité de la troupe et son paquetage.

-Bonne chance ! souhaita l’un des veilleurs à Gus en lui adressant un grand sourire auquel il manquait des dents.

Il devait avoir huit ans, tout au plus. Gus le salua d’un hochement de chapeau avant de tourner ses talons râpés-usés. Peut-être ce soir se dégoterait-il de nouvelles chaussures ?

Passés un épais panneau de bois renforcé d’étoffes de laine qui servait de porte isolante, ils arrivèrent à une intersection où le conduit montant se divisait en deux plus petits. Aussitôt, un courant d’air brûlant de froid les foudroya sur place.

Ici, une partie de son équipe se séparait pour aller dans la zone de la gendarmerie jouer les espions et, si possible, tirer de cellules ceux qui s’y faisaient enfermer.

-Alice, Olga, Marcelin et Tirenn.

Les quatre enfants postés en début de troupe se détachèrent. Deux à la surveillance et deux estafettes si besoin. Tirenn portait un téléphone bricolé enroulé dans un méli-mélo de fils qu’il devrait brancher sur le standard de la gendarmerie aussi bien pour écouter ce qui se disait que pour passer un coup de bigot aux autres téléphones espions en poste.

La conduite devenant plus étroite, Gus aplatit son haut de forme et continua d’avancer à quatre pattes, ses mitaines de laine épaisse et des renforts aux genoux le protégeant du frottement et du froid mordant du métal. Dans cette zone-là, ils passaient à l’extérieur de la Citacielle et le métal devenait brûlant de gel, sans parler des bourrasques glacées surgissant au niveau des grilles d’échange d’air. Le jeune homme accéléra, peu désireux de prendre froid ou de perdre un doigt.

Un peu plus loin, une équipe se détacha de nouveau. Les infiltrés à destination des cuisines placés en arrière de troupe dévissèrent un panneau de métal, mettant à jour un autre conduit, plus vaste, condamné pour cause d’inondation depuis qu’une tempête de gel avait fait éclater la plomberie au-dessus. Big Ben partit avec eux, pendant que le reste de la troupe continuait. Au bout du compte, Gus fut le seul à rester.

-Bonne chance, dit-il en remettant l’avant dernière clef de neuf qu’il lui restait à P’tit Tom.

Le gamin renifla un grand coup, prit la clef et se laissa choir dans le trou. Gus replaça la plaque d’aération sans la revisser, de manière à ce que ses gamins puissent regagner le terrier en cas de pépin.

Maintenant, il devait rejoindre Reine et son équipe pour la tournée des chambres. Il y avait, au Clair de Lune, différents types de logements, mais Gus n’avait pas la clef de tous. Les appartements, vastes et conçut pour suffire à tous les besoins des habitants, avaient plusieurs jeux de clef car ils hébergeaient généralement des familles. Ils étaient donc faciles à subtiliser, même si ce n’était que le temps d’en faire un double. En revanche, les chambres n’avait généralement que deux clefs : une gardée par l’habitant, l’autre jalousement conservée par le concierge qui ne la prêtait qu’aux domestiques chargés d’y faire le ménage, quand l’habitant n’en possédait pas. Elles étaient donc plus difficiles à se procurer car ce fichu bonhomme de concierge ne tolérait aucune perte ni aucun retard, et quand il disait que vous aviez une demi-heure pour nettoyer, trente-et-une minutes plus tard il était sur le pas de la porte avec deux gendarmes. C’était qu’ils commençaient à avoir l’habitude, des vols, au Clair-de-Lune !

Gus ouvrit la trappe bricolée jadis par des veilleurs sûrement morts avant sa naissance, et pointa le nez à l’extérieur. Son haut de forme faillit s’envoler quand une bourrasque neigeuse lui balaya le visage, et il ne le rattrapa que de justesse, avant qu’il ne dégringole la Citacielle entière.

-Bhou, souffla-t-il rien que pour voir la buée se former autours de sa bouche.

Il admira le paysage. D’ici, il avait une vue incroyable des étages trafiquotés de la Citacielle, défilants sur des centaines et des centaines de mètres. Là il distinguait les entrepôts Reingiss, tout petits bâtiments carrés, pourtant si grands lorsqu’on se trouvait à leurs pieds. Ici, c’était les colonnes de fumée de la chaufferie, qui s’élevaient en sinuant, se mêlant à la vapeur qui s’échappait des fenêtres de la Laverie. Les étages juste en-dessous du Clair-de-Lune étaient presque intégralement consacrés au confort de celui-ci, et accueillaient donc tous les corps de métier qu’il ne logeait pas mais qui lui étaient indispensables : des lavandières aux éboueurs. Gus connaissait chaque secteur, chaque bâtiment et surtout, chaque porte dérobée, trappe, canalisation, passage déporté. Les jours où il n’était pas débordé, il passait un peu de temps à flâner par-là, meilleur moyen d’apprendre les ragots.

Encore plus bas se distinguait la masse sombre de la forêt de pin qu’ils survolaient. Là-bas, un lac gelé se démarquait et sur ses bords, quelque chose qui devait être un village. On doit survoler Edelweiss dans la nuit, se rappela-t-il. Evidemment, ils étaient toujours au courant des déplacement de la ville volante.

