Le soleil se couchait et disparaissait derrière les dunes de sable fin. Le ciel embrasé de rouge, d’orange et de jaune s’apaisait lentement. Le bleu nocturne reprenait ses droits, et avec lui, apportait la promesse des heures sereines ou enfin, les femmes pouvaient déposer les armes et rejoindre leur foyer. Face au désert, au-delà des murs protecteurs, rien n’existait des bruits de l’agitation humaine, des éclats de voix ou du tintement du fer. Nul soupir de soulagement, aucun appel. Seul le vent charriant des milliers de grains dorés soufflait sa sagesse éternelle aux oreilles des deux enfants qui lui faisaient face.
Azianne rêvait, comme chaque fois qu’elle regardait vers cet horizon prometteur et dangereux. Elle rêvait de marcher entre ces dunes en serrant la main de son petit frère, et de l’emporter à tout jamais. Là-bas, très loin, par-delà la terrible menace des moordenaars, des périls de la chaleur et de la soif, ouma Bahiya avait raconté une fois qu’il existait une autre tribu. Des gens bons qui possédaient encore toute la sagesse, la pureté du temps jadis, et qui vivaient en parfaite harmonie avec le nature, les plantes comme les animaux, et surtout avec leurs semblables, qu’ils soient femmes ou hommes. L’esprit de la petite fille voyageait là où ses pieds trop raisonnables refusaient de la conduire, là où jamais elle n’aurait à renoncer aux petits doigts de Liory enlacés dans les siens. Mais ce n’était qu’un rêve, enfantin et fou, comme une révolte sourde contre le drame qui approchait.
Elle sentit le petit garçon s’agiter. Depuis combien de temps étaient-ils là ? De six ans son cadet, le visage chocolat encore arrondi des traces de la toute petite enfance, Liory était un garçon facile et conciliant. S’il commençait à regarder derrière lui, c’était qu’il était tard et qu’elle risquait de sévères réprimandes si on les surprenait ici.
— Viens, on y va.
Silencieux, il hocha la tête et lui offrit l’un de ses irrésistibles sourires auquel elle répondit avant de remarquer un trou dans sa mâchoire. Il avait perdu sa première dent de lait la veille, mauvais présage.
Ensemble, ils repassèrent la grande arche de terre et de sel à la porte entrouverte qu’ils refermèrent derrière eux pour s’engouffrer dans la ville.
L’approche de la nuit retirait à Atahari un peu de ses couleurs chaudes, mais ses rues étroites et sableuses n’étaient pas vides pour autant. Ils croisèrent un groupe d’enfants un peu plus jeunes qu’Azianne en pleine course-poursuite, un autre jouant au lion à grand renfort de cris joyeux. En prenant sur leur droite, ils tombèrent sur deux oumas en train de se disputer, chacune sur le pas de leur porte. Elles ne semblaient même pas faire cas de leurs petits-enfants échappés, à quatre pattes ou à genoux au beau milieu de leur zone de conflit, et du passage. Azianne les contourna et pressa le pas, forçant Liory à trotter pour la suivre.
— Si jamais ouma te questionne, nous jouions avec les autres enfants.
— On n’a pas le droit de mentir.
— De sortir de l’enceinte encore moins.
Un chien passa près d’eux que Liory voulut caresser, mais ils s’étaient absentés bien assez longtemps comme ça et Azianne l’en détourna. Leur maison n’était pas très loin ; située à l’angle de deux rues, elle possédait une petite cour commune où les enfants jouaient régulièrement avec les voisins. Ils y arrivaient à peine que la voix d’ouma Bahiya les saisît.
— Azianne ! Où étais-tu encore ?
— On jouait.
— Et tes leçons ?
— Apprises, ouma.
— Alors, viens m’aider.
