Un horrible hurlement l'éveilla. Syola voulut ouvrir les yeux mais un bandeau l'en empêchait. Ses mains liées dans son dos lui interdisaient de le retirer. La corde, très serrée, l'entailla dès qu'elle tenta de se détacher. Un autre cri se fit entendre. Un hurlement de femme. Syola ignorait totalement ce qu'elle faisait ici, et même où était cet « ici » mais une chose était sûre : à entendre les cris de l'autre femme, il ne valait mieux pas s'y éterniser.
Le sol froid, à l’opposé de l’atmosphère surchauffée, lui amena un frisson. Elle prit pleinement conscience de sa nudité. Tremblante maintenant de terreur, son nez la piqua. L’odeur d’épice, de sel, de sueur, d’urine, de vanille et de fer l’emplit, un mélange surprenant qu’elle ne parvint pas à expliquer et qui lui donna la nausée.
Elle se retint de vomir car, bâillonnée comme elle l'était, cela n'aurait pas été une très bonne idée. On lui avait en effet mis un bout de tissu dans la bouche puis on avait enroulé ce qui semblait être une fine ceinture de soie ou de coton autour de sa bouche, l'empêchant ainsi de parler. Ses chevilles, également entravées très fortement, la condamnaient à rester sur le ventre, position dans laquelle elle s'était éveillée.
Syola sursauta lorsque l'autre femme cria à nouveau et soudain, ses hurlements ne cessèrent plus. Les cris se firent abominables. Syola en était certaine : cette femme se faisait torturer de la pire manière qui soit. L'odeur du sang, de plus en plus présente, révulsait Syola. Elle tremblait de tous ses membres et tira à nouveau sur ses liens, ce qui ne fit qu'entailler encore plus ses poignets et ses chevilles. Ses pieds nus sur le sol dur tressaillaient.
Qu’allait-on lui faire ? Sa nudité lui imposait une image évidente mais ses oreilles faisaient dévier son imagination vers des sévices bien pires la menant à espérer que sa première crainte soit la bonne, ne souhaitant pour rien au monde subir la même chose que cette autre femme qui hurlait à s'en briser les cordes vocales.
Un objet chaud, mou et dégoulinant tomba sur son dos, la faisant sursauter et gémir dans son bâillon. D’autres choses la frappèrent, balles molles ne la blessant pas. Syola remuait pour s’en débarrasser, y arrivant parfois mais d’autres restaient collés. Des gouttes coulaient le long de ses côtes, heurtant le sol sous son corps après que la gravité les ait rappelées à elle.
Les cris cessèrent. Plus aucun objet ne la toucha. Syola ne put s’empêcher de pleurer sous son bâillon. L’autre venait de mourir, sans aucun doute. Elle était la suivante. La mort venait vers elle. Un malade allait la torturer avant de la tuer. Pourquoi ?
Son père la mettait souvent en garde contre les soldats un peu trop entreprenants. Il lui conseillait de répondre poliment et de se couvrir correctement lorsqu’elle sortait. Il lui rappelait ce qu’il ferait si elle osait revenir souillée. Elle n'était pas revenue pour s'amuser mais pour se marier. Son père avait déjà choisi l'heureux élu, un homme avec qui il était en affaires. De quoi améliorer les revenus de la cordonnerie. Syola avait conscience de l’importance de rester vierge mais en ce moment, cela lui sembla secondaire.
Prenez ma virginité, avait-elle envie de lui dire, mais laissez-moi la vie ! Son bâillon la privait de toute possibilité de communiquer et son agresseur ne prononçait pas un mot.
Elle hurla, simple bruit étouffé, lorsqu’un pied chaussé appuya sur ses reins, l’empêchant de bouger. Quel intérêt ? pensa-t-elle. Les liens m’empêchent de m'échapper. Je peux à peine remuer !
- Je m’appelle Teflan Stylus, dit-il d’une voix grave.
Je m’en fous, pensa Syola qui n’avait jamais entendu ce nom. Elle ne voulait pas connaître l’identité de son agresseur mais qu’il la laisse tranquille.
