Penser ne faisait que me ralentir, je secouai la tête et terminai la descente. Personne ne m’avait vu. J’arrivai dans les jardins qui bordaient l’aile du château et me faufilai sans un bruit jusqu’au bosquet le plus proche. Un rapide état des lieux me montra que je n’avais rien à craindre. Les gardes n’étaient pas là pour le moment. Mais leur ronde étant cyclique, ils n’allaient pas tarder à pointer le bout de leur nez. Sans un bruit, je m’infiltrai dans les écuries. Plusieurs gardes prenaient leur pause dans leurs quartiers. Je les entendais rire. Le moment était parfait. Je décrochai la bride de Salomon, mon cheval. Les exclamations des gardes couvrirent le bruit des sabots contre les pavés alors que je me rendis vers l’entrée sud. La sortie était évidemment gardée et les soldats m’arrêtèrent lorsqu’ils m’aperçurent.
— Majesté, héla le premier en me reconnaissant, vous ne pouvez pas…
Je ne répondis rien, me contentant de monter sur Salomon, l’air déterminé. Le second soldat positionna sa lance à la verticale. Il n’avait pas une once de défi dans le regard. Il avait peur, à juste titre.
— Si votre père apprend que vous êtes parti et que nous n’avons rien fait, il nous fera pendre, supplia-t-il.
Je passai mon index de gauche à droite sous mon menton.
— Je vous ferai pendre moi-même si vous ne me laissez pas passer…
— Je vous conjure, Majesté, ne faites pas une telle folie.
— La folie ne regarde que moi. Si vous désirez garder votre tête, votre poste, ou si vous avez des ambitions d’évolution dans l’armée, écartez-vous. N’oubliez pas que je suis votre futur roi.
Les deux soldats déglutirent en se regardant. Le premier baissa la visière de son casque et se recula. Le second mit un peu plus de temps, prenant un instant pour réfléchir sur la décision qui aurait le moins de conséquences.
— Ne traînez pas, répondit-il finalement en me laissant la voie libre. Nous ne voulons pas de problèmes.
— Vous n’en aurez pas, vous avez ma parole.
Je claquai la bride et lançai le cheval au galop. Sans un regard pour les soldats, je quittai l’enceinte du château. Je mis un certain temps avant d’atteindre l’orée de la ville. Le château était excentré et avait été pensé pour dominer la cité de toute sa hauteur. Genin s’était développée au fil des siècles jusqu’à devenir la capitale tentaculaire de Karmanie, un haut lieu de commerce où les marchands de tous horizons venaient pour tenter d’écouler des produits rares : draperies, épices, orfèvrerie. On pouvait y trouver un hall des ventes dédié principalement à la vente d’animaux nourris à l’éther. J’y allais parfois pour découvrir ces araignées aussi hautes qu’un cheval, harnachées de chaines servant à tirer des charrettes, ou des vers à soie de la taille d’un homme, revendus à prix d’or aux producteurs de tissus. L’éther avait bouleversé la vie du continent. Elle restait une forme d’énergie inépuisable, pleine de promesses, bien que depuis son apparition quelques siècles auparavant, son origine et sa vraie nature restaient un mystère. Les insectes grandissaient à son contact, alors que les mammifères et les oiseaux mouraient dans d’atroces souffrances. Les hommes devenaient fous de ces pierres bleues à l’énergie fantomatique. Depuis son apparition, une économie florissante s’était construite sur cet or bleu. C’était grâce à ce marché que l’un de mes aïeux avait bâti la dynastie Ilinburg.
Une fois passées les murailles de la presqu’île qui réunissait le cœur de la cité de Genin, je quittai mon cheval et lui donnait une tape au niveau de la croupe. L’équidé comprit le message et se retourna avant de repartir au galop en direction du château. Je m’étirai en profitant de la vue. Genin était une cité gigantesque traversée par la Moira, un fleuve puant dont les poissons des profondeurs gardaient jalousement des trésors perdus. : des palanquins ayant glissé de l’un des ponts, des butins jetés à l’eau avant que la police n’attrape les voleurs, mais aussi des cadavres qui, régulièrement, remontaient à la surface le corps bouffi et déformé. La Moira divisait la ville en deux, permettant aux riches et aux nantis du Nord de s’écarter des mendiants, des voleurs, des loqueteux et des prostituées qui habitaient les taudis du Sud. Lorsque j’entrais plus profondément dans la ville, longeant les grands axes pavés, je ne fis pas attention aux passants. Je me trouvais dans les quartiers fortunés où les grandes maisons de nobles côtoyaient des fontaines sculptées par les plus prolifiques des artistes du pays. Je marchai une dizaine de minutes au milieu des hommes en redingotes et chapeaux haut de forme et de leurs femmes munies de chapeaux de feutre. Tous me regardaient, hésitant à héler la police. Ils ne me reconnaissaient pas, camouflé sous mon déguisement de garçon des rues. J’étais comme un cafard au milieu de la fourmilière et les passants s’écartaient lorsque je croisais leur chemin. J’arrivai finalement au terminal du tramway où j’achetai un ticket pour les quartiers sud. Le contrôleur me laissa passer les grilles qui menaient au quai non sans afficher un air de mépris. Je me postai sur le bord du quai sans faire attention aux gens qui se détournaient pour ne pas croiser mon regard. Un faible tremblement de terre m’indiqua que l’animal était en train d’arriver. Le parcours du tramway était une vaste tranchée de quatre mètres de profondeur recouverte de pierres sombres qui traversait la ville de part en part en un gigantesque réseau arachnéen. La terre trembla un peu plus et j’entendis au loin le cliquetis caractéristique des pattes qui frappaient le sillon de pierres. Le tramway s’arrêta devant nous, soulevant un nuage de poussière. Il s’agissait d’une scolopendre nourrie à l’éther. Une vingtaine de mètres de long sur trois de haut, ses mandibules avaient été sectionnées pour la rendre inoffensive. Le mille-pattes géant portait sur son dos une longue série de cabines où les voyageurs pouvaient s’installer. À l’avant, trois cochers dirigeaient la bête. L’un l’orientait à droite, l’autre à gauche et le dernier tout droit en actionnant une série de manivelles qui, par un astucieux système de rouages et de pistons, faisaient descendre et remonter au niveau de la tête de l’animal des cages pleines à craquer de cristaux d’éther d’un bleu turquoise. La scolopendre, dont l’addiction aux cristaux était sans limites, se dirigeait ainsi dans un sens ou dans un autre selon la cage qu’il avait devant les yeux. Je pris place dans l’un des wagons vide et sale avant que le tramway ne reprenne sa route. J’étais pratiquement seul ce qui n’était pas une surprise. Nous nous dirigions vers les quartiers sud où aucun riche n’allait jamais. Nous traversâmes les quartiers de la ville en un rien de temps avant d’emprunter le pont spécifiquement construit pour l’appareil. La puanteur du fleuve m’emplit les narines pendant que je me penchais pour observer les eaux d’un vert maladif. La scolopendre s’engagea au milieu des quartiers sud avant de s’arrêter à la station centrale.