Ouma Bahiya était âgée, plus fatiguée qu’autrefois, mais il lui restait dans la voix et les gestes quelques restes de son passé de guerrière, et Liory ne broncha pas quand elle l’attrapa par le poignet avec l’idée de l’entraîner à l’intérieur. Sauf qu’Azianne ne lâcha pas son frère et ouma Bahiya dut rentrer en marchant en crabe. Le seuil franchi, la mine désapprobatrice, c’est ouma qui renonça et rendit au petit garçon une part de liberté. Azianne le savait, le vrai souci, ce n’était ni l’escapade ni les leçons dont sa grand-mère se doutait bien qu’elles n’étaient pas négligées. Non, le problème, c’était Liory. Elle l’avait pris avec elle, comme toujours, et ce soir, quoi que sa famille puisse dire, ce serait encore elle qui s’occuperait de lui. On lui enlèverait bientôt, elle ne le savait que trop bien, mais pas aujourd’hui. Et elle profiterait de chaque instant avant que ça n’arrive.
La maison comportait deux pièces : un grand espace de vie ou ouma Bahiya était en pleins préparatifs du repas, et une plus petite où dormait toute la famille. En constatant l’absence d’autres enfants, Azianne déduisit que ses cousines avaient déjà été nourries et couchées.
— Tiens, remue. Et ne laisse pas accrocher : il faut que ce soit prêt avant le retour de ta tannie.
Elle avait presque oublié que sa mère et sa plus jeune tante étaient de gardes cette nuit. Le dîner se ferait donc en petit comité et demain, en rentrant de l’école et si sa mère n’était pas trop fatiguée, elles s’entraîneraient ensemble.
Azianne saisit la cuillère alors que Liory se hissait sur un tabouret à côté d’elle.
— Si tu tiens tant à t’occuper de lui, ne le laisse pas se brûler, prévint ouma Bahiya.
En réponse, Liory recula et observa sa sœur d’un peu plus loin. Elle lui aurait permis de l’aider s’il avait été plus haut, mais malgré son escalade, il n’atteignait le dessus d’aucune des marmites et risquait de les renverser sur lui en voulant en remuer le contenu. Azianne le vit se hisser sur la pointe des pieds à plusieurs reprises, puis renoncer comme il lui manquait encore quelques centimètres pour surprendre la danse du riz dans l’eau bouillante.
Ouma Bahiya ajustait les épices et s’apprêtait à servir quand la porte s’ouvrit. Tannie Yeleen, toujours protégée par le cuir épais qui enserrait sa poitrine, son ventre et son dos, accueillit sa nièce d’un sourire chaleureux.
— Tannie, dit Azianne en la rejoignant pour l’embrasser sur la joue.
Sa tante déposa sa lance et son bouclier dans un coin, salua sa mère d’un signe de tête fatigué, embrassa Azianne à son tour et passa rapidement sa main dans les cheveux ras de Liory. Elle se dirigea ensuite vers la bassine d’eau claire laissée à son intention.
— Qu’as-tu préparé de bon, mama ? L’odeur qui s’échappe de notre porte est si alléchante qu’elle risque d’attirer tous nos voisins.
Même de dos, Azianne devina le contentement d’ouma Bahiya.
— Le tajine aux abricots, ma fille.
Tannie Yeleen sourit entre deux éclaboussures, car c’était son plat préféré. Ce n’était pas souvent qu’ouma n’avait que son aînée à dîner, et elle avait fait les choses en grand. Azianne alla laver ses mains et son visage, débarbouilla Liory consciencieusement et le laissa patouiller un peu dans la bassine avant de l’essuyer. Entre-temps, ouma Bahiya avait déjà disposé le repas au centre de la pièce et la famille fut bientôt réunie autour.
— Raconte-nous Yeleen, dit ouma Bahiya une fois que tous eurent goutté sa cuisine.
— Tu as vu des moordenaars ? questionna aussitôt Azianne, quitte à s’attirer un soupir de sa grand-mère comme elle parlait à la place de sa tante.
— Oui : un, répondit tannie Yeleen qui n’en tient pas rigueur, il était grand avec des griffes acérées longues comme mes doigts.