La douleur la percuta de plein fouet et elle rua, mouvement retenu par le pied brutal. L’odeur de peau brûlée l’emplit d’horreur. Mais que lui faisait-il ? La douleur sur sa fesse droite était si intense !
Une main chaude écarta ses cheveux et la douleur reprit, sur l’épaule gauche cette fois, pénétrante, sourde, violente, intense. Sa respiration accéléra et se saccada. Elle vit des points blancs danser devant ses yeux. Son cœur battait à tout rompre.
Elle se débattit furieusement mais le dénommé Teflan Stylus, ce malade mental, la maintenait fermement et la douleur reprit, sur la fesse gauche cette fois. Syola aurait tant voulu le supplier de cesser, lui proposer une autre manière d’utiliser son corps, tout pour ne pas vivre cette horreur.
Lorsqu’il dégagea ses cheveux de son épaule droite, elle rua une nouvelle fois, ramenant sa chevelure sur la peau nue. Un coup de pied dans les côtes lui coupa le souffle. Des étoiles valsant autour d’elle, chaque mouvement douloureux, elle ne s’opposa pas au geste suivant. L’odeur de peau brûlée entraîna une violente nausée que Syola retint avec peine.
Elle sentit qu’elle ne pourrait en supporter davantage. Son corps peinait à surmonter le choc. Le bâillon étouffa un nouveau hurlement tandis que les quatre brûlures la lançaient. Il venait d’y apposer quelque chose, mais quoi ?
Une lame froide s’enfichant entre ses deux mollets la fit se raidir. Syola en était certaine : il allait la tuer. Ce malade aimait torturer ses victimes avant de leur ôter la vie. La lame descendit et trancha les liens retenant les chevilles. Une main ferme empoigna ses cheveux et l’obligea sans ménagement à se lever.
Syola n’osa se rebeller contre lui. Ses jambes engluées dans du coton, elle peinait à avancer et il la poussait en avant. Un courant d’air glacial la fit gémir et s’opposer. Il la jeta en avant sans pitié. Syola perdit l’équilibre. Elle sut qu’elle allait se casser le nez en tombant.
Il la retint et une bouffée de reconnaissance envers lui l’emplit, qu’elle repoussa d’une pensée rageuse. Le sol irrégulier et glacial l’amenait à trembler de partout. En même temps, l’air frais permit à son esprit de retrouver le nord. Sa respiration se calma. Fini les odeurs de sueurs, de fer et d’épice. Seule subsistait une flagrance douce et suave de vanille. Son parfum, sans aucun doute.
La douleur diminuant, elle prit conscience de sa nudité. Elle aurait tout donné pour une tunique !
La regardait-il ? L’amenait-il vers une chambre où la prendre dans des conditions plus confortables ? Ce fou appréciait-il de faire souffrir ses victimes avant de les violer ? Avait-il fait subir cela à l'autre avant de la tuer ?
Des marches rafraîchirent encore l’environnement. Elle gémit. De son côté, il resta silencieux. Il la guidait de sa main sur son bras si bien que Syola, prenant confiance en son guide, finit par avancer sans crainte.
Elle la fit stopper avant de s’éloigner. Syola tourna la tête à gauche et à droite, geste inutile à cause du bandeau sur ses yeux. Elle entendit un verrou glisser et la main la tira à nouveau en avant pour la lâcher encore.
Derrière elle, elle entendit des bruits de pas, une porte qui grince, un verrou qui claque, puis des pas qui s'éloignent et disparaissent. Où était-elle ? Elle l'ignorait. Était-elle seule ? Elle l'ignorait également.
Venait-il de l’amener à d’autres tortionnaires ? Elle resta immobile, les oreilles aux aguets. Elle ne perçut que sa propre respiration et son cœur cognant dans sa poitrine.
Peu désireuse de rester là, elle recula à pas mesurés jusqu'à rencontrer la porte d'où elle venait. Lorsqu'elle trouva la poignée de porte, elle appuya dessus sans parvenir à débloquer l’ouverture.