En quittant le tramway, je m’engageai dans les rues irrégulières et mal pavées. Nous étions bien loin du château et des belles habitations du nord. Les chemins étaient semblables à des égouts à ciel ouvert où les rats festoyaient des restes de nourritures laissées à l’abandon. Tout ici était nauséabond et mal famé. Un monde difforme, royaume de vice, de mendicité et de vagabondage. Le lieu de toutes les débauches où se côtoyaient aveugles, éclopés, boiteux, infirmes et borgnes. C’était le sein des pires voyous et criminels, des mendiants, catins et assassins. Un trou puant, boueux, sale. Une zone de non-droit où la police se battait tous les jours pour faire respecter l’ordre sous les menaces, les insultes et les échauffourées. Pourtant, je me sentais ici comme chez moi. La sécurité n’existait pas dans ce monde-là, mais je m’étais toujours senti différent, à part. Au milieu de ces gens abandonnés par le gouvernement, laissés sur le bas-côté de la vie, j’avais l’impression de revivre. Loin des diners mondains, de l’hypocrisie et des courbettes, j’étais parmi ceux qui connaissaient la valeur de l’existence, qui se battaient chaque jour pour survivre. Père s’imaginait que je ne me souciais pas du peuple, il ne pouvait pas mieux se tromper. Contrairement à lui, enfermé dans sa tour d’ivoire, j’allais naviguer au milieu des exclus de la société. Beaucoup de gens me connaissaient ici, sous une fausse identité. J’avais rencontré des veuves dont le mari était mort durant la guerre et qui avaient tout perdu, forcées de se prostituer pour nourrir les enfants qu’elles avaient sur les bras. Les pauvres qui s’étaient battus en première ligne et qui étaient revenus estropiés. Ceux à qui il ne restait plus rien, réduits à voler, à tuer pour survivre. Mon père refusait de voir cela. Ce pays se voulait rayonnant, organisant des bals et des banquets jusqu’à ce que les estomacs éclatent, les conseillers se gaussant par-derrière de ceux qui souffraient chaque jour de leurs décisions politiques. Alors non, je ne voulais pas être roi, pas pour avoir à me battre chaque jour contre des ministres dont la seule inquiétude était de ne pas perdre leur place. Genin, et à vrai dire tout le pays de Karmanie, était une bombe à retardement prête à exploser. La révolution à venir ressemblait à un grognement sourd venant des profondeurs. Être roi ne me permettrait jamais de sauver ce pays.
Les maisons en colombages n’avaient pas la prestance du Nord. Les trous étaient colmatés par des bouts de ferrailles récupérés çà et là. Des traces d’incendies étaient encore visibles sur certaines façades. S’élevant sur trois ou quatre étages, la plupart des habitations semblaient sur le point de s’effondrer. En hauteur, de larges planches posées entre les fenêtres reliaient les maisons entre elles, créant un réseau de rues secondaires. La foule était dense, immense, qu’il s’agisse de la rue ou au-dessus de nous. Certains ponts de fortune entre les habitations se pliaient sous le poids des passants. Parfois, certaines planches cédaient. Les blessés étaient souvent nombreux, les morts tout autant. Pour autant, personne n’avait jugé utile de supprimer ce réseau aérien. C’était un moyen simple de traverser les quartiers plus rapidement sans se mêler à la foule en contrebas. Les voleurs passaient leur vie en hauteur, car ils avaient plus de chance de semer leurs poursuivants. Au sol comme en hauteur, la ville grouillait de vie comme des insectes se multipliant dans l’ombre. Il fallait pouvoir jouer des coudes pour avancer tout en gardant en permanence une main sans ses poches. Régulièrement, je sursautai avant de lever les yeux. Les gens couraient sur les planches au-dessus de ma tête, sans la moindre peur de tomber. Contrairement aux beaux quartiers, le sud n’était pas éclairé par des lampadaires à éther, bien trop cher, mais par de simples torches enflammées qui projetaient sur les murs en torchis des bâtisses des ombres difformes et terrifiantes. En me faufilant au travers de la foule sans faire attention à la puanteur des rues, je ne comptai pas le nombre de filles qui tentèrent de me vendre leur prétendue vertu. Je continuai à avancer jusqu’à déboucher sur la plus grande place de la cité. Quelques mendiants installés sous une arche de pierre tendaient leurs mains dans l’espoir de recevoir quelques pièces. Je m’en éloignai, bien au courant que des voleurs n’étaient jamais loin. Les gens allaient et venaient sans se regarder, se bousculant les uns les autres dans une cohue désordonnée et bruyante malgré l’heure tardive. Une mer de visages émaciés s’offrait à moi, me laissant avancer par vagues en me glissant entre les habitants. Sur tout le tour de la place, quelques marchands ambulants vendaient quelques petites gourmandises et je repérai bien vite un homme occupé à cuire des brochettes de viande au-dessus d’un feu. Mes escapades dans les quartiers sud m’avaient appris à me méfier des vendeurs de rue. Mieux valait bien choisir pour ne pas risquer une intoxication. Certains n’avaient pas de scrupule à cuire et vendre des viandes passées. Je connaissais ce « cuisinier », il était une valeur sûre, sa viande était fraiche. Il tenait un restaurant sans prétention à deux rues de là et j’avais déjà goûté à ses plats sous les conseils de mes connaissances. Je mis les mains dans mes poches pour récupérer le peu de monnaie qu’il me restait avant de grogner bruyamment. Elles étaient vides. À peine arrivé, déjà les voleurs s’étaient occupés de moi sans même que je m’en aperçoive. Sans doute certaines personnes malintentionnées avaient dû déceler dans ma démarche que je n’étais pas du coin. J’avais faim et la perte de mon argent n’était pas une raison valable pour empêcher ma bouche de saliver.
