Chapitre 1 : Eulalie

Année 1342, 1er jour des Calendes, huitième mois 

Elle tissait depuis des jours cette étoffe. Rien ne la déconcentrait, ni les cris des villageois, ni le cri des oiseaux qui volaient au-dessus de sa maison. Elle posa sa navette au sol, on venait de toquer à la porte. 

– C’est monsieur l’abbé Jean, Eulalie. Ouvrez s’il-vous plait. Vous ne pouvez pas rester chez vous éternellement.

Elle attendit silencieusement reprenant son ouvrage. Les pas du visiteurs se firent entendre tout autour de la maison. Il s'arrêtait devant les fenêtres, devant les portes, espérant pouvoir apercevoir Eulalie. Elle connaissait son entêtement à lui parler. Il avait déjà passé des jours, tournant autour de sa maison, refusant de partir tant qu’il ne lui avait pas parlé. La pluie l’avait chassé après quatres jours.

– Je ne veux pas votre mort, seulement écouter votre version de l’histoire jeune demoiselle. Je pense que vous êtes innocente.

Elle leva la tête en direction de la porte. Il ne lui restait plus beaucoup de temps. Son ouvrage était presque fini, elle pouvait donc se permettre de lui ouvrir.

– J’arrive.

Il l’attendait, un carnet à la main, son sourire éternel sur les lèvres.

– Merci pour votre confiance mademoiselle Eulalie.

Eulalie lui fit discrètement signe d’entrer. Il s’arrêta sur la pas de la porte, observant l’intérieur de la maison. C’était une petite habitation où régnait une atmosphère sombre. Eulalie avait depuis longtemps condamné les fenêtres pour dissuader les curieux de trop s’approcher Elle s’éclairait à la bougie et maintenait un feu constant dans la cheminée.

Monsieur l’abbé déposa son carnet sur la petite table.

– Vos chaussures.

– Comment ?

Il parut surpris d’entendre sa voix. Elle sonnait rauque comme si elle n’avait pas prononcé la moindre parole depuis de longues semaines. 

– Enlevez vos chaussures avant d’entrer. 

Il s'exécuta immédiatement. 

Elle déposa deux tasses fumantes sur la table et s’installa face au carnet qu’elle consulta sans aucune gêne. 

– Vous savez pourquoi je suis là ?

– Il me semble bien.

Le carnet ne comportait que des témoignages qui n’était que rarement en sa faveur. Ils étaient tous inscrits avec la même écriture ronde et régulière. Cette même écriture qui recouvrait tous ses livres d’enfance.

L’abbé soupira. Si elle ne daignait pas lui parler plus que ça, il ne pourrait pas prendre sa défense lors du procès. Il tenta de meubler le silence en goûtant le breuvage, qui était infecte à son goût. Il recracha discrètement dans sa tasse et la reposa devant lui.

– C’est pour votre jambe, vous feriez mieux de le boire.

– Comment savez-vous ?

Elle haussa les épaules et se replongea dans sa lecture. Elle étudia du bout du doigt un extrait qu’elle relut plusieurs fois et referma soudainement le livre. L’absurdité des témoignages la mettait en rogne. Personne ne pouvait se permettre de dire qu’il la connaissait. Ils pensaient tous qu’elle était complétement folle mais venaient la voir en secret dès qu’ils étaient malades. C’est la comédie de ce monde dans lequel elle vivait.

Elle releva les yeux vers le religieux.

– Ca s’est infecté mais je vous avais prévenu, il me semble. Et le vendredi je n’étais pas au marché mais à la rivière. Quand vous relevez des témoignages, faites le sérieusement.

Elle fit glisser le carnet dans sa direction.

Il soupira et corrigea ses notes dans son carnet. Il entendit le chaudron bouillir sur le feu.

– Je ne suis pas sûr que ce soit le bon moment pour faire votre soupe Eulalie.

Elle se leva pour récupérer le chaudron et en versa le contenu dans un pot qu’elle fit glisser jusqu’à lui. 

– C’est pour votre jambe. A appliquer deux fois par jour, sauf les jours de pleine lune. 

– Comment savez-vous ?

– C’est le serpent qui me l’a dit.

L’abbé Jean ne parut pas étonné. Eulalie était connue pour communiquer avec divers animaux, du moins c’est ce qu’elle disait. Personne ne l’avait vu mettre ses dons en action, si bien qu’ils semblaient relever plus du mythe que de la vérité. Mais c’était une sorcière, la population lui faisait confiance jusqu’à il y a peu.