Pas de rire. Pas de réaction. Était-elle vraiment seule en ce lieu ? Tentant le tout pour le tout, elle s’agenouilla, gardant le dos au mur sans toutefois le toucher, ses blessures aux épaules la faisant énormément souffrir.
Elle passa la clenche entre son crâne et le bandeau sur ses yeux et tira. Le bandeau sauta et Syola put ouvrir les yeux pour découvrir… le noir complet. Où que fut cet endroit, il ne possédait pas la moindre source de lumière.
Elle passa la clenche entre sa joue et la ceinture entourant sa bouche. Elle eut l'impression que sa mâchoire se déboîtait lorsqu'elle tira mais finalement, l'attache céda et tomba autour de son cou. Syola cracha le morceau de tissu qui jusque-là la réduisait au silence et aspira une grande goulée d'air.
Enfin, elle pouvait respirer librement tout son saoul. Sa bouche était sèche et pâteuse. Aucune salive ne vint la rafraîchir. La soif la transperçait. Dans la pièce chaude précédente, elle avait beaucoup transpiré et maintenant, elle tremblait de froid.
Une main chaude se posa sur sa cuisse droite. Syola cria avant de bondir à gauche pour s’éloigner. Ce faisant, elle tomba sur le côté et son épaule hurla son mécontentement. Le son bref et intense sorti de sa gorge lui revint plusieurs fois, écho dans cette petite pièce vide, la rendant soudain claustrophobe. Elle se redressa et s’éloigna de la porte à côté de laquelle se trouvait quelqu’un de totalement silencieux. Qui ?
Elle tenta de se détacher les mains mais les liens lui résistèrent et ses poignets hurlèrent leur désapprobation. Le regard apeuré vers le noir complet, le cœur battant la chamade, elle recula encore, les mains collées au mur qu’elle longea, attentive aux moindres bruits.
Sans repère, ses doigts rencontrèrent une porte. La même ? Une autre ? Ses pieds marchèrent sur une surface douce et tiède. Syola étudia la matière pour découvrir deux morceaux de tissu dont un humide : son bandeau et le tissu l'ayant réduite au silence. Elle était revenue à son point de départ sans rencontrer personne.
L’autre devait bien se moquer d’elle, de sa terreur.
- S’il vous plaît, murmura-t-elle, sa voix lui revenant par écho. Laissez moi partir.
Des bras l’enlacèrent tendrement. Syola s’en figea de stupeur. Elle était dos au mur, non loin de la porte. Vu la position des bras – par derrière - une telle posture aurait dû être impossible. Elle se sut folle. Le traumatisme qu’elle venait de vivre lui offrait un aller simple pour l’asile. Son père n’y réfléchirait pas à deux fois. Sa mère s’opposerait. Comme d’habitude, il la battrait et Syola finirait sa vie seule, enfermée entre des murs infranchissables.
Les bras tentaient de la réconforter. Les mains ne profitaient pas du tout de ses seins pourtant disponibles. L’autre locataire de cette prison glaciale la berçait avec bienveillance et chaleur. Syola se laissa porter par cette douce tiédeur réconfortante.
Elle repensa à ses parents. Ils devaient être morts d’inquiétude. Son père l'avait envoyée au marché acheter du fil. Sa mère avait ajouté qu'elle avait besoin de carottes pour le déjeuner. Syola était partie, une pièce dans la poche, pour le marché de la place Blendard.
Elle n'y était jamais arrivée. Elle se souvenait uniquement avoir senti une main se plaquer sur sa bouche et une autre appuyer sur son cou. Après, elle se faisait réveiller par les hurlements immondes d'une femme se faisant torturer par un homme nommé Teflan Stylus qui sentait la vanille.
Quand allait-il revenir et que ferait-il ? Allait-il la laisser mourir de faim, de soif et de froid dans cet enfer ? À cette pensée, les bras l’enlacèrent un peu plus. Grâce à son co-locataire, elle n’avait pas froid malgré sa nudité. Cela ne la nourrissait ni ne l’hydratait mais c’était déjà ça de pris.