Azianne écarquilla les yeux, impatiente d’écouter la suite des événements, quant à Liory, il regardait les mains de sa tante. Ouma Bahiya était aussi attentive que les deux enfants : à travers les récits de ses filles, elle revivait son passé de protectrice d’Atahari et machinalement, elle effleura la cicatrice à son menton.
— Il était téméraire, assez pour approcher du mur malgré le sel et nos lances, dit tannie Yeleen. Il a craché son feu d’un jet puissant et il a bien tenu quatre secondes avant que les flèches de mes archères ne l’atteignent.
Azianne était impressionnée : quatre secondes en crachant du feu, c’était plus long qu’on ne le pensait. Tannie Yeleen était la meilleure guerrière de la famille, elle avait sous ses ordres pas moins de onze femmes, presque toutes plus épaisses qu’elle. Il ne fallait pas se fier aux apparences, son ossature fine et ses muscles secs lui permettaient malgré tout de manier la lance et le bouclier avec force et adresse. Azianne l’admirait et tannie Yeleen était de loin sa tante préférée, comme une deuxième mama. Elle savait qu’elle avait accouché d’un bébé décédé juste après sa naissance, qu’elle lui donnait sûrement l’amour qu’elle aurait voulu pouvoir offrir à sa propre fille.
Azianne était triste pour tannie Yeleen, car c’était quelqu’un de bon et que son chagrin s’était encore trouvé agrandi peu de temps après, quand son fils Hassan était parti vivre avec les hommes. La petite fille n’avait aucun souvenir de son cousin, mais il y avait des ombres dans le regard de tannie Yeleen, et du silence sur ses lèvres lorsqu'elle pensait à lui.
— Le feu a touché le mur ? questionna Azianne.
— Presque, mais le sel l’a arrêté, répondit tannie Yeleen à sa nièce. Les petites ont été sages aujourd’hui, mama ?
Ouma Bahiya leva les yeux vers le plafond.
— Capricieuses, comme leur mère, ajoute-t-elle avec un sourire. Mais ouma Bahiya n’a pas dit son dernier mot !
Tout en parlant, elle jeta un regard entendu à Azianne qui fit mine de ne pas comprendre et replongea ses doigts dans la nourriture.
— Et toi, niggie, comment s’est passé l’école ?
— Bien, répondit Azianne la bouche à moitié pleine. J’apprends la guerre de la magie et tous mes calculs étaient bons.
— Alors je suis contente.
— Je le serais aussi si elle arrêtait de s’obstiner avec le garçon, glissa ouma Bahiya.
Azianne fit de son mieux pour ne pas lever à son tour les yeux au plafond.
— Il grandit, Azianne, et toi aussi. D’ici peu ton corps changera…
« … tu deviendras une femme et rentreras à l’école des guerrières. Vos chemins seront différents et plus tôt tu commenceras à prendre tes distances, moins ce sera difficile pour vous deux… »
Azianne connaissait le discours par cœur et laissa ouma Bahiya le réciter en faisant semblant de l’écouter et de se montrer repentie. Tannie Yeleen usa d’une technique similaire, mais ne cacha pas son inquiétude. La petite fille le devinait, sa tante craignait de la voir vivre avec la tristesse qu’elle portait elle-même.
Comme souvent quand on abordait le sujet, Azianne se dépêcha de manger, s’assura que Liory avait apaisé sa faim et prétexta qu’il était fatigué pour s’éclipser.
Elle ne voulait pas entendre. Bien sûr, elle aimait sa famille, rêvait de la rendre fière, de devenir elle aussi une grande guerrière et de protéger Atahari des moordenaars. C’était son rêve. Mais il y avait Liory.