« On est dans les quartiers sud, pensai-je. Autant faire selon les coutumes locales. ».
Je fis le tour de la place en me faufilant pour arriver derrière le cuisinier. Une bonne odeur de sauce au vin emplit mes narines et mon estomac émit un gargouilli démoniaque. Malgré le brouhaha de la rue, j’entendais les flammes crépiter au-dessus du grill et le frémissement de la graisse tombant sur les braises. Le cuisinier ne me voyait pas, occupé à alpaguer les passants pour les attirer à lui. Je me plaçai derrière lui et, d’un geste souple du bras, je saisis l’une des broches et la ramenai jusqu’à moi. Comme une ombre, je me fondis dans la foule et m’éloignai.
— Hey ! Toi ! VOLEUR !
Je sursautai. En regardant par-dessus mon épaule, je vis le cuisinier me pointant du doigt. Les sourcils froncés, la moustache arquée en pointe, il hurlait sans jamais me quitter des yeux. Pendant un instant, je ricanai. Il ne pouvait pas quitter son grill pour me poursuivre, au risque de ne perdre non pas une, mais toutes ses brochettes. Autour de lui, les gens jetaient des coups d’yeux intrigués, attendant de voir sa réaction. Ils étaient prêts à fondre sur la viande juteuse dès qu’il aurait le dos tourné. En voyant deux hommes fendre la foule, n’hésitant pas à pousser avec force ceux qui étaient en travers de leur chemin, je ravalai mon orgueil. Des hommes de main. J’aurais dû me douter que le cuisinier n’était pas seul. Sans attendre une seconde, je saisis la brochette à pleines dents et me mis à courir. Autour de moi, les cris et les grognements des passants s’élevèrent à mesure que je les bousculais. La foule était dense, informe, comme une masse opaque qui m’empêchait d’avancer. Plus je forçais le passage, et plus l’impression d’étouffement me gagnait. La masse humaine tentait de me retenir, de me bloquer. En jouant des coudes, je réussis toutefois à m’en extraire et quittai la place principale. Je posai un instant mes mains sur mes genoux pour récupérer et me retournai. Derrière moi, les deux hommes fendaient la foule. Je n’avais que quelques secondes pour réagir avant qu’ils n’arrivent à mon niveau. En levant la tête, j’observai les ponts de fortune qui formaient des passages précaires entre les habitations. En haut, je ne serai pas retenu et pourrai atteindre les toits pour m’enfuir.
« Tout ça pour une brochette, ironisai-je ».
Je regagnai ma vigueur sans comprendre pourquoi et m’élançai dans la rue. Les premières maisons étaient pleines à craquer des badauds qui allaient et venaient. Si je m’engouffrai à l’intérieur, il était évident que je me retrouverais bloqué. Elles ne m’offraient pas une voie royale pour atteindre les hauteurs. Après quelques mètres, la rue s’élargissait, facilitant le passage. Je ne faisais pas attention aux citadins qui se retournaient sur mon passage. Derrière moi, j’entendis les hommes du cuisinier me héler pour que je m’arrête. J’accélérai ma course et continuai mon chemin, brochette dégoulinante de sauce à la main, cherchant du regard une ouverture qui me permettrait d’atteindre les étages supérieurs.
— VALIRIAN !
Le hurlement me stoppa net. Mon sang se figea dans mes veines et je sentis mon estomac se nouer. Quelqu’un m’avait reconnu. Mon visage devint livide. À quelques mètres devant moi, dix gardes royaux en costume et armure rouges me barraient le chemin. Les casques d’or vissés sur leur crâne, ils avaient l’air déterminés. Derrière eux, la tête de Mettani me dévisageait. Je laissai tomber la brochette et tentai de m’enfuir, mais mon corps refusa d’obéir. La peur me paralysait. Les policiers venaient rarement dans les profondeurs des quartiers sud, par peur des guets-apens. Découvrir Mettani devant moi me surprenait autant que cela me terrifiait. S’il avait fait le chemin jusqu’ici, c’est que mon père l’avait envoyé. Ce n’était pas Lloris qui était venu à ma recherche, comme d’habitude. Là, les choses étaient plus formelles, plus directes, plus… violentes. Le regard fauve et froid de Mettani et son sourire en coin m’indiquèrent qu’il n’était pas là pour chercher le prince et le ramener au château. Non, cette fois ils étaient venus chercher un fugitif. Ses yeux ne reflétaient qu’une seule chose : je n’étais plus de la famille royale. J’avais franchi la limite. Père lui avait donné carte blanche. Ses traits étaient déformés par le désir de vengeance. Après toutes les fois où je l’avais humilié, il allait enfin prendre sa revanche.
