Cette journée n'avait pas commencé sous les meilleurs auspices. Et jamais je n'aurais pu m'imaginer qu'elle finisse si mal. L’air grisant du matin d’automne me giflait le visage pendant que j’auscultai les sillons du champ. Il fallait m’assurer que le travail avait été fait dans les règles avant de pouvoir planter les semis. Trop occupé à regarder la terre, je n’entendis que trop tard le hurlement de Bent provenant de l’autre côté du champ.
— Ézékiel ! Fais gaffe !
Je me retournai d’un mouvement brusque. J’étais si habitué aux bruits des pistons et des ressorts que je n’avais pas entendu le cheval arriver vers moi. La bête avançait à toute allure, faisant grincer son exosquelette de métal. La terre formait un nuage épais autour de ses sabots d’acier. Je me jetai sur le côté d’un bond pour l’éviter. L’animal mécanique me frôla d’une dizaine de centimètres. Les grincements de la bête couvraient les cris de mes collègues que je voyais gesticuler au loin. Il était devenu hors de contrôle. Un morceau de bride frôla mon visage. Sans réfléchir, je m’y accrochai. J’avais sous-estimé la vitesse de l’équidé qui manqua de me déboîter l’épaule en me tirant avec lui. Je roulai sur moi-même, en tenant la bride avec force. Le cheval de métal m’emporta en me traînant contre la terre du champ qu'il était censé labourer. Mes cuisses et mon torse se couvrirent d’éraflures, m’arrachant un sifflement de douleur. J’agrippai la selle et me hissai en hurlant pour me donner du courage. Mon bras se tendit en direction de la tête et j’appuyai de toutes mes forces sur le bouton situé entre les deux oreilles. L’animal émit un hennissement métallique et s’éteignit. Il ralentit sa course avant de se stopper et de se mettre en état de repos. Je me laissai chuter au sol, haletant et hagard.
— Zek ! Est-ce que ça va ?
— Y bouge plus. J’crois qu’tu l’as tué…
Deux silhouettes s’approchèrent de moi. J’étais trop occupé à reprendre mon souffle pour leur prêter attention.
— Crétin, tu vois bien qu’il est vivant, il respire comme un bœuf.
— Bah j’pensais que vu l’accident qu’il avait eu… bah il s’en sortirait pas cette fois.
Mon sang ne fit qu’un tour lorsque je me rendis compte qu’ils parlaient de moi. Je secouai la tête afin de me remettre de mes émotions. Mes yeux se posèrent sur les deux hommes.
C’était Cal et Bent, mes collègues.
— Aidez-moi à me lever au lieu de raconter des sornettes, intimai-je. Vous n’êtes pas payé à tuer des gens à ce que je sache.
Un bras me saisit, celui de Cal. La montagne de muscle me tira sans difficulté et me remit debout. J’époussetai mon pantalon et ma veste recouverts de terre en grognant. Je levai la tête. Cal et Bent m’observaient sans rien dire. Ils semblaient avoir peur de ma réaction. C’était presque amusant de voir les petits yeux de Cal, cette force de la nature, tirer son visage en une moue inquiète. Bent, lui, regardait le sol sans rien dire, grattant ses cheveux roux et bouclés.
— On est désolé, lança Cal dans un murmure. C’était pas voulu…
— Encore heureux, répondis-je agacé.
Je m’approchai du cheval désormais immobile.
— Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— Monsieur Atama nous a dit qu’il y avait un faux contact et qu’il perdait de l’éther, expliqua Cal. Il nous a demandé de jeter un coup d’œil. Le cheval s'est activé tout seul pendant qu'on l’examinait et il est parti comme une flèche en défonçant la porte.
D’un coup d’œil, j’observai l’entrepôt à l’autre bout du champ. Un trou béant était visible à l'entrée. Je soupirai de dépit en portant mon attention sur la machine à l'allure de cheval.
Monsieur Atama, notre employeur, avait acheté une dizaine de ces bêtes mécaniques auprès d’un producteur de la capitale. Il pensait que leur achat permettrait d’avoir une meilleure rentabilité dans les champs où nous travaillions. En effet, pour creuser les sillons ou permettre d’effectuer les semis, il avait raison. Mais l’animal en lui-même demandait un entretien quotidien. Personne à ma connaissance n’avait vu un vrai cheval depuis qu'ils avaient disparu lors de l’épidémie de peste du siècle dernier. J’avais pu en examiner des croquis dans les livres d’histoires naturelles que possédait grand-mère Lénore avant sa mort, mais jamais en vrai. On racontait qu’ils avaient la peau douce et étaient très intelligents. La machine éteinte à mes côtés avait l'apparence d'un cheval, rien de plus. Il était très rare de voir des machines dans les campagnes et l’arrivée des équidés d’acier avait créé l’évènement à Wisperlow. Personne dans cette petite ville n’avait jamais vu de telles créatures mécaniques. Identiques à l’image des croquis que j’avais vus, les créatures d’acier semblaient plus vraies que nature. Ma tête arrivait à la hauteur de leurs naseaux, à l’endroit même où il fallait appuyer pour les mettre en route. L’acier, sur l’intégralité de leur corps, était ciselé d’arabesques dont les gravures s’illuminaient du bleu de l’éther qui les faisait fonctionner. Le gestionnaire de l'exploitation, Monsieur Atama, avait payé une dizaine de chevaux il y a cinq ans par le biais d’un prêt. L’industrialisation se faisait petit à petit autour de nous, en réponse à la politique d’expansion technologique instaurée par le roi de Karmanie. Pourtant, les campagnes comme la nôtre avaient du mal à s’adapter à ces avancées qui pouvaient être dangereuses.
En voyant les regards inquiets de Cal et Bent, je compris que mon corps entier était pris de tremblements. Je posai ma main contre ma cuisse droite pour retenir les spasmes. Une faible douleur me rappela mon accident. Je chassai le souvenir douloureux de ma tête et me concentrai sur l’animal. Je m’attardai sur le chanfrein du cheval, entre les naseaux et les oreilles. Les gravures des arabesques s’illuminèrent d’un bleu surnaturel, signe que l’éther, cette fantomatique source d'énergie alimentait bien l’appareil. Les yeux vitreux de la bête d’acier brillèrent à leur tour de cette lueur bleutée et le cheval tourna sa tête vers moi. D’un geste brusque, je tirai la petite poignée placée sous sa mâchoire inférieure. La bête se figea.
