Les copains d’avant, en terrasse, dix-huit heures.
« Trois bières, s’il vous plaît, demanda Hélène.
— Je note ! affirma le serveur.
— Alors, comme je vous disais. Demain matin, mes parents viennent me chercher pour m’emmener dans notre maison de vacances dans le but, unique, de passer un week-end de merde.
— Arrête de te plaindre, s’exclama Hélène.
— Grave ! Ce n’est qu’un week-end, ce n’est pas la fin du monde, rajouta Benjamin
— Un week-end ? Non ce n’est pas un week-end. C’est deux jours inlassablement inondés de mépris, de reproches et de critiques.
— Ce n’est pas si dramatique, pense à ceux qui n’ont pas de famille, poursuivit Hélène.
— Ouai, pense à ceux qui sont seuls, ajouta Benjamin.
— Je les envie !
— Voilà vos bières, interrompit le serveur.
— Tu bosses demain Hélène ? interrogea Benjamin.
— Oui, c’est chiant. En ce moment, je travaille tous les week-ends.
— Vous vous en foutez de ce que je raconte ? leur demandai-je.
— Ça va, répondirent-ils d’un air excédé.
— Oublie-nous un peu, accentua Hélène.
— Je ne t’oublierai jamais, lui murmurais-je.
Hélène ne réagit pas.
— Ah ! Au fait ! J’ai oublié ma veste chez toi la dernière fois, affirma Hélène. Quand puis-je la récupérer ?
— Je pars demain matin vers sept heures et je rentre dimanche, très tard.
— Sept heures ? J’y serais. »
La soirée est relativement calme, cette fois. Entre le travail d’Hélène et l’arrivée aurorale de ma famille : ce fut suffisant pour nous pousser au lit. La boule au ventre, je passe des heures à regarder l’heure. Chaque minute de stress est une minute en moins de repos. Tout bien réfléchit, c’est peut-être une occasion pour moi de m’affirmer, de leur dire ce que je pense réellement d’eux, de me lever, de crier et de mettre un terme à cette relation dévastatrice.
Sept heures, le réveil sonne dans sept heures.
* * *
Déjà plusieurs heures que j’étais enclavé entre deux massifs nauséabonds. Diminué et suffocant, je me recroquevillais sans révolte, car il faut le dire : « les vieux, on leur permet tout et c’est seulement parce qu’ils approchent du couloir de la mort ». À droite, l’écrasant brushing de Mamie déployait ses mèches dans tous les sens, jusqu’à me chatouiller le nez. À gauche, l’imposant chapeau de Papi tout droit ramené du Texas par un ami mythomane bien incapable de quitter son si cher pays. En face, la route. L’incroyable diversité des paysages me donne l’impression d’être le héros d’un jour sans fin. Au volant, Papa explique sans modestie ce qu’est un bon conducteur en exploitant chacune de ses manœuvres. À la place du mort, Maman débite ses questions habituelles qui n’intéressent qu’elle. Pour me consoler, il ne me reste que le ballet incessant des bandes blanches venant s’écraser sous les roues. Un éternel et sombre corridor où, au bout, l’on jetterait ma dépouille aux rapaces que sont ma famille.
À mon âge, il est plus difficile de s’imposer. Bientôt vingt ans que je parle de façon compréhensible. À ce qu’il paraît. Mon entourage a largement eu le temps de s’habituer à me faire fermer ma gueule. Et quand j’y pense, même ceux qui me connaissent depuis deux ans s’en donnent à cœur joie. J’aimerais bien tout recommencer. Reprendre à zéro. Leur montrer que la bête qu’ils ont côtoyée toutes ces années est bien moins intéressante que l’humain dont ils parlent aujourd’hui. Mais c’est trop difficile. J’ai préféré me réorienter vers une autre option, la fameuse « ça ira mieux après ». Efficace, mais indéterminée. En attendant, je mets mon casque et j’appuie sur « Play! ».
Bien confortablement cramponné à mes deux oreilles, ma musique me tient en vie. L’exquise mélodie que me procurent les génies méconnus du vingt et unième siècle m’emmène virtuellement loin de ce carnage. Cet objet si simple est une véritable révolution : il donne la possibilité d’être seul parmi la foule. Il masque les voix les plus insupportables, pour nous guider vers une profonde douceur.
