Le train avait quitté la gare de Drev à 7h45 et il lui faudrait encore une heure et demie avant d'atteindre Poléon.
Léandre avait tout d'abord envisagé de profiter de ce laps de temps pour poursuivre une activité interrompue précipitamment le matin même : dormir. Le wagon privé où il se trouvait offrait pour cela tout le confort nécessaire. En plus du fauteuil dans lequel il était assis, l'avant-bras posé sur l'accotoir, soutenant son menton et ses rêveries d'un poing fermé, l'espace abritait deux banquettes bergères, se répondant de part et d'autre d'une table basse à pattes de lion, où tremblotait une tasse de café noir. Plus appropriée encore, derrière la cloison contre laquelle s'appuyait le dos sombre d'un piano droit – pesant et silencieux compagnon de voyage – se trouvait une chambre. Étroite certes, mais au matelas neuf et aux draps toujours frais, où Léandre avait déjà allongé plusieurs heures de sommeil lors de précédents trajets. D'ordinaire, la métronomie ferroviaire avait sur lui des vertus apaisantes. La tête calée sur l'oreiller et le corps comme étendu le long des rails, la berceuse mécanique entraînait son être entier dans son mystère et son abandon simple et sans danger.
Ce matin-là néanmoins, il allait de soi que les circonstances étaient toutes différentes. Tandis que ses yeux glissaient sans attache le long d'un paysage rougi d'automne, aux contours incertains, son regard restait rivé sur ses agitations intérieures. Son estomac s'était comme retourné sur lui-même, rendant le café imbuvable et ses effluves incommodantes. L'amertume rance de sa dernière cigarette écœurait encore ses lèvres. Le trajet lent et tranquille, vallonné de brumes, qui le menait à la capitale ne le soulageait en rien. Il redoutait son arrivée à Poléon. Tous les muscles de son dos lui tiraient, rigides, trahissant ses craintes, et il sentait, dans la nuque et le long des épaules, un entrelacs de nerfs serrés durant la nuit. Léandre savait qu'il ne pouvait plus arrêter ce qu'il avait mis en marche en montant dans ce train.
Il faut dire que sa décision de la veille l'avait lui-même surpris. Un mot simple, sans tournure, presque un ordre, poliment travesti en une phrase, passant d'une main à la sienne. Ce mot bref, froissé, sans émotion, sans appel, ce mot d'un froid détachement s'était inscrit douloureusement en lui. Il avait eu le pouvoir absurde, illogique et démesuré d'ouvrir un vide dans son ventre et un vertige dans sa poitrine.
« J'ai besoin que tu me fasses parvenir des fonds. 3.000H devraient suffire. »
La note n'était pas signée mais Léandre n'avait pas besoin qu'elle le soit pour savoir de qui elle émanait. La graphie seule, hâtive et désordonnée, le renseignait sans qu'il soit nécessaire d'en déchiffrer le message. Ce dernier était tout aussi caractéristique de son expéditeur : une missive raide, matérielle, sans aucune considération pour son destinataire. D'ailleurs, elle ne lui avait pas été directement adressée. C'était à Enora que leur majordome avait apporté l'enveloppe tachée. Ce n'était pas la première qu'elle recevait, et le contenu restait d'une teneur égale. Mais cette fois-ci, Léandre avait pris la décision de s'en charger lui-même. Il prendrait le premier train pour la capitale dès le lendemain et il irait parler à son frère.
Enora n'avait discuté de rien mais, comme à son habitude, elle avait assuré la logistique nécessaire à ce voyage. Sans elle, il le savait pertinemment, les cheminots n'auraient pas été prévenus à temps de l'ajout du wagon privé à la composition du train, il aurait voyagé au mieux dans un compartiment, au pire en seconde classe et, arrivé à Poléon, il lui aurait fallu prendre un taxi jusqu'à l’hôtel Eirlys où il aurait, à coup sûr, affolé les domestiques non avertis de sa venue. Dans un sourire adressé à lui seul, il savoura sa chance de l'avoir pour épouse.
Une irrégularité sur les rails fit claquer sa mâchoire contre sa main et détacha ses pensées du visage et des chignons bouffants d'Enora. Il baissa les yeux et ses doigts se serrèrent plus fort, l'espace d'un instant, sur le mot froissé, roulé en boule contre sa paume, dont il n'avait pas su se défaire depuis la veille.
Il allait parler à son frère.