— Bon, voyons ce qu’il a, chuchotai-je à moi-même.
J’examinai la machine en détail, à la recherche du moindre indice permettant de m’indiquer pourquoi ce cheval était parti à toute vitesse en manquant de me renverser.
— Là, montrai-je à Cal et Bent en désignant la queue constituée de filaments métalliques. Il a bien une fuite.
Mes collègues s’approchèrent, intrigués. Sur la croupe de l'animal, l’une des gravures des arabesques laissait s’échapper un filet de fumée bleue. Je localisai une autre fuite au niveau du cou.
— Et il faudra me graisser les jarrets, ils commencent à rouiller, continuai-je d’une voix ennuyée. Allez, on rentre à l’établi. Vous avez du boulot sur celui-là. Les fuites d’éther n’apportent pas assez d’énergie à la centrale, le moteur doit pomper plus. Il suffit qu’il ait reçu un choc pour qu’il devienne incontrôlable. Maintenant, je vous le laisse, je déteste ces bestiaux.
Je tendis la bride à Cal et repoussai la poignée sous la mâchoire du cheval qui reprit vie. Bent saisit la bride et força la bête mécanique à le suivre. Nous rentrâmes à la ferme sans que mes deux collègues ne prononcent le moindre mot, trop gênés par leur erreur. Je n’avais que de légères blessures superficielles, mais la douleur de ma jambe s’était réveillée. Je serrai les dents en attendant que l'élancement passe. Une fois arrivé à la ferme, j’aidai mes collègues à placer la machine sur l’établi afin qu’ils puissent travailler. Je leur donnai mes dernières recommandations. Cal m’envoya une tape virile sur l’épaule, me faisant chanceler sous l’impact.
— Merci Zek, désolé pour ce qu’il s’est passé. J’m’excuse.
— C’est pas grave, on a déjà vu pire, n’est-ce pas ? lui répondis-je en faisant référence à mon accident.
— Ouais, mais ça serait pas mal d’éviter une nouvelle tragédie, non ?
J’acquiesçai sans un mot. J’avais abordé le sujet malgré moi. Un malaise s’installa. La chevelure orangée de Bent s’agita et les taches de rousseur de l’ouvrier se déformèrent sous son sourire.
— Tu vas voir Jubilée ce soir, non ?
— Je vais l’inviter au restaurant, oui.
Dans les moindres détails, j’avais prévu une soirée pour fêter notre première année ensemble. Jubilée était pour moi le meilleur des sujets de conversation. Ma moitié, mon amour, ma vie. Elle était la main tendue qui m’avait tirée vers la surface après l’accident. Je soupirai de bonheur en mon for intérieur et mon esprit s’égara un moment. Je revins à la réalité en découvrant que Cal et Bent m’observaient avec des yeux étonnés.
— Je suis désolé les gars, dis-je d'un ton timide. C’est juste que… Jubilée…
— Est la femme de ta vie, reprit Cal de sa grosse voix. Ça, on le sait bien et j’espère que tu te rends compte de la chance que t’as. Je connais des gars dans ce village qui tueraient pour être à ta place. D’ailleurs, tu devrais pas être déjà parti ? Le chef nous a dit qu’il t’avait laissé ton après-midi de libre.
Je confirmai ses dires d’un mouvement de tête. En jetant un coup d’œil à travers la fenêtre, de l’autre côté de la pièce, je découvris qu’un cocher et son attelage payé par Monsieur Atama m’attendaient dehors. Je saluai mes collègues avant de les quitter pour rejoindre la voiture. En refermant la porte, la bise d’automne me frigorifia. Le cocher n’avait pas bougé, accoudé contre la voiture, la bouche recouverte d’une écharpe noire et la tête surmontée d’un tricorne sombre. L’attelage était constitué de deux coléoptères géants dont les carapaces d’un noir brillant arrivaient à la hauteur de mon nombril. Les deux scarabées faisaient claquer leurs mandibules dans un signe d’impatience non dissimulé.
— Belles bêtes n’est-ce pas ? me dit le cocher en repliant le col de son manteau pour se protéger du vent. Ils viennent de la réserve du chef-lieu. Ils sont tout neufs.
J’observai les deux insectes. L’éther avait sur les animaux d’étranges réactions. La plupart mourraient, alors que certains réagissaient de manière surprenante. Ainsi, depuis la découverte de cette source d'énergie, le continent était envahi d'animaux géants évadés dans la nature. En peu de temps, l’Homme avait réussi à les domestiquer et les animaux géants étaient utilisés pour les tâches les plus diverses
— C’est vous que je dois ramener en ville ? reprit le cocher. Monsieur Atama m’a payé pour ça.
Je répondis par l’affirmative et le cocher observa mes vêtements de travail couverts de terre sans rien dire. Je montai dans la voiture qui démarra. Le ciel devenait menaçant. L’humidité du moment s’imprégnait partout. Les arbres perdaient déjà leurs feuilles, tapissant les routes d’un voile orangé. Le temps était parfait pour semer le blé et l’orge, ce que nous n’allions pas tarder à faire à la ferme. L’hiver promettait en tout cas d’être rude. Je pensai soudain à Jubilée et me mit à rêver de la retrouver à la maison, préparant une des succulentes soupes à la tomate dont elle avait le secret. Je revenais souvent de la ferme, plein de boue, de terre et d’huile de mécanisme. Après un bon bain dans la maison que ses parents lui avaient légué, Jubilée venait me rejoindre pour se blottir contre moi près de la cheminée.
Avant même que j’eusse le temps de m’en rendre compte, la voiture s’arrêta. Le cocher venait de m’amener au centre de Wisperlow, juste devant chez moi. Je le remerciai pour sa gentillesse et lui tendis une pièce. Bien que Monsieur Atama l’ait déjà payé pour sa course, je me sentais redevable d’un petit pourboire. Je n’étais pas riche, pourtant je ne pus m’empêcher de penser à cet homme qui allait passer le reste de sa journée au milieu du vent. Wisperlow était un petit village et l'air s’engouffrait à travers les maisons avec une facilité déconcertante. Cela était dû à la position du village, près des côtes du sud-ouest du pays. Le vent y était aussi terrible en hiver qu’appréciable en été.