Mon corps ne réagit que lorsque les hommes de main du cuisinier déboulèrent derrière moi et me saisirent par les épaules. Mettani afficha un air de surprise qui se refléta sur mes agresseurs quand ils découvrirent à leur tour les gardes royaux au bout de la rue. Mon corps fut parcouru d’une violente décharge et je me réveillai de mon état léthargique. J’écrasai le pied du premier homme et donnai un coup de tête au second, en plein dans la mâchoire. Ils reculèrent sous le choc et la douleur, me laissant le temps de m’engouffrer dans la première habitation qui donnait sur les étages.
— VALIRIAN ! répéta la voix de Mettani au loin. La fuite sera considérée comme trahison à la couronne ! ATTRAPEZ-LE !
Les jambes flageolantes, je me jetai dans le hall exigu avant d’enjamber les escaliers quatre à quatre. Les murs étaient sales, décrépis. La rambarde sur laquelle je m’appuyai était branlante et je manquai de louper une marche dans ma hâte. Je passai le premier et le deuxième étage où se trouvaient des appartements et montai jusqu’au troisième étage. Une arche de pierre formait une ouverture dans le mur, permettant de passer sur un pont de bois menant à un second bâtiment. Quelques personnes naviguaient au-dessus du sol sur le chemin de fortune qui ne portait de pont que le nom, car il s’agissait plutôt d’un assemblage précaire de planches gonflées par les pluies et gondolées par le passage ininterrompu. La passerelle de bois était assez large pour laisser passer une charrette et je m’y engageai en entendant les pas des soldats dans les escaliers. Il n’y avait pas de rambarde, pas de garde-fou. Courir était un risque, car je manquais de chuter au moindre faux-pas. Je ne regardai pas en bas pour ne pas laisser mon esprit être attiré par le vide. J’évitai quelques passants en slalomant et arrivai sans mal à l’autre bout du pont avant de reprendre ma course. Ils étaient dix, pour un seul homme. Envoyer autant de soldats pour venir me chercher, cela augurait du pire. J’avais déçu père, mais il n’avait jamais été réellement en colère contre moi. Ses crises légendaires avaient toujours lieu avec des ministres et des conseillers, jamais avec la famille. Sans doute en avais-je trop fait. Les pensées s’embourbaient dans ma tête, mais je me forçai à les rejeter. Je ne devais pas penser à ce qui allait m’arriver. Et pourtant… Comment échapper à père ? Même si je semais Mettani et les gardes, je finirai bien par rentrer au château un jour ou l’autre. À moins que je me cache dans les quartiers sud quelque temps, ce que j’avais déjà fait. Père en avait été si chagriné qu’il ne m’avait fait aucune remontrance. Le simple fait de me voir en vie avait annihilé toutes velléités. Pour le moment, la question était surtout de savoir comment échapper aux gardes. Je continuai à courir à en perdre haleine, bousculant les gens sur mon passage en manquant de provoquer deux ou trois accidents sur les ponts de bois. La mort n’était pas loin, elle guettait la moindre erreur pour pouvoir venir me cueillir. Je devais faire attention.
Après avoir parcouru plusieurs bâtiments, m’être élancé au-dessus du vide avec l’inconscience qui me caractérisait et jeté à la tête des soldats quelques paniers de fruits arrachés aux bras des vieilles dames, je n’avais plus le choix. Il ne me restait qu’un seul chemin possible. Au dernier étage de l’immeuble où j’avais atterri, il ne restait plus qu’un pont étroit, fragile, qui menait jusqu’au temple Pyrréen des quartiers sud. L’édifice était ancien, en pierre brute et façonnée par d’anciens sculpteurs quand cette partie de la ville n’était pas encore le taudis d’aujourd’hui. Le style baroque qui le recouvrait rendait la façade vivante. Des flammes de pierres peintes, en hommage à la déesse Pyrrée, recouvraient tout le fronton et montaient en un gigantesque brasier plus vrai que nature jusqu’au beffroi. Dans la tour brûlait un feu sacré, véritable celui-ci. L’éclat du brasero était si intense qu’il pouvait être vu à plusieurs kilomètres. Les membres du clergé dont faisait partie mon frère avaient la lourde tâche de maintenir en vie ce feu ardent et de transmettre cette charge aux générations à venir.
« Soit je tombe, soit je brûle, soit Mettani me met la main dessus, ironisai-je en contemplant le toit d’ardoises sombres du temple avant de m’engager sur la passerelle de bois ».