Une chaleur sous ses fesses la sortit de sa torpeur. Elle sut qu’elle venait de s’uriner dessus. S’était-elle endormie ? Dans le noir total, c’était probable. Ses épaules la tiraient. Elle aurait tout donné pour que ses poignets soient libérés de cette corde cruelle.
Les bras chauds l’entouraient toujours. Apparemment, son co-locataire ne ressentait aucune gêne face à son urine se répandait sur le sol. Dans le noir complet, s’en était-il seulement rendu compte ? Elle s’enveloppa dans ce cocon doux, le dos contre le mur, les genoux contre son torse, observant le néant de ce noir absolu.
Une intense douleur la ramena à la réalité. Son estomac la lançait et un furieux mal de crâne refusait de la laisser tranquille. Combien de temps depuis son arrivée ? Elle était partie au marché à l’aube. Le zénith était-il déjà passé ? Et le crépuscule ? Et l’aube suivante ? Combien de temps pourrait-elle survivre sans boire ? Pas longtemps, elle en avait conscience. Elle tourna la tête vers la droite où elle savait se trouver la porte. Appeler à l’aide ? À quoi bon ? Les hurlements de l’autre avaient été vains.
Syola se renferma sur elle-même et attendit entre les bras chauds de son ami imaginaire. Elle gémit alors que son cou la tiraillait une fois de plus. La position bras liés dans le dos était tout sauf confortable. Les mains remontèrent pour lui prodiguer un massage soigneux. Syola en ronronna de bonheur, tout en se disant qu’elle avait vraiment beaucoup d’imagination. Elle mériterait carrément d’aller à l’asile en sortant.
Il cessa et Syola se blottit tout contre lui, l’épaule droite et la tête contre le mur. Elle rêvait d’une gorgée d’eau. Sa vessie ayant besoin, elle se pissa une fois de plus dessus sans que cela ne fasse fuir la création de son esprit. Elle avait besoin de compagnie et son âme lui en créait un. Elle n’était pas folle. Elle trouvait une échappatoire.
Où était ce malade de Teflan Stylus ? Probablement avec sa femme et ses enfants, en train de dîner avec eux ou de fumer en discutant avec ses amis de la prochaine caravane de marchands qui allait venir en ville. Il s’amusait avec elle et ne reviendrait la chercher qu’une fois morte de soif et de faim.
Son ouïe aiguisée perçut les bruits de pas. Syola se leva, ses jambes la portant difficilement et se plaça debout, face à la porte, bien décidée à regarder son agresseur dans les yeux. Sa nudité ne la dérangeait pas. Elle comptait bien lui montrer qu’elle ne le craignait pas.
Le verrou se débloqua et la porte s’ouvrit. La lueur des torches l’éblouit, l’empêchant de voir. Elle fut obligée de fermer les yeux et lorsqu’elle fut enfin en mesure de voir, elle ne trouva que le néant.
Elle regarda autour d’elle avec appréhension. Personne. Elle était seule devant la porte grande ouverte. S’agissait-il d’un piège ? La tuerait-il à l’instant où elle essayerait de sortir ? Elle s’approcha du couloir et regarda prudemment dehors. Personne. Elle avança sur les pierres froides et avisa un escalier qu’elle grimpa.
Seul le froid et un silence mortel l’entouraient si bien que les premiers bruits de pas la saisirent de frayeur. Nue, les mains attachées dans le dos, elle serait un met de choix pour le premier inconnu venu. Se détacher. S’habiller. Fuir. Loin. Vite. Retrouver la maison.
Une porte entrouverte lui offrit un refuge inespéré. Une chambre vide. Un grand lit à baldaquins aux rideaux ouverts. Une malle. Un tabouret. Un secrétaire. Un coupe-papier.
Les liens tombèrent et Syola découvrit ses poignets en sang. Les chevilles n’étaient pas mieux. Des traînées rouges striaient ses jambes. Ce sang n'était pas le sien. D'où venait-il ?
Pas le temps de s’en occuper. Elle fouilla la malle et n’y trouva que des vêtements masculins. Tant pis. Elle passa des braies et des chaussettes, ainsi qu’une chemise puis sortit, rasant les murs.