Le cocher me salua en tenant son tricorne et repartit sans attendre, me laissant devant les portes de la petite maison que Jubilée et moi habitions. La bâtisse, bien que rustique, avait un charme enchanteur. Si elle ne payait pas de mine de l’extérieur, l’intérieur était décoré avec goût : celui de Jubilée. La bicoque lui avait été léguée par ses parents, emportés il y a cinq ans par un incendie qui avait ravagé la boutique de Monsieur Smeaton, son père. Je n’avais jamais connu ma mère, morte lors de son accouchement. Mon père, lui, avait été tué dans une rixe de taverne quand je n’avais que six ans. Ma grand-mère m'avait alors élevé, jusqu'à sa mort il y a trois ans. Un an avant l'accident. Jubilée et moi avions en commun de ne pouvoir compter que sur nous-mêmes. Tous les garçons étaient à ses pieds et elle aurait pu choisir n'importe lequel d'entre eux. Pourtant elle m'avait choisi, malgré mon infirmité. C’était là ma plus grande fierté et j’avouais aimer voir les regards jaloux des autres garçons lorsqu’elle et moi nous promenions ensemble dans le village. Je soupirai de plaisir à ces pensées et m’empressai de trouver la clé pour ouvrir la porte. Une fois rentré, je me rendis dans le salon pour rallumer le feu de la cheminée. À l’aide d’un tisonnier, je remuai les cendres afin d'en réveiller les braises endormies de la veille. Je plaçai une bûche afin d’activer le feu et claudiquai jusqu’à la salle de bain pour remplir la baignoire d’eau chaude afin de me laver et calmer la douleur de ma jambe. Les vapeurs et leurs bouffées étouffantes envahirent la pièce. Un faible trottinement arriva jusqu’à mes oreilles. Ce n’était pas Jubilée qui rentrait, mais Égrégore, notre petite chienne. Elle avait dû me voir revenir et venait me montrer sa joie de me revoir. Bientôt, j’entendis gratter contre la porte de la salle de bain que j’ouvris. Une boule de poil blanche, pas plus grosse qu’un chat me sauta dessus. Seule sa langue dépassait de son museau. Ses yeux étaient cachés par une frange de poils blancs. Elle me lécha le visage et les mains en poussant des petits cris de bonheurs. Fidélité était un mot qui lui convenait à la perfection, si bien qu’il était souvent difficile de partir aux champs sans qu’elle ne me suive. La plupart du temps, elle rejoignait Jubilée à sa boutique pour y faire un somme.
— Allez Égrégore, laisse-moi tranquille.
La chienne soupira et se roula en boule aux pieds de la baignoire. Je pouvais voir ses yeux me lancer des éclairs de déceptions à travers les poils. Elle n’avait pas obtenu assez de caresses à son goût.
Je me déshabillai et m’assis sur le tabouret posé à côté de la porte avant d’allonger ma jambe droite qui me faisait souffrir. J’entrepris de détacher les sangles de ma jambe de bois et jetai le pilon au sol d’un geste désinvolte, faisant au passage sursauter Égrégore qui souffla une nouvelle fois. En forme de quille, la partie supérieure de la prothèse était évidée et on avait placé dans le creux un petit coussin de manière à ce que je puisse y disposer mon genou sans que le frottement du bois ne m’entaille la peau. Si le membre artificiel avait fait soulever bien des sourcils et pousser des cris étonnés, j’aimais parfois mettre cette différence en valeur. Je cachais la plupart de mes prothèses sous mon pantalon. En revanche, celle-ci avait quelque chose d’intime, de précieux. La pièce avait été créée sur mesure par un artisan local et l’ouvrage était minutieux. Gravé de motifs floraux, en l’honneur de Jubilée, le bois avait été ciré et un morceau de cuir épais et amovible que je changeais souvent cintrait sa base pour le protéger du sol. Je fixai le membre inanimé comme si je m’attendais à le voir bouger, se relever, et partir. Je fermai les yeux en fronçant les sourcils, ne pouvant empêcher ma mémoire de me jouer encore et encore la scène de l’accident, survenu deux ans plus tôt. Cela s'était déroulé quelques jours après que les premières machines mécaniques de Monsieur Atama fussent arrivées et où, dans un moment d’inattention, les engrenages d’un vieil appareil à creuser des sillons s’étaient accrochés à mon pantalon. En un instant, ma jambe avait été avalée, aspirée, broyée par la force mécanique. Les rouages s’étaient transformés en une mâchoire géante et implacable, faisant craquer mes os, couvrant de leurs rugissements métalliques mes hurlements de douleur. Depuis ce jour, la vie n’avait plus jamais été la même. Et si les anciennes machines avaient été changées contre les chevaux mécaniques, plus fiables, je ne pouvais m’empêcher de sentir l’échine de mon cou se hérisser lorsque je me trouvais à proximité d’un engin équipé d’un moteur, quel qu’il soit. Je retenais ma peur lorsque je m’occupais des chevaux de Monsieur Atama, pour ne pas paraître pleutre aux yeux de Cal et Bent par exemple, et parce que je devais avant tout m’occuper de ces machines, c’était mon travail. Après l’accident, les villageois m’avaient conseillé d’abandonner la ferme, alors que c’était là le seul travail que je connaissais. Et je préférais m’assurer du bon fonctionnement des chevaux plutôt que de dépérir dans un bureau.
Vu ce qui m’était arrivé, j’étais le seul à connaître la véritable dangerosité de ces machines. Après ma convalescence, j’avais repris le chemin de la ferme, désormais affublé d’une jambe de bois avec laquelle apprendre à cohabiter fut difficile. Ma première prothèse s’enfonçait souvent dans la terre ou se détachait de mon moignon. Au fil du temps et des essais, j’avais trouvé une nouvelle jambe de bois qui me convenait mieux. Je n’avais jamais retrouvé l’agilité de tout homme valide, mais mon membre artificiel faisait maintenant partie de moi. Il arrivait souvent que j’oublie ma prothèse et parfois, j’avais l’impression que ma jambe droite n’avait jamais disparu. Je pouvais sentir mes orteils remuer, bien que cela ne restât qu’une illusion, un membre fantôme a jamais prisonnier du passé et des dents de la machine. Dans un soupir, je terminai de me déshabiller, me relevait en m’emparant de ma prothèse et sautillai d’un pied jusqu’à la baignoire où m’attendait l’eau chaude. Après m’être détendu, je pris le temps de nettoyer ma jambe artificielle. Égrégore s’endormit et commença à ronfler. Je ne tardai pas à la réveiller en sortant du bain et l’animal me demanda des caresses pour me pardonner de l’avoir tiré de son sommeil.
