L’ambiance était froide. Glaciale même. Sous les lampes d’éther aux flammes bleues, je regardai les riches tapisseries ocre et brunes pendant que mon garde du corps vérifiait ma tenue. Gilet court, redingote, bottes en cuir cirées, il ne me manquait que mon haut-de-forme.
— Faire partie de la garde royale et avoir les charges d’un valet de pied, j’imagine qu’il n’y a rien de plus humiliant, ricanai-je en jetant un regard à mon reflet dans le miroir à côté de moi. Quelle insulte...
— Je fais ce qui sied à votre père.
Mettani ne répondit rien d’autre, se contentant de passer ses mains sur les ornements brodés d’or de mon gilet et d’épousseter ma veste. Il avait le visage fermé, refrénant la colère qui montait en lui. Au contraire du reste de la garde, il ne portait pas d’armure légère, mais un simple uniforme rouge aux motifs de flammes orange. Trente ans au service de la garde, dont dix dévolus à mon unique protection. Il avait toujours gravité autour de la famille royale et avait même assisté à ma naissance…ainsi qu’à celle de mon frère.
— Je suppose qu’il sera là ? questionnai-je. Parfait et propre sur lui, comme toujours.
Mettani s’arrêta un instant pour m’interroger du regard. Il ne comprenait pas.
— Lloris. Il sera là ? reformulai-je.
— J’imagine que oui, Majesté. Je ne peux l’affirmer.
— Toujours là pour pouvoir tirer la couverture à lui.
— Vous êtes le premier-né, répondit Mettani en ajustant ma lavallière avant de se reculer pour m’observer. C’est à vous que reviendra…
— Le royaume, oui, je sais.
Je jetai un dernier coup d’œil au miroir. Tout était parfait, comme toujours avec Mettani. Il avait voué sa vie à la défense de la couronne, néanmoins, depuis qu’il était à mon service, il ne valait pas mieux qu’un simple laquais. J’avais une aversion pour lui. Si son travail était irréprochable, il incarnait tout ce que je haïssais : la cour, la politique, la guerre. Tellement de parures qui n’étaient là que pour cacher l’hypocrisie des uns et des autres.
— Comment est père ce soir ? questionnai-je en repensant à l’incident que j’avais délibérément provoqué. Pas très content, j’imagine.
— Je n’ai jamais vu le roi dans une telle colère.
Comme d’habitude, Mettani ne s’épanchait pas en paroles inutiles. Je haussai les épaules sans un bruit. À quoi bon avoir posé cette question ? Il était évident que père devait être hors de lui. J’avais ruiné le banquet. J’éprouvai la fierté grisante d’avoir montré à tous mon dégout pour ce royaume. Sous les lumières bleues des lampes d’éther, je regardai Mettani l’œil moqueur.
— Je ne sais pourquoi je discute de mon père avec un homme comme toi. Tu es son toutou préféré et je sais que tu ne diras jamais de mal de lui.
Malgré la pénombre ambiante, je ne loupai pas la crispation de mâchoire de mon garde du corps. Sa place, son honneur et son serment l’obligeaient à garder le silence. Il ne me portait pas dans son cœur, ce qui était réciproque. Nous nous détestions mutuellement, mais j’étais prince et lui un simple exécutant. Je prenais donc un malin plaisir à jouer avec ses nerfs.
— Je vais sans doute passer un mauvais quart d’heure, repris-je. Mais tu sais que père te tiendra pour responsable.
— J’ai juré fidélité et obéissance à votre père. Il m’a chargé de veiller sur vous. Je n’ai pas pu empêcher ce que vous avez fait. Il est donc normal que j’en subisse les conséquences.
Je haussai les sourcils. Mettani était-il si bête pour accepter ainsi les remontrances de père ?
— Ce n’est plus de l’obéissance ou de la fidélité… Tu es juste un bon chien qui obéit à son maître.
Il me lança un regard noir. Je ne lui en tins pas rigueur. Il savait que j’avais raison. Il n’avait pas construit sa carrière pour s’occuper du fils du roi. Malgré tout, c’était pour lui le plus grand des privilèges. Il avait été jugé apte à côtoyer la famille royale et se sentait redevable de la confiance que père mettait en lui.
— Puisque tu as juré fidélité à ma famille, agenouille-toi et baise mon pied.
J’avançai ma botte que je fis claquer contre le parquet ciré. Mettani ferma les yeux. Je le vis se contenir pour ne pas serrer les poings et garder son sang-froid. Il mit un certain temps avant de poser un genou au sol. Je reculai mon pied pour le forcer à venir vers moi. Le chien du roi se devait d’avancer à quatre pattes. Il finit par poser ses lèvres sur le cuir de ma botte et l’embrassa. Il resta dans cette position humiliante, les yeux rivés vers le sol, mais je ne réagis pas.
— Je crois qu’il est temps d’y aller, finit-il par dire. Votre père vous attend.
— Et qu’est-ce que tu feras si je refuse d’y aller ? Avant que je ne réponde de mes actes devant le roi, je veux t’entendre dire qui je suis.
Il ne répondit pas, continuant de fixer la chaussure qu’il venait d’embrasser.
— Qui suis-je ? répétai-je pour l’obliger à répondre.
— Valirian d’Ilinburg, Prince de Karmanie. Successeur au trône.
Je réprimai une grimace. Trône… Ce simple mot me donnait la nausée. Jamais je ne serai le digne successeur de père. Je m’y refusai.
— Votre père a prévu votre désobéissance, ajouta Mettani. Des gardes sont postés non loin d’ici pour vous escorter.
— M’escorter... Pas besoin d’utiliser de tels mots pour signifier que vous m’enchainerez si je tente de m’échapper. Allez, relève-toi.