*
Azianne avait les yeux grands ouverts dans le noir. Près de son oreille, elle entendait le souffle régulier de Liory blotti dans ses bras, plus loin, celui de sa tante, de sa grand-mère, et le ronflement d’une des jumelles ; elle ne savait jamais laquelle. La petite fille se souvenait d’un temps ou jamais elle ne se réveillait si tôt et le cœur étreint d’angoisse, quand son petit frère et elle menaient deux vies parallèles au sein du même foyer, à se côtoyer sans vraiment se voir. Parfois, elle essayait d’imaginer son quotidien sans les bouleversements qu’apportèrent les pluies de ses neuf ans sur son existence. Si rien n’avait jamais changé.
Elle était l’enfant rêvée à cette époque, la première et encore unique fille de sa génération. Mama lui avait très tôt mis la lance d’exercice dans les mains et Azianne s’appliquait à être la meilleure des élèves pour la rendre fière. Et puis, il avait beaucoup plu. Une bonne nouvelle pour les récoltes des hommes, un véritable danger pour toute la région de Vryheid et les habitants du désert de Karanora. Azianne l’ignorait encore à cette époque, mais son peuple, les Voogs, survivait aux moordenaars grâce à sept villes toutes reliées par des murs qui les isolaient des sables. Des murs protégés par du sel marin qui se dissolvait avec l’eau. En même temps qu’elle réduisait leur plus grande défense, l’humidité avait fait pulluler la vie du désert, et les moordenaars.
Les guerrières avaient longtemps été séparées de leurs foyers et Azianne et Liory étaient restés seuls avec ouma Bahiya. Mais elle était tombée malade et la fillette n’avait pas eu d’autre choix que de la remplacer. Malgré le danger, elle était allée quérir la chamane et ses remèdes, solliciter l’aide des voisines pour se ravitailler en nourriture. Comme Liory était beaucoup trop petit pour rester seul, elle avait commencé à l’emmener partout, puis, par la force des choses, à s’occuper de lui. Son petit frère invisible avait très vite gagné son cœur, ils étaient deux faces au destin et à la fièvre d’ouma, pour se tenir compagnie, se donner du courage.
Sa famille avait été très contente d’Azianne, mais quand sa mère et ses tantes étaient revenues, quand ouma Bahiya s’était assez rétablie, la petite fille n’avait pas réussi à ignorer Liory comme avant, et ce dernier avait pris l’habitude qu’elle se charge de lui.
Azianne soupira. Le soleil n’était pas encore levé, mais comme tous les matins à cette heure, elle s’étira et passa doucement sa paume sur les joues, le front de Liory en chuchotant :
— Liory, Liory, réveille-toi.
Et comme chaque matin, Liory grognait en essayant de se retourner. Mais elle le prenait dans ses bras, et après qu’elle lui eut frotté le dos pour l’empêcher de se rendormir, le petit garçon l’embrassait sur la joue. Alors Azianne se redressait et attrapait sa main ; ensemble, ils quittaient discrètement la chambre.
Dans la pièce d’à côté, la petite fille allumait la lampe puis le poêle ou ouma Bahiya cuirait bientôt le petit déjeuner, puis elle emmenait Liory vers la bassine d’eau tiède qui attendait là depuis la veille. Ils se lavaient tous les deux, c’était leur plus grand moment d’intimité. Liory regardait sa sœur et reproduisait ses gestes avec application. D’abord le visage en insistant sur les yeux pour chasser le sommeil, puis la bouche, les oreilles, le cou, la nuque. Quand il était plus jeune, elle énumérait chaque partie de leur corps pour les lui apprendre, mais maintenant, il savait. Une fois tous deux habillés, Azianne passait le peigne en os dans les cheveux frisés du petit garçon ; ouma les coupait toujours très courts, comme ceux de tannie Yeleen. Azianne n’avait pas à s’occuper des siens, tressés à chaque lune par mama qui tenait à s’en charger pour éviter qu’ouma ne les lui rase.
