C’était un matin comme les autres pour Lucia.
Les cheveux châtains bien attachés en un fourbi à la vague apparence d’une queue de cheval, elle s’échauffait en attendant son instructeur. La main gauche tendue droit devant elle, l’épée qu’elle tenait dans sa main droite fendait l’air en de parfaits moulinets. Les poumons remplis par l’air humide de l’aube, le fille du forgeron regardait son père en train de finir de se préparer. Un homme bien battis dans la force de l'âge dont l’épaisse moustache parfaitement taillée épousait un sourire.
Les yeux à demi clos, elle sentit une légère brise sur son visage qui trahit la source de l’attaque de son père. Tandis que le coup venait d’au-dessus d’elle, la jeune fille se déporta sur la droite pour éviter la lame qui s’abattait quelques secondes plus tard sur le sol dans un bruit sourd. Des fossettes accompagnées son sourire alors qu’elle se déplaçait rapidement sur le flanc gauche de son entraîneur. A son tour, elle leva son épée et l’attaqua en visant son cou d’un mouvement de lame horizontale. Mais son père était un vétéran de guerre. Il se baissa et, les mains au sol, donna un coup de pied circulaire pour la faire tomber. Leurs entraînements quotidiens dans la discrète petite clairière duraient depuis des années. A force, elle avait enregistré les motifs d’enchaînements d’attaques de son instructeur ce qui le rendait prévisible. Ainsi, elle eut le temps de l’éviter d’un bond en arrière au moment où elle sentit l’odeur de terre remuée. Chacun son tour, ils se remirent à bonne distance en position de combat comme ils étaient avant de porter le premier coup.
— Après vous jeune fille, lança Olac en une moqueuse révérence.
— Tant que vous ne ferez que réagir à mes attaques, père, je ménerais la danse.
— Croire en soi est important, mais être trop confiante peut s’avérer coûteux. Fillette.
Il insista sur le dernier mot pour titiller sa fille et faire appel à la part incontrôlable d’elle-même. La réaction de la jeune fille ne tarda pas. Les sourcils plus froncés que d’ordinaire, elle leva son épée tenue cette fois à deux mains et fonça sur son père tête la première. Elle entendit l’instructeur se déplacer et le sentit se positionner sur son flan. Le combat fut plié en un quart de seconde. Alors qu’elle sentait les effluves musquées de son père, il lui asséna un violent coup de pied dans le bassin, lui faisant totalement perdre son équilibre. Elle chuta en laissant tomber son épée sur plusieurs mètres loin d’elle tandis que son père s’approchait d’elle, gisant sur l’herbe humide.
— Alors ? C’est le mieux que tu puisse faire ? La menaça-t-il du fil de son épée.
Lucia ronchonna pendant que son père lui souriait. Alors qu’il poussait son arme en cessant de la brave, il lui tendit une main pour l’aider à se relever. Debout, elle alla ramasser son épée et ils se remirent en garde pour continuer l’entraînement. Interrompus par le vrombissement des gargouillis d'estomac de la jeune fille, ils cessèrent leurs passes alors que le soleil n’avait même pas atteint son zénith.
— Alors comme ça on a trop faim pour se battre, s'esclaffa Olac en riant à gorge déployée.
— Les exercices d'aujourd'hui m'ont creusée l'appétit, je l'avoue.
— Je t'avais pourtant prévenu de prendre un petit déjeuner copieux.
Il lui donnait une petite tape de félicitations pour sa performance du jour.
— C'est vrai, mais quand je mange trop je n'arrive plus à avoir cette facilité de mouvement.
— Il te faudra pourtant apprendre à faire avec. Le combat peut surgir à n'importe quel moment.
Il s'accroupit près d'un vieux tronc qui jonchait le sol et en sortit une épaisse étoffe de tissu grisâtre. Il la déplia, l'étendit sur le sol puis y coucha son épée.
— Passe-moi ta lame, ordonna-t-il par habitude, tandis que sa fille la lui tendait déjà.
Il enroula le carré de tissu pour les protéger et les cacha dans le creux du tronc en s'assurant qu'elles soient invisibles pour les éventuels curieux. Olac donna une petite tape sur l’arbre mort et ils quittèrent la petite clairière où ils se rendaient tous les jours pour s’entraîner. L’endroit était dégarni d’arbres hors mis un énorme chêne centenaire légèrement en retrait de la lisière, ils avaient choisi ce lieu pour la discrétion qu’il offrait à leurs combats. Après de longues minutes sur un chemin de terre qui permettait de rejoindre le village, ils sortirent enfin du bois et aperçurent au loin le toit de chaume de leur maison apparaître. Une fumée s’en échappait et la délicieuse odeur du déjeuner en train de mijoter arrivait jusqu'à leurs narines. Tandis qu’ils discutaient des commandes de la semaine passées à la forge, la jeune fille s’arrêta subitement. Sa petite sœur Rhéa venait de s'agripper à ses jambes l’empêchant de marcher.