Mettani s’exécuta, son regard trahissant la rage qui le traversait.
— Allons-y, dit-il d’un ton froid.
Je ne répondis rien, me contentant de suivre ses pas. Je savais que je ne pouvais pas m’enfuir. Mettani ne blaguait jamais. Je savais que d’autres soldats étaient prêts à me maitriser si je me soustrayais à mes obligations. Ils m’emmèneraient voir père de gré ou de force. Je bouillonnai. Cette vie de luxe, de château, de richesse, de pouvoir et de gloire, certains étaient prêts à tuer pour l’obtenir. Moi, elle me révoltait. Tant de diners mondains. Tant d’hypocrisies, de courbettes à s’en briser le dos. L’aristocratie m’avait pris ma vie. Suivre les codes et l’étiquette était mon quotidien. Je n’étais rien de plus qu’un moineau enfermé dans une cage dorée. Si Mettani était le chien de mon père. Moi j’étais le chien de la bourgeoisie.
Chacun de nos pas faisait grincer le parquet foulé par toutes les anciennes familles royales. Le moindre couinement du bois était comme une plainte à mes oreilles, me rappelant le poids de ma future charge. Je baissai la tête pour éviter de croiser le regard des portraits de mes aïeux accrochés aux murs. Tous ceux qui avaient contribué à donner un peu plus de gloire et de pouvoir aux Ilinburg étaient là, souvenirs éternels de pigments et d’huile. Qu’auraient-ils pensé de moi ? Nous parcourûmes le couloir sans rien dire, laissant nos pas rythmer la marche. Les flammes issues des lampes d’éther étaient d’un bleu si pâle que j’avais l’impression de descendre dans les abysses. Après ce qui s’était passé, père allait être d’une humeur massacrante. Nous mîmes un long moment avant de nous retrouver devant les portes de la chambre du milieu comme nous l’appelions. Non pas qu’elle se situât au milieu du couloir, ou même du château. Ce nom provenait d’un obscur ordre initiatique dont faisaient partie les grands noms de l’aristocratie, et c’était ainsi qu’étaient nommés les tribunaux où étaient jugés ses membres. Par effet de transposition, c’était le nom qu’avait donné mon père à la pièce où il me recevait régulièrement pour ses sermons. Les portes, d’un blanc immaculé, avaient été décorées avec soin de sculptures d’oiseaux de feu recouverts de feuilles d’or. Mettani s’arrêta, se retourna pour s’assurer une dernière fois de la tenue impeccable de mon costume et frappa à l’aide du heurtoir à la tête d’aigle. Deux coups sourds suivis d’un dernier coup plus léger. À l’intérieur, deux gardes en armures scintillantes ouvrirent les portes. Je soufflai, autant pour prendre du courage que pour signifier ma désapprobation.
— Fais-le entrer.
La voix provenait du fond de la pièce. Une voix lourde, profonde. Celle de mon père. Je devinai sa silhouette au loin, dessinée par le feu vigoureux qui flambait dans la cheminée. Le reste de la pièce était plongé dans l’obscurité et seules deux croisées en haut des murs filtraient la lumière blafarde de la lune. Sans un mot, Mettani me saisit le bras et me poussa dans la salle. Lui resta à l’extérieur, où les deux gardes le rejoignirent en fermant les portes. La pièce n’était pas grande, comme une erreur parmi les vastes salles luxueuses du palais. Elle formait un cercle et les meubles avaient tous cette courbure étrange qui leur permettait d’épouser le mur circulaire. La plupart étaient des étagères remplies des livres de comptes, des journaux de mes aïeux et de quelques écrits théologiques sur le culte de Pyrrée. La cheminée était imposante et son fronton décoré avec élégance. Les flammes dansaient dans le foyer, crachant quelques braises qui s’écrasaient contre les grilles en fonte. Je tournai la tête vers la table ronde disposée près d’une bibliothèque. Une silhouette fine se découpa dans l’obscurité. Adossé à la chaise, les pieds posés sur la table et le visage tourné vers moi, mon frère me toisait du regard. Jumeau par la naissance, mais bien différent dans l’esprit. Les flammes dansaient sur sa face si diablement identique à la mienne. Ces cheveux d’un noir profond, ces sourcils épais et ces yeux noirs qui me fixaient. C’était mon visage. Nous étions les mêmes, jusque dans nos mâchoires carrées et la courbure de nos mentons. Même le grain de beauté que nous avions sous l’œil gauche était similaire. Une seule et unique différence permettait de nous identifier : une courte mèche de cheveux blancs s’élevait à l’orée de la chevelure noire de mon frère avant de redescendre sur son front. Ces quelques cheveux blancs qu’il avait depuis la naissance restaient l’unique moyen de nous différencier. Sans eux, nous serions comme le miroir de l’autre. Lloris me scrutait sans rien dire. Il savait ce qui allait se passer. Sa position nonchalante laissait présager qu’il ne prendrait pas ma défense. Il s’apprêtait plutôt à profiter du spectacle.