Avant que la dynastie Ilinburg ne reprenne les rênes du royaume, Genin avait connu une grande période de famine. Par désespoir, la plèbe s’était réunie aux portes du temple autant pour prier Pyrrée que pour conspuer la déesse qui avait abandonné son peuple. Les moines s’étaient cloitrés à l’intérieur, de peur que la foule ne s’en prenne à eux. Le pont de bois avait été construit depuis, afin de leur permettre de s’enfuir si une situation similaire venait à se reproduire. Lorsque je m’engageai sur ce passage, les planches vétustes grincèrent en se pliant sous mon poids. Je fermai les yeux en m’immobilisant et serrai les poings comme pour tenir une corde invisible. Après quelques secondes de répit où mon cœur s’emballait, j’entendis derrière moi les cliquetis des armures des soldats. Je rouvris les yeux en m’engageant plus loin sur le pont. Pour je ne sais quelle raison, les planches étaient glissantes et je devais faire attention au moindre de mes gestes. L’immeuble d’où je venais était moins haut que le toit du temple, si bien que la passerelle montait en un angle dangereux. Malgré tout, mon désir d’échapper aux griffes de père me poussa à continuer mon ascension sur plusieurs mètres.
— Valirian, cessez votre folie, vous allez vous tuer !
Je me retournai avec précaution. Au bord de la plate-forme, les gardes s’amassaient. Derrière eux, Mettani me fixait d’un air étrange. Il était en colère, mais son visage était d’une pâleur si extrême qu’il ressemblait à un fantôme. Il était terrorisé à l’idée qu’il m’arrive quelque chose. Père ne lui pardonnerait jamais le moindre accident. Je ne répondis pas et me contentai de reculer sans le quitter des yeux. Mes pieds étaient hésitants tant la largeur des planches était ridicule. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine et j’étais couvert de sueur. Je m’aperçus que je respirai bruyamment, comme une bête acculée. Je m’arrêtai quelques secondes pour calmer les tambours qui hurlaient en moi et me retournai à nouveau en direction du temple. En quelques enjambées, j’avais déjà parcouru la moitié de la passerelle. Il ne me restait qu’une dizaine de mètres.
— Majesté ! s’écria Mettani dont la voix s’était étranglée, revenez doucement vers nous. Le roi s’inquiète. S’il vous arrivait la moindre égratignure…
— Il vous ferait trancher la tête, coupai-je sans quitter le brasero géant qui illuminait le ciel noir.
Mettani ne répondit rien. Il savait que j’avais raison. Je jouais ma vie, mais également la sienne, et celle de tous les soldats réquisitionnés pour me récupérer.
— Vous n’avez qu’à venir me chercher, repris-je d’un ton méprisant. Comme le bon petit chien que vous êtes. Je ne descendrai pas d’ici. Père peut penser ce qu’il veut de moi.
Je jetai un œil par-dessus mon épaule et, d’un mouvement précautionneux, fis un geste obscène de la main en direction des gardes. J’eus tout juste le temps d’apercevoir le visage de Mettani virer au pourpre avant de perdre mon équilibre. J’écartai les bras pour me stabiliser en retenant ma respiration. Par inadvertance, je regardai en bas. Les charrettes avaient la taille de jouets et les gens n’étaient que des silhouettes agglutinées les unes aux autres. Le vide m’attira et je réprimai un haut-le-cœur avant de relever la tête. Les planches se tordirent dans un hurlement sinistre. Je n’eus pas besoin de me retourner pour savoir que Mettani avait ordonné aux gardes de venir me chercher. Je n’avais plus beaucoup de temps. Je ne savais pas non plus si le pont serait assez résistant pour tous nous soutenir. Il fallait que je déguerpisse et vite. Après un instant de calme qui me permit de reprendre un peu de courage, je continuai mon ascension en posant un pied devant l’autre, m’arrêtant régulièrement pour retrouver mon équilibre. Au bout d’un temps qui me parut interminable, je posai enfin le pied sur le toit d’ardoises du temple. J’épongeai mon front à l’aide de ma manche et observai les dix gardes qui avançaient les uns derrière les autres avec une infinie précaution. Tout au bout, Mettani suivait, peu confiant. Le pont s’arquait dans un angle qui m’inquiéta. Il était prêt à craquer. Malgré le brasier qui brûlait non loin de moi, je pouvais entendre les planches grincer en se tordant sous le poids des gardes. Sans leurs armures, le poids serait moindre, mais leur serment les obligeait à les porter, quelles que soient les circonstances. J’étais comme hypnotisé et restai au bord du toit sans bouger. Soudain, un craquement dans le brasero me réveilla et je me rappelai brusquement qu’ils étaient à ma poursuite. En scrutant le toit, je découvris une porte qui menait à l’intérieur du temple et me ruai dessus.
— Je suis mort, maugréai-je en découvrant qu’elle était fermée à clé. Je n’avais plus aucun moyen de m’échapper.
Derrière moi, j’entendis les soldats soupirer de joie. Ils étaient arrivés sains et saufs. Leurs bottes claquèrent contre les ardoises et je les fixai dans un signe de défi. De larges morceaux de charbon parsemaient le toit, souvenirs de braises incandescentes expulsées par les flammes.
— Ça suffit, soupira Mettani à bout de souffle en tentant de reprendre sa respiration. Cette fois ça suffit. Votre père a été bien trop clément avec vous, cette fois, ça ne passera pas.
Il s’écarta légèrement du bord et s’avança d’un pas vers moi.
— Et qu’est-ce que tu en sais ? répondis-je d’une voix hargneuse. Je dirai à père que vous m’avez poussé sur ce toit et que j’ai risqué la mort par votre faute.
Mettani se mit à hurler en m’insultant. Sa réaction fut si violente que j’ouvris des yeux ronds.
— Mais pour qui vous prenez-vous à la fin ? Vous pensez que votre rang vous donne tous les droits ? Vous n’êtes qu’un enfant gâté Valirian. Un gamin qui refuse toute autorité. Vous avez de la chance que votre père soit le roi, sans quoi je vous aurais déjà planté la tête dans un bac de purin jusqu’à ce que vous compreniez que ce n’est pas vous qui commandez.