Sans bruit, j’entends les allusions sarcastiques sur mes vêtements, les critiques gratuites sur mon mode de vie, les regards moqueurs sur mes relations amoureuses inexistantes. Je m’attelle à ignorer tous les appels à la conversation, malgré tout, les mouvements perpétuels de ses mains m’obligent à revenir dans leur monde :
« Lâche un peu ta musique ! dit Maman. Déjà, que nous ne te voyons jamais, si en plus tu passes ton temps avec ton casque ça ne sert à rien de venir avec nous.
— Alors pourquoi suis-je là ?
— Ne fais pas ta mauvaise tête, mon doudou. Tu vas voir tous tes cousins, tu n’es pas content de voir tes cousins ?
— Mamie, s’il te plaît, arrête de m’appeler “mon doudou”.
— Oui Maman, arrête de l’appeler comme ça. Il va encore se vexer et on ne va pas l’entendre du week-end.
— De toute façon, il ne dit jamais un mot. Moi, à ton âge, je parlais tout le temps. J’avais toujours quelque chose à raconter et, tu sais, les filles, elles adorent quand on s’exprime. Excepté quand elles sont sur le dos.
— Papa ! Arrête tes bêtises ! ordonna Papa. Aller ! Parle-nous un peu ta vie, ton boulot, ça se passe bien ?
— Ça va…
— Et tes copains, ils vont bien ?
— Oui…
— Et ta copine, elle va bien ?
— Je n’ai pas de copine.
— La fille que l’on a vue en venant te chercher, ce n’était pas ta copine ?
— C’était une amie.
— Pourtant elle avait l’air de bien t’aimer.
— Oui, comme un ami.
— À mon avis, elle ne te considère pas comme un ami. Elle attend plus.
— Tu ne la connais même pas.
— Ça commence comme ça et puis un soir, tu bois un verre de trop et hop ! Tu la sautes.
— Arrête grand-père ! criions-nous en chœur. »
Sept heures, nous allons rouler sept heures ensemble.
* * *
La Cène est un tableau mondialement connu et même sans y placer les détails n’importe qui pourrait la dessiner. Ma Cène à moi est semblable en tout point, n’importe qui peut la dessiner :
Papi est au bout de la table, tel un chef de famille respecté. À ses côtés, nous avons ses deux fils. Ensuite viennent les petits-fils, assez mûrs pour participer aux conversations éclairées des mâles dominants. S’en suivent les femmes, habilitées au déblaiement de la vaisselle et aux ragots du village. Puis les enfants, sous l’œil attentif de leur mère. Enfin Mamie à l’autre bout, telle une maîtresse de maison, muette.
D’ailleurs, je ne sais pas si le terme « maison » est bien adapté à ce taudis. Il n’y a pas une seule porte qui ne grince pas. Les murs sont humides et fendus. Le carrelage poussiéreux se démonte. Le portail est rouillé. Le jardin est en jachère. La terrasse s’effrite. Le toit laisse passer volontiers les trop fortes pluies. Il fait sombre. Il fait froid. Le seul endroit un peu habitable c’est le salon, quand le feu de bois réchauffe la pièce. La salle de bain est blanche de calcaire. Les lits sont crissants. Les robinets fuient. Ils appellent cela une « maison de vacances » alors que même les squatteurs n’osent pas y habiter.
Je fus vexé d’être relayé derrière les bonnes, puis j’ai découvert l’innocence des enfants qui me faisait tant rire. Finalement, je me retrouvais à avoir des discussions très enrichissantes avec eux, d’ailleurs ce fût les seules discussions que j’avais. Aujourd’hui, leur innocence a laissé place à leur impolitesse. Alors je me suis mis à déguster, je dépose lentement et délicatement la fourchette dans ma bouche et je me concentre, pendant de longues minutes, à mâcher et à apprécier le moindre aliment que ma langue reconnaissait. Finalement, j’ai appris que c’était meilleur pour la santé, alors j’ai arrêté. L’interminable enchaînement de plats m’étonnera toujours. Comment peut-on manger aussi aisément une quantité invraisemblable de nourriture tout en sachant que dehors, à seulement quelques mètres, des enfants se battent pour un bout de pain. Nous en venons, parfois, à avoir mal aux ventres pendant des heures. Certains vont même jusqu’à recracher une heure plus tard ce que leur estomac n’a pu éliminer. Alors pour éviter ces désagréments, on concocte des techniques afin d’être sûr que personne d’autre ne profitera de tous ces mets. Du thé, des cigares, de la glace, le trio : Cognac, Armagnac, Grappa ou encore une bonne promenade. On pourrait croire tout cela normal, car la douleur est difficile à supporter, mais tous ces dispositifs ne servent qu’à préparer le repas du soir identique à celui du midi, voire plus riche.