Les deux hommes ne s'étaient pas retrouvés en présence l'un de l'autre depuis près de trois mois. Leurs rapports avaient toujours comporté une part d'animosité variable dont les causes et les conséquences n'avaient jamais été clairement établies entre eux. Cela tenait, en majorité, à la personnalité même d'Andrea, violente et souvent anarchique, irritée et irritable, alors même que Léandre avait l'impression de passer sa vie à chercher comment maintenir ce tempérament dans les limites de la norme, ou du moins de la décence. Constamment à adoucir les angles, faire des concessions, tenter de ramasser les éclats de voix, de relier les gestes brusques, d'atténuer les douleurs et les châtiments, de ménager le criminel et le bourreau. Plus il s'y employait, plus Andrea s'appliquait à lui rendre la tâche difficile. Un sacrifice que Léandre percevait distinctement comme tel, mais dont le choix, l'acte et la finalité ne lui appartenaient pas entièrement. Sans doute se trouvait-il ici, à cet instant, par cette même injonction secrète et profonde à laquelle il ne pouvait se soustraire qu'en apparence et à laquelle il cédait contre son gré. Mais aujourd'hui, Léandre ne savait pas ce qu'il trouverait en arrivant chez lui. L'équilibre, peu conventionnel et abusif, que les deux frères entretenaient, dans quel état serait-il rendu après plusieurs mois de silences blessants, d'agressivité larvée, de reproches amers, injustes, ravalés sans mâcher ? Quoi qu'il en soit, c'était de nouveau à lui de se déplacer et de tenter de réparer ce qui ne voulait pas l'être.
D'un geste absent, Léandre porta la note manuscrite contre sa bouche, cherchant en elle une présence, quelques intentions plus douces et favorables. Fraternelles. Il connaissait pourtant la force cruelle d'Andrea, sa capacité remarquable à s'enfoncer toujours plus profondément dans ses frustrations, dédaignant les portes qu'on laissait ouvertes pour lui, crachant sur la dernière main tendue. Son âme têtue acceptait sans frémir les situations auxquelles il la contraignait ; elle s'y attachait avec fureur. Ni la solitude, ni le manque, ni le sang, ni l'amour, ne suffisaient à le faire sortir de ses exils volontaires, de ses démissions pour venir proposer un pardon, une trêve, un regard. Tout cela, c'était à lui, Léandre, de l'entreprendre. À lui de sauter dans un train et d'arriver penaud, armé de sa seule sincérité et de son âme nue, offerte comme fautive.
Mais pourquoi cette fois, pourquoi maintenant ? Qu'avait ce message pour être celui de trop, celui qui réclamait une réponse ? Ce n'était ni un appel, ni une invitation ; exactement comme les précédents. Il ne témoignait aucune peine, aucun affolement, ni même la moindre inflexion ou affection qui pourrait laisser croire qu'une occasion, quelque part, se présentait. Peut-être était-ce la somme réclamée qui, quoique dérisoire compte tenu de la fortune familiale, laissait penser qu'il s'était encore mis dans une situation délicate et litigieuse. Mais cela non plus, ce n'était pas une nouveauté en soi. Pourquoi cette fois, pourquoi maintenant ?
La question se posait, insistante, et à défaut de réponse, Léandre ne voyait plus que deux aboutissements possibles : une réconciliation ou la rupture irrévocable. L'enjeu était élevé, mais il n'était pas certain de comprendre laquelle de ces deux issues il espérait en débarquant ainsi à l'improviste. Était-ce donc cela qui le poussait vers Andrea ? Le désir de se défaire définitivement de ce frère et de sa souffrance ? Ou bien était-il arrivé au terme de son endurance dans cette guerre de position, et que c'est l'armistice au cœur qu'il se rendait à la capitale ?
Ce message, aussi dérisoire soit-il, serré dans sa main maintenant posée contre sa poitrine, pesait de tout son poids. Léandre en avait le souffle coupé.
Comment pouvait-il seulement oser imaginer qu'un lien pareil, un lien innommable, trop grand pour tenir dans l'adjectif fraternel – ou bien alors qui revêtait le réel sens d'un mot galvaudé, qu'un tel lien, donc, puisse être rompu ? Tout ce qui le distendait, l'affectait, le déchirait ne faisait que le fortifier, qu'accroître son emprise et son enracinement dans la blessure qu'il imposait. Un haut-le-cœur passa ses lèvres, comme si son corps se trouvait incapable de contenir cette vérité, qui était pourtant une vérité de corps autant qu'une vérité de cœur, mais qui le dépassait tout entier lorsqu'il était seul à la porter.
Il ferma les yeux. L'angoisse lovée dans ses entrailles y ronronnait à présent. Presque aussi rassurante qu'une vieille amie. Elle remplissait le vide, accompagnait son souffle. Le plaisir du manque et de l'affection inquiète. Il se sentait équilibriste au-dessus de l'abîme. Chaque goutte de son sang trop lourd pressentant la chute, la redoutant avec ivresse. Le poids, ce poids, c'était l'amour.
Le train s'arrêta le long des quais de la gare centrale, s'échouant dans un soupir, puis un sifflement soulagé. Les passagers se déversèrent dans une agitation soigneuse. De la hâte, des émotions, des retrouvailles, sous la lumière d'or des verrières du grand hall. Léandre resta encore un moment assis, immobile dans le fauteuil, incapable de s'en séparer. La tête lourde de sa propre confusion, il resta, fébrile, à regarder le quai se vider de son tumulte. Il écouta les rires, les éclats de voix et les bousculades s'éloigner vers les artères de la ville impériale. Leurs contours singuliers se confondaient comme à la surface de l'eau. Le vert de bleu, les froissements d'étoffes, le cuir lustré des bagages et les écharpes laineuses des cheminots s'écoulaient entre le blanc lisse des piliers de la gare, au rythme des retards et des adieux. Les yeux de Léandre ricochaient sur le corps de la foule, y cherchant un point fixe, comme un vivant repère que le courant n'aurait pas emporté. Un homme qui ne serait pas pressé, qui prendrait le temps de regarder sa montre, avec un journal sous le bras et une cigarette au bout des doigts. Il se prit à lui imaginer un visage bien précis, et un nom ; un souvenir.