— Alors ? Où en est le score ? Lui demanda-t-elle en tirant sur le pantalon de sa grande sœur.
— Pas si fort, lui répondit-elle à voix basse en s’accroupissant à sa hauteur. Tu sais bien qu'on s'entraîne loin de la maison pour que ça ne se sache pas.
Les bras dans le dos, la tête baissée et le pied droit qui tournait sur la pointe des orteils, la petite bouille avait l'air gêné. La jeune fille ébouriffa d'une caresse la crinière blonde tressée grossièrement de sa cadette.
— Papa me mène d’une victoire comme toujours, lui chuchota-t-elle.
— Je suis sûre qu'un jour tu arriveras à le battre, lui souffla-t-elle.
Après quelques minutes à se balancer sur ses pieds, elle finit par lui donner la raison de sa présence.
— Tu devrais aller parler à Sylia, elle est toute bizarre.
— Bizarre comment ?
Elle avait pris la main de sa petite sœur et s’étaient mises à marcher rapidement pour rattraper leur père qui ne s’était pas arrêté. Malgré son jeune age, ce vrai rayon de soleil voyait tout ce qui souciait les adultes.
— Eh bah elle arrête pas de faire plusieurs fois la même chose.
Elle discutait en regardant vers le ciel comme si elle réfléchissait.
— Par exemple, elle sort et range les mêmes plats dans la cuisine. Je crois même l’avoir vu faire et défaire sa broderie qu’elle voulait avoir fini pour le Festival. Maman n’arrive pas à la calmer et ça commence à l’inquiéter. Elle m’a demandé de venir te chercher pour ça ! conclut-elle en sautant dans une petite mare près de la porte d’entrée tandis qu’elles étaient enfin arrivées chez elle.
La jeune fille ne s’était pas trompée à propos de l’odeur qu’elle avait senti à des kilomètres. Un lapin mijotait dans l’âtre central et l’odeur du ragoût embaumait la maisonnée. Tandis que Lucia franchissait le pas de la porte, de bruyants gargouillis retentirent dans la pièce trahissant sa présence. Sa mère leva les yeux au ciel en lâchant un soupir amusée, son aînée était un véritable ventre sur pattes depuis toujours. La jeune fille répondit d’une grimace et se dirigea instinctivement vers la chambre qu’elle partageait avec sa sœur jumelle. Elle toqua puis fit irruption dans la pièce sans attendre de réponse
— Tu vas vraiment rendre maman folle avec tes tics d’angoissée, plaisanta-t-elle en effleurant l’épaule de sa sœur avant de s'asseoir en face d’elle sur son propre lit
— Désolée mais je n’arrive pas à me retenir, confia-t-elle en tortillant un morceau de sa robe. Le Festival des Flammes commence dans quelques heures. Et si je n’étais pas choisi ? Si je devais attendre l’an prochain pour entrer au service d’un maître ?
— Allons, comme si toi, tu n’allais pas être choisie ! Je pense que c’est la chose la plus stupide que tu n’aies jamais dite et crois moi, parfois tu en dis de ces belles !
Sylia sourit à la raillerie de son aînée. Elle ne l’était que d’à peine quelques minutes mais cela lui suffisait pour avoir une certain influence sur sa jumelle. La plus athlétique s’assit aux côtés de l’autre et la saisit par l’épaule.
— Tu ne devrais pas te faire un sang d’encre. Les parents nous ont mis une certaine pression à nous parler de la Cérémonie du Feu, c’est vrai. Mais c’est leur rôle.
Elle la secouait légèrement à chaque phrase pour appuyer ses propos.
— C’était pour que chaque jour nous donnions le meilleur de nous même. Pour que le jour venu, nous ne nous fassions justement pas de cheveux blancs en pensant à notre avenir.
D’un signe de tête, elle obtint un sourire de la petite blonde en guise de réponse. L’aînée se leva et tendit la main vers sa sœur.
— Finissons cette broderie et allons piquer quelques cuillerées dans le plat de maman. Les exercices de ce matin m’ont donnée faim !
— Je t’ai entendu friponne ! cria leur mère de sa cuisine.
