La mine s'écrasa sur le papier en y laissant un trait épais et sombre. Sous la pression du crayon, les lignes prenaient la forme de vagues dansantes. Dessiner la mer n'est pas chose aisée. Il faut rendre compte de sa transparence tout en rapportant son volume et son mouvement. Et puis, c'est une muse instable. Elle change d'attitude selon le temps qu'il fait. Parfois, elle se tient sagement et laisse étinceler sur sa surface les rayons du soleil, parfois elle est explosive et envoie valser ses gouttelettes. Par chance, aujourd'hui l'eau était calme et les vagues se répétaient à l'infini dans un même mouvement d'écume. Le modèle semblait écouter les besoins de son peintre et réduisait ses remous en une gestuelle monotone.
Quelques coups de crayon rapides sur le carnet donnèrent au dessin sa forme, mais le tout manquait de profondeur. Louise aurait dû amener avec elle un peu de couleur. Une tache d'azur à l'aquarelle aurait peut-être suffi à rendre compte d'un peu de vie sous les flots. Aujourd'hui encore, malgré l'attitude docile de cette étendue bleue, la petite dessinatrice n'arrivait pas à atteindre son objectif. Chaque jour elle persistait, et chaque jour elle était de nouveau déçue par le rendu final de ses croquis.
Elle jeta un coup d'oeil sur le modèle puis compara avec le papier noirci. Non, décidément, il était trop difficile de rendre les choses comme qu'on les percevait. Dans son abandon, elle laissa son crayon l'emmener vers d'autres horizons. Et si, pensa-t-elle, sur cette fine ligne qui sépare la mer et le ciel, on y ajoutait une silhouette semblant courir sur l'eau. Une étrangeté dans ce décor si régulier. Louise céda à l'attrait de cette pensée et ses doigts achevèrent les contours du personnage.
Sa sœur ainée lui reprochait souvent de ne pas être assez sérieuse dans son art. Lorsque Louise rentrait avec un nouveau croquis, sa famille se réjouissait de ses talents. On appréciait la générosité de ses traits, son sens de la perspective, ses choix de couleur... Pourtant Marthe finissait toujours par apparaître et par déprécier son travail. La grande-soeur éprouvait une certaine fierté à faire remarquer à l'assemblée le détail absurde, ici ou là, que Louise avait dissimulé sur le dessin.
Une fois pourtant, Marthe était venue vers elle avec une requête inattendue. La grande fille lui avait demandé avec un certain malaise si Louise accepterait de lui dessiner son portrait. Pour la petite dessinatrice, c'était comme une nouveauté dans leur relation. Marthe reconnaissait enfin ses capacités. Prise d'une inspiration immédiate, elle voulait faire les choses bien. Elle avait préparé son atelier dans un coin du grenier, suffisamment proche du petit carré de fenêtre pour avoir une luminosité parfaite. Elle y emmenait sa soeur chaque fois qu'elles avaient un peu de temps devant elles. Elles se retrouvaient alors l'une face à l'autre durant une heure puis retournaient à leurs occupations. Cela les avait rapprochées et leurs conflits semblaient n'avoir jamais existé. Leurs séances sous les combles durèrent une semaine. Mais voilà que, le tableau presque finit l'imagination brute de Louise refit surface. Sur le haut du crâne du portrait, apparaissant au-dessus des boucles brunes de Marthe, surgirent deux cornes d'un rouge très vif. Pour Louise, ça n'était que quelques coups de pinceaux dans une folie soudaine, pour Marthe c'était le déclenchement d'une guerre.
Louise refusait de réprimer son imagination lorsque celle-ci se mettait à déborder. Elle ne comprenait vraiment pas les raisons qui l'empêchaient de griffonner comme elle l'entendait. Elle avait la liberté au bout des doigts. Aucune autre limite que les bords de la feuille. Pourquoi se restreindre quand on a la possibilité d'inventer ? Pour Marthe, ces ajouts çà et là de détails insolites étaient la preuve que sa petite soeur manquait de maturité.
- Tu as passé l'âge de ces enfantillages maintenant, lui rabâchait-elle.