Je ne lui prêtai pas attention, tournant mon regard vers le fond de la salle où se trouvaient deux sièges. L’un d’eux, celui de mon père, était vide, l’autre occupé par une femme : celle que père me forçait à appeler « mère », mais qui n’en avait jamais été digne. Elle avait remplacé ma véritable mère sur le trône après sa mort. Je préférais l’appeler par le prénom que ses géniteurs lui avaient donné : Erma. Son petit visage anguleux et ses yeux enfoncés dans ses orbites lui donnaient un air de fouine. Elle portait une robe de son rang. Des manches courtes, droites, relevées jusqu’à une poitrine quasi nue mise en évidence. Son corset la serrait tant qu’elle ressemblait à une gerbille coincée dans un étau. Sa chevelure, coiffée en un chignon grotesque laissait retomber quelques mèches sur des épaulettes difformes devenues à la mode depuis que la guerre avait été déclarée. Mon père quitta la pénombre où il s’était caché pour apparaître face à moi. Ses pas ne firent pas un bruit. Tout juste entendis-je les pans de sa cape d’hermine frôler le tapis qui recouvrait le sol. Les flammes qui scintillaient mettaient en évidence les motifs de flammes de son costume. Il irradiait de colère. Son visage était fermé, sombre, triste. Il ne portait pas sa couronne, mais ses cheveux sombres plaqués en arrière et les favoris qui lui barraient les joues formaient un casque de poils et de cheveux. Il ne prononça pas un mot, se contentant de faire un unique geste. La gifle me frappa si fort que j’en tombais à la renverse. Des étoiles plein les yeux, je massai ma joue sans un mot. La colère monta en moi comme l’éruption d’un volcan. Néanmoins, je n’en montrais aucun signe, préférant le laisser dérouler le discours que je connaissais déjà par cœur.
— Prince… Tu es un prince. Le successeur du trône !
Je jetais un œil à mon frère qui ne broncha pas, se contentant de regarder la scène, impassible. Pour la première fois depuis des années, père me tutoyait, traduisant la hauteur de sa colère.
— Tu n’en avais pas assez de faire tes folies parmi le peuple. Les filles de mauvaise vie et les scandales des journaux ne t’ont pas suffi ? Il fallait que tu viennes jeter l’opprobre jusque dans ta demeure. NOTRE demeure ! Quand vas-tu cesser de te comporter comme un enfant capricieux ? Je t’ai tout donné, TOUT ! Et c’est ainsi que tu remercies la providence de t’avoir fait naître dans cette famille ? Tu mériterais que je t’exile, que je t’interdise l’accès au palais pour retourner dans la fange dans laquelle tu te complais. Cette rencontre était cruciale, tu le savais. Les représentants Dazmaliens étaient venus pour signer la trêve. Et tu as tout gâché. Tu les as humiliés, et nous avec. La guerre va continuer par ta faute ! Que va dire le peuple quand les journaux raconteront l’évènement ? Qui vont-ils désigner comme coupable dans cette affaire ? Qui a empêché les maris, les fils et les gendres des femmes éplorées de revenir du front ? Par ta stupidité, tu as une nouvelle fois montré à quel point tu es la honte de cette dynastie !
Il avait hurlé sans reprendre son souffle, les yeux révulsés par la colère. Il était hors de lui. Je n’avais en effet pas pris mes gants quand, rentrant saoul de mes escapades nocturnes dans la vieille ville, je m’étais rendu au banquet d’honneur en insultant copieusement la reine de Dazmal et en dissertant sur la prétendue pureté des jeunes filles de leur pays.
— Tes compagnons de beuveries seront pendus demain matin, rajouta-t-il d’un ton cassant. Tu auras toute la nuit pour méditer là-dessus.
— Si vous pensez que je m’en soucie, me gaussai-je en me relevant. Vous imaginez que je vais avoir des remords pour quelques soulards que j’ai ramenés avec moi et dont je ne me rappelle déjà même plus le visage ?
Erma poussa un petit cri étouffé avant de se cacher la tête derrière un foulard auparavant coincé au creux de sa poitrine. Lloris lui-même ôta ses pieds de la table lorsque ma phrase retentit au milieu de la pièce.
— Comment oses-tu, grinça mon père. Il s’agit de ton peuple. Celui que tu vas gouverner. Cela ne te fait-il donc rien de savoir que tu as condamné des gens à mourir à cause de ton comportement ?
Je haussai les épaules, pour signifier que cela ne me faisait ni chaud ni froid.
— Des poivrots pareils… Ils auraient bien fini par crever tous seuls au coin d’une ruelle. Quelle différence ?
— La différence, fils, c’est que ces gens boivent pour oublier leur vie difficile, ruinée par la guerre. Alors que toi, tu es bien au chaud au fond de ton lit, à ne te soucier de rien. Eux tentent de survivre, toi tu n’as qu’à demander pour que tout te soit apporté sur un plateau.
Je soutins le regard de mon père dans une attitude de défi. Ses sourcils froncés se confrontèrent aux miens et aucun de nous deux ne céda devant l’autre.
— Vous croyez que je ne sais pas ce que c’est, la guerre ? Je vous rappelle que vous m’avez envoyé au front. Je n’avais que quinze ans ! J’y suis resté une année avant que vous ne daigniez me rappeler à vos côtés. Vous pensez que je n’ai pas connu les morts, la boue, les pluies de balles, la peur, la faim ?
— Tu sais très bien pourquoi j’ai fait ça. Tu étais intenable. Ingérable. J’ai pensé que l’armée te ferait du bien. Qu’elle ferait de toi un homme. Qu’elle t’apprendrait l’ordre, la discipline ! Elle ne t’a rendu que plus enragé…
— La faute à qui ?
Père se retourna, l’air abattu.
— Si ta mère te voyait…
Mon sang ne fit qu’un tour. J’eus l’impression que mon cerveau se déconnectait. Sans m’en rendre compte, je saisis le tisonnier qui rougeoyait dans la cheminée et me jetai sur père avant d’approcher le métal ardent de son visage.
— Ne parlez…pas…de mère, sifflai-je. Elle est morte… par votre faute.
Je jetai un œil à Erma qui étouffa un nouveau cri.
— Vous l’avez remplacé par une potiche qui a détruit notre famille. Vous vous êtes marié à nos ennemis.
