Chapitre 1 : Le premier regard

C’est cette nuit-là que j’ai cédé.

Mais avant de vous expliquer comment tout a commencé, revenons un peu en arrière.

Je m’appelle Lexie Reeds, j’ai vingt et un ans et je suis en deuxième année de Fac. Grâce à ma bourse au mérite, mes frais d’inscription sont couverts, mais elle ne prend pas tout en charge : le loyer de mon petit studio en colocation, les factures et la bouffe, c’est moi qui m’en occupe.

C’est Jack, mon colocataire et meilleur ami, qui m’a soufflé l’idée de postuler au country club de la ville : le salaire est compétitif, et j’en ai besoin pour boucler mes fins de mois. Entre les cours, les travaux dirigés et mes heures de service, je n’ai guère de répit mais je tiens trop à cette indépendance pour m’en plaindre.

Au club, les clients sont nombreux, riches, et jamais avares quand il s’agit de leur plaisir. Je fais un peu de tout : femmes de chambre, serveuse à la piscine, au bar, au restaurant.

Aujourd’hui, je suis à l’accueil. La routine : enregistrer des couples, bien habillé, des familles fortunées. Toujours les mêmes profils.

Et puis, ils sont arrivés.

Un couple dans la quarantaine. Lui, élégant et souriant. Mais elle… Elle avait quelque chose de différent. Une grande rousse, magnifique, enveloppée dans une robe qui semblait faite pour captiver. Une aura presque magnétique.

Je ne le savais pas encore, mais cette femme allait bouleverser ma vie.

Ils avançaient vers moi.

-Bonjour, nous avons une réservation au nom de Spencer, dit-il.

-Bonjour Monsieur, Madame. Un instant, je vérifie...

Je parcourus la liste sur mon écran.

-Oui, vous avez réservé la suite royale pour la semaine, c'est bien cela ?

-Effectivement.

-Je vois aussi que vous avez un planning d'activités, je vais vous l'imprimer.

Pendant que l'imprimante se mettait en route, je saisis les deux clés de chambre. Je les leur tendis avec un sourire professionnel.

- Voici vos clés. Notre bagagiste va monter vos valises. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à venir me voir. Je m'appelle Lexie, et je suis à votre service pour cette belle semaine.

Ils me remercièrent tous les deux avec un sourire poli.

Mais le sien à elle….

Il y avait quelque chose.

Madame Spencer me sourit avec un air malicieux, presque complice. Son regard accrocha le mien un instant de trop.

Je fus... troublée.

Quelque chose, dans ce sourire, m'envoûta. Ce n'était pas seulement de la politesse. Il y avait une intention, ou peut-être l'ai-je rêvée.

J'ai continué ma journée, mais j'avais ce regard dans la tête.

Je ne saurais pas dire si c'était de la curiosité, de l'intérêt... ou autre chose.

Et puis, ce soir-là, alors que je terminais mon service, Jack m'a rejointe au vestiaire.

- T'as vu la rousse de tout à l'heure ? m'a-t-il lancé en riant.

Je n'ai pas répondu tout de suite.

- Ouais... elle a quelque chose, non ?

Il a levé les sourcils, intrigué.

C'est pas ton genre de t'arrêter sur les clients, toi. Tu la trouves bizarre ?

Non. Enfin... si. Je sais pas. Elle m'a mise mal à l'aise.

Jack a haussé les épaules. Pour lui, ce genre de choses n'avait pas d'importance. Il était concentré sur les vacances à venir, les soirées qu'on pourrait se faire avec les autres saisonniers. Moi, je sentais juste que quelque chose allait arriver. Je le sentais dans ma peau, comme un courant électrique qui parcourait mon être.

Le lendemain, je terminais mon service tard dans l'après-midi. J'avais passé deux heures à courir entre la piscine et le bar extérieur. Il faisait chaud, l'air collait à la peau, et mes pieds me lançaient.

J'allais passer au vestiaire quand Léo, le réceptionniste de nuit, me rattrapa.

— Lexie, attends. La cliente de la suite royale est passée tout à l'heure, elle a demandé si tu serais là ce soir.

Je me suis figée.

—Elle a demandé... moi ?

—Oui. Juste ton prénom. Elle a dit qu'elle passerait te voir.

Je ne savais pas trop quoi penser. Il y a des clients qui retiennent les prénoms, surtout quand on est serviable. Mais là... je repensais à son regard. Ce sourire. Cette assurance qui ne ressemblait à aucune autre femme que j'avais croisée ici.

Vers 19h, je faisais le tour du salon principal pour rapporter quelques verres vides.

L'endroit était presque vide. Le soleil se couchait à travers les grandes baies vitrées, teignant la pièce d'une lumière dorée.

Et elle était là.

Assise seule, un cocktail à la main. Elle portait une robe vert émeraude, fluide, légère. Une robe qui tombait parfaitement sur elle, comme une seconde peau. Elle regardait vers l'extérieur, le menton légèrement relevé, le regard lointain... comme si elle m'attendait, sans vraiment m'attendre.

Quand elle m'a vue, elle a simplement souri. Pas de signe, pas de mot. Juste ce sourire.

Lent, maîtrisé, presque... intime.

Je me suis approchée, un peu hésitante.

— Bonsoir, tout se passe bien pour vous ? ai-je demandé, un peu trop polie pour que ce soit naturel.

— Parfaitement. Et toi, Lexie ? Ta journée a été longue ?

Elle connaissait mon nom. C'était idiot, bien sûr qu'elle le connaissait. Mais dans sa bouche, il sonnait... différent.

— Oui, assez. Mais j'ai l'habitude.

Elle posa son verre.

— Tu es jeune. Tu as le temps pour les habitudes. Tu fais ça depuis longtemps ?

—Un an, à peu près.

Elle m'observait, les yeux plissés, attentive. Pas comme une cliente regarde une employée. Plutôt comme quelqu'un qui cherche à lire entre les lignes.

— Tu es sérieuse, je le sens. Disciplinée. Tu veux aller loin, pas vrai ?

Je haussai les épaules, mal à l'aise.

— J'espère, oui. J'essaie.

— C'est bien. Ce n'est pas si fréquent, tu sais. Beaucoup se perdent. Trop vite.

Elle marqua une pause, puis ajouta, presque doucement :

— Il faut juste savoir qui mérite ton énergie... et qui ne la mérite pas.

Son ton était calme, mais il y avait autre chose. Comme si ses mots cachaient une intention. Une invitation ? Une mise en garde ? J'étais incapable de dire.

Puis elle se leva. Lentement. Sa robe glissage contre ses jambes. Elle prit son sac, puis s’arrêter à ma hauteur. Elle pose une main légère sur mon bras. Sa peau était chaude.

À bientôt, Lexie.

Et elle partit.

Je restais là, le cœur battant trop fort. Je ne savais pas ce qu’il venait de se passer. Mais je savais une chose : elle m’avait marqué.