Marthe pouvait se révéler bien plus autoritaire que leurs parents. Elle s'était octroyé des droits sur tout ce qui était plus jeune qu'elle sous prétexte de remplir son rôle de grande soeur. Cela exaspérait Louise. Elle n'était que de deux ans sa cadette et elle ne voyait pas en quoi cette différence d'âge donnait plus de pouvoir à l'une. Par opposition, Marthe vouait un grand respect à tous ceux qui la dépassaient en âge. Ce phénomène était flagrant lorsque Klaus revenait à la maison. Marthe se repliait alors sur elle-même et laissait le grand frère être le centre de l'attention. C'était ridicule puisque l'aîné de la famille était celui qui était le plus enclin à l'amusement. Lorsqu'il était là, Louise se sentait enfin libre de dévoiler l'étendue de sa folie créative. Le regard qu'il posait sur elle dans ses écarts inventifs était plein de malice et, ensemble, ils se mettaient à imaginer le monde autrement. Klaus n'était pas un artiste, mais il avait ce tempérament sympathique et farceur qui lui permettait de faire les plus grandes bêtises sans jamais en recevoir le châtiment. Ce qui lui valait le respect et l'admiration de toute la fratrie.
Klaus passait peu de temps à la maison, il revenait quelquefois pour prendre des nouvelles ou récupérer des affaires, mais le plus souvent il ne restait qu'une nuit et repartait le lendemain en quête d'un nouveau travail ou d'une nouvelle activité. Plus le temps passait et moins il revenait les voir. Louise devait alors prendre son mal en patience et s'évader seule dans son imaginaire.
La jeune fille quitta un instant son croquis des yeux pour observer l'horizon comme si, par ce simple regard, elle pouvait faire apparaître son frère au milieu des flots. D'ailleurs, se dit-elle, ne le pouvait-elle pas ? Sous ses doigts habiles, le visage du petit coureur se modifia. Il fallait rallonger ce nez, agrandir ce front, étirer cette bouche et ajouter de l'ombre dans les cheveux - qu'elle aurait colorié de roux si elle avait pensé à rapporter son matériel. Petit à petit les traits de Klaus apparurent sur le dessin et on le reconnaissait bien dans ce sourire malicieux. Au bout de son bras, comme s'il le tendait vers elle, on pouvait maintenant y apercevoir un rectangle blanc. Une enveloppe ? Pourquoi avait-elle dessiné cela entre les doigts de son frère ?
- Louise ! Il est temps de rentrer !
Debout, un peu plus haut sur les dunes, Marthe l'appelait. Le vent avait attendu la fin de journée pour faire son apparition et les vagues s'étaient intensifiées avec lui couvrant les cris des enfants jouant sur la plage.
- Allez ! Tu finiras plus tard, cria Marthe en tentant de faire passer sa voix au-dessus de la cacophonie.
Louise ferma son carnet et se releva rapidement. Elle n'avait pas vu le temps passer et sans doute avait-elle déjà dépassé l'horaire convenu avec ses parents. Elle rejoignit sa soeur en hâte et dépoussiéra ses vêtements dans lesquels le sable s'était niché. Marthe lui adressa un regard de reproche.
- J'aimerais bien que tu me répondes quand je te parle.
- Je suis en retard ? demanda froidement Louise.
- Non mais j'ai besoin que tu m'aides avec Simon.
Elles rejoignirent rapidement la route principale puis bifurquèrent en direction des falaises. Au bord du chemin, accrochée à la clôture en bois de châtaignier qui délimitait l'accès à la plage, la bicyclette familiale les attendait. Leur maison se situait à l'extérieur de la ville et il leur fallait vingt à vingt-cinq minutes de marche chaque fois qu'on désirait rejoindre la plage ou le bourg en contrebas - si on avançait d'un pas rapide. Cette fois Marthe était descendue à vélo. La situation devait être tendue là-haut pour que leur mère accepte de leur prêter la seule bicyclette du foyer. Les deux soeurs allaient être obligées de faire une trêve si elles voulaient monter ensemble sur l'engin à deux roues.