Pendant quelques secondes, mon père ne dit rien, il ne fit pas attention au tison rougeoyant qui lui frôlait la joue. Il continuait de soutenir mon regard en signe de défi.
— Par ce mariage, j’ai créé une alliance. J’ai évité à notre pays de disparaître.
Je sentis quelqu’un me tirer par le bras. J’eus à peine le temps de tourner la tête que Lloris m’avait désarmé et projeté à terre. Il tenait à son tour le tison dans ses mains et le pointait dans ma direction, le regard implacable.
— Le fils prodigue, toujours là pour sauver la situation, ricanai-je en me relevant. C’est lui qui devrait devenir roi.
— Il est le second-né, coupa mon père en replaçant sa cape sur ses épaules. Et toi le premier. C’est à toi que revient cette charge, que tu le veuilles ou non. Je me serais battu jusqu’au bout pour t’inculquer tout ce que je sais. Pour faire de toi un vrai roi. C’est peine perdue. Le peuple finira par avoir ta peau, et je ne pourrais plus te protéger.
— Comme vous avez su protéger mère…
Malgré la chaleur de la cheminée, un silence glacial s’installa dans la pièce. Après quelques instants qui parurent une éternité, il fut brisé par la petite voix fluette d’Erma.
— Cessez querelles… Cet enfant vous en voudra jusqu’à la mort. Il ne comprendra jamais. Lloris, allez chercher les gardes. Qu’ils ramènent Valirian dans ses quartiers.
Mon frère hocha la tête et jeta le tison dans les flammes. Il ouvrit grand les portes et parla aux gardes sans que leurs paroles ne me parviennent. Mettani entra dans la pièce, me saisit le bras et me tira dehors.
— Une dernière chose, termina mon géniteur avant que je ne disparaisse dans le couloir. Valirian, après toutes ces années, toute cette rancune, j’aurai tout essayé. La prochaine frasque ne passera pas. À la prochaine insulte envers le royaume je serai contraint, autant pour nous sauver la face que pour te protéger de la colère du peuple, de t’envoyer au bagne, sur les îles claires. Là-bas, ils savent dresser les chiens fous.
« Quelle clémence… pensai-je ». Je savais qu’en menaçant mon père avec le tisonnier, je m’étais rendu coupable d’atteinte à la couronne. Il aurait dû, comme l’exigeait la loi, me faire pendre, malgré ma place au sein de la famille royale, et laisser mon corps entre les mains de l’exécuteur des hautes œuvres. Mais père n’en avait pas le courage. Son désir ardent de me voir reprendre le droit chemin et être assis sur le trône l’empêchait d’appliquer la moindre sanction. M’envoyer au bagne ? Je savais qu’il ne s’y résoudrait jamais par peur de me perdre et de devoir avouer l’échec que j’avais été pour lui. Mettani m’entraîna hors de la pièce pour m’emmener dans mes appartements. Je n’eus pas le temps de répondre, mais montrai ma désapprobation en crachant sur le sol, à l’entrée de la pièce. Alors que je disparaissais dans le couloir, je ricanai de satisfaction.
— Vous ne gagnerez pas contre votre père, annonça Mettani en ouvrant la porte qui menait à mes appartements. Pourquoi vous battre ainsi contre lui ? La royauté a besoin de bien d’autres choses que des guerres intestines.
Je rentrai dans ma chambre avant de me retourner pour observer mon garde du corps.
— Père a toujours voulut contrôler ma vie. Mon avenir est tracé depuis ma naissance. Je ne suis qu’un pantin qui n’a aucun pouvoir sur sa propre existence. Un exécutant, comme toi, voilà ce que mon père veut que je devienne. Ce que je ne serais jamais. Je préfère mourir.
— La dynastie Ilinburg mourrait avec vous.
— Mon frère n’a qu’à prendre ma place, tout le monde n’y verrait que du feu. Et lui est fait pour gouverner. Il a suivi le bon moule que père a choisis.
— Vous tromperiez les hommes ainsi, mais la déesse Pyrrée verrait votre subterfuge.
— Pyrrée est un symbole de révolution, elle comprendrait mon geste.
Mettani soupira. Il connaissait mon entêtement.
— Tâchez de vous reposer, dit-il d’un ton neutre. Ne faites pas en sorte d’aggraver la situation.
— Et vous, restez à votre place. Vous n’êtes ni conseiller du roi, ni mon précepteur.
Mon ton cinglant acheva sa volonté de m’aider. Il garda son sang-froid, même si je savais qu’il bouillonnait à nouveau. Il se contenta de fermer la porte et de tourner la clé pour m’enfermer à double tour.
— Je vous veillerai cette nuit, termina-t-il à travers la cloison. J’ai toujours pour ordre de vous surveiller.
Dans un accès de rage, je m’emparai de la statue du buste du colonel Hamelon sur le guéridon près de mon lit et jetai la figure du héros de guerre contre la porte. Si Mettani réagit, il n’en montra rien. Je n’entendis aucun autre son que celui du buste en laiton frappant la porte et retombant lourdement contre le sol. Je m’effondrai sur le matelas du lit à baldaquin et fixai mon regard sur les velours violacés qui en faisait le tour. Mon sang pulsait dans mes tempes. Je détestai les sermons de mon père. Il ne m’avait jamais frappé jusqu’à maintenant. C’était la première fois. Pour une raison que j’ignorai, je n’en étais pourtant pas choqué. Je m’attendais à une telle réaction depuis longtemps. Comme il l’avait bien dit, j’avais enterré dans l’œuf la trêve qu’il avait eu tant de mal à obtenir. J’étais fier de voir que mon plan avait fonctionné. Faire la paix avec les Dazmaliens… L’idée elle-même me faisait vomir.