Je replaçai ma prothèse sur le moignon de mon mollet, m’habillai et passai un coup de peigne dans mes cheveux noirs. Je taillai ma barbe et laissai de fins favoris descendre le long de mes joues. Égrégore quitta la salle de bain et alla se rouler en boule dans son panier au pied de la cheminée pour y faire une nouvelle sieste. Je la caressai une dernière fois avant de quitter la maison.
Les rues pavées étaient bondées et je m’arrêtai à chaque coin de rue pour dire bonjour. Que ce soit Monsieur Patless le boulanger, Monsieur Bentch le notaire, Jezaya l’ivrogne local ou Monsieur Tabina le gérant de la seule auberge du village, tout le monde m’entendait arriver à cause du claquement de ma prothèse sur les pavés de la chaussée. Le soleil était revenu malgré le temps couvert et il faisait resplendirent de ses timides rayons les maisons à colombages. Les fumées des cheminées n’avaient pas le temps de former un nuage grisâtre au-dessus des toits que le vent les dissipait déjà. Je passai devant la place du village d’où me parvinrent des odeurs de poulets cuits au feu de bois. C’était le jour du marché et les habitants de Wisperlow se pressaient pour faire leurs emplettes malgré le froid ambiant. Un brouhaha continu s’élevait autour de la statue centrale de la place où les commerçants du village et des villes avoisinantes avaient monté leurs stands.
De loin, j’observai la large diversité des productions locales de la région quand mon regard se porta sur un policier en costume occupé à éviter quelques vols à l’étalage. Je reconnus Matthew, mon ami de toujours. Les cheveux plus sombres encore que les miens, le visage sérieux, il était un athlète réputé et il m’avait toujours battu à tous les sports lorsque j’étais encore valide. Je m’étonnais de le savoir célibataire, malgré ses dix-huit ans. Je le connaissais coureur de jupon et plutôt enclin à s’amuser. Il était rentré dans la police et je jalousais secrètement son métier qu’il m’était impossible de faire. Cependant, lui me jalousait pour ma relation avec Jubilée. Nous possédions chacun ce que l’autre désirait. Il tourna sa tête dans ma direction et son visage s’éclaira, il m’avait reconnu. Il vint à ma rencontre et me dit bonjour en me tirant l’oreille, pour m’énerver. Il était d’un an mon aîné et pensait que cela lui donnait une supériorité face à moi. Sans compter que son statut d’officier de police en rajoutait un peu.
— Qu’est-ce que tu fais là ? me demanda-t-il en me lâchant l’oreille que je massai en lui lançant un regard noir. Tu devais me rejoindre au poste après ton travail.
— Monsieur Atama m’a libéré, grognai-je en m’écartant afin de laisser passer une villageoise au panier rempli à craquer de victuailles. Il m’a donné mon après-midi, j’ai pris le temps de me préparer.
— T’as de la chance, Zek. C’est pas demain la veille que je pourrais avoir un après-midi de libre. En tout cas, puisque tu es là, j’ai ce que tu m’as demandé, comme convenu. Tu n’auras pas besoin de passer au poste ce soir pour venir le récupérer.
Il tira de la poche de son costume une petite boîte en velours violet qu’il me tendit.
— Fait par le meilleur joaillier de Karmanie. J’espère que ça te plaira.
— C’était pas… bégayai-je en ouvrant le coffret.
— Ce que tu avais choisi à la base, je sais. Avoue qu’elle en jette bien plus. Elle ne te plaît pas ?
— Si, si… Bien sûr que si. Tu sais que…Je… je ne pourrais…
— Jamais me rembourser. Prends ça comme mon cadeau de mariage en avance. Je crois que la seule qui ne se doute pas que tu vas la demander en mariage ce soir, c’est Jubilée elle-même. Ici, tout le monde est au courant.
J’analysai la bague en or posée dans son écrin avec attention. C’était un travail d’orfèvre. Le joyau aux couleurs orangées était maintenu par des tressages de fils d’or, formant un motif de plantes grimpantes. La minutie des détails, le métal ciselé, tout était parfait. J’en restais bouche bée.
— Fais pas cette tête, pouffa Matthew tandis que je refermais la boîte. J’en connais une qui va être contente.
— C’est certain. Je dois d’ailleurs la rejoindre.
— Et moi je dois aller retourner travailler, me dit-il en lançant un regard à ses collègues.
— Merci Matt, je suis vraiment touché. Il ne fallait pas.
— Je t’avais promis que je t’aiderais à trouver la bague parfaite. Je pense que le choix est le bon. Et je sais aussi que tu vas chercher par tous les moyens à connaître son prix pour pouvoir me rembourser. Autant te dire que tu n’en sauras rien. Je resterais muet jusque dans la tombe.
— Tu ne l’as pas gagné au jeu ? m’inquiétai-je, soupçonneux.
— Non, je t’ai dis, c’est fini tout ça, répondit-il en secouant la tête de façon ferme. Je ne joue plus.
— J’espère… j’espère… soupirai-je en fixant Matthew dans les yeux pour déceler sans succès un mensonge. En tout cas, merci pour la bague. Vraiment.
Je souris et mon ami me donna un coup fraternel sur l’épaule. Il avait eu quelques déboires et de grosses dettes à cause d’une addiction aux jeux d’argent. Pendant un instant, j’avais eu peur que cette bague ait été gagnée dans une partie de cartes. Matthew avait arrêté ses affaires louches et j’avais encore peur que la tentation soit encore trop grande pour lui. Cette bague pourrait me causer des problèmes si elle appartenait déjà à quelqu’un. Toutefois, je faisais confiance à Matthew. Cela faisait très longtemps que je ne l’avais pas retrouvé dans une taverne le soir après avoir raccroché son uniforme. Je restai un instant immobile, caressant du pouce le velours de la boîte. J’avais commandé à Matthew une bague spécifique, il m’avait offert mille fois mieux. Le cachottier avait profité de son voyage la semaine dernière pour la faire fabriquer par l’un des meilleurs bijoutiers du pays. Je n’osais imaginer le prix. Je pris une grande inspiration et remerciai le ciel de m’avoir offert un ami pareil. Si j’avais une certitude, c’est que je pourrais toujours compter sur lui.