Contrairement à Marthe, Louise aimait faire ce trajet. Assise sur le porte-bagages, elle voyait défiler le paysage. On ne pouvait pas lui reprocher de savourer cette promenade au bord des falaises, la vue y était magnifique et même la météo semblait vouloir se rendre appréciable. Le vent soufflait dans leur dos comme pour les aider à gravir plus facilement la pente. C'était une fois passé le troisième virage que leur maison daignait enfin se montrer. Son toit en ardoise grise se détachait de la roche environnante de granit rose. Les habitants de la ville appelaient cette demeure "la petite maison entre les rochers". En effet, l'étroite bâtisse était entourée de deux immenses blocs de pierre la dépassant en hauteur et en volume. On ne savait plus qui de cette maison ou des rochers étaient arrivé en premier tant ils semblaient ajustés l'un à l'autre. Leur lien était si solide qu'aucune intempérie n'avait jamais réussi à les détacher, comme si les deux amas de granit rose étaient là pour protéger l'habitation de toute menace extérieure. Si Louise ne connaissait pas déjà cet endroit, elle aurait pu l'inventer dans un de ses dessins.
Leurs parents avaient réussi, il y a de cela une trentaine d'années, à obtenir cette bâtisse à un prix abordable. Ils étaient arrivés à un moment où personne n'en voulait : l'endroit était loin de tout et quasiment inaccessible. La maison aurait pu tout aussi bien se retrouver à l'abandon. Aujourd'hui, les habitants de la ville venaient jusqu'ici lors de leur promenade afin d'admirer ce cadre pittoresque.
On ne connaissait pas vraiment l'histoire de cette maison mais Louise aimait se contenter de son imagination pour lui en créer une. Elle le voyait très bien, ce vieillard observant la mer inlassablement, ne désirant qu'une chose, finir sa vie ici. Il avait alors commencé seul à construire, pierre après pierre, sa dernière demeure en face de l'immensité bleue. Puis, soudainement, était apparu devant lui deux korrigans curieux lui proposant de l'aide. Ce qu'il accepta et tous trois devinrent amis. Une fois la maison terminée, les korrigans restèrent vivre ici. À la mort du vieil homme, les deux créatures voulurent lui rendre hommage. Chacun prit place de part et d'autre de la bâtisse et ouvrit ses bras autour de la pierre froide des murs. Ils se figèrent alors avec elle et restèrent ainsi tous les trois pour toujours face à la mer.
Le vélo crissa sur le chemin de terre et s'arrêta devant les volets blancs de la maisonette. Louise sauta aussitôt du porte-bagages et entra directement par la fenêtre ouverte. Elle ignora les remontrances de sa soeur qui lui intimait l'ordre de ranger la bicyclette dans l'établi. Simon n'avait pas l'air d'être dans cette pièce. Elle passa la porte de la chambre d'enfant et se dirigea vers le salon. Le petit garçon avait dû entendre leur arrivée et s'était sans doute caché quelque part. Elle le trouva assit dans un coin de la salle à manger, les yeux rougis et la mine boudeuse. La crise de larmes avait dû être terrible. Pourtant il était maintenant calme et dessinait sur une feuille posée à même le sol. Il y avait autour de lui une multitude de crayons de couleurs. Il allait beaucoup mieux, elles s'étaient pressées pour rien.
La mère entra à son tour dans la pièce. Elle avait l'air fatigué, les traits tirés et les yeux cernés. Les mèches dépassant de son chignon descendaient sur son cou et cela semblait la gêner.
- J'ai réussi à le calmer en lui donnant un de tes vieux dessins à gribouiller. Tu m'excuseras. Aux grandes crises, les grands moyens, lui annonça-t-elle avec lassitude.
- Tu n'as toujours pas fini ton travail ? demanda Louise en remarquant que la femme se massait les mains comme pour détendre ses articulations.
- Non, et je dois finir ce soir. Il faudra vous débrouiller pour la cuisine.