« Et bien, j’ai le ventre bien rempli, soupira Papa en me tapant sur l’épaule.
— On mange trop ! dit Tonton,
— Maman cuisine toujours plus qu’il ne faut, et comme nous sommes gourmands, on finit tout, dit Papa
— Et quand l’on ne mange rien, elle nous fait un scandale, ajouta Tonton.
— On pourrait peut-être moins manger et donner à ceux qui en ont besoin, leur proposai-je.
— T’as toujours le mot pour rire l’Abbé Pierre, dit Tonton, moqueur. Heureusement, ce petit cigare nous fera digérer. Tu ne fumes pas toi ?
— Non, répondis-je.
— Tu n’as même pas envie d’essayer ?
— Si ! Je suis terrorisé par le dégoût que la fumée me provoque. J’ai entendu dire que fumer réduisait l’espérance de vie, alors j’essaie tant bien que mal de m’y mettre, mais cela me dégoûte.
Sourire forcé, yeux baissés, jouant avec ses pieds : la gêne a pointé le bout de son nez chez Tonton.
— Ce n’est pas drôle, s’indigna Papa.
— Où en est le projet avec ton ami… Benjamin, c’est ça ?
— Annulé.
— Oh quel dommage ! Pourquoi ?
— Je n’ai pas été inclus dans les décisions, mes idées étaient rejetées sans même y réfléchir. J’étais devenu celui qui fournissait le capital, alors j’ai abandonné.
— Faut pas se laisser abattre, mon garçon ! Il faut s’imposer. Il faut que tu montres ta présence. il faut travailler dur pour être son propre patron.
— Il n’a pas l’étoffe, dit Papa. Il est condamné à être salarié toute sa vie.
— Mais…
— Prends exemple sur ton père ! Il s’est battu pour en arriver là. Il ne se levait pas à dix heures du matin.
— Je suis du soir, moi. Pas du matin.
— Excuse de looser ! Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt.
— Des études ont montré qu’il était plus sain de ne pas user de réveil pour ouvrir les yeux le matin.
— Oui et bien les études sont faites par des cons ! Tous ceux qui réussissent leur vie se lèvent tôt. Les fainéants finissent clochards.
— Je ne me lève pas tôt et je ne suis pas clochard. Je suis indépendant et je n’ai jamais demandé à qui que ce soit de payer mon loyer.
— Oui, mais regarde-toi ! Tu n’as même pas assez d’argent pour t’acheter des vêtements.
— Si j’en ai assez. C’est juste que je n’ai pas envie d’acheter des objets fabriqués au pétrole. Je pense à la planète.
— Penses-y, t’as raison ! Et puis dans deux ans, tu mangeras de la terre.
Papa éclate de rire.
— Arrête ! Ils ne mangent pas que de la terre dans les ZAD, ricana Papa.
— Ah ! C’est sûr ! Dès que la caméra est éteinte, ils filent au supermarché acheté des carottes pour faire croire qui savent les cultiver, répondit Tonton.
— La plupart vont bouffer aux “restos du cœur”.
— Ils nous font la morale, mais ils sont incapables d’être indépendants.
— Je mettrais tout ça en prison, moi !
— Ils n’attendent que ça, au moins ils seront nourris et logés. »
Sept heures avant d’aller se coucher, sept heures.
* * *
🎵
Le soleil se couche sur mon insomnie,
Je me promène à travers les rues dégarnies.
Rien ne m’attire, tout semble me détruire.
La corde se noue autour de mon cou,
Je descends, je glisse, peu à peu, dans mon trou.