Il fut tiré de sa rêverie par une main sèche qui frappa quatre fois à la porte du wagon. Léandre eut à peine le temps de se redresser et de se composer un air à la fois sobre et avenant que le battant pivota. L'homme qui se tenait dans l'encadrement n'était pas tout à fait celui qu'il s'était figuré parmi la foule, mais il tenait bien là un journal et, entre l'index et le majeur, une cigarette. Il s'agissait de Virgilien qui, à l'entrée de sa cinquantième année, officiait en tant que chauffeur pour la puissante branche Terman de la maison de Maël. Ancien militaire, il conservait de cette carrière passée un sens aigu des responsabilités, de l'ordre et de la rectitude. Ce fut avec cette raideur toute martiale et submissive qu'il s'inclina devant l'héritier de la famille et actuel porteur du titre de duc de Primaël.
« Votre Altesse a-t-elle fait bon voyage ? » demanda-t-il de sa voix dont la froideur ne devait pas être confondue avec de l'indifférence, mais plutôt avec cette dévotion masculine qui prend racine dans l'honneur de servir une hiérarchie inébranlable.
Cependant, la question n'attendait pas de véritable réponse.
« Pour le mieux. Je n'ai pas beaucoup de bagages, je ne pense pas rester longtemps. »
Léandre se leva tandis que Virgilien avançait à grands pas vers l'unique valise posée près du piano. Le domestique s'en empara avec un respect presque ridicule, puis ouvrit la marche et descendit du train. Comme quelques curieux s'étaient approchés du wagon privé, discrètement frappé des armoiries Terman, Virgilien dut user de sa stature et de sa voix grave pour ouvrir un passage dans lequel Léandre lui emboîta le pas. Ce n'était pas l'arrivée feutrée qu'il aurait souhaitée aujourd'hui, compte tenu de l'affaire qui l'amenait. Sans doute ces gens le reconnaissaient-ils, et sans doute savaient-ils mieux que lui, eux qui vivaient ici, de quoi son frère s'était une nouvelle fois rendu coupable. Sans doute, donc, s'imaginaient-ils déjà les raisons de sa venue et le drame familial qui, en sous-main, suivait son cours.
La foule de voyageurs s'écarta respectueusement, baissant les yeux sur leur passage. Ils n'eurent aucun mal à quitter la gare et à rejoindre la voiture noire qui attendait au bout des marches. Virgilien ouvrit la portière à son employeur d'un de ses gestes rigoureux avant de charger son bagage et de retenir le claquement du coffre. Léandre le regarda tirer d'un coup sec sur son veston pour le remettre en place au moment où il s'apprêtait à s'installer derrière le volant, et ne put s'empêcher de songer que cet homme se faisait un rituel de tout. C'était sans doute pour cela qu'il ne l'avait pas pris à son service quotidien à Drev, mais qu'il le maintenait ici, à Poléon, pour les occasions parlementaires qui l'y amenaient.
La voiture se mit en route. Elle rejoignit les flots hasardeux de la circulation de la capitale, mélange de chaos et d’ordre, de fracas et de moteurs, d'ingénierie et d'animaux. Sur les axes les plus larges, chaque mode de transport trouvait sa propre voie, mais les carrefours et les artères plus étroites ne pouvaient se franchir sans politesse, patience et sans un solide bon sens. Des vertus que Virgilien possédait indubitablement. Il menait le véhicule de ses mains gantées de blanc, avec une délicatesse toute particulière qui le faisait passer pour un artiste d'un genre nouveau : le genre automobile.
Après avoir passé le pont Renommée et celui des Actes, qui enjambaient sans effort et avec une noble quiétude les deux bras de fleuve étreignant le parc Saint-Georges, le chauffeur engagea la voiture sur l'Empirée. L'avenue s'étendait, immense. Cathédrale d'or, d'écorce et de rouille, dessinée pour soutenir la gloire et les siècles et les siècles, elle formait, sous le feuillage vermeil, une large ellipse et enserrait entre ses deux bras la plus vieille noblesse du Saint-Empire.
Toutefois, l'apparent calme et l'opulence des hôtels particuliers étendant leur superbe de part et d'autre de la voirie ne firent que réveiller les angoisses du jeune duc. Elles le saisirent à la gorge, bêtes féroces, oppressant sa raison. Ses mains lui semblaient plus pâles qu'à l'ordinaire alors qu'il s'obstinait à nouer et dénouer ses doigts entre eux, à les tordre, comme si toutes les tensions de son corps ne pouvaient trouver de décharge que par cette agitation discrète et sans but. Mais Virgilien avait d'autres dons que celui de la conduite : il savait sentir aussi bien la peur que l'appréhension. Son regard d'un bleu trop franc perçait depuis le rétroviseur et dardait sur son employeur toute l'intensité qui caractérisait son allégeance absolue.