Je quittai la place du village dans un tel état d’excitation que je dus me poser contre un mur pour reprendre mes esprits. Un cocher et sa voiture tirée par des coléoptères passèrent devant moi en manquant d’écraser une passante. Les hurlements de la vieille dame me tirèrent de mes pensées et me poussèrent à reprendre mon chemin. Je remontai la rue principale jusqu’à la boutique de Jubilée, le cœur prêt à exploser dans ma poitrine. Je m’approchai du bâtiment en soufflant et cessait de serrer du poing le coffret de velours noir. Je ne devais rien laisser paraître. Je pris un instant pour me calmer et cacher mon sourire. Si ce n’était plus le cas maintenant, le magasin n’avait pas toujours eu un aspect engageant. Auparavant, la bâtisse était recouverte du sol au plafond d’un lierre rampant et peu accueillant. Et l’immense porte noire du magasin m’effrayait toujours quand j’étais petit. Lorsque, accompagné de mon père, je passais devant la boutique, je fermais les yeux, priant pour ne pas entendre le grincement atroce de la porte noire qui servait d’entrée. J’étais persuadé que derrière, un monstre m’attendait pour me dévorer. La boutique appartenait auparavant au père de Jubilée, Elijah Smeaton. À la mort de ses parents, elle avait décidé de reprendre l’activité, qu’il lui avait enseignée de son vivant. Cela avait choqué le village. Jubilée était l’une des rares femmes à avoir décidé de travailler. Elle avait voulu le faire en mémoire de son père. Je soupçonnais qu’il était surtout un moyen pour elle de faire son deuil. Son indépendance la poussait à ne pas rester une femme au foyer comme le voulait la tradition. Elle s’amusait du regard consterné des vieilles dames qui passaient devant la boutique. En un rien de temps, Jubilée avait prouvé qu’elle était plus douée que son père et les colporteurs de rumeurs avaient tôt fait de se taire. Dès qu’elle eut repris les rênes, après l’incendie de la boutique, elle avait décidé d’employer des hommes pour rebâtir une le bâtiment et repartir de zéro. Grâce à ses talents d’herboriste, elle se fit une bonne réputation. Ses conseils et ses médicaments firent le tour du bourg. Les habitants des autres villages avaient commencé à affluer pour soigner leurs maux. J’étais de ceux qui avaient aidé à reconstruire le magasin, malgré mon handicap. C’était là que nous avions commencé à nous côtoyer, sous l’œil jaloux des autres garçons du village. Même Matthew avait tenté de la courtiser et une petite guerre fraternelle nous avait confrontés. La bataille fut de courte durée, Jubilée avait congédié Matthew dès qu’il était venu lui parler.
Jubilée n’avait jamais eu la moindre aversion pour ma jambe coupée. Au contraire, c’était selon elle un symbole de fierté. C’était elle qui m’avait poussé à cesser de cacher ma jambe de bois, et invité à la mettre en avant. De cette manière, je prouvais plus que quiconque que je connaissais le prix de la vie et le sens du mot combativité. Bien sûr, les garçons du village avaient vite commencé à me détester. Comment Jubilée avait bien pu choisir un estropié ? Il y avait tellement mieux que moi. Elle méritait ce que le monde offrait de meilleur. Je ne pensais pas être ce qu’il y avait de mieux, loin de là, et je remerciais sans cesse le ciel de m’avoir offert un tel cadeau.
Avec mon aide, Jubilée avait remplacé la façade de lierre par une mosaïque de plantes. Des roses, du jasmin et du chèvrefeuille serpentaient jusqu’en haut de la bâtisse, apportant couleurs et odeurs délicieuses. La porte noire avait été remplacée par une autre, à carreaux, bien plus accueillante. Je profitai qu’une dame quitte la boutique pour entrer à mon tour.
J'aime que le personnage principal décide tout au début de façon un peu inconsciente de s’agripper au cheval, plutôt que de le laisser s'éloigner. Et donc, dès le départ, c'est un personnage qui décide "par inadvertance" de s’agripper au danger ! Comme pour mieux le contrôler, le circonscrire ou par sens des responsabilités.
Je trouve que ça marche bien, on a peur de voir l'étrange machine se réveiller, comme s'il n'était pas tout à fait possible de la désactiver. Je visualise bien la façon dont l'ether, cette source mystérieuse d’énergie se diffuse et anime différemment des machines et des être vivants.
Je suis moi aussi très curieuse d'en savoir plus sur cette mystérieuse substance !!! Comme il est question de fuite et que l'éther semble s'échapper de la mécanique du cheval, j'aurais envie d'avoir un indice sur la texture, l'odeur, la dangerosité de ce carburant... Est ce que le héros doit faire attention à ne pas s'en mettre sur les doigts ? Mais je peux aussi comprendre que cela doit rester secret...
Le personnage de Jubilée éveille en moi beaucoup d'intérêt. Plusieurs éléments font penser qu'elle est combative, ambitieuse, une femme qui romp avec les traditions et d'autres éléments la montre plus traditionaliste, attachée à son héritage, à ses parents et à l'éducation qu'elle a reçu. Ce sont des problématiques qui m'intéressent beaucoup, mais ce n'est peut être pas le sujet du roman. Je m'égare donc peut être. à voir en lisant la suite !
J'aime beaucoup cette entrée en matière, avec la scène du cheval mécanique qui s'emballe, puis les déambulations de Zeke au cours desquelles tu nous décris à la fois l'univers et ton personnage.
J'ai beaucoup aimé que tu tardes un peu à décrire "l'accident". Tu en fais plusieurs mentions avant et ça fait monter la pression à ce sujet. Et on comprend pourquoi : c'est quand même très structurant pour ton personnage !
Je trouve génial d'avoir choisi un héros avec un handicap pareil. En plus, on sent que son état d'esprit est "transitoire" : il est surement combatif et a vite rebondit après l'accident, mais il se considère quand même comme "diminué". Là-dessus, sa rencontre avec Jubilée l'incite à ne plus se considérer comme tel, même s'il n'en revient toujours pas d'avoir pu la séduire. C'est très bien rendu, intéressant et cohérent.
On sent déjà que les machines planent sur ton monde comme une espèce de menace. Au moins aux yeux de Zeke, mais peut-être pas seulement.
Quant à Jubilée, sans l'avoir encore "rencontré", je suis déjà convaincue qu'elle est au centre de la vie de Zeke, comme une sorte d'ange, et qu'il l'aime infiniment.
Enfin, je suis d'un naturel méfiant quand je lis, et je ne sais pas pourquoi, je me méfie déjà de Matthew, sans trop savoir pourquoi. Trop sympa pour être honnête, peut-être ?