Louise s'agenouilla auprès de son petit frère qui s'amusait maintenant à mâchouiller le bout d'un de ses crayons. Après le lui avoir enlevé d'entre les dents, elle observa le dessin au sol. Celui-ci était griffonné de toutes les couleurs et, dissimulé derrière cette arabesque dénuée de sens, elle reconnut sa dame-crapaud. Un dessin qui datait de deux mois à peine.
- On était tous les deux dans mon bureau, quand la crise est arrivée, reprit la mère. Impossible d'en comprendre l'origine, il n'a pas voulu sortir d'autre son que des cris et des pleurs.
Elle passa une main dans ses cheveux et entreprit de reconstruire son chignon d'une manière plus solide.
- Si tu arrives à lui tirer les vers du nez, je te laisserais prendre le vélo lors de ta prochaine sortie.
Sur cet arrangement, elle quitta la pièce en lâchant un soupir. Louise regarda un instant la petite forme blonde blottie contre le mur qui continuait son activité comme si de rien n'était. Simon avait maintenant six ans et, de toute la fratrie, il était celui qui posait le plus de problèmes. Jusqu'à ses trois ans, il avait eu ce caractère doux et curieux qu'ont les enfants admiratifs du monde qui les entoure. Louise avait cru pouvoir trouver en lui le remplaçant de ce grand frère absent. C'est lors de sa première crise que la famille comprit qu'en vérité l'enfant renfermait en lui une colère instable. Sans motif distinct, Simon pouvait se mettre à hurler et taper en tout sens. Ce n'était pas des caprices : c'était des colères venues de nulle part. Personne ici n'arrivait à le comprendre. Louise ne faisant pas exception à la règle. Pourtant l'enfant finissait toujours par se calmer lorsque la jeune fille était dans les parages. Sans doute, le dessin y était pour beaucoup. Non que Louise fût particulièrement patiente avec lui mais ses croquis avaient le don de fasciner Simon. Peut-être devrait-elle travailler dans l'art-thérapie plus tard, elle y aurait un avenir prometteur.
- Qu'est-ce que tu dessines ? finit-elle par demander.
Ce dernier leva ses yeux clairs pour croiser les siens. Louise le félicita intérieurement pour son jeu d'acteur : il faisait comme si de rien n'était. Il se voulait attendrissant.
- Un monsieur-grenouille, lui répondit-il en souriant.
- Oui. Je vois, opina-t-elle sans être convaincue de la véracité de sa réponse.
Simon échangea le crayon bleu qu'il avait dans les mains pour une autre couleur, un vert foncé, qui correspondait davantage à la représentation que l'on pouvait se faire d'un animal des marécages.
- Tu es partie longtemps, lui reprocha-t-il. J'aurais voulu venir avec toi.
Simon échangea son sourire pour un masque de froideur. Louise devina à travers le mouvement de ses sourcils que sa colère n'était pas entièrement partie.
- C'est pour ça que tu t'es énervé tout à l'heure ? se risqua-t-elle.
- Non, mais j'aurais aimé que tu m'emmènes.
Il semblait ne pas vouloir donner une réponse à sa question. Comment cette petite bouille pouvait-elle avoir un caractère pareil ?
- Ne fais pas comme si tu ne savais pas, rétorqua-t-elle. Papa ne veut pas que tu viennes avec moi ou Marthe lorsqu'on sort. Il y a la falaise, le fait que je sois trop concentrée sur mes dessins pour te surveiller et que...
- Je suis trop petit, compléta-t-il.
Oui. Évidemment. Voilà une chose que Louise rechignait à lui rappeler. Elle-même souffrait de sa différence d'âge avec les deux aînés, et des injustices qui en découlaient. Elle ne pouvait que partager son ressenti.
- Si tu veux je peux te raconter ce que j'ai fait aujourd'hui, proposa-t-elle pour changer de sujet.
Déjà, elle pouvait voir miroiter dans les yeux de l'enfant de la curiosité. Il rangea ses crayons et elle prit place à ses côtés. Voilà qu'il était redevenu le petit garçon adorable dont il avait le secret. Certes, il n'avait pas le talent de Louise pour inventer des histoires ni la malice de Klaus pour trouver les meilleurs combines mais il avait le mérite de savoir écouter les récits. Rien que pour cela, Louise le préférait de loin à Marthe.