« Voulez-vous que je vous informe de quelques éléments ? »
Léandre cacha ses mains, traversé par l'embarras d'être si facilement lisible. Il évita de répondre à l'attention excessive que son chauffeur lui accordait et s'obstina à fixer un point irrésolu par la fenêtre. Il espérait d'ailleurs secrètement que, dans sa clairvoyance, Virgilien ne fût pas capable de lire jusqu'à ses pensées. Pour l'heure, elles étaient occupées à compter les arbres se succédant à travers la vitre. Compter, calculer sans but les espacements et les répétitions. C'était absurde, mais cela lui avait toujours semblé d'un certain secours lorsque l'anxiété venait assujettir son corps et parasiter ses idées. Sans doute aimait-elle qu'on lui sacrifie quelques chiffres, qu'importe lesquels. Elle s'en délectait alors, et acceptait de demeurer immobile un moment, comme rassasiée de son dû.
« Je pense que je préfère les apprendre par lui. »
Une réponse stupide, même pour Virgilien qui détourna le regard, déçu de ne pouvoir présenter le rapport qu'il avait préparé et argumenté depuis la veille. Léandre savait qu'il n'apprendrait aucune vérité de la bouche de son frère. Ou du moins, aucune vérité agréable par sa neutralité. Tout lui serait jeté au visage, et ce serait à lui de démêler le vrai du faux, de rétablir la chronologie des faits et les conséquences des événements. Pour autant, tout découvrir de la bouche d'un autre lui paraissait bien trop intrusif. Sans compter que cela lui aurait enlevé le semblant d'innocence avec lequel il se présenterait d'ici peu. D'expérience, il savait que c'était la meilleure façon d'approcher Andrea : entrer dans la cage du fauve avec la plus pure naïveté, sans arrière-pensée, simplement en se plaçant devant lui avec l'espoir qu'il reconnaisse l'odeur familière d'un frère et non celle d'un ennemi. Cela ressemblait bien souvent à une leçon d'humilité.
La voiture ralentit aux abords du numéro 67. Au bout de la cour où s'engagea Virgilien, l'hôtel Eirlys offrait tout son éclat. La blancheur de sa façade imposait un charme à nul autre pareil sous le feuillage rubicond des ormes de l'Empirée. Deux larges colonnes soutenaient son avant-corps altier que couronnait un fronton brisé par un médaillon de jaspe noir. Les trois hermines du clan Terman s'y tenaient pâles, étonnamment sages, comme pour faire oublier qu'elles furent jadis des enfants turbulents et bâtards. Trônant sur la maison, elles affichaient désormais un orgueil posé, comme allant de soi.
En cela, la demeure ducale ne différait pas tant de ses voisines, toutes aussi riches et installées. Il n'y avait pourtant que devant celle-ci que Léandre sentait son cœur se rétrécir, car il en connaissait l'histoire, il en connaissait les couloirs et les fantômes. Il se savait l'un d'entre eux.
Cette lucidité lui venait chaque fois que, comme aujourd'hui, la portière de la voiture s'ouvrait et qu'il se trouvait debout sur les pavés gris, jugé par le haut perron, par les fenêtres cintrées et la double porte sombre. La maison lui imposait un examen de conscience. Elle parcourait ses mémoires, rattrapait ses rires d'enfants lorsqu'il venait ici en vacances, courant dans les couloirs, une valise chargée de jouets et de livres d'aventure derrière lui. Elle remontait ensuite, s'accrochait à ses années estudiantines. Solitude et mal sous la peau ; des années assombries. La maison ne se souciait pas des états d'âme. Elle remuait de ses doigts racines le sel séché des larmes qu'il y avait versées. Sans méchanceté, elle ne s'éternisait pas sur les silences étouffés dans l'oreiller, sur les nuits sans fin. Elle ne lui reprochait pas non plus de l'avoir quittée, d'être parti au bout du monde, de n'être jamais resté. Elle lui avait pardonné d'avoir fui au moment même où elle l'avait vu revenir aux abois. Arraché, écorché, un drame et lui, un enfant perdu. Elle lui avait offert son lit, elle l'avait bordé de sa tendresse sans chaleur, une tendresse de pierres, d'images et de légendes. La maison avait écouté ses pleurs et relayé ses prières. Il savait qu'elle avait partagé tout son effroi, toute son horreur, retenant son souffle de longs mois sans faillir. Tout ce qui avait eu lieu en son sein leur appartenait, à eux, à tous ceux qu'elle avait acceptés entre ses murs et réchauffés de son foyer.
Virgilien passa devant Léandre, chargé de son bagage. Il n'eut pas à frapper à la grande porte de bois vernis qui s'ouvrit d'elle-même sur le visage noir et serré du majordome. Quelques paroles silencieuses. La valise changea de main. Virgilien redescendit les marches du perron et salua son maître avec diligence, attendant d'être autorisé à prendre congé. Léandre le libéra d'un vague mouvement de tête et le chauffeur disparut dans son dos. Il entendit la voiture redémarrer puis, quand le silence fut revenu sur l’Empirée, il entra.