Je restai sans bouger, interdit. Mettani n’était qu’un ancien soldat monté en grade et qui avait fini à la cour royale. Il venait d’outrepasser tous ses droits. Je l’avais humilié et rabaissé depuis tant d’années que désormais, la coupe était pleine. Il explosait.
— C’est la confiance que je porte en votre père qui m’interdit de porter la main sur vous, reprit-il tandis que la colère déformait les traits de son visage. Si vous n’étiez pas prince de ce pays, je vous jetterais sans remords du haut de ce toit pour enfin me débarrasser de vous. Déesse ou pas, vous ne méritez même pas de fouler ce temple de vos pieds. Vous n’êtes qu’un empoté, un incapable, un poltron, un pleutre !
Autour de lui, les soldats lui jetaient des regards intrigués. Ils étaient aussi estomaqués que moi en découvrant la réaction de Mettani. Un nouveau craquement de braise me réveilla du choc. Pendant un instant, je tournai la tête vers le brasero. Sous le charbon et les buches de bois, des cristaux d’éther alimentaient les flammes. Ils avaient l’étrange propriété de permettre au feu de se consumer plus lentement. Si l’on faisait attention, on pouvait apercevoir quelques pointes d’un bleu turquoise au milieu du brasier rougeoyant. Les flammes s’élevaient dans la nuit et même en retrait, je pouvais sentir leur chaleur me frôler la peau.
— Vous êtes un homme mort, me contentai-je de dire en portant à nouveau mon attention sur mon garde du corps. Père vous fera décapiter pour ce que vous venez de dire.
— Ce sera un soulagement, me cracha-t-il au visage. Cela fait des années que je suis mort de l’intérieur, à me tuer à la tâche pour vous « protéger ». Vous ne serez jamais roi, en effet. Vous n’en avez ni la grandeur, ni le mérite, ni les capacités. Vous ne valez pas mieux que les vauriens qui grouillent dans ces quartiers. Que votre père me coupe la tête si ça lui chante, j’aurai fait de mon mieux jusqu’au bout. En ce qui vous concerne, au vu de la réaction qu’a eue Sa Majesté en apprenant votre fuite, je doute que vous puissiez remettre un pied au palais. Vous avez été définitivement rayé de la dynastie Ilinburg.
Mon cœur s’arrêta. Père avait-il fait cela ? M’avait-il réellement supprimé de l’arbre de vie de notre famille ? Non, il n’en était pas capable. Il espérait trop que je monte sur le trône. Mettani bluffait.
— Impossible, dis-je en fronçant les sourcils. Père ne ferait jamais ça.
Mettani ricana. Il avait l’air si sûr de lui.
— Gardes, lançai-je à l’attention des soldats. Repos. Je vais rentrer au château pour mettre cette affaire au clair. Je ferai en sorte que votre paie soit augmentée pour avoir tenté de me ramener sans me faire mal. Mais sur ordre de votre prince et futur roi, saisissez-vous de Mettani. Il devra répondre de l’outrage qu’il vient de prononcer envers un membre de la famille royale.
Aucun des soldats ne fit le moindre mouvement. Mon échine se hérissa tandis qu’un éclair froid me parcourut la nuque.
— Saisissez-vous de lui, répétai-je d’un ton hésitant.
Les gardes restèrent immobiles. Ils n’obéissaient qu’à un membre de la famille royale ou aux ordres de leur commandant. Mettani avait été chargé par le roi en personne de me récupérer. Ils suivaient donc ses ordres. Mais j’étais prince. Ils devaient m’écouter.
— Tu n’es plus prince d’Ilinburg, articula Mettani distinctement.
La phrase me fit l’effet d’un coup de poignard et je sentis mon ventre se tordre de peur. J’ouvris la bouche pour prononcer une phrase cinglante, mais rien ne me vint à l’esprit. Je restai muet de terreur. Ma voix était coincée dans le creux de ma gorge, formant une boule inconfortable qui me serrait le cou. Alors que la situation ne pouvait pas être pire, Pyrrée acheva de détruire ma destinée. Le feu immortel qui brûlait dans la vasque du beffroi émit un dernier craquement sonore et les bûches s’effondrèrent sur elles-mêmes. Des particules incandescentes s’envolèrent dans le ciel dans un tonnerre de feu et je vis distinctement l’énorme braise s’envoler en formant un arc de cercle parfait avant de venir frapper le casque du soldat le plus proche de moi. Il sursauta de surprise en agitant les bras comme une marionnette emmêlée dans ses fils. Il y eut une seconde de flottement pendant laquelle il tenta de garder son équilibre avant de s’effondrer sur le toit en pente. Il bouscula derrière lui deux des soldats qui chutèrent à leur tour. Dans un effet boule de neige, les deux derniers gardes furent emportés à leur tour, puis ce fut le cas de Mettani et du reste des hommes de mon père. Autour de moi, le temps s’était arrêté. Je les voyais chuter sans réagir, la surprise et l’horreur pétrifiant chacun de mes muscles. Les cris de surprise se muèrent en hurlement de peur tandis qu’ils se raccrochaient les uns aux autres dans l’espoir d’échapper à la mort. Se liant ainsi comme une corde humaine, ils ne faisaient qu’accélérer la fin. Les bras battant l’air, le visage déformé par la peur et l’étonnement, le regard de Mettani croisa le mien. Ce fut une image qui ne me quitta plus jamais. Toute trace de haine avait disparu. Ses yeux n’appelaient pas à l’aide. Il me fixait sans vraiment me regarder. Durant la fraction de seconde où il me dévisagea, il n’était pas vraiment là, comme si la mort l’avait déjà emporté. Sa bouche ouverte trahissait l’horreur qu’il se refusait à voir. Les corps s’agglutinèrent en un amas de membres informes qui roula jusqu’au bord du toit. Un quart de seconde plus tard, ils heurtèrent la passerelle de bois qui se brisa enfin et disparurent. J’entendis les cris perdre en intensité durant la chute avant qu’un claquement sourd ne s’élève jusqu’à moi. Tout en bas, les hurlements de la foule se répandirent à travers les rues comme une trainée de poudre. J’étais pétrifié. J’avais cessé de respirer et l’intégralité de mon corps refusait de bouger. Mes mains étaient moites. J’étais incapable de faire le moindre pas, encore moins de m’avancer au-dessus du vide pour observer les corps en contrebas. Je fus pris d’un hoquet et réalisai que les larmes ruisselaient le long de mes joues. En un instant, Mettani et les gardes étaient morts. J’avais fui. Je les avais forcés à me pourchasser. J’avais mis leur vie en danger en me croyant invincible. Maintenant, j’étais responsable. Coupable. Le pont de bois s’était effondré. La porte menant à l’intérieur du temple était toujours fermée. Je n’avais plus aucun moyen de fuir. Je n’en avais de toute manière pas la force. Mon corps fut pris de tremblements et je m’assis avant de placer la tête entre mes genoux. J’éclatai en sanglots.