Leur maison n’était pas immense, mais les deux pièces n’étaient pas attenantes pour autant.
— Mais comment fait-elle pour toujours entendre mes manigances ? C’est dingue !
Elle arracha un léger rire à sa sœur et une petite chaleur au creux de sa poitrine la soulagea.
— Les filles, rugit la doyenne. Allez me chercher de l’eau pour les baquets. Un bain avant le festival s’impose pour vous mettre dans les meilleures conditions pour votre présentation à la Cérémonie du Feu.
— Oui Dame Peema, se moquèrent-elles en cœur.
Elles s’exécutèrent en gloussant. Bras dessus, bras dessous, elles partirent en direction du puits de la ville, un seau dans chaque main. Leur petite sœur en profita pour les accompagner, ravie de partager un moment de complicité toutes les trois
Après le repas, elle se retrouvèrent toutes dans la salle de bain qui n’avait jamais été aussi bruyante. Peema s’occupait de shampouiner Rhéa, qui se trouvait presque entièrement ensevelit sous la mousse, tandis qu’elle jouait avec celle qui stagnait à la surface de l’eau. Lucia la regardait s’amuser innocemment et se demandait si elle avait connu cette même insouciance dans son enfance. Le regard dans le vide, elle essora son éponge sur sa tête comme pour laisser couler sa pensée avec l’eau qui lissait ses cheveux le long de son visage tanné jusqu’à ses omoplates musculeuses.
— Tu es avec nous Lucia ? l’interpella Sylia en lui lançant sa propre éponge à la figure.
— Hé ! Mais quoi ? Grommela-t-elle.
— Maman disait qu’on devra se présenter à la porte Nord pour la cérémonie dès qu’on entendra la cloche d’appel. Pas de lambinage dans les stands du Festival comme on le fait chaque année.
— La porte Nord ? Mais c’est à l’opposé d’où les festivités se déroulent. D’habitude tout le monde rentre par la porte Sud.
Se concentrant sur ce qu’il y avait à voir avant le début de la cérémonie, elle se mit à baver légèrement.
— J’espère qu’il y aura ce stand avec les roulés à la cannelle.
Leur mère jeta un dernier seau d’eau sur leur cadette pour la rincer en leur lançant un sourire maternelle. Elle enroula la fillette dans une serviette puis quitta la salle de bain pour finir de l'apprêter. Alors qu’elle allait franchir le seuil de la porte, elle s’immobilisa pour jeter un dernier regard à son aînée qui la remarqua au dernier moment, intriguée. Elle fut sortit de sa torpeur par les cris d’impatience de Rhéa qui commençait à avoir froid et referma la porte derrière elle. Au bout d'une vingtaine de minutes, Sylia sortit de son bain, l’eau ruisselante sur sa peau claire. Son port altier lui donnait un certain charme en toute circonstance. Bien qu’elles soient jumelles, leurs physiques n’avaient pas de véritables points communs. L’absence d’entraînement physique avait permis à son corps de développer des formes plus voluptueuses que son aînée. Elle essora ses longs cheveux dorés qui tombaient jusqu’à la pliure de ses fesses puis se sécha à l’aide d’une grande serviette.
— Si tu veux, je peux te coiffer pour la Cérémonie. Ça pourrait faire bonne impression, lui proposa-t-elle.
Lucia appréciait l’attention de sa sœur mais déclina gentiment la proposition.
— Je te remercie petite sœur mais je pense que ça ne changera pas grand-chose, étant donné le métier auquel j’espère pourvoir. J’aurai plus de chance si je me grimais plutôt qu’avec une de tes coiffures élaborées, sans vouloir t’offenser.
— Tu as sûrement raison. Mais je voudrais que tu te sentes vraiment bien pendant la cérémonie, que tu sois confiante et que tous les maîtres le sachent !
Depuis petites, elles avaient chacune créé leur rôle par rapport à l’autre. Elles se protégeaient toutes les deux à leur manière, l’une physiquement et l’autre plus socialement. Tout en tenant son discours, la petite blonde était toujours à moitié nue enroulée dans sa serviette et le poing levé. Quand elles se regardèrent, elles rirent de bon cœur.
— Les filles, hâtez-vous ! les interrompit leur mère en toquant à la porte de la salle de bain. Loan est déjà devant la maison et vous attend pour partir au Festival.