« Madame la duchesse Enora ne nous a pas fait part de l'objet de votre visite. Cependant, sachez que s'il s'agit de Monsieur votre frère, il s'est absenté pour la journée. »
La voix d'Albert était, d'ordinnaire, d'une agréable familiarité. Rien n'y était forcé : il énonçait ce qui devait être dit et entendu, jamais plus, toujours à point nommé. Pourtant, elle lui fit cette fois-ci l'effet d'un choc violent en travers des genoux.
« A-t-il dit où il se rendait ? demanda Léandre, alors qu'il vacillait entre le soulagement et la panique.
– Non, Monsieur. Cependant, il se trouve très probablement chez Mademoiselle d'Eloy. »
Cette fois, le coup le frappa au niveau de la nuque et lui offrit de contempler à loisir les lambeaux de sa ridicule détermination.
Sans pleinement la comprendre, il connaissait la nature particulière des rapports que son frère entretenait avec Lénore d'Eloy et, pour l'avoir rencontrée, il ne nourrissait que peu de sympathie pour cette jeune femme. Non pas qu'elle eut une mauvaise réputation, bien au contraire. L'unique fille du comte d'Anguilnoy avait pour elle la noblesse et l'érudition, ainsi qu'un redoutable sens de l'observation et l'insolence qu'il convient à toute intelligence retorse. Très belle, très jeune. Bien trop pour Andrea, évidemment. Cependant, ils partageaient tous deux un cynisme au vitriol qu'ils déversaient ensemble jusqu'à ce qu'il n'existe plus qu'eux au royaume du génie. Récupérer son frère après l'une de leurs entrevues revenait à affronter les résidus de cette alchimie acerbe.
Albert referma la porte et se dirigea vers l'escalier de marbre blanc qui s'élevait comme le cou d'un cygne jusqu'au premier étage. Il s'arrêta toutefois sur les premières marches et se retourna.
« La chambre habituelle, Monsieur ? »
Léandre acquiesça.
La chambre habituelle, c'était cette petite pièce bleue qu'il occupait enfant. Il ne s'était jamais fait à la chambre qu'il aurait dû se réserver à présent, celle du duc qu'il était devenu. Sans doute lui paraissait-elle toujours trop grande, et encore trop emplie de la présence d'un autre. Il n'était pas chez lui dans cette pièce et, surtout, il ne s'y sentait jamais vraiment seul.
« Très bien, Monsieur. »
Albert disparut à l'étage et Léandre resta seul, au milieu du hall, à écouter la respiration discrète de la maison. En haut, le parquet qui grince ; en cuisine, des portes qui claquent ; le moteur d'une voiture dans la rue ; une voix de femme fredonnant un refrain.
Il avait désormais la journée entière à patienter.
Ses pas le guidèrent sans qu'il n'y pense jusqu'au salon bleu, bien nommé d'après les tentures et les soieries damassées des épais fauteuils. Toutefois, depuis qu'il était enfant, Léandre le connaissait sous un autre nom : le salon à l'horloge. Au-dessus de la cheminée, elle était encastrée dans les boiseries blanches ornées de fines dorures, cette horloge comme il en existait peu. Cinq aiguilles parcouraient quatre cadrans entrecroisés et imbriqués comme ceux d'un astrolabe : là, sur les coursives extérieures en bois noir, s'égrainaient les heures, les jours et les mois ; ici roulait le zodiac, ses signes d'or et d'azur galopant sous l'aiguille solaire ; en dessous se poursuivait la course lente des planètes et le ballet des étoiles ; et enfin, dans un cercle de cuivre, les marées de la côte ouest ne cessaient jamais d'enfler leur souffle et de creuser leur dos. Le mécanisme d'une complexité d'orfèvre dormait sous la cloison, mais deux parois vitrées de part et d'autre du foyer permettaient d'en apprécier les rouages et la perfection. D’ordinaire, après le bleu, et avant le parfum de bergamote, c'était la mélodie mécanique qui attirait en premier l'attention du visiteur. Mais ce matin-là, le salon à l'horloge était silencieux.
Léandre s'approcha du cadran. L'horloge avait plusieurs heures d'avance, et plusieurs jours de retard. Andrea, sans doute, avait demandé qu'on l'arrête. Était-ce l'écoulement des jours qui lui était insupportable ? Ou bien l'objet lui-même, toujours en mouvement, toujours vivant alors que son créateur gisait sous terre ? L'horloge était peut-être pour lui comme une sœur, une belle-mère, une œuvre ingrate.
Une domestique des cuisines l'interrompit alors que, penché sur la vitre qui protégeait les rouages cuivrés, il parcourait le chemin des heures, tentant d'en percer la logique et les mystères. Elle s'excusa d'une voix de souris, de son visage d'enfant pâle et de ses mains rougies par la vaisselle et les éponges. Quel était son nom déjà ? Marie ? Marine ? Léandre se redressa et lui adressa un sourire de remerciement alors qu'elle déposait, sur le guéridon de noyer, son petit plateau circulaire où attendaient une tasse de café, un sucre, une cuillère et le journal du matin. La jeune fille recula, attendit un instant, puis s'en retourna en cuisine de son pas léger, entraîné à ne jamais se laisser tout à fait entendre.