Le rituel était réglé à la perfection : ouma, pas vraiment du matin, salua les enfants d’un vague signe de la main et d’un bonjour à peine compréhensible puis rejoignit son poêle. L’odeur des chapatis et du thé réveilla tannie Yeleen et tous mangèrent. Après quoi, chacun se souhaita une bonne journée et récupéra ses affaires. Pour tannie Yeleen, lances et bouclier, pour Azianne, son sac d’école. Liory caressa la chamelle de sa tante puis marcha avec sa grande sœur jusqu’à l’extrémité de la cour ; la petite fille lui envoya des baissers et le regarda retourner à la maison. C’était là leur unique séparation : les garçons n’allaient pas à l’école. Plus tard, ce serait son maître qui apprendrait à Liory à compter s’il en avait besoin pour son métier. Il deviendrait éleveur, agriculteur, constructeur ou marchand. On réservait aux femmes les métiers ou il fallait savoir lire, on leur confiait tout ce qui concernait la défense du peuple voog, sa gestion, son organisation, car elles seules étaient pures et ne s’étaient pas laissées pervertir par la magie et la convoitise. C’était l’objet des leçons d’histoire d’Azianne en ce moment, même si ouma et mama lui en avaient déjà parlé auparavant.
La petite fille ne marcha pas longtemps seule sur le chemin de l’école : les enfants se rejoignaient de rues en rues, et à la fin, ils étaient si nombreux qu’ils ne s’entendaient plus.
*
— Moi je n’aime pas les hommes : ils me font peur. L’autre jour, quand ma mama m’a emmené au marché, il y en a un qui nous a regardés bizarrement. J’avais froid dans le dos !
— Si tu as peur des hommes, qu’est-ce que ce sera avec les moordenaars ? interrogea Azianne.
Elle n’aimait pas trop qu’on dise ce genre de choses, car Liory serait un homme un jour, pourtant, elle aussi se méfiait d’eux.
— Je n’ai pas l’intention de les rencontrer, renchérit Astou. Moi je veux devenir scribe, pas guerrière, je te rappelle.
— Il n’y a pas plus grand honneur que de protéger sa ville et le mur, prôna Djébana avant de tourner à gauche pour rentrer chez elle.
Azianne acquiesça, salua ses amies et suivis de près par sa voisine, prit elle aussi le chemin de la maison.
Dans la cour, Liory jouait avec Ezia et Imany sous la surveillance d’ouma Bahiya. Quand il la vit, le petit garçon courut aussitôt vers elle malgré les yeux plissés de leur grand-mère. Azianne le serra dans ses bras et l’embrassa sur le front. Son salut fut plus rapide envers les jumelles occupées à se disputer un bol rempli de terre. Elles étaient les filles de son autre tante, tannie Jahia, avec laquelle elle ne s’entendait pas vraiment. Les jumelles étaient la plus grande fierté de la famille, car, si une fille était déjà un cadeau, deux représentaient un véritable trésor. D’ailleurs, tannie Jahia ne manquait jamais l’occasion de le rappeler, ce qui énervait Azianne.
D’un coup sec, Ezia obtient l’objet de la convoitise dont le contenu se renversa en grande partie. Imany hurla à pleins poumons. Quand elle griffa sa sœur, ouma intervient et confisqua le bol, ce qui eut le malheur d’augmenter encore le niveau sonore.
— Au lieu de t’obstiner avec lui, tu ferais mieux de m’aider avec elles ! Les jumelles resteront, elles !
Même pas de : « Bonjour, Azianne, comment s’est passée l’école ? » La petite fille ignora les protestations de sa grand-mère et les cris des bébés, attrapa à la place la main de son frère et l’entraîna à l’intérieur. Elle ne troquerait certainement pas Liory contre ses cousines.
Le rideau de la chambre était tiré : mama et tannie Jahia devaient dormir encore, raison pour laquelle ouma avait mis les enfants dehors. Azianne s’installa dans un coin et sortit son cahier.
— Je n’ai pas beaucoup de leçons aujourd’hui, Liory. Rien qu’un texte à relire : j’ai fait mes calculs en douce pendant que la maîtresse regardait ailleurs, alors, on pourra sûrement jouer avant que mama ne se réveille.