Cette fois, je n’avais aucun moyen de me racheter. Père ne serait pas simplement furieux, il allait m’exclure, m’exiler, me renier. Ni mes colères, ni mon humour douteux, ni mon orgueil ne pouvaient me sortir de là. J’avais tué Mettani et dix gardes. Mon statut de prince ne pouvait plus me protéger.
Je restai assis là un temps qui me parut une éternité. La tête entre les genoux, je n’osais pas bouger, de peur de provoquer un autre accident ou pire, de tomber moi-même. J’entendis dans la rue les voix sourdes et étouffées de passants qui s’étaient rassemblés autour des corps. Les cris de surprise se mêlaient aux murmures et aux pleurs. Les tintements des cloches de la police me parvinrent aux oreilles. Les agents délimitèrent le périmètre et firent évacuer la rue. Au bout d’un long moment, la porte du toit s’ouvrit. J’entendis les pas des agents s’approcher de moi. Je sentis des mains fermes me saisir. J’étais incapable de réagir.
À partir de cet instant, ma vie ne fut plus jamais la même.
Ok, je comprends beaucoup mieux le rythme si ces deux chapitres n'en font en fait qu'un seul. C'est un peu trompeur, du coup : pourquoi ne pas les avoir publiés sous le même nom ? Enfin, ça explique que je trouvais la fin du précédent un peu trop floue, puisque ce n'était pas une fin :)
Et là, le rythme est parfait : j'ai dévoré sans reprendre ma respiration !
Bon, je souffle et j'essaie d'être plus constructive...
J'ai un petit doute sur l'histoire du cheval et du passage aux écuries : je comprends bien que tu aies besoin de ça pour qu'on s'aperçoive de sa fugue, mais comme il renvoit très vite le cheval (et qu'il ne prévoit donc pas de l'avoir au retour), je me suis dit que ce n'était peut-être pas nécessaire de prendre le risque d'être repéré aux écuries s'il peut faire le trajet à pied ! Bref, j'ai un petit doute sur la vraisemblance (mais je cherche la petite bête, hein).
J'ai beaucoup aimé ta description de la ville coupée en deux et aussi du tramway avec la scolopendre géante qui marche à l'éther ! Je ne sais pas bien ce que c'est que l'éther, mais j'ai compris que c'était une matière un peu magique très importante dans ton univers. Intéressant !
A l'arrivée dans la ville, il y a de nouveau une introspection sur l'hypocrisie des ministres et la façon de gouverner de son père, trop loin du peuple, etc... ce qui me conforte dans mon opinion que tu pourrais supprimer celles du chapitre précédent (surtout si en fait, le 1 et le 2 n'en forment qu'un). Je pense que celle-ci suffit pour bien faire comprendre l'état d'esprit de Valirian.
Et ensuite, le rythme accélère d'un coup avec le vol de la brochette, la poursuite que Valirian prend un peu à la rigolade, et surtout l'irruption de Mettani et des gardes royaux.
Franchement, toute l'action est super bien menée ! C'est vraiment haletant, la tension est parfaite. On situe très bien qui est où et qui fait quoi, c'est clair et précis. On comprend que Valirian ne rigole plus du tout, d'une part à cause du danger des passerelles glissantes, et aussi parce que Mettani tient enfin l'occasion de lui faire payer des années d'humiliation ! Je l'avais vu venir mais je ne pensais pas que ce serait si rapide (et que Mettani aurait un rôle si court XD).
Valirian continue à se croire intouchable jusqu'au bout et la chute (au sens figuré pour lui) est rude !
Quant à la phrase de fin, elle donne une furieuse envie de découvrir la suite !
Du coup, je pense que le chapitre gagnerait à être un peu resserré dans sa première partie (notamment les introspections de Valirian), pour mieux laisser la seconde partie faire son effet.