La domesticité devait être une recherche de l'absolue offrande de soi. Léandre avait acquis cette idée très tôt, ainsi qu'une forme secrète d'admiration pour cette liturgie de petits rites, de services muets et de dévotions souvent moquées. En grandissant, il avait découvert l'ambition de cette carrière porteuse autant que convoitée. Servir une grande famille, c'était vivre sous son toit, vivre dans son luxe. C'était en partager le quotidien et, d'une certaine façon, assister à l'écriture de l'histoire tout en corrigeant ses coquilles. Un destin attrapé au vol que beaucoup de jeunes déshérités de l'Empire, hommes et femmes, tentaient d'embrasser. Cependant, la compétition était rude et le métier impitoyable. Les affaires de cette corporation se réglaient en interne, dans un parfait respect de l'intégrité du code qui s'instaurait en chaque maison. Un monde en soi, hors des lois ; nouveau royaume, minuscule et parallèle, où la voix du majordome et celle de l'intendante portaient toute l'autorité du maître et roi. Un seul faux pas, une seule bavure sous leurs ordres, et le rêve de grandeur s'arrêtait là. Alors oui, ce devait être une vocation.
Cette complexité, mélange de sacrifice et de détermination farouche, dissimulée derrière de beaux visages neutres et des mains silencieux, avait de quoi fasciner Léandre. Entre méfiance et respect, il ne trouvait pas toujours le comportement juste à adopter en leur présence. La domesticité, c'était aussi cela : une relation d'intimité asymétrique, une exposition, parfois presque une faiblesse de paraître devant eux homme et devant le monde duc. Sans doute avait-il peur du mensonge et de la faim d'héroïsme qu'il sentait poindre quelque fois dans leurs gestes et leurs regards.
Il n'osa pas rappeler la domestique pour qu'elle fasse relancer l'horloge, craignant de se tromper sur son prénom. Au lieu de cela, il s’enfonça dans l'un des fauteuils aux accotoirs accueillants et laissa son regard glisser le long des lignes du salon. Il fallait se concentrer pour les dénuder de leurs ornements, assagir le luxe et les rondeurs du mobilier qui s'y adossait, et retrouver la finesse et la hauteur de leurs traits enlevés. Leurs armatures légères et symétriques marquaient la profondeur de la pièce et soulignait ses dualités : les portes toujours ouvertes sur le hall à sa gauche incitaient à sortir quand la cheminée à sa droite invitait à rester ; et tandis que, dans son dos, une scène de commerce naval ouvrait la voie aux voyages lointains, la vue par les fenêtres qui lui faisait face offrait la promesse d'une promenade connue. Il y eut bien un moment où Léandre hésita à la vue des feuilles mortes, tombant sans cri ni drame sur l'Empirée. Allait-il attendre ici, dépouillé de toute volonté, jusqu'au retour de son frère ?
Soudain, une brûlure. Ses mains éloignèrent la tasse de ses lèvres rêches et coupées. Le café bouillant n'était qu'à demi-coupable. C'était le vent, et c'était le sel, celui de la marée montante, à Drev. Il asséchait tout. De gêne, sa main gratta sa joue que couvrait une barbe inquiète. Il trouva sa peau poisseuse, tout comme ses cheveux, trop noirs, trop souples, trop épais. Ils avaient bu le vent du large, la sueur de ses pensées, et maintenant ils étaient là, emmêlés comme un nid de mouettes, une noire couronne froissée. Et ce costume ? Sur mesure peut-être, mais chiffonné par le trajet et sa mauvaise posture. Un bien triste duc, en vérité, sans cette maison et son mobilier choisi pour appuyer la légitimité de son titre et la solidité de ses fonctions.
Pour chasser cette idée avant qu'elle ne s'installe trop près de lui, Léandre vida la tasse d'une traite, serrant les dents sur l'ardente morsure dans sa gorge. Il allait pour parcourir les titres du journal lorsque, quelque part dans la maison, un téléphone sonna. Une fois, deux fois. Quelqu'un décrocha. Quelques acquiescements, quelques politesses. On raccrocha le combiné, on foula un tapis, le carrelage en damier du hall d'entrée. On se présenta devant lui. Décidément, Marie ou Marine ?
« Un appel de la part de votre oncle, Monseigneur Césaire, annonça-t-elle. Vous êtes invité à dîner en sa compagnie, à son adresse. »
Un temps. Un effroi, vertigineux.
« Monsieur ?