Lorsque père m’avait envoyé au front, pensant que la guerre, la gérance martiale du peloton et les conditions difficiles permettraient de me gérer, il n’avait fait que renforcer ma haine envers le royaume. Le traumatisme avait été violent. Les Dazmaliens étaient des animaux, des soldats sanguinaires et surentrainés. Je n’avais que quinze ans, je n’étais pas prêt. Personne ne l’était. Même les soldats les mieux préparés en étaient sortis détruits de l’intérieur. Et la guerre avait continué. Rien n’avait changé depuis le début du conflit, il y a de cela dix ans. Je ne pouvais pas laisser les Dazmaliens obtenir les terres que père leur offrait pour la trêve. Ils ne le méritaient pas. J’avais été un piètre soldat et comme beaucoup, la guerre m’avait laissé des séquelles. Il n’était pas rare que je me réveille la nuit en sursaut après avoir hurlé dans mon sommeil. Pour ce qu’ils m’avaient fait, les Dazmaliens ne méritaient pas cette trêve. Ils devaient être détruits.
Je tentai de penser à autre chose, pour ne pas faire remonter les mauvais souvenirs. Tout en soufflant pour que mon esprit ne vacille pas, j’observai la chambre et ses tapisseries précieuses, la cheminée aux riches moulures dans laquelle crépitait un feu doux et apaisant. Le lustre d’éther était éteint, si bien que je laissai mon regard se perdre dans les flammes quand trois coups résonnèrent à la porte. Mettani laissa entrer mon frère qui se positionna devant la cheminée, les mains croisées dans le dos. Le garde du corps referma la porte sans un mot.
— Qu’est-ce que tu me veux ? sifflai-je en me relevant au milieu des couvertures.
— Ce n’est pas père qui m’envoie. Cesse de croire que la terre entière t’en veut. Je viens en paix.
Je ne répondis rien, me contentant de grogner d’un ton sourd.
— Si tu crois que ça me plaît de te voir dans de telles situations, continua Lloris. Qu’est-ce qui t’a pris avec ce tisonnier ? Tu en veux à ce point à père ?
Je me levai pour aller ramasser le buste du général Hamelon et le reposai sur le guéridon.
— Il pense qu’il réussira à faire de moi le prochain roi, maugréai-je sans regarder mon frère dont le visage, si identique au mien, ne cessait de me fixer de ses yeux noirs. Mais ce n’est pas ce dont je rêve.
— Et de quoi rêves-tu ? De finir honni et rejeté ? Pourquoi t’élever contre lui ? Il croit en toi et il sait que tu as les capacités pour être roi si tu cessais tes frasques.
— Il te suffit de prendre le trône. C’est toi qui as suivi le moule de la royauté.
Lloris secoua la tête avec vigueur.
— Tu sais que c’est impossible. Ce n’est pas mon rôle. Le pouvoir revient au premier-né. Même si tu mourais, je ne pourrai prendre la régence.
Il avait raison et je ne pouvais rien dire contre cela. Ce pays avait été conquis par la guerre et ses lois nous le rappelaient. Le premier héritier mâle du roi devait prendre le trône. C’est à lui et à lui seul que revenait cet « honneur ». Mais si le premier né était une fille, ou si le fils direct venait à mourir avant l’accession au trône, alors le pouvoir ne revenait pas aux héritiers suivants, mais au chef des armées en place. Ainsi, si jamais je venais à disparaître, les constitutions indiquaient que mon frère ne pouvait prétendre au sacre qui revenait naturellement au chef des armées : le général Hamelon. Je ne comptais pas mourir de sitôt, mais je n’étais toutefois pas prêt à accepter le titre et la charge de père. Hamelon le savait et il devait se préparer, car il serait bientôt assis à la même place que mon géniteur. J’en étais ravi, ayant beaucoup d’estime pour cet homme qui avait commandé les armées de Karmanie. Certes, la guerre n’était pas terminée et le conflit s’enlisait, mais les forces Dazmaliennes étaient plus terribles et plus nombreuses que les nôtres. Grâce à Hamelon, nous n’avions pas encore perdu. Nous tenions bon. Il était un monarque tout désigné.
— Mon destin est de m’engager dans les ordres, reprit Lloris.
Je m’approchai du feu pour me réchauffer et en profitai pour défier son regard.
— Et ça te plaît ? C’est ce que tu veux faire de ta vie ?
— On n’a pas toujours ce qu’on veut dans la vie et notre statut nous impose des devoirs. Je serai un bon prêtre et je prie Pyrrée tous les jours pour qu’elle éclaire le chemin qui est le tien.
D’un ricanement sinistre, je montrai à quel point cette phrase n’était pour moi qu’un discours prémâché enfoncé dans son crâne depuis l’enfance.
— Nous n’avons aucune liberté, pestai-je. Censés être les gouverneurs de ce pays et pourtant enchainés par notre naissance.
— Tu es libre de guider ton peuple, et de le faire de la meilleure des manières. Je serais l’un de tes conseillers, tu le sais. Nous n’avons pas toujours été en phase toi et moi, mais tu sais qu’où que tu ailles, j’irai toujours te chercher.
C’était vrai. Je détestais Lloris, car il était le préféré de mon père, mais malgré nos querelles et nos prises de positions diamétralement opposées, il avait toujours été là pour moi. Il m’avait tiré de bien des situations, me récupérant, ivre mort dans une des tavernes les plus mal famées de la ville, prenant ma défense devant père. Il m’avait sauvé d’une attaque de brigands crasseux qui m’avaient un jour molesté, s’était fait passer pour moi plus d’une fois, jouant la comédie auprès des conseillers, des ducs, des barons et de toute la cour lors de mes nombreuses fugues.