Par les fenêtres, Stonyard se déployait. Le ciel se couvrait d’ocre, de rouge et de jaune. Syola observa les rues. Les marchands dépliaient leurs étals. C’était l’aube ! Elle avait passé une journée entière entre les mains de ce malade.
Terrifiée à l’idée qu’il ne la reprenne, elle profita du sommeil des habitants de ce qu’elle savait maintenant être le palais impérial pour rejoindre la sortie telle une petite souris. Les gardes empêchaient les intrus d’entrer. Pas les putes de sortir. Syola retrouva sans difficulté le chemin de la maison, rasant les murs, ravie du peu d’animation.
Morte de soif, elle peinait à avancer mais portée par l’espoir d’un refuge, elle marchait sans s’arrêter pour enfin apercevoir la porte de chez elle. Son père, sa mère et ses frères devaient avaler un bouillon chaud avant d’ouvrir la boutique. Syola ouvrit la porte arrière pour découvrir son père et ses deux frères autour de la table, en train de manger. Sa mère servait les trois hommes.
- Syola ? s’étrangla Godo en recrachant le bouillon qu’il avait dans la bouche.
Il la déshabilla des yeux.
- Syola ! Tu nous as fait tellement… commença Marguerite, la mère de Syola.
Elle avait posé sa cuillère et fait un pas vers Syola mais un geste de Godo la fit se figer.
- Qu’est-ce que c’est que ces habits ? gronda Godo.
- Je… tenta Syola mais son père parla.
- Le soldat a déchiré ta robe et t’a prêté quelques atours pour rentrer ?
- Je te jure que non ! s’exclama Syola. Ce n’est pas…
- Tu vois bien qu’elle va mal ! geignit Marguerite.
- Tu t’es laissée séduire et sans savoir comment, toute la garnison t’est passée dessus, gronda Godo.
- Mais non ! s’écria Syola, outrée.
- Le sang sur tes jambes ne ment pas, cracha Godo d’un rictus méprisant.
Syola regarda ses cuisses, maculées de sang. Elle ignorait comment cela s'était produit.
- Ce n’est pas le mien, tenta-t-elle piteusement de se défendre.
- C’est ça. Bien sûr. Dégage, souillon ! Je ne veux plus te voir.
Ses frères et sa mère se figèrent à ces mots. Aucun ne s’opposa. Godo avait le bras facile, nul ne l’ignorait.
- Père ! Je te jure que…
Godo se leva et dans ses yeux, Syola sut qu’elle ne recevrait aucun soutien. Syola recula d’un pas, terrifiée.
- Ne t’avise pas de revenir ici ou je te tue de mes mains. Tu ne souilleras pas l’honneur de ma maison. Si l’un de vous ose entrer en contact avec elle, je vous jure qu’il le regrettera.
Ce disant, il fusilla Marguerite des yeux qui baissa le regard. Syola recula et referma la porte derrière elle. Son mal de crâne explosa. Elle avait soif. Ses pas la portèrent instinctivement vers le Chanvre. Depuis le pont de Kremer, Syola observa les remous du fleuve traversant la capitale de l’empire Beera.
De gros poissons filaient malgré le fort courant. Des femmes lavaient leur linge plus bas mais pas ici, où les tumultes du fleuve auraient emporté leur bien. Syola se perdit dans la contemplation des vaguelettes. Sans trop réfléchir, elle se pencha en avant. Mieux valait que cela aille vite. Elle n’avait plus rien. Elle refusait de devoir offrir son corps contre sa pitance.
Une main chaude la saisit par le poignet, comme pour la retenir. Son regard tomba sur son bras pour le découvrir vide. Se sachant folle, elle ricana avant de sauter pour de bon. Elle n’irait pas non plus à l’asile.
Lorsque l'eau froide et glacée entra en contact avec sa peau, elle ne fit rien pour échapper à sa fureur. Totalement anéantie, elle laissa le liquide gelé pénétrer ses poumons. Elle perdit connaissance dans les remous terribles du Chanvre.