– Dites que je viendrai demain, pour le déjeuner. »
La domestique acquiesça en inclinant le cou et disparut à travers les pièces de la maison, tandis que Léandre sentait l'air se faire plus rare sous la sentence qu'il s'était lui-même choisie. Les nouvelles allaient décidément bon train à la capitale pour que son oncle ait déjà eu vent de sa venue. L'invitation, ainsi lancée, à la hâte, comme cherchant à le coincer entre deux pièces, n'annonçait pas qu'une simple velléité de courtoisie. Quelque chose, Andrea sans doute, avait déplu à cet homme d'église, et il avait la ferme intention d'en faire le procès lui-même. Pour cela, Léandre n'était pas pressé. L'affection qu'il éprouvait pour son oncle se comptait en faux sourires et crispations diverses. Serrer les dents pour ne pas répondre, serrer les poings pour ne pas tordre ses doigts, baisser les yeux pour ne pas entendre la voix basse et traînante, qui racle jusqu'à l'os et qui se repaît du silence qu'imposent ses saintes paroles. Le dieu de cet homme était un dieu ennemi, un dieu de crainte, de peau qu'on flagelle, un dieu d'obsessions et d'humiliations. Un dieu à son image. Pour demain, donc, le Jugement dernier.
Tu sais déjà tout le bien que je pense des Oiseaux et de toutes les ombres qui y rôdent ;) Je ne vrais rien apporter de nouveau... seulement laisser une petite trace de passage. Celle de la (re)lecture - pour avoir pris plaisir à reparcourir certains paragraphes de ce prologue puis du premier chapitre. C'est l'occasion de te féliciter à nouveau pour ta place dans cette nouvelle session des HO.
Léandre s'apprête à entrer dans la cage au lion, à se faire juger alors même que c'est le procès d'Andrea qui est le point névralgique de ce moment. Les portes s'ouvrent et se ferment, tandis que les jumeaux apportent leurs secousses via des chemins de traverse.
"Ce qui plaît à mon coeur ce sont les oiseaux qui vont répétant leur plainte" ;)
A tchao !
Je reparcours moi aussi ces premières pages en ce moment, peut-être pour me mettre à l'abri parfois d'Andrea. J'y prends plaisir, et ça me porte tout autant que ta visite et ton commentaire. Merci !
Et félicitations également à Hela et toi !
Apparemment tu as modifié ce chapitre ou renommé ou quelque chose comme ça, juste au moment où je rédigeais mon commentaire. Ceci dit, en regardant vite fait, je ne vois pas de différence entre cette version et celle que j'ai lu hier soir. Donc je te mets mon commentaire tel quel, en espérant que ce sera toujours adapté.
Je t'avais dit avoir été surprise par l'ambiance rurale (voire rustre) du prologue par rapport à ce que j'imaginais en lisant ta présentation. Du coup, ici, je le suis moins : on a bien l'ambiance policée, le manoir, les rapports de famille compliqués, les classes sociales... Je suis presque un peu déçue de quitter les figures fortes du prologue et de la parados, mais je suis sûre que ce n'est qu'une question de temps avant de m'attacher à Léandre, et sans doute à Andréa que je suis impatiente de rencontrer !
En tout cas ta plume superbe est toujours là ! Un peu plus "calme" que dans le prologue, mais c'est normal : ça sert l'ambiance du texte qui est bien différente de la fureur émotionnelle, du "bouillonnement" de l'accouchement des jumeaux. C'est toujours aussi riche, les métaphores sont fines et subtilement amenées et ô combien évocatrices.
Le chapitre prend son temps et je trouve ça très bien : tu "installes" la situation autant que l'état d'esprit de Léandre, au rythme du voyage en train. J'ai eu l'impression que tu "déroulais" l'introspection de Léandre en même temps que les roues du wagon privé sur les rails.
Ca rend d'autant plus palpables ses hésitations. Il n'hésite pas dans le sens ou il change d'avis ou pense à renoncer, mais j'ai cru comprendre qu'il venait affronter son frère à reculons. Inexorablement mais à reculons, comme si sa conduite lui était dictée par une volonté extérieure à la sienne.
J'aime aussi beaucoup la façon dont son angoisse se répercute sur son corps et devient envahissante physiquement.
D'abord, ses réticences sont centrées sur son frère et sa personnalité explosive, mais plus tard, il m'a semblé que le retour dans cette maison n'était pas non plus évidente pour Léandre. Parce qu'il doit y endosser à nouveau son rôle de duc qu'il n'a pas choisi (et qu'il fuit plus ou moins en vivant à la campagne, non ?).
J'ai bien aimé les détails sur lesquels tu t'attardes : le prénom de la domestique, l'horloge, la chambre choisie par Léandre, les hermines... La description de la maison est géniale : aucun doute qu'elle est un personnage à part entière.
J'ai quand même un petit pinaillage : j'ai trouvé un peu long le passage où tu évoques pour la première fois les relations entre Léandre et Andréa, au début. Toutes les phrases sont superbes et très parlantes, mais j'ai eu la sensation que tu répétais la même idée en boucle : l'opposition entre la personnalité des deux frères et le fait que ce soit toujours le même qui "vienne en aide" à l'autre (ou plutôt qui répare ses conneries). C'est entre le moment où tu dis qu'il va parler à son frère, et le moment où le train arrive en gare. Bon, j'exagère un peu parce qu'il y a quand même un cheminement dans les idées que tu développes, mais j'ai trouvé qu'on bouclait quand même un chouia.