— Tu n’as pas été correct, continua-t-il en penchant la tête sur le côté comme s’il était désolé pour moi. Tu n’as pas été à la hauteur de ton titre. Cette trêve était nécessaire. Tu as tout gâché.
Les larmes me montaient aux yeux. De rage je relevai le menton et plantai mon regard dans celui de Lloris.
— Et mère ? Etait-ce nécessaire ?
Pendant une fraction de seconde, le visage de mon frère parut se fissurer. Je pus discerner la douleur foudroyante qu’il éprouvait, ainsi que la colère de me voir aborder encore le sujet. Un instant plus tard, il avait repris le masque sans expression qu’il portait en permanence. Un membre de la famille royale ne pouvait se permettre d’émettre la moindre émotion.
— Il l’a tué. Elle est morte par sa faute ! m’écriai-je.
Le claquement de son poing contre ma joue fut si sonore que Mettani ouvrit la porte pour voir ce qui se tramait. Alors que j’étais plié en deux, mon frère fit comprendre d’un hochement de tête qu’il n’y avait rien de grave. Mon garde du corps referma la porte sans un bruit.
— Vas-tu donc cesser ! siffla Lloris entre ses dents. Père a toujours cherché à te protéger. Il a tenté de la sauver, mais c’était trop tard.
Il avait perdu son sang-froid, ce qui était chez lui quelque chose d’exceptionnel. Il m’avait fait mal. Rien à voir avec les gifles de mon père.
— Nous avons dix-huit ans maintenant. Il serait temps de faire table rase du passé. Grandis un peu. Sur ce point, je rejoins père.
Affichant un air déçu, il se dirigea vers la porte quand je le hélai une dernière fois.
— Père a abandonné mère dans le froid de l’hiver, en pleine forêt. Personne ne me fera croire le contraire. Les loups ont bien dû en profiter. Et père a pu se remarier sans problème.
Lloris s’arrêta, dos à moi le temps d’écouter ma phrase.
— Tâche de te reposer, dit-il simplement sans se retourner. Je ne serai pas toujours là pour te protéger moi non plus.
La porte s’ouvrit et il disparut dans le couloir. J’entendis à nouveau le coup de clé qui marquait la réalité de mon incarcération. Je serrai les poings, mais me calmai rapidement. Mon frère ne pouvait comprendre ce que je ressentais.
Pendant un moment, je ruminai en faisant les cent pas, creusant le sillon de mon passage dans la peau d’ours devant la cheminée. Très vite, je m’ennuyai. Je ne pouvais rester enfermé ici plus longtemps. Mettani ne me laisserait pas sortir. J’ouvris les placards et souris. Décidément, mon père n’avait toujours pas compris qu’on ne pouvait me maintenir enfermé. Je sortis l’ensemble des draps que les domestiques avaient nettoyé et rangé avant de les nouer ensemble sans faire de bruit. Le plus doucement possible, j’accrochai le bout de ma corde de linge à l’un des pieds du lit et ouvris la fenêtre dans la plus grande précaution.
« Quels imbéciles, ricanai-je intérieurement. Ils ne comprendront jamais ». Ce n’était pas la première fois que j’usais de ce stratagème. Pourtant, père oubliait toujours d’indiquer aux domestiques de ne plus ranger les draps dans ma chambre. Je me dirigeai ensuite vers mon lit dont je soulevai le matelas. Roulé en boule, les vêtements de ville que j’y cachais m’attendaient, prêts à servir. Je ne pouvais pas descendre en ville affublé de ma redingote et de mes bottes royales. Le premier voleur que je croiserai n’hésiterait pas une seconde avant de me dépouiller. Je préférais me fondre dans la masse. Pour cela, rien de mieux que ces habits prêtés par une de mes connaissances du quartier de la bonne foi. Je quittai mes habits et enfilai le pantalon noir et la chemise ainsi dénichés. J’y ajoutai les souliers noirs et les bretelles. J’étais prêt, un vrai garçon des rues.
D’un mouvement ample, je jetai ma corde de fortune et sautai sur le rebord de la fenêtre avant de tirer sur les draps pour en tester la solidité. Lorsque je me fus assuré de ne point risquer une chute mortelle, je me jetai dans le vide. Le vent chaud de l’été m’emplit les poumons. C’était l’air de la liberté. La nuit était noire, personne ne pouvait me voir. En m’accrochant fermement aux draps, je descendis le long du mur et sautai sur le toit le plus proche. J’étais au-dessus de l’aile est du château, là où se trouvaient les salles de réunions des ministres et conseillers. Il n’avait pas plu depuis plusieurs jours et les tuiles d’ardoise n’étaient pas glissantes. Je devais néanmoins faire attention, une chute de trente mètres m’attendait au moindre faux pas. Au loin, les lumières de la ville scintillaient comme des centaines d’yeux diaboliques. La plus grosse flamme appartenait au temple Pyrréen situé aux abords des quartiers sud. C’était la seule flamme à brûler nuit et jour sans discontinuer, alimentée en permanence par les prêtres qui se relayaient. Je respirai l’air frais et souris. Se sentir libre était la plus belle des récompenses. Je ne supportais pas d’être enfermé, privé de mes mouvements. Ce que je faisais était risqué. Si Mettani se rendait compte de mon absence, la colère de père serait cataclysmique. Je n’avais pas l’intention de passer ma nuit dehors. Je voulais juste me calmer, prendre l’air et profiter d’une partie de la nuit pour oublier.