– Vous ne souhaitez pas  me donner plus d’informations pour que je puisse vous défendre demain ? Vous savez bien que je tiens à vous et les habitants aussi. Ces accusations ne sont qu’une grotesque erreur et nous pouvons le démontrer. Laissez-moi vous aider Eulalie, il…

Un bourrasque de vent frappa contre les fenêtres. 

Le sol trembla doucement. Un ronronnement sourd s’en échappait jusqu’à devenir assourdissant. L’abbé grimaça en se bouchant les oreilles.

– Vous mentez.

La voix d’Eulalie résonnait dans son esprit sans qu’elle n’ait eu besoin d’ouvrir la bouche.

– Vous mentez comme vous l’avez fait pour mes soeurs. Vous les avez brûlées comme vous le ferez avec moi demain.

Une lente chaleur s’imprégnait dans le crâne de l’abbé. Elle se propagea dans tous les recoins de son cerveau, puis dans son buste et s’orienta dans ses autres membres.  

La porte d’entrée s’ouvrit dans un claquement sourd.

La bourrasque s’engouffra dans la maison, les objets dans la pièce s’envolèrent, les maigres rideaux claquèrent de plus en plus fort.

– Maintenant sortez.

L’abbé lui répondit par un grognement. La chaleur l’empêchait de penser.

– Sortez j’ai dit !

Les bourrasque s’intensifiaient. La poussière et le vent rendaient la vue difficile pour l’abbé. Il ne parvenait plus à distinguer Eulalie qui semblait ne pas avoir bougé. Une soudaine énergie lui parcourut le corps et il réussit à rassembler ses affaires et à sortir.
La porte claque derrière lui.

Le vent se calma soudainement.

– Vous n’êtes qu’une folle Eulalie. Personne ne voudra prendre votre défense.

Le silence lui répondit.

L’abbé Jean quitta le bois en courant, guidé par les quelques oiseaux au-dessus de sa tête.

Il reviendrait demain.

 

Aux aurores, une foule attendait devant la maison d’Eulalie. Armés de fourches de torches et d’autres outils, ils attendaient la sorcière.  Une véritable armée s’était organisée cette nuit. Un plan avait été mis en place, les installations finies. 

Le bûcher était prêt.

Faute de témoignages en faveur d’Eulalie, le procès n’aurait lieu que quelques minutes avant l'exécution. Enfin si on pouvait appeler ça un procès. Il serait présidé par les deux seuls habitants lettrés du village et l’abbé. Aucune défense n’était prévue pour Eulalie, elle avait refuser de l’aide, elle pourra donc assurer sa défense seule.

On toqua à la porte.

L’abbé précédé la foule, droit et fier. Il se tenait devant l’habitation, attendant l’arrivé de la sorcière.

– Ouvrez la porte c’est un ordre.

Sa voix résonna dans l’habitation, mais aucune réaction ne fut perçue. On entendait des murmures venant de la foule.

– Ouvrez la porte !

– On pourrait peut-être ouvrir la porte nous-même ?

L’abbé Jean acquiesça. Il défonça la porte d’un coup de talon. La serrure vola en éclats pour révéler une habitation vide. La foule se précipita à l’intérieur, retournant les restes de la maison. Une marée humaine avait pris possession des lieux mais il ne trouvèrent rien. Tout avait disparu. Le coffre, le chaudron, il ne restait plus rien.

La foule fulminait. La marée devint une tempête. On entendait des râles, des appels à la violence. Les torches et les fourches se levaient, devinrent menaçantes.

– Fouillez les environs et ramenez-moi cette sorcière.

Les habitants se dispersaient dans tout le village à la recherche d’Eulalie qui était déjà bien loin.

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Fañch
Posté le 12/06/2024
Un début très sympa, et intrigant!
Cela donne envie de lire la suite.

Quelques petites remarques et corrections:
-"Elle tissait depuis des jours ce tissus." _ Ce sont des mots de la même famille, cela fait un peu répétition, peut-être utiliser un synonyme? (étoffe?)
- "Eulalie avait depuis longtemps condamnait les fenêtres pour dissuader les curieux de trop s’approchait." comdamné / s'approcher
- "Elle s’éclairait à la bougie et maintien un feu" _ maintenait
- "Elle sonnait roque" _ rauque
- "Elle étudia du bout du doigt un extrait qu’elle relit" _ relut
-"Mais c’est une sorcière," _ c'était (comme tu utilises le passé depuis le début)
- "Vous les avez brûler comme vous le ferez avec moi demain." _ brûlées
-"Il serait présider " _ présidé
"La marée devinrent une tempête. " _ devint
Loïse V.
Posté le 12/06/2024
Merci pour ton commentaire, je vais corriger ça immédiatement :)
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