- Je suis allée dessiner la mer, commença-t-elle.
- Encore ?
Elle lui demanda de se taire et commença son récit. Louise racontait toujours ses histoires en les dessinant. Sans ça, elle n'avait rien d'une conteuse. Elle pouvait bafouiller ou perdre le fil de la narration lorsqu'elle n'avait pas en soutien ses crayons pour l'accompagner.
Elle retourna la feuille, en adressant un dernier regard à ce qu'il restait de cette dame-crapaud, et commença son oeuvre au verso. Si elle se laissait guider par ses crayons, les mots se formaient dans sa bouche. Simon gagnait alors une magnifique illustration qu'il s'empressait d'accrocher sur le mur de la cuisine. On pouvait admirer chaque matin la fresque en savourant son bol de lait.
- J'étais tranquillement installée sur la plage, expliqua Louise à son frère qui s'était recroquevillé près d'elle. J'avais presque terminé le portrait que je faisais de la mer lorsque celle-ci se mit à gronder : "quoi ?" me dit-elle alors "tu oses me dessiner, croqueuse d'images ! Je t'empêcherai de terminer ce portrait en t'envoyant immédiatement nourrir les poissons." et sur ses mots, elle me sauta dessus, envoyant ses vagues en rafale. Je lui répondis alors "Tu n'es pas très futée, la mer, les poissons ne mangent pas les humains et en plus mon portrait était réussi !" mais l'eau ne voulait rien entendre. Elle me chatouillait les orteils et envoyait de l'eau sur mes habits. Je tentais tant bien que mal de me libérer à coups de pieds et de gesticulations, mais tu sais, on ne peut pas vraiment blesser la mer. Alors je me suis énervée et, tiens-toi bien Simon, je l'ai insultée de tous les noms.
L'enfant maintenait les mains sur sa bouche pour s'empêcher de réagir, il ne voulait surtout pas troubler le récit. Le dessin, quant à lui, progressait à la même vitesse que le déroulement de l'histoire. Louise se représentait les bras en l'air, tenant au bout des doigts son précieux carnet pour empêcher l'eau de l'atteindre. En face de l'héroïne, on pouvait voir une grande vague approcher.
- La mer allait faire déferler sur moi l'équivalent d'un tsunami, lorsque j'eus une idée miraculeuse...
Elle laissa sa phrase en suspens afin d'observer la réaction du garçon. Il était pendu à ses lèvres, ou plutôt à ses doigts, et observait l'illustration comme si elle allait lui donner la réponse avant la narratrice. Elle haussa alors la voix :
- Je lui ai craché dessus !
À travers les fenêtres ouvertes, la mer lui répondit dans un vrombissement. Simon sursauta et la regarda les yeux écarquillés.
- Tu n'as pas fait ça ! s'offusqua-t-il.
- Mais si. La mer déteste ça. Elle est immédiatement repartie dans un grand mouvement de marée et j'ai pu récupérer plein de coquillages.
Louise se mit à rire. Pour conclure, elle approcha son visage du sien et lui
chuchota :
- Donc petit conseil pour toi, la prochaine fois que tu vas te baigner et que tu sens la mer t'emporter, fais pipi dedans, elle te relâchera aussitôt.
- Tu es dégoutante ! s'exclama Simon sous le coup de la surprise.
Il pouffa à son tour. Le soleil couchant semblait les envelopper tous deux de sa chaleur. La pièce était baignée de jaune et de rose. Louise franchit le pas :
- Tu veux bien me dire maintenant ce qui t'as mis en colère ?
Un voile passa devant les yeux du jeune garçon. Elle sentit son coeur se serrer, peut-être venait-elle de tout gâcher. Il semblait hésiter, la colère s'animait déjà sur son visage. Non, pas une nouvelle crise !
- Ce n'est pas grave... commença-t-elle.
- J'ai vu un truc sur maman, la coupa Simon.