Je penchai la tête au-dessus du vide. Ce parcours, mon corps l’avait été effectué de nombreuses fois, mais la hauteur n’en était pas moins impressionnante. La chute promettait d’être fatale. Heureusement, je savais ce que je faisais. Je m’approchai d’une gargouille de pierre perchée sur un coin du toit. La gouttière était solide, je le savais pour m’en être déjà servi plusieurs fois lors de mes sorties nocturnes. Avec précaution, je m’accrochai et entrepris la descente. Sur ce côté de l’édifice, les prises étaient nombreuses. Je n’avais aucune difficulté à poser mes mains et mes pieds, mais m’interdisais de regarder en bas. Je ne me pressai pas. Par chance, ce côté du château était l’endroit le moins gardé. Une fois en bas, je n’aurais qu’à me cacher dans l’ombre pour pouvoir définitivement disparaître. Un jeune chien fou, c’était ainsi que père me qualifiait souvent. Il voyait en moi quelqu’un qui n’avait peur de rien. Il n’avait pas tort. Lloris était plus mesuré, plus réfléchi. Il n’en était pas moins arrogant. Un trait que nous avions en commun. Mais nous étions différents sur tout le reste. Il était fait pour la vie de château, pour les bals, les diners, les galas, les costumes, l’étiquette. Quelque chose que j’abhorrais au plus haut point. Je ne m’étais jamais senti légitime dans ce monde de paraître. La cour n’était qu’un jeu de masques et de faux-semblant. Les ducs, marquis, les nobles et toute l’aristocratie ne vivaient que pour leur propre ascension sociale, au point qu’ils en avaient oublié le principal : c’est eux qui devaient guider le peuple. Eux qui devaient l’aider. Derrière les apparats, la vaisselle en argent et les tiroirs en acajou ne se cachait que leur propre vanité. Le peuple n’existait pas pour eux. Seul mon père avait gardé un semblant de respect pour ceux qui, affectés par la guerre et la pauvreté, tentaient de faire quelque chose. Mais qui parmi ses conseillers se souciaient vraiment du bien-être de ceux qui vivaient dans la rue, loin de la Cour ?
J’étais le seul à aller voir le peuple plutôt que m’enfermer dans une tour dorée. Le seul encore à tenter de les comprendre. J’aimais passer du temps dans les quartiers sud. Quitter le château me permettait de me vider la tête, ce que je comptais bien faire cette nuit en fuguant une nouvelle fois.
C'est la curiosité qui m'a attirée ici après être passée par ton JdB, d'abord parce que ton univers m'intriguait, mais aussi parce que j'en suis exactement au même stade que toi chez Scrineo : manuscrit envoyé en juin 2019, passé en seconde lecture... et je suis donc en attente du verdict. Sauf que moi, je n'ai pas déjà publié chez eux, et en plus j'ai eu la bonne idée de partir sur un diptyque, ce qui est très difficile à caser ! XD
Ensuite j'ai vu que tu avais déjà des commentaires sur L'ombre mécanique, mais pas encore ici, alors je me suis dit que tant qu'à faire, j'allais commencer par cette histoire. Ceci dit, si c'est plus intéressant pour toi d'avoir des retours sur L'ombre mécanique, je peux changer mon fusil d'épaule : n'hésite pas à me le dire.
Revenons à ce chapitre !
Déjà, c'est agréable à lire, ta plume est précise et fluide et j'ai lu tout d'un coup malgré la relative longueur du chapitre (ça ne me gêne pas, les miens sont assez volumineux aussi).
Je t'ai listé quelques pinaillages plus bas, je ne sais pas si ça te sera utile, mais ils sont peu nombreux (ne t'en tiens pas à la longueur de la liste : c'est moi qui suis bavarde XD).
Passons au fond : politique, guerre de pouvoir, succession... ce sont de très bons ingrédients pour commencer ! Et surtout, je trouve original et courageux d'avoir un narrateur (à la première personne, en plus !) assez peu attachant de prime abord. Et ce dès la première scène : le mépris affiché pour le garde du corps, le baiser sur la chaussure, ça pose tout de suite l'ambiance ! On sent bien que Valirian est tout en colère et qu'il fait un peu n'importe quoi pour l'exprimer, y compris abuser de son pouvoir. Certes, il a des circonstances atténuantes (la mort de sa mère, les contraintes de sa position, les séquelles de la guerre), mais ça ne m'a pas suffi pour lui accorder toute mon indulgence. Parfait : il y a une bonne marge d'amélioration :)
Quant aux autres personnages : j'ai l'impression qu'ils sont complexes aussi. Le père est sans doute un bon roi, mais il semble qu'il cache des choses par rapport à la mort de sa femme et il est intransigeant. Le frère a l'air trop parfait, et il est dans une position très ingrate... pas possible qu'il ne cache rien ! On en sait assez peu sur Erma. Est-ce qu'elle est l'ennemi comme le pense Valirian, ou est-ce qu'elle peut être un allié ? Mettani, il va finir par se rebeller à force d'être traité comme un chien. Et enfin, l'ombre du général Hamelon, à qui il ne manque pas grand chose pour accéder au trône, plane au-dessus de tout ça...
Autant dire que déjà, tu as de la matière !
J'ai eu un sentiment bizarre en lisant, parce que dans ma saga il y a aussi des jumeaux, des intrigues pour la succession qui est aussi régie par une loi tordue, et une menace qui pèse sur le royaume XD
J'ai quand même trouvé un peu long le passage qui précède les premiers échanges dans la salle du milieu : quand Valirian arrive, tu enchaînes la description de la salle et des trois personnages présents. Chaque description en elle-même est très bien faite, mais peut-être que tu devrais les répartir un peu plus, quitte à en reporter une aux chapitres ultérieurs, ou au moins les dispatcher dans le chapitre.