Le petit garçon hocha la tête et s’assit en tailleur à coter d’elle. Manque de chance, Azianne finissait à peine que le rideau bougeât. C’était mama et elle vint les embrasser.
— Tu fais tes leçons ?
— Oui, j’ai fini.
— Alors va te préparer pendant que je mange quelque chose.
La mère d’Azianne et Liory se nommait Atara, c’était la deuxième fille d’ouma Bahiya, et la plus belle. Elle avait un visage fin, de longs chevaux frisés dont elle ne tressait que les côtés pour ne pas qu’ils la gênent au combat. Azianne était fière chaque fois qu’on faisait remarquer comme elle lui ressemblait.
Azianne rangea ses affaires et alla récupérer le bouclier et la lance que mama avait fait fabriquer à sa taille quand elle était plus jeune. Bien sûr, son équipement n’était pas aussi bien qu’un vrai : elle n’aurait pas le droit de manier le fer avant d’être devenue une femme et une guerrière, mais c’était déjà bien. Quand mama eut fini, elles parlèrent à Souvroue et Ysterne, l’esprit de la mer, des femmes et du sel, puis celui du fer qui protégeait les Voogs depuis très longtemps ; elles sortirent ensuite dans la cour avec Liory sur les talons. Le petit garçon s’assit dans un coin.
— Tu es prête, meisie ?
Azianne hocha la tête un peu trop vite, car sa mère plongea vers elle avant qu’elle ne soit capable de l’arrêter. Elle leva le bouclier au tout dernier moment et il s’écrasa contre son épaule.
Une guerrière ne montrait jamais quand elle avait mal, mais mama lui laissa le temps de bien se camper sur ses jambes, cette fois.
— Imagine, meisie, je ne suis plus ta mama, je suis un moordenaar qui a profité d’une brèche et qui a déjà franchi le mur. Montre-moi de quoi tu es capable, future guerrière !
Le moordenaars balança un violent coup de griffe et Azianne réussit juste à temps à lui échapper. Mais elle devait le repousser.
— Dans Atahari, les enfants sont sans défense et les oumas ne sauront pas tous les protéger. Tout repose sur toi.
Le moordenaar fonça avec la gueule entrouverte sur des flots rougeoyants, un feu qui n’atteindrait jamais Azianne. Elle était une fille : la magie s’arrêterait toujours avant de toucher sa peau. Malgré cette protection naturelle, le bouclier était un véritable atout contre les griffes, et il pouvait aussi servir à repousser. Par contre, au contact des flammes, il devenait brûlant.
Azianne projeta le bouclier sur le monstre imaginaire qui fut contraint de reculer. Elle voulut ensuite le transpercer de sa lance, mais le moordenaars était vif et évita le danger pour attaquer de nouveau. Si Azianne perdait, Liory serait en danger.
Le moordenaar était déterminé, ses coups de griffes pleuvaient et Azianne lâcha son bouclier devenu trop chaud malgré les poignées en cuir qui lui permettaient de le tenir plus longtemps. Elle n’avait plus que sa lance et l’ennemi était trop fort pour cette fois. La petite fille roula sur le sol.
— Tu rejoins les esprits, meisie, mais tu nous as protégés un peu plus longtemps, cette fois.
Mama paraissait contente, mais tannie Jahia qui les avait rejoints dans la cour avec ses jumelles avait un air moqueur et donna envie à Azianne de faire mieux. Alors, elle recommença, encore et encore sous le regard de Liory qui les observait en silence.
C’est très chouette de lire une histoire qui se passe dans le désert :) Ce n’est pas si répandu, et le décor que ça convoque (et dont tu fais de très belles descriptions) est vraiment époustouflant !
En un seul chapitre, on s’attache beaucoup à tous les personnages et aux relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres, en particulier, évidemment, Azianne et Liory, mais aussi les autres femmes de la famille, qu’on devine très bienveillantes sous leur dureté apparente, et cherchant surtout à protéger les enfants face à une situation qu’elles sont obligées de subir elles aussi. Bref, tu nous communiques tout un tas de choses très fortes en seulement un chapitre, alors un très grand bravo à toi !