Lucia sortit de l’eau d’un geste brusque sans remarquer qu’elle en mettait partout autour de son baquet. Elle se dépêcha de s’habiller et s’attacha négligemment les cheveux encore à moitié mouillés. Tout en finissant de lacer son gilet, elle embrassa rapidement sa soeur et partit devant, tandis que Sylia se tressait deux nattes pour probablement les fixer sur le dessus de sa tête en une coiffure élaborée. Dehors, Olac eut tout juste le temps de lui voler une bise avant de la voir courir avec son ami d’enfance en direction de la porte Sud.
Les murmures de mélodies instrumentales commençaient à monter et on pouvait déjà deviner les voies des crieurs vantant les mérites de leurs produits.
Ca y est, j'ai lu ton premier chapitre ^^
D'abord on est bien mis dans l'action et dans l'univers, donc c'est plutôt cool.
Maintenant pour répondre à tes questions :
Les descriptions sont sympa, la clairière, les mouvements d'épée, etc.
Il y a des répétitions aussi (la clairière que tu expliques être le lieu quotidien d'entraînement) et puis des moments un peu flous (qui est cette petite blonde ? quand il y a les trois sœurs, j'ai pas toujours compris qui faisait quoi).
Mais pour ce dernier point, c'est purement lié aux changements de dénomination : la musclée, la blonde, l'aînée, la petite, etc. Idem pour le père, l'entraîneur, Olac... C'est trop. Changer de terme n'empêche pas la répétition, ça gêne plutôt la compréhension.
Pour ce qui est de ton personnage. Lucia est plutôt cool avec ses combats, son père (à qui elle ne parle pas du tout de la même façon qu'aux autres perso... c'est voulu ?), sa relation de camaraderie avec ses sœurs. Vraiment sympa.
Et sur ta plume de façon générale. Ce n'est qu'un premier chapitre alors c'est délicat de donner un avis tranché. Dans l'ensemble ça se lit très bien. C'est très encourageant pour la suite.
Fait attention à tes verbes. Il y a de petits défauts de conjugaison (confusion entre le passé simple et l'imparfait, confusion temps actif et participe passé).
J'espère que ça t'encourage parce que c'était le but ^^
À bientôt !
Audrey
Pour oir répondre un peu dans l'ordre :
- Assez compliqué ces histoires de répétition ou justement je pensais qu'en changeant la dénomination ça éviter justement la répétition :/
- pour la façon de parler, disons qu'avec ses sœurs elle parle plus "crûment" (même si ce n'est pas vraiment le bon terme). Je voulais une différence entre les personnes "à respecter" et les autres. Même si les deux sont de la famille. Je sais pas si je suis très claire.
- les verbes j'avoue être perdu, j'essaie surtout de garder le passé en terme général.
En tout cas merci, je prends toutes tes remarques ! Et c'est très encourageant car pas de soucis insolvable pour le moment !
Alors je trainais sur le site à la recherche de livre de fantasy jeune adulte car je me suis lancée dernièrement dedans et du coup, me voilà par chez toi !
J'ai passé un très bon moment de lecture. Je te rassure ça se lit très bien, ta plume est fluide comme il le faut, et je ne me suis pas ennuyée. Cette petite famille est tout à fait charmante et attachante en même pas un chapitre ! Cela relève du tour de force :) ! les descriptions sont bien dosées, ni trop peu ni pas assez. L'héroïne est pour l'instant intéressante, on a envie de continuer de la suivre. Je regrette peut-être qu'il n'y ait pas de petit élément mystérieux pour accrocher encore plus le lecteur ou l'apparition d'un enjeu mais je sens que tu nous le réserve pour le prochain chapitre :p
La description du combat est bien menée et on sent la complicité entre le père et sa fille, c'est mignon <3. ça change de la famille de mon livre de fantasy XD
Bref, une lecture très plaisante ! A quand la suite ?
Petites remarques/coquilles :
"Alors qu’il poussait son arme en cessant de la brave" > je ne comprends pas cette phrase.
"L’endroit était dégarni d’arbres hors mis" => hormis me semble-t-il
Bisous volants
Makara
Merci pour les coquilles ! Pour la phrase incomprise, c'est peut-être parce que j'ai oublié le "r" de braver, mais l'idée c'est qu'il enlève son épée de devant elle pour ne plus la "menacer".
Je vais essayer de publier tous les dimanches. On m'a déconseillé les chapitres trop longs (pour des questions de confort de lecture), alors il y aura parfois un chapitre découpé (donc deux d'un coup ^^) ou parfois deux chapitres, si je trouve que la tension est mieux gérée ainsi, histoire que l'expérience de lecture soit agréable et fluide :)
A très bientôt donc !