J'ai aussi trouvé qu'il y avait quelques redondances dans les introspections de Valirian : sur l'hypocrisie de la cour, notamment. Tu reviens dessus au début puis à la fin du chapitre. Et aussi sur le fait qu'il est incompris et qu'il ne peut pas rester enfermé. Je me demande même si c'est bien utile de l'écrire en toutes lettres à la fin du chapitre, parce qu'en fait, on comprend bien cet aspect de sa personnalité au long du chapitre.
Le passage sur le toit du château pourrait également être un peu plus court (sauf s'il contient des éléments importants pour la suite ?).
Enfin dernière remarque : peut-être manque-t-il un élément un peu plus accrocheur que juste l'idée de la fugue. Comme c'est le premier chapitre, je pense qu'il faut un cliffhanger plus fort pour donner envie de continuer parce qu'à ce stade-là, les lecteurs.trices ne sont pas encore "pris" dans l'histoire.
Enfin tout ça c'est de la forme, mais en tout cas, il y a déjà pas mal d'éléments qui promettent une intrigue riche et pleine de trahisons et de rebondissements. J'ai trouvé l'entrée en matière très complète et prometteuse, comme tu l'as sans doute déjà compris !
J'espère que ce genre de retours te convient et on peut en discuter si besoin (ici ou sur ton JdB)
Mes petits pinaillages :
"Si Mettani était le chien de mon père. Moi j’étais le chien de la bourgeoisie." : je pense que ces deux phrases devraient n'en faire qu'une, d'après la syntaxe que tu as choisie :)
"Il tenait à son tour le tison dans ses mains et le pointait dans ma direction, le regard implacable." : dans tout ce passage, tu utilises alternativement tison et tisonnier. Du coup, on ne sait pas trop ce qu'il tient (d'autant que son frère finit par le jeter dans le feu, ce qui ferait plutôt pencher pour une bûche, alors qu'au départ, c'est un tisonnier). Alors certes, le résultat sur la peau de son père serait le même (pas très agréable ;) ), mais c'est le genre de détail qui peut sortir les lecteurs un peu tatillons (comme moi, désolée) du texte.
"Ce que je ne serais jamais." : serai
"Il a suivi le bon moule que père a choisis." : je ne suis pas super convaincue par cette expression "suivre un moule". Je pense que c'est un mélange entre "suivre la voie" et "être issu du même moule". En plus, je crois que tu la réutilises plus loin. Peut -être "Il est fait du même bois que mon père" ?
"Comme il l’avait bien dit, j’avais enterré dans l’œuf la trêve qu’il avait eu tant de mal à obtenir." : l'expression exacte est "tuer dans l’œuf" (mais c'est vraiment du pinaillage : ça passe comme ça ;)
"Un membre de la famille royale ne pouvait se permettre d’émettre la moindre émotion." : idem, cette expression "émettre une émotion", me laisse songeuse. Pourtant je vois bien ce que tu veux dire, mais comme on utilise plutôt "émettre" avec "opinion", ça me fait drôle. Peut-être "de laisser entrevoir la moindre émotion" ?
"J’entendis à nouveau le coup de clé qui marquait la réalité de mon incarcération." : tour de clé ? + est-ce que "incarcération" n'est pas un peu fort ? "Enfermement" ?
"Pour cela, rien de mieux que ces habits prêtés par une de mes connaissances du quartier de la bonne foi." : peut-être faudrait-il des majuscules à "bonne foi" ?
"Mais qui parmi ses conseillers se souciaient vraiment du bien-être de ceux qui vivaient dans la rue, loin de la Cour ?" : je mettrais "souciait" au singulier (accord avec "qui")
J'attends que tu me dises si tu préfères que je continue à commenter ici ou si tu préfères que je lise d'abord L'ombre mécanique (ou si tu ne veux pas de mes commentaires XD) pour continuer. Quoi qu'il en soit, je poursuivrai avec plaisir, maintenant ou plus tard !
A+
J'en suis tout choqué (en bien, rassure-toi). On ne m'avait encore pas fait un tel retour sur Océans.
Sache que je note tout ce que les lecteurs me disent. Chaque remarque est importante pour moi. En bien comme en mal, je prends tout et je m'en sers comme d'un terreau pour faire pousser mes histoires.
Tu ne le sais pas (encore), mais ta vision de ce chapitre vient de m'apporter un point important pour la suite, sur lequel je bloquais.
Quant aux pinaillages : pinaille, pinaille, je ne suis pas du genre à prendre la mouche, au contraire. Donc plus on me dis "ça c'est bof", mieux je me portes. Donc tu es la bienvenue.
A savoir tout de même : Océans est en cours d'écriture. Il est même encore à un stade presque embryonnaire (j'ai le début, la fin, quelques passages au milieu et c'est tout. Il me manque encore beaucoup d'éléments). Tu es bien entendu libre de commenter ici, mais il n'y aura pas de nouveau chapitres dans l'immédiat (mais ça viendra, promis).
Je t'invite donc plutôt à migrer temporairement sur L'Ombre mécanique pour découvrir un peu l'univers (les deux livres sont en quelque sorte liés, même s'ils ne se suivent pas du tout).
Et concernant Scrinéo, je croise les doigts autant pour toi que pour moi. Et si on se retrouve un jour tous les deux à la table des dédicaces, ce serait un joli coup du destin !
Tu parles de la fin du chapitre comme étant le passage de la fugue.
En fait, ce n'est que la première partie du chapitre.
Comme j'ai l'habitude de faire des chapitres très longs, la suite est juste après. La fugue est en fait... le milieu du chapitre.
Bref, je te laisse découvrir.