Promis je reviendrai lire la suite, parce que je suis déjà mordue ! ;)
Le cadre est bien posé avec ce premier chapitre et j'ai hâte d'en savoir plus sur les hommes, les monstres etc. Par contre j'aurais bien voulu savoir plus précisément quel âge a Azianne ! (mais j'ai peut-être loupé l'info XD)
Merci beaucoup, j'ai essayé de m'inspiré un peu de l'Afrique ;) Non, enfin, oui et non, en fait. ouma signifie (normalement) grand-mère ;)
Ce sera avec plaisir :) L'histoire, ou plutôt, le premier jet n'est pas encore achevé, mais malgré de grosse pauses, ça avance.... ^^ C'est dit... Oui et on. Au tout début, je donne l'âge de Liory et je dit qu'il est le cadet d'Azianne de six ans. puisqu'il a donc six ans, elle a douze ;)
Merci beaucoup pour ta lecture et ton retour, et à bientôt si l'envie te prends ;)
Encore désolé pour le délai, c'est scandaleux, j'ai dû effacer le mail par et erreur et... ^^
Ronrons !
Très cool comme univers, avec des femmes guerrières ou scribes, le tout dans une ambiance sableuse et ensoleillée (la couverture influence un peu mon ressenti je pense xD)
L'exposition fonctionne bien, on a les personnages principaux présentés. J'imagine que le frère et la soeur seront les deux protagonistes principaux. Curieux de voir comment tout ça va évoluer.
Mes remarques :
"Azianne connaissait le discourt par cœur" -> discours
"quand son petit frère et elle menait" -> menaient ?
"Les guerrières avaient longtemps étaient séparés" -> été séparées
"la petite fille lui envoya des baissés et le regarda retourner à la maison." -> baisers ?
"son équipement n’était pas aussi bien que des vrais :" -> qu'un vrai ?
"avant qu’elle ne soit capable de bien l’arrêter." tu peux couper le "bien" je pense
Je poursuis ma lecture !
Comment ça va évoluer ? Ben, moi j’ai envie de dire « bien » mes personnages sont moins d’accords… Tu vas être obligé de lire pour savoir ^^ Chouette, un magnifique premier jet, en plus ! ^^
Meri beaucoup pour les petites corrections, j’ai vraiment était rapide avec antidote… Désolé pour les yeux ! ^^ Et merci aussi, évidement, pour ta lecture et ton retour ;)
Chapitre très sympa, avec une ambiance tribale / désert bien présentée. On ressent que ce décor sera un premier obstacle à l’aventure
J’ai trouvé les personnages attachants, donc c’est cool, mais un peu lisse. Arianne est facile à cerner, ses doutes sont clairs, mais peut être pas assez forts ?
Les dialogues sont ok, mais, ça découle du point précédent, ils manquent peut-être un peu d’impact ?
Le rythme du récit est bon. On est dans l’expotion, et c’est agréablement raconté. Efficace.
Concernant mes réserves, je trouve que les phrases sont parfois un peu cassées par une ponctuation abondante, mais c’est un détail, surtout sachant que c’est un premier jet.
Également, les ellipses ne sont pas bien annoncées à mon gout. L’étoile ne suffit pas, la transition est trop nette. A ta place, si je tenais à conserver le texte ainsi, je changerais de chapitre.
Je le répète, je trouve ce chapitre très bien à plein de niveau. Néanmoins, j’ai eu l’impression qu’il manquait quelque chose d’essentiel, une accroche forte, la présentation d’un obstacle majeur, un trait de personnalité marquant, un truc du genre.
Si c’est vraiment le cas (et pas uniquement mon impression) , et sachant que c’est un premier jet, tu n’as pas du tout à t’en inquiéter. A terme, tu trouveras quelque chose pour lui donner plus de saveur.