Bref, j'attends de voir la suite du chapitre, mais jusque là, c'est très prenant et très abouti !
J'ai relevé tout ce qui m'avait interpellée, tu verras ce qui te parle ou pas :
"Le cheval de métal m’emporta en me traînant contre la terre du champ qu'il était censé labourer." : je dirais plutôt "en me traînant sur la terre du champ"
"D’un coup d’œil, j’observai l’entrepôt à l’autre bout du champ." : "coup d’œil" et "observer" ne me semblent pas aller ensemble (pour moi, observer prend plus longtemps qu'un coup d’œil)
"Le gestionnaire de l'exploitation, Monsieur Atama, avait payé une dizaine de chevaux il y a cinq ans par le biais d’un prêt." : je pense que c'est inutile de mettre "le gestionnaire de l'exploitation". Tu l'as déjà présenté plus haut (notre employeur), du coup, ça fait redondant. Et si tu précise ça parce que c'est important de dire qu'il est gestionnaire et pas propriétaire, par exemple, il faut le dire carrément parce que juste comme ça en début de roman, je ne suis pas sûre que le lecteur y fasse attention. D'ailleurs, la phrase est un peu redondante avec la première du paragraphe (excepté l'info sur le prêt, mais est-ce important) ?
" — Belles bêtes n’est-ce pas ? me dit le cocher en repliant le col de son manteau pour se protéger du vent." : encore du pinaillage, mais comme Zeke a fermé la porte de la voiture, j'ai du mal à croire qu'il entend le cocher
"Après un bon bain dans la maison que ses parents lui avaient légué, Jubilée venait me rejoindre pour se blottir contre moi près de la cheminée. " : qui prend un bain ? Si c'est Jubilée, la phrase est juste mais la phrase précédente induit en erreur. Si c'est Zeke (ce que laisse entendre la phrase précédente), je pense qu'il y a une rupture de syntaxe (il paraît que ça s'appelle comme ça ;) ), car en principe le début de ta phrase doit se rapporter au sujet de la proposition principale.
"je ne pus m’empêcher de penser à cet homme qui allait passer le reste de sa journée au milieu du vent" : pas vraiment convaincue par "au milieu du vent". Peut-être "en plein vent "ou "exposé au vent" ? (Pinaillage++, mais tant qu'à faire...)
"La bicoque lui avait été léguée par ses parents, emportés il y a cinq ans par un incendie qui avait ravagé la boutique de Monsieur Smeaton, son père. " : c'est redondant, tu as déjà dit plus haut qu'elle avait hérité la maison de ses parents
"Je plaçai une bûche afin d’activer le feu" : encore du pinaillage, mais un feu brûle assez mal avec une seule bûche. Il faut en mettre plusieurs, surtout pour le ranimer à partir de braises.
"je ne pouvais m’empêcher de sentir l’échine de mon cou se hérisser" : l'échine de mon cou, ça me parait bizarre. Pour moi l'échine, c'est le dos, du coup l'expression me paraît incohérente (mais c'est peut-être juste moi, hein)
"Au fil du temps et des essais, j’avais trouvé une nouvelle jambe de bois qui me convenait mieux." : pour éviter de répéter "jambe de bois", peut-être que "j'en avais trouvé une qui me convenait mieux" suffirait.
"Il arrivait souvent que j’oublie ma prothèse et parfois, j’avais l’impression que ma jambe droite n’avait jamais disparu. Je pouvais sentir mes orteils remuer, bien que cela ne restât qu’une illusion, un membre fantôme a jamais prisonnier du passé et des dents de la machine." : il me semblait déjà l'avoir remarqué, mais ces deux phrases le confirment : tu utilises parfois le subjonctif imparfait (que cela ne restât) et parfois le subjonctif présent (que j'oublie). Dans un récit au passé, les deux sont admis, selon que tu veux donner à ton texte un aspect "littéraire" ou non. Personnellement, je trouve que l'imparfait alourdit (particulièrement avec une narration à la première personne où tu vas te retrouver avec des "que j'oubliasse" et des "que nous oubliassions") mais c'est vraiment une question de goût. Quoi qu'il en soit, je pense qu'il faut faire un choix et harmoniser : "bien que cela ne reste/que j'oublie" ou "bien que cela ne restât/que j'oubliasse"
"Je m’étonnais de le savoir célibataire, malgré ses dix-huit ans. Je le connaissais coureur de jupon et plutôt enclin à s’amuser." : les deux phrases me semblent contradictoires : pourquoi s'étonner qu'il soit célibataire si Matthew est coureur de jupons ?
"J’analysai la bague en or posée dans son écrin avec attention." : je mettrais "avec attention juste après "j'analysai" (pinaillage ;) )
"— Et moi je dois aller retourner travailler, me dit-il en lançant un regard à ses collègues." : je pense que "aller" n'est pas indispensable : "je dois retourner travailler"
"La boutique appartenait auparavant au père de Jubilée, Elijah Smeaton." : il y a un autre "auparavant" pas loin au-dessus. Peut-être "la boutique appartenait alors au père de Jubilée ?" (yep, encore du pinaillage XD)
"Je soupçonnais qu’il était surtout un moyen pour elle de faire son deuil." : que c'était ?
"elle avait décidé d’employer des hommes pour rebâtir une le bâtiment et repartir de zéro." : il y a un "une" qui traîne ;)
"Je profitai qu’une dame quitte la boutique pour entrer à mon tour." : je ne suis pas sûre que la syntaxe "profiter que" soit juste (à vérifier), sinon "je profitais de la sortie d'une cliente pour entrer à mon tour" ?
A+ pour la suite
Les bases de l'histoires et le personnage principal sont bien amenés. L'introduction des éléments steampunk sont eux aussi réussi : visible sans être trop lourd et loin des clichés habituels. Quelques interrogations sont soulevées par ce premier chapitre, ce qui n'est pas plus mal, notamment sur la nature l’Éther... Mais peut être que je me pose trop de question ?
J'identifie mon univers comme steampunk, mais dans ce récit-là, l'histoire se situant dans un petit village, le steampunk (donc tout ce qui est machinerie, mécanique, vapeur, etc) est vraiment donné par petite touche. Car en effet, on ne se situe pas dans une grade ville.
Concernant l'ether... Et bien disons que, moi je sais... Mais les lecteurs seront (au premiers abord) un peu déçu. MAis c'est fait exprès car cette energie est ue récurrence qu'on va trouver dans tous mes romans par la suite. Jusqu'à ce qu'on sache enfin ce que c'est.