Louise recula. " Un truc" ? Qu'est-ce que ça voulait dire ? Pouvait-elle se permettre d'insister ? Elle pesait le pour et le contre quand elle comprit quelque chose. Son frère n'était pas énervé, comme elle l'avait cru au début, non, il avait peur. Peur de sa réaction à elle, peur qu'on ne le comprenne pas.
Le salon commençait par manquer de lumière. Bientôt le soleil passerait les falaises et ils se retrouveraient tous deux dans le noir. Il fallait essayer.
- Explique-moi, s'il te plaît.
La profondeur de son regard la déconcerta. Ses iris vert amande, semblaient s'être assombris.
- Maman travaillait tout à l'heure, bafouilla-t-il. Je ne voulais vraiment pas la déranger mais le bruit me gênait.
Les mots avaient du mal à sortir de sa bouche et il se faisait violence pour être le plus compréhensible possible. D'un geste nerveux, il se mit à tripoter le bouton de son gilet.
- Elle faisait du bruit en travaillant ? l'encouragea Louise.
- Non pas elle, mais dans ses cheveux, ça grouillait.
Il mima avec ses doigts ce qui devait être plusieurs petites bêtes qui gesticulaient.
- Un insecte ? crut comprendre la jeune fille.
- Non, secoua-t-il la tête. Je voulais qu'on arrête de l'embêter. Alors j'ai crié.
- Ça ressemblait à quoi ?
Marthe choisit ce moment pour débouler dans la pièce, coupant court à leur conversation.
- Vous comptiez rester dans l'obscurité encore longtemps ? s'étonna la brunette en appuyant sur l'interrupteur.
Louise n'en saurait pas plus, Simon se refermait déjà sur lui-même.
- Restez pas comme ça à rien faire, ordonna Marthe en s'approchant de la table du salon.
Louise suivit du regard sa soeur attendant qu'elle ajoute à cela sa série de reproches, mais rien ne tomba. Pas de "ne passe plus par les fenêtres." ou de "et le vélo dans l'établi ?". Rien de tout cela. Marthe semblait étonnamment rayonnante. Cette joie soudaine surprit tellement Louise qu'elle se releva d'un bond.
- Que se passe-t-il ? s'empressa-t-elle de demander.
Marthe afficha un air triomphant et brandit entre ses doigts une enveloppe blanche.
- Klaus nous a écrit !
je suis de retour dans ton intrigue qui pointe du nez, avec peut-être cette entrée du surréalisme dans un décors, lui, bien encré dans la réalité.
Ce chapitre est superbement rythmé et les images défilent !
Par contre, je suis un petit peu dérangé par la franchise avec lequel Louise "classe" ses frère et sœurs. (ex : Rien que pour cela, Louise le préférait de loin à Marthe.) Ca offre, selon moi, un schéma simplifié de cette relation à sa sœur, qui sans ça, pourrait rester dans un peu plus d’ambivalence et de nuance. Mais après, c'est peut-être tout à fait voulu pour au contraire marquer son caractère tranché et rebelle ... Merci pour ton histoire que j'ai hâte de poursuivre !
Tu as effectivement pointé du doigt un trait de caractère de Louise très marqué ! On pourra voir par la suite qu'elle est très entière dans ses idées et souvent brute aussi. Et effectivement comme tu l'as souligné, ça a un but ;) Notamment dans son rapport avec Marthe ! Je comprend que ça puisse être gênant malgré tout et j'espère que si tu lis la suite un jour tu puisse te dire que ça avait tel ou tel objectif !
Merci énormément pour tes critiques!
Mon passage préféré c'est le conte que Louise raconte à son petit frère, c'est très tendre et elle raconte très bien. J'espère avoir un jour ton niveau pour raconter des histoires à des enfants.
La photo a bien été choisie pour cette histoire.
La famille est dysfonctionnante mais elle arrive à joindre les 2 bouts.
L'histoire de Simon raccroche notre curiosité, le fait de croire à une crise de colère pour au final voir de la peur dans ses yeux est bien bien pensé. C'est important de mener le lecteur en bateau.
J'attends le prochain chapitre.
Merci pour ton histoire