A bientôt ^^
Coucou Sanah,
Tout d’abord, je te remercie pour ta lecture et ton retour.
Comme tu l’as bien compris, cette histoire n’est encore qu’un premier et l’important pour moi, à ce stade, est juste de la poser en entière, de me permettre de faire connaissance avec l’environnement, les personnages… Ils ne sont pas encore très développés, ils gagneront en profondeur au fil de ma progression, ce qui me permettra de pas mal les étoffer dès le début de la réécriture. Je suis désolé qu’ils puissent te parâtre encore un peu plat, mais à vrai dire, ça ne m’étonne pas énormément : quand je relis mon autre histoire en premiers jet, mes propres personnages me font lever les yeux au ciel et ce sera aussi surement le cas ici. ^^
Je ne me suis pas non plus attardé sur la forme, la qualité de la narration. Pour moi, ce n’est tout simplement pas encore le moment. Cette version n’est destinée qu’à poser, qu’à exister et je t’avoue que je n’ai pas plus que ça l’intention de la retravailler. Là aussi, ça attendra la réécriture.
Je vais donc garder ton avis dans un coin de ma tête et il me fera réfléchir pour l’étape suivante. Le moteur, en revanche, à bien des chances de rester le même comme il est la base de cette histoire : l’amour d’une sœur pour son petit frère.
Merci encore pour ton avis.
À bientôt ;)
J'ai adoré lire ce chapitre de ta nouvelle histoire. D'abord, le résumé me donnait beaucoup envie ! Pour un premier jet, tu peux être très fière ! Franchement, tout est fluide, les personnages sont immédiatement attachants et l'univers a l'air fascinant ! Je n'avais pas eu un coup de cœur comme ça depuis longtemps ! J'ai beaucoup aimé nos jeunes héros et ton héroïne est d'emblée attachante !
J'aime beaucoup le concept des rôles différents selon le sexe et que ce soit les femmes qui aient le rôle de guerrière ;). ca change :p
Je trouve que tu as très bien réussi à nous donner des informations sur l'univers sans que cela fasse lourd. C'est très bien distillé, petit à petit dans le récit et j'aime beaucoup les sonorités que tu as choisies !
Je pense que tu pourrais rajouter quelques descriptions du désert et de leur habitation pour peaufiner l'immersion dans ton monde ! Bref, une belle découverte :)
A bientôt !
Merci beaucoup, ça me soulage vraiment que ça tienne la route car là, je suis en solo et j’ai tellement douté de moi ! ^^ ça fait du bien que cette histoire puisse plaire, surtout dès le premier jet.
Ah oui, j’ai échangé un peu les rôles, j’ai puni les garçons ! ^^ À moi aussi, ça fait du bien. ^^ Non mais ! ça leur apprendra un peu ! ^^
Ouf ! C’est vraiment un exercice compliqué de distiller : je dois souvent me retenir pour éviter de tout dire direct et j’espère réussir à garder le cap du « pas à pas » jusqu’au bout.
Oui, ça manque de descriptions. En premier jet, j’ai tendance à aller très vite, droit au but, et c’est justement ce qui refroidi un peu ma progression. J’essaie de me reprendre, mais… heureusement, ce sera plus posée en réécriture. ^^
Merci beaucoup pour ta lecture et ton retour : ça motive ! :)
J’ai beaucoup travaillé sur l’univers et les personnages, alors je suis ravi que ça puisse se ressentir dès le premier jet. Heureusement, il commence à y avoir des filles maintenant, même si c’est vrai que la gent masculine est plus majoritairement représentée. Pour ce qui est d’Azianne, j’avoue qu’elle s’est imposée d’elle-même : cela faisait plusieurs années que j’avais en tête l’image de cette petite fille face au désert. Elle était si tenace que j’ai finis par lui demander son nom, ce qu’elle faisait là et pourquoi. ^^
Ouf, j’avais peur que ce soit une catastrophe orthographique : tu me rassures un peu.
À bientôt !