On voit que l'écriture est appliquée, c'est très agréable. C'est toujours un risque d'écrire un texte à la première personne, mais cela est fait ici avec beaucoup de style, et ça passe très bien !
Puisqu'un bon commentaire doit être constructif, j'ai trouvé peut-être une légère incohérence, à propos du village. Il m'a semblé étonnant que le héros explique qu'il aurait pu choisir un travail de bureau plutôt que de travailler à la ferme ; cela m'a même ramené à notre monde à nous, sur Terre, au XXI eme siècle, et à la déprime du cadre urbain qui fait sa crise de la quarantaine et retourne au vert. Quel genre de travail de bureau existe-t-il dans un petit village d'une province reculée ?
A moins que j'ai mal interprété votre univers, il m'a semblé que l'on est plutôt dans un monde steampunk.
De même, les rues 'bondées" du village m'ont plutôt fait penser à une grande ville.
Enfin bref, désolé pour ce long paragraphe, pour ce qui ne représente qu'une phrase de votre très bon texte :)
Encore bravo, c'est vraiment super, hâte de lire la suite.
A bientôt :)
Au tout début, l'histoire était à la troisième personne, ca rje ne savais pas vraiment manier la première. Mais je me suis rendu compte que ça ne fonctionnait pas. Ce roman est beaucoup basé sur les sentiments, le cheminement et les relfexions d'Ezekiel, je ne pouvais pas passer par autre chose que la première personne. Les début ont été chaotiques, mais je pense m'en être sorti. Au final, je ne me voit plus (pour le moment) écrire à la troisième personne. Mais il ne faut jamais dire jamais, n'est-ce pas ?
Je comprends tout à fait ce que tu veux dire quand tu parles du travail de bureau. Et c'est vrai que je me suis sans doute mal exprimé. Ce que je voulais dire par là, c'est qu'avec son handicap, Ezekiel était plutôt destiné à un travail sédentaire. Aider le notaire du village par exemple, ou travailler dans une boutique... enfin, quelque chose qui ne lui demande pas de parcourir des kilomètres à pieds ou de travailler au milieu de la boue et de la terre.
Je pense que c'est le terme "bureau" qui est problématique ici. Il rapporte à l'administration, et à notre époque, tu as raison. Je vais voir comment modifier ça pour que ça passe mieux.
Idem pour bondé qui était plutôt utilisé dans le sens où tout le village est en pleine activité. Donc les gens sortent faire leurs tâches quotidiennes.
Merci de ton commentaire en tout cas. Je prends chaque remarque en compte.
J'ai trouvé très fine, en particulier, la manière d'introduite l'amour d'Ézékiel pour Jubilée. C'est tout de suite touchant, ça c'est une sacrée force. D'ailleurs l'onomastique est très réussie aussi.
Sinon, puisque comme tout le monde, tu es là pour la mise au point du texte grâce aux regards des lecteurs :
C'est vrai que la lecture sur écran est difficile (et je ne sais pas ce qu'il en serait sur papier ou sur liseuse), mais ton parti-pris de faire très peu de paragraphes me questionne un peu. Sur certaines articulations, en tant que lectrice, j'aurais quand même aimé un brin d'espace.
J'ai vaguement tiqué à quatre moments (tournure ou syntaxe) :
- "au milieu du vent" : le vent n'a pas de "milieu", on dit communément "en plein vent" mais il y a moyen de trouver plus original.
- "son métier qu’il m’était impossible de faire" : je n'ai rien contre les verbes "simples", contrairement à d'autres, car ils sont souvent les plus efficaces pour la proximité et l'émotion, il suffit de ne pas en abuser... mais là c'est un peu expédié. Normalement, ce serait : "son métier qu’il m’était impossible d'exercer", mais pareil, c'est à toi de voir.
- "Cela faisait très longtemps que je ne l’avais pas retrouvé dans une taverne le soir après avoir raccroché son uniforme."
Selon la syntaxe, ce serait Ézékiel qui raccrocherait l'uniforme de Matthew. Ce n'est pas super-grave, on comprend, mais c'est un peu bancal.
- "la bâtisse était recouverte du sol au plafond" : à l'intérieur, donc ? :-) Tu veux dire "jusqu'au toit" ?
J'ai aussi relevé deux fautes au passage :
La plupart mourraient, (mouraient)
il faisait resplendirent (resplendir)
vala, vala :-)
Je note les partie qui t'ont fait tiqué, je vais modifier ça sous peu car... et bien tu as raison. Je ne m'en étais pas rendu compte, heureusement que les lecteurs sont là haha.
Concernant les paragraphes, c'est vraiment ma bête noire. Avant, je laissais des espaces partout. Trop. Et puis on m'a dit "mais non, dans un roman, il n'y a jamais d'espace" alors j'ai tout enlevé. Résultat, je ne sais jamais vraiment où les mettre, si j'en mets trop, pas assez, si ça se fait vraiment ou pas... ça me rends fou !
Je suis de nature curieuse, et - comme j'ai pu te l'écrire dans ta présentation - ton projet titillait quelque chose, j'ai donc été heureuse de savoir que tu acceptais de nous le faire partager. Merci de nous faire confiance, déjà. :)
Il m'est difficile de savoir par où commencer. En découvrant cette première partie, j'ai eu la sensation de quelque chose d'abouti, de clair et de fluide. Tes mots - la mécanique de tes mots - sonne-nt juste. (Je suis très attachée à comment les mots résonnent, à leur rythmique... Trop pointilleuse là-dessus, peut-être.) J'ai adoré que tu fasses débuter ton histoire dans un champ, dans la terre, à rebours de ce que l'on pourrait attendre à l'évocation du mot "Steampunk". Tu sais très rapidement montrer que ça n'a rien d'incompatible, que ça a un sens. C'est peut-être un peu idiot - la symbolique que j'y vois, j'entends - mais j'ai apprécié découvrir en premier cette terre à labourer, puis l'accident, puis la jambe, et Ezékiel tout au bout. J'ai trouvé ce glissement... je ne sais pas. Intéressant.
Je suis heureuse également - très, très - de découvrir un personnage principal porteur de handicap (mais pas uniquement présent pour porter un handicap). C'est quelque chose qui m'importe, et c'est un vrai plaisir de te voir t'attarder avec ce soin-là - cette tendresse, presque - sur sa jambe, sur ses prothèses, sur les douleurs fantômes, sur le regard des autres. Sur son regard à lui, sur lui, aussi.
