Chapitre 1 - Le souffle de Myrin

Notes de l’auteur : Myrin, paisible village de pêcheurs, vit ses derniers instants de tranquillité. Une force ancestrale, l'Odre, s’éveille, révélant à Erian que son monde n’était qu’illusion. Premier chapitre de ma saga de dark fantasy, L'Âge des Fragments, dans l’univers de Valdris. Destinée aux adultes, l’histoire explore des thèmes sombres et matures. Merci de votre lecture et de vos retours pour m’aider à faire grandir cette aventure.

Myrin, petit village niché entre falaises abruptes et mer grise, semblait figé dans un souffle suspendu. Ici, les légendes glissaient au creux du vent, mais les hommes préféraient le silence --- un silence plus lourd que la tempête la plus sombre.

Erian se souvenait du jour où Serra lui avait appris à réparer les filets. "Tu réfléchis trop", avait-elle dit en riant, ses mains agiles nouant les mailles. "Parfois il faut juste faire confiance à ses mains." Jarn avait acquiescé, ajoutant de sa voix grave : "La mer t'apprend ça. Elle ne pardonne pas l'hésitation."

"Tiens-toi droit, petit frère", lui répétait Serra en ajustant ses filets. "Sinon le vent te pliera comme un roseau." Erian levait toujours les yeux au ciel, mais il s'en souvenait à chaque rafale.

Elle fredonnait toujours le même air en travaillant --- cette mélodie que leur grand-mère chantait, cette berceuse qui endormait Erian enfant. La même berceuse qui endormait Erian enfant, quand les cauchemars le réveillaient.

À l'aube, la brume s'étirait encore sur les toits de chaume. Les barques reposaient, immobiles, bercées par une mer d'huile. Dans les ruelles étroites, les pas lourds des pêcheurs froissaient l'herbe mouillée tandis que les premières flammes dansaient sous les foyers.

Erian avançait lentement, les mains enfouies dans ses poches, le regard fixé vers l'horizon terne. Un souffle froid, étrange pour la saison, effleurait sa peau. L'air avait un goût métallique, inhabituel. Comme avant la grande tempête de ses huit ans --- celle qui avait emporté les Vernet.

--- Tu traînes encore, gamin ? gronda une voix rauque.

Serra passa à ses côtés, souriant malgré l'inquiétude qui assombrissait ses yeux.

--- Il cherche cette mer qui s'est tue, murmura-t-elle. Écoute... même les vagues ont cessé de murmurer.

Jarn s'approcha, essuyant machinalement ses mains sur son pantalon --- un geste nerveux qu'Erian lui connaissait depuis l'enfance. Toujours trois fois, jamais deux. Une manie que papa trouvait amusante.

--- Ce silence n'est pas--- --- Tu crois qu'on ne le sait pas ? coupa Jarn. Les mouettes ont disparu depuis trois jours. Et regarde la mer... elle ne bouge plus.

Au bord de la falaise, Erian s'immobilisa, scrutant l'abîme où la mer semblait retenir son souffle. Il inspira profondément, cherchant le goût familier du sel. Mais ce qu'il perçut le glaça : un vide oppressant, comme si la vie s'était retirée. L'odeur lui rappela celle des filets oubliés sur la grève --- morte, stagnante.

De sa cabane sombre, Toras apparut lentement, sa barbe blanche flottant au vent. Il tapotait nerveusement sa canne contre sa jambe.

--- Mes ancêtres parlaient de ces signes, murmura-t-il, sa voix chevrotante portée par le vent. Quand la mer se tait, quand l'air a ce goût de cuivre... c'est que quelque chose se réveille.

Près du feu, une vieille femme recroquevillée souffla, fataliste :

--- La Marée Silencieuse approche. Mon père appelait ça le "Souffle". Ma grand-mère disait "Odre"... Elle cracha dans les flammes qui grésillèrent. Peu importe le nom. Ça tue pareil.

Cette nuit-là, la mer se retira brutalement, dévoilant un sable luisant sous la lune. Un brouillard épais s'étendit sur Myrin, et une odeur métallique envahit l'air. Des cris perçants déchirèrent l'obscurité, puis un silence absolu --- mais pas l'absence de son. Quelque chose de différent. Un silence qui écoutait.

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