🎵
Après avoir laissé Mamie et Papi dans la « maison de vacances », je peux enfin me délecter de la banquette arrière et m’étendre de tout mon long. Comme nous roulons à faible allure et que le temps s’y prête, j’ouvre ma fenêtre pour profiter de l’air chaud et oxygénant. Alors que Papa et Maman passent des heures à faire le bilan de ce week-end, moi je ne trouve qu’un seul mot : atroce ; épouvantable ; horrible ; abominable ; insupportable… Bref, je pose à nouveau mon casque sur mes oreilles pour voyager au rythme des paysages sublimes qui défilent sous mes yeux.
Trop de bonheur pour un si petit être, évidemment que cela ne pouvait pas durer. Je sens son regard à travers le rétroviseur. Je vois sa tête se relever et balancer de droite à gauche. J’esquive les retournements furtifs. Mais je ne peux éviter ses tapotements sur mon genou :
« Tu as discuté un peu avec Anthony ? dit Maman.
— Non, pourquoi ?
— Il travaille dans le même domaine que toi et il a monté sa boîte, tu devrais lui demander des conseils.
— Je ne suis pas encore prêt à monter ma boîte.
— Oh ! Tu ne vas pas te laisser abattre par un échec. Il faut se relever !
— Je n’ai pas envie.
— Mais bouge-toi le cul mon loulou !
— Mais je n’ai pas envie !
— Et bien, il va falloir la trouver l’envie. Moi je vais te la donner l’envie, tu vas voir !
— Laisse-le chéri ! Tu vois bien qu’il ne veut pas faire d’efforts.
— La réussite ne te tombe pas toute crue dans le bec. La chance, cela n’existe pas. Il n’y a que ceux qui la provoque qui peuvent la toucher.
— Est-ce qu’un jour vous allez décider de me laisser vivre ma vie ?
— Mais tu es en train de la foutre en l’air, ta vie ! Tu es dans tes meilleures années. Tu ne trouveras jamais de femme si tu restes salarié. Comment comptes-tu entretenir ta famille ?
— On arrête s’il vous plaît.
— Aucune fille ne voudra de lui, il est trop timide, dit Papa.
— Ce n’est pas un problème de timidité, s’opposa Maman. C’est juste qu’il ne gagne pas assez sa vie, comment veux-tu qu’il invite une femme au restaurant avec ce salaire ? Il n’a même pas les moyens d’acheter une voiture.
— Mais j’habite en ville.
— S’il n’a pas le cran d’aborder une fille, il restera seul toute sa vie, ajouta Papa
— Et on n’aura même pas de petits enfants.
— Faudrait déjà être sûr qu’il sache comment faire.
— Oh s’il te plaît ! Il a vingt-cinq ans tout de même. Il a sûrement déjà connu des femmes.
— Ah oui, il en a connu, à la télé ou sur leur Internet.
— Il y a bien la petite Julie, sa copine de primaire. Qu’est-ce qu’elle est belle cette fille, et ses parents ont une bonne situation.
— Oh non pas eux ! Son père est un bobo fonctionnaire de gauche qui n’a jamais travaillé de sa vie.
— Oui, il ne travaille pas beaucoup, mais instituteur c’est un métier important pour l’éducation.
— Et bien raison de plus ! Il passe son temps à raconter des conneries aux gamins. Une génération de chômeur !
— Il n’est pas futé, mais sa femme est avocate.
— Eh bien ! Pour rester avec un mec comme ça, elle ne doit pas être très maligne.
— Ne te moque pas d’elle, je l’aime bien moi.
— Tu l’aimes bien parce que tu as besoin d’elle !
— Quoi ? C’est toujours utile d’avoir une amie avocate !
— Pour payer moins cher, radine va ! »
🎵
Mais je ne dois pas abandonner,
Un jour viendra, je me lèverai.
Tout raconter, tout déballer.
Un jour viendra, je montrerai,
Pourquoi ils auraient dû m’écouter.
🎵
Fatigué d’écouter leurs chamailleries, je retourne dans mon univers. Ce monde mélodieux est bien plus adapté à moi. Las d’entendre leurs discours ignorants et fermés, je dialogue avec moi-même pour exprimer le fond de ma pensée.