Tes personnages sont incarnés, distinctifs, il ont un passé que tu te sens libre de nous expliquer d'emblée - ou non - et c'est très plaisant. On sent que tu les as portés avec toi, tous un peu, avant de nous les faire découvrir.
Tous, sauf Jubilée. Il y a quelque chose de très intriguant, chez elle, dans la description - la non-description, presque - que tu en fais, qu'Ezékiel en fait. Il m'est difficile de mettre les mots dessus et je ne tiens pas une seconde à paraître négative... (Vraiment, ça me gênerait de le laisser penser.)
Ce personnage ne m'a semblé défini, incarné, que par l'amour qu'Ezékiel lui porte (dont on ne doute pas). Comme s'il ne possédait pas la même texture que les autres - peut-être parce que nous ne l'avons découvert qu'au travers des yeux d'Ezékiel, des yeux des hommes de la ville. Cela m'a interrogée. Si nous savons que Jubilée "lui a tendu la main" après son accident - un amour mâtiné de gratitude, donc - il me semble que l'une des toutes premières choses que nous découvrons d'elle, c'est son aptitude à réussir la soupe à la tomate et son bon goût en matière d'intérieur. Un personnage presque clos, presque couvert, en fait. Et lorsque nous apprenons qu'elle n'a cependant pas décidé de devenir femme au foyer, comme le veut l'usage et comme le début pourrait le laisser penser, son indépendance est marquée par deux choses : elle est herboriste par respect et par amour pour son père, et c'est pour elle une façon de faire son deuil. Dans tous les cas, cette indépendance est amputée de quelque chose d'intime, d'un libre-arbitre... Elle m'a semblé ne vivre que dans le regard des gens, exclusivement pour les gens - pour plaire, pour attiser la convoitise, pour honorer la mémoire et l'amour de quelqu'un. Une silhouette, en quelque sorte. J'ai plutôt hâte d'en savoir plus, et j'espère qu'elle saura se révéler à moi autrement, tout bientôt. (Je suppose qu'elle est l'Eurydice d'Ezékiel, ça continue de me rendre curieuse...)
Bref, commentaire trop long, comme d'habitude. J'espère que tu ne prendras pas ombrage de mes interrogations - tu es tombé dans un repaire ou de nombreu.x.ses féministes veillent, et où les personnages féminins s'émancipent / sont émancipés. Quoi qu'il en soit, ma curiosité est toujours aussi vive, cette première partie porte en elle une vraie richesse, et j'ai vraiment hâte d'en découvrir plus sur ce monde.
Merci de nous le faire partager. <3
Ton commentaire n'est pas trop long, au contraire, il est très explicatif et j'en suis très heureux.
Je ne suis pas là pour avoir des commentaires qui me disent que c'est juste "bien". J'aime les choses constructives et la critique ne me fait pas peur.
Je n'avais pas fait attention pour Jubilée, pour ce qui ressors d'elle (le fait qu'elle ne semble vivre qu'à travers les autres). J'avoue ne pas trop savoir comment changer ça.
Le premier chapitre est assez long et c'est vrai que je ne voulais pas le rallonger encore plus en continuant à parler de Jubilée, sachant que (SPOILER, mais pas vraiment), elle va disparaître très vite.
Si tu as des conseils pour rendre Jubilée plus indépendante, je suis tout ouïe ^^
Je comprends que tu n'aies pas voulu t'attarder sur Jubilée au regard de la suite, et ça explique effectivement qu'elle puisse sembler plus lointaine au lecteur / à la lectrice que les autres personnages...
Je crois que ce qu'il m'a manqué, chez elle, ce sont des distinctions, des détails qui ne concerneraient pas Ezékiel. Nous la découvrons dans son œil plein d'amour, donc il est normal que la vision que nous ayons d'elle soit teintée de lui, mais j'aurais aimé ressentir ce personnage pour ce qu'il est. Que Jubilée ait quelque chose d'aimable qui ne soit qu'à elle, qui ne soit qu'elle. Pas ce qu'elle dit / fait pour Ezékiel ou son couple (la cuisine et la décoration) : ce qu'elle est. Que l'on découvre une spécificité qui la rendrait incarnée, pleinement, et dont Ezékiel serait tombé amoureux. Je n'ai malheureusement pas d'exemple, là tout de suite, qui ne paraisse pas niais ou bateau.
Comment imagines-tu Jubilée, toi, en dehors d'Ezékiel ? Quels détails la rendent unique ? Quel petit truc particulier pourrait-elle avoir, qui pourrait la hisser hors de cette silhouette générique de femme que le village entier aurait voulu avoir à son bras ?
C'est vraiment tout personnel donc je ne tiens pas non plus à t'embêter (plus) avec ça, mais en tant que lectrice j'apprécie trébucher sur les trucs microscopiques que l'écrivain.e pose, au détour d'une phrase, et qui m'aident à faire le portrait de quelqu'un. Dans la vraie vie je ne suis pas douée pour identifier les visages, par exemple, et les détails (grains de beauté, cicatrice, tache de naissance, de rousseur, ride, pli, formes, tics etc.) me permettent de rendre les gens "vrais". En-dehors de moi et du ressenti que je peux avoir d'eux.
Bon, je le répète, c'est personnel. Et quand je te parle de détails ou de choses distinctives, il ne s'agit pas forcément de quelque chose de physique... Juste un élément qui nous permettrait de prendre conscience que Jubilée vivait avant Ezékiel, avant son amour pour lui, avant la disparition de ses parents. Qu'elle est vraiment quelqu'un - quelqu'un dont, nous aussi, nous pourrions avoir envie de tomber amoureux.ses.
Pas sûre que cette réponse soit très claire, mais j'espère qu'elle t'aura éclairé un peu sur ce que je souhaitais exprimer dans mon commentaire. :)
Je ne prendrai jamais mal une remarque (tant qu'elle est constructive). Au contraire, c'est par les critiques qu'on avance et qu'on évolue dans son style. Donc je te dirais plutôt merci ;)
Concernant Jubilée, je vois un peu mieux ce que tu veux dire. Je pense faire part au lecteur d'un point qui ne concerne que Jubilée : sa bonté, en faisant passer ça au travers de son travail et la façon dont elle s'occupe des plantes, dans le magasin. Il ne s'agira donc que d'elle, et de la façon dont elle agit au naturel.
Merci pour ton conseil, je vais vite le mettre en application.