Comme j'ai l'habitude de le faire, je t'ai encore fait mes petites remarques et pinaillages sur la forme. Mais je me rends compte que c'est inutile parce que c'est un premier jet. Pas grave, peut-être que ça te servira un jour ;)
"Les exclamations des gardes couvrirent le bruit des sabots contre les pavés alors que je me rendis vers l’entrée sud." : je mettrais plutôt "alors que je me rendais" (alors que donne une notion de continuité comme pendant que)
"Je ne répondis rien, me contentant de monter sur Salomon, l’air déterminé." : peut-être que quelqu'un qui a l'habitude de l'équitation dirait plutôt "me contentant de monter en selle" (yep, c'est du surpinaillage, je fournis aussi ce service XD)
"bien que depuis son apparition quelques siècles auparavant, son origine et sa vraie nature restaient un mystère." : je pense qu'il y a un problème de concordance des temps. Il me semble qu'après "bien que", le subjonctif est requis. Peut-être "son origine et sa nature soient restées un mystère" (ou "fussent restées" selon que tu emploies le subjonctif imparfait ou présent, les deux étant admis dans un récit au passé)
"Lorsque j’entrais plus profondément dans la ville, longeant les grands axes pavés, je ne fis pas attention aux passants." : Lorsque j'entrai
"Le parcours du tramway était une vaste tranchée de quatre mètres de profondeur recouverte de pierres sombres qui traversait la ville de part en part en un gigantesque réseau arachnéen." : je trouve que "traversait de part en part" et "réseau arachnéen" ne sont pas très accordés. Pour moi, ça donne deux visions différentes
"Nous nous dirigions vers les quartiers sud où aucun riche n’allait jamais. Nous traversâmes les quartiers de la ville en un rien de temps avant d’emprunter le pont spécifiquement construit pour l’appareil." : répétition de "quartiers" (évitable, je pense ;) ) Et on le trouve encore 2 lignes plus bas.
"les conseillers se gaussant par-derrière de ceux qui souffraient chaque jour de leurs décisions politiques." : pas sûre que le "par-derrière" soit nécessaire, et ça alourdit la phrase, je trouve
"Les maisons en colombages n’avaient pas la prestance du Nord." : les maisons à colombages
"Sur tout le tour de la place, quelques marchands ambulants vendaient quelques petites gourmandises" : répétition de "quelques"
"Derrière moi, les deux hommes fendaient la foule." : tu as déjà utilisé plusieurs fois cette expression
"Elles ne m’offraient pas une voie royale pour atteindre les hauteurs." : cette phrase n'est pas utile à mon avis. On a déjà compris l'idée avec la phrase précédente et elle casse un peu le rythme car elle est très "déclarative"
"Ses yeux ne reflétaient qu’une seule chose : je n’étais plus de la famille royale." : je trouve dommage de l'écrire ici en toutes lettres (même si ce n'est pour l'instant pas une vérité dans son esprit), alors qu'ensuite la question se pose réellement et qu'elle change carrément la donne (quand les gardes refusent d'obéir à Valirian). Tu pourrais mettre directement "Ses yeux ne reflétaient qu’une seule chose : j'avais franchi la limite."
"et je manquai de louper une marche dans ma hâte." : manquer/louper, ça fait un peu redondant, je trouve. Peut-être "et je faillis louper une marche" ? Ou "et je manquai de trébucher" ?
"Courir était un risque, car je manquais de chuter au moindre faux-pas." : il y a un problème de sens. Je mettrais soit "car je manquais de chuter au moindre pas", soit "car je pouvais chuter au moindre faux-pas" (s'il manque de chuter, ce n'est pas encore un faux-pas) (oui, c'est encore du surpinaillage XD mais vu ton écriture, si je ne pinaille pas, je n'ai rien à dire !)
"Père en avait été si chagriné qu’il ne m’avait fait aucune remontrance. Le simple fait de me voir en vie avait annihilé toutes velléités." : chagriné me paraît un peu faible compte tenu de l'événement et de la réaction du père.
"La mort n’était pas loin, elle guettait la moindre erreur pour pouvoir venir me cueillir. Je devais faire attention." : comme plus haut, la seconde phrase me paraît superflue et trop évidente. Vu que tu parles de risque de mort juste avant, on se doute bien qu'il doit faire attention ;)
"Après avoir parcouru plusieurs bâtiments, m’être élancé au-dessus du vide avec l’inconscience qui me caractérisait et jeté à la tête des soldats quelques paniers de fruits arrachés aux bras des vieilles dames, je n’avais plus le choix." : je ne crois pas que tu puisses éludé l'auxiliaire avant "jeté", car ce n'est pas le même que celui du verbe précédent. Il faudrait soit écrire "et avoir jeté", soit déplacer ce passage après "avoir parcouru"
"Il ne me restait qu’un seul chemin possible. Au dernier étage de l’immeuble où j’avais atterri, il ne restait plus qu’un pont étroit," : deux fois "il ne restait plus que"
"Pour je ne sais quelle raison, les planches étaient glissantes et je devais faire attention au moindre de mes gestes." : j'enlèverais "Pour je ne sais quelle raison" qui casse un peu le rythme.
"Je m’aperçus que je respirai bruyamment," : je respirais
"Cette fois ça suffit. Votre père a été bien trop clément avec vous, cette fois, ça ne passera pas." : répétition de "cette fois"
"C’est la confiance que je porte en votre père qui m’interdit de porter la main sur vous" : répétition de "porte/porter"
"Mon échine se hérissa tandis qu’un éclair froid me parcourut la nuque." : me parcourait (même remarque que plus haut : tandis que implique une notion de continuité)
Du coup, je vais aller voir du côté de l'Ombre mécanique, pour continuer à découvrir ton univers, et pour te faire des commentaires plus utiles ;)
Ah oui, par rapport à ta réponse à mon commentaire précédent : tu m'étonnes que ce serait sympa de dédicacer à la même table XD !
A+