-Bon aller ! C’est qu’on gèle ici et j’ai du travail qui m’attend.

Avec un sourire en coin, il saisit la corde à nœuds qui courrait le long du mur extérieur et commença sa descente en biais au-dessus du vide, fouetté par les vents cinglants. Quelques mètres plus loin, la corde était nouée autour d’un pieu métallique enfoncé dans le mur, juste au-dessus d’une nouvelle bouche d’aération. Le problème de ce passage récent était que des hélices tournaient en permanence de façon à ventiler efficacement, et qu’il était impossible de passer tant qu’elles étaient en marche. L’astuce était de coincer un manteau ou une toile sans y laisser les doigts, mais il ne fallait pas oublier de la retirer en partant ou cela alertait la maintenance lors des contrôles. Là encore, c’était une opération risquée car sitôt délivrées, les pâles se remettaient en action à une vitesse effrayant, et gare à qui avait encore son nez dans leur sillage !

Une étoffe de tissus était enroulée autour de l’hélice immobile et des deux suivants. La quatrième, en revanche, fonctionnait toujours normalement. C’était que les gamins avaient soulevés la grille qui la précédait pour se glisser dans le couloir. Gus fit de même.

Il atterri avec la souplesse d’un jeune chat sur la moquette crème. Immédiatement, il se colla au mur le plus proche et se baissa, de manière à être moins facilement repérable, même s’il savait pertinemment que très peu de gens passaient dans ce couloir menant aux anciens bains.

S’élançant en direction de l’aile nord, il se répéta son plan intérieurement. Evidemment, ces p’tits gars le connaissaient par cœur, et s’étaient donc dirigés une vingtaine de minutes plus tôt dans la même direction. Pressant l’allure, il finit par les retrouver, alors qu’ils avaient déjà dévalisés deux chambres. Avec un sourire, il les imita, dérobant parures de diamants et d’opales, chaussures, robes de soie, de satin, redingote de fils d’or, bésicles précieuses, bagues, broches, chapeaux, draps brodés, plumes d’autruches et de paon, cigares, briquets d’argent, bouteilles de grand cru… Tout ce qui leur tombait sous la main dans la mesure où ils ne dérobaient pas plus d’un sixième de ce qu’ils trouvaient, afin de ne pas éveiller trop de soupçons.

-Mmmm je ne sais pas, murmurait Candice, si nous devons en prendre cinq ou six.

La fillette se tenait devant une armada d’assiettes en porcelaine peinte à la main, rangées à la queue leleu sur une étagère. Le menton prit dans une main, les sourcils froncés, elle avait l’air de faire un effort surhumain pour calculer ce qu’elle devait voler.

-C’est une collection, chaton, lui répondit gentiment son chef. Ne prends en que deux, où cela se verra immédiatement !

L’enfant hocha la tête avant de se saisir vraisemblablement des deux bibelots qui lui plaisaient le plus, puis d’espacer les autres afin qu’on ne voie pas le trou. Comme le ménage était fait régulièrement, aucune trace de poussière ne viendrait trahir l’absence des assiettes. Elle les emmaillota dans des étoffes et des cousins avant de les fourrer dans un sac. Henri, lui, était resté bloqué sur deux pipes jumelles, l’une en or et en argent, l’autre en argent et en or.

-Prend-les toutes les deux ; vu comme elles sont emballées elles ne doivent pas servir souvent, et n’en prendre qu’une serait trop grillé. Autant que leur propriétaire les oublie définitivement !

Toute la soirée, il rafla, choura, subtilisa allègrement les biens des autres, prenant pour lui une nouvelle veste et le haut de forme assortit, des chaussures de cuir teintes en bleu dans un état scandaleusement parfait, une ceinture et une nouvelle pipe, modestement taillée de bois et d’obsidienne -il ne supportait pas celles de métal et tolérait à peine celles d’ivoire- ainsi que du très bon tabac arcadien de la région des montagnes bleues, un très bon cru selon lui. Tout en fumant joyeusement le fruit de son larcin, il vagabonda d’appartement en appartement à la tête de ses voleurs, pendant que les convives étaient occupés dans la salle du banquet. De temps en temps une estafette venait les avertir qu’un gendarme rôdait, ou qu’un invité dont la chemise était entachée de vin revenait à ses appartements se changer, et aussitôt l’essaim de gamins disparaissait. Malgré cela, il y avait au Clair-de-Lune suffisamment de logement à « visiter ». En fin de soirée, ils commencèrent même à manquer de sacs, et on dût faire du troc. Quelques bienheureusement familles changèrent donc de garde-robe avec les voisins, virent leur lampe de marbre remplacée par un coussin de plume, des escarpins de daim prendre la place d’un haut de forme joliment animé d’une illusion. Celui-là, bien sûr, serait revendu à l’extérieur de la Citacielle, car trop facilement reconnaissable.

Gus exultait, se félicitait, remerciait tous les saints chapardeurs et maîtres voleurs qui les protégeaient. Pourtant, en fin de soirée, une estafette vint le trouver, paniquée, en pleur.

-G-gus ! C’est terrible ! An-ansèlme et les autres ! Ils… ils sont pris au piège !

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