Nous entrons dans une forêt sombre. Papa allume les phares. L’air humide se glisse le long de mon corps, jusqu’à en faire frissonner mes aisselles. J’ai froid. Je tente de fermer la fenêtre. La manivelle se coince et la vitre ne remonte pas entièrement. Papa se retourne. Il semble vouloir me parler. J’ignore son regard interrogateur afin de rester plonger dans ma musique. Cette forêt n’en finit plus. Comme une longue chute où l’on voit sa vie passée devant ses yeux, où l’on a l’impression que ce moment dure une éternité alors qu’il ne dure que quelques secondes. Dans mon cas, il semble vraiment durer une éternité. La fréquence des échanges entre Maman et Papa s’intensifie. Les arbres frissonnent. La voiture accélère. Les épaules de Papa sont relevées et alignées à son menton, c’est signe de nervosité. Ils se disputent. Dehors, le vent souffle davantage, secoue l’habitacle et s’engouffre dans les joints des portières provoquant un sifflement assourdissant. Papa ne cesse de se retourner pour capter mon regard. Les gestes houleux de Maman se précipitent. Ils s’énervent. Les mouvements de tête du conducteur s’accentuent, se brusquent. Plus le temps passe et moins ses yeux guettent la route. Les bourrasques s’agitent. Elles forment une tornade et emportent avec elles des feuilles de frêne, de charme, de chêne, de bouleau. L’on s’approche de la fin. La lumière du soleil m’appelle. Je respire de nouveau l’air chaud de l’été, l’herbe sèche, la lavande, la fleur d’oranger. Une brise caresse ma peau.
Sept degrés, nous venons de prendre sept degrés.
* * *
J’ai mal au crâne, je me sens assoupi, engourdi, ramolli. J’ai besoin de sommeil. Mes genoux tremblent, mes mollets se contractent, mes jambes décident de marcher sans mon approbation. La prairie flotte au rythme de mes pas qui avancent. Les arbres, majestueux, règnent sur un paysage dégagé, orné de fleurs multicolores délivrant des arômes délicieux. On m’a souvent vanté les fortes chaleurs du Sud. J’ai toujours cru qu’ils surjouaient, jusqu’à ce jour.
Mes papilles s’excitent. J’ai très envie d’une cigarette. Je donnerai tout pour une cigarette. Habituellement, je n’aime pas fumer, mais aujourd’hui, maintenant, à cet instant, je veux fumer ! J’ai le désir profond de sentir la fumée effleurer ma langue, s’écouler lentement le long de ma gorge pour infiltrer mon sang et libérer ensuite le bonheur à travers tout mon corps.
Je vais aller jusqu’au village voisin. Je vais frapper aux portes et je vais trouver une place pour la nuit. Dormir chez l’habitant est une très bonne expérience sociale. On y rencontre des personnes fantastiques toujours accompagnées d’une bienveillance infinie. Mais ce n’est pas évident de cogner à la porte, de se présenter et ensuite de demander ce genre de service. Bien souvent, nous n’avons rien à donner en échange et c’est ce qui nous pousse à dormir sous un pont plutôt que chez un futur ami. Nous avons peur également du refus ou de forcer les gens à nous accueillir. Cette peur nous devons l’oublier et nous contraindre à l’écarter. Car si l’on enlève les insignifiantes mauvaises expériences alors le reste n’est que bonheur perpétuel. Comme toujours, le plus difficile est d’acter le premier pas, d’engager la relation. Prendre le risque de changer son comportement. Prendre le risque de s’améliorer pour être meilleur. Prendre le risque de devenir soi-même.
Je ne suis pas du genre à trembler devant les inconnus. Je pars du principe qu’il y a plus de gens bons que de gens mauvais sur cette planète et que peu importe sur qui je tombe, je peux avoir confiance. De plus, je suis un homme, d’une vingtaine d’années ; assez grand pour inquiéter, assez petit pour attendrir ; bien coiffé, bien habillé ; un accent surprenant, mais rassurant ; une attitude sereine ; optimiste ; simple ; rêveur. Évidemment, n’oublions pas les psychopathes qui te forcent à mettre de la crème en te menaçant de t’arroser. Mais après tout, qu’est-ce que je risque ?