De plus, dans ce passage, j'ai trouvé qu'il y avait une ou deux phrases un peu trop complexes (voire difficiles à comprendre).
Par exemple : "Comment pouvait-il seulement oser imaginer qu'un lien pareil, un lien innommable, trop grand pour tenir dans l'adjectif fraternel – ou bien alors qui revêtait le réel sens d'un mot galvaudé, qu'un tel lien, donc, puisse être rompu ?" : Ne manque-t-il pas un tiret ? Et même, peut-être que la phrase gagnerait à être scindée. La notion abordée est intéressante, mais si le lecteur se fait des nœuds pour la comprendre, ça risque d'être perdu.
"Un haut-le-cœur passa ses lèvres, comme si son corps se trouvait incapable de contenir cette vérité, qui était pourtant une vérité de corps autant qu'une vérité de cœur, mais qui le dépassait tout entier lorsqu'il était seul à la porter." : idem, j'aime beaucoup l'idée, mais la phrase est longue. Ce n'est pas un problème en soi, surtout que sa construction est claire, mais elle est suivie d'un paragraphe qui ne contient que des phrases très courtes et je trouve que le contraste entre les deux est un peu too much.
Bon enfin comme tu vois, c'est vraiment pas grand chose et je chipote. Je suis décidément épatée par ta plume. Je reviens vite pour la suite du chapitre !
A+
Oui, j'ai modifié le titre du chapitre pour faire apparaître qu'il s'agit de la première partie, mais le texte n'a pas changé.
Je me note ta remarque sur les paragraphes un chouilla répétitifs. On me l'a déjà fait remarqué un ou deux fois, et en relisant je suis assez d'accord. Ça va faire partie de mes corrections pour la réécriture (que je vais commencé bientôt, j'ai hâte de me replonger vraiment dans ces chapitres ^^).
Je suis contente sinon que ça te plaise. Le rythme n'est pas le même, en effet, et je comprends que Léandre ne se révèle pas tout de suite aussi haut en couleur que Soledad ou les jumeaux. J'espère malgré tout qu'il saura se dévoilé autrement, mais je lui fais confiance ;)
A bientôt, et merci beaucoup pour ce long retour !
Alors du coup, Léandre est-il un descendant de Soledad ? Comment va-t-on lier la naissance des jumeaux à sa famille à lui, si riche et si puissante ? Je trouve la transition hyper bien gérée : le train, dès le début du chapitre, nous indique qu'on a changé d'époque, mais je trouve que c'est fait subtilement, comme tout le reste. Tu devras me compter parmi tes lectrices régulières, je suis déjà trop fan ^^ À très bientôt !
Sur la forme je n'ai relevé que deux choses :
- "Ou bien était-il arrivé au terme de son endurance dans cette guerre de position, et que c'est l'armistice au cœur qu'il se rendait à la capitale ?" > ce "que" est bizarre. Plutôt "et était-ce l'armistice au coeur... ?" ?
- "d'ordinnaire"
Je suis particulièrement touchée et ravie de voir que j'ai pu trouvé avec Léandre la bonne distance. Toujours pencher sur son épaule, entre ce qu'il pense et ce qu'il voit, et ce qu'il ne veut pas voir qu'il pense.
Ah, je vais simplement dire que la parodos et le chapitre un sont dans la continuité temporelle l'un de l'autre ;) La différence technologique se fait sur la rupture campagne profonde/urbanisme et non sur deux époques différentes.
Je note tes remarques et vais corriger ça !
Encore un énorme merci, et à bientôt !
Mon sentiment est semblable à mes deux précédentes lectures. Je suis admiratif de ta maîtrise du langage, de la construction de tes phrases qui sont d'une très grande richesse, sans avoir une allure éléphantesque.
Tu confirmes cette belle capacité à construire des personnages en peu de temps, je pense notamment à Virgilien et Albert. Dans les deux cas, une description assez succincte, mais très précise avec les mots clés nécessaires pour que notre imaginaire fasse le reste du travail.
Léandre est intriguant, parfois énervant englué dans cette sorte de mollesse, même cette lâcheté lorsqu'il craint de se tromper de prénom. Un personnage dont les défauts et la profonde humanité au sens sensitif me parle beaucoup.
Andréas est là sans être là. La maison est vivante sans être faite de chair et de sang. Du moins je le présume... Lecture grisante.
Encore bravo. Bon courage pour la suite que je lirai sans aucun doute ;).
Je redoutais un peu le passage entre le prologue et la parodos et la rencontre avec Léandre, en ayant peur que le passage d'un univers à l'autre, d'une violence brûlante vers une violence plus froide et larvée soient trop brusque ou déroutante, voire décevante. Je suis contente de voir que pour toi ce ne fut pas le cas !
Et ravie aussi que Léandre te parle et que, malgré sa forme de mollesse, en effet, ses qualités humaines puissent être reconnues.
Encore merci, et à bientôt !
Pour ma part, elle permet de se reposer la tête après en avoir pris plein la tronche avec la tempête que sont le prologue et la parodos, qui elle déjà calme légèrement le jeu.
J'ai bien réussi à suivre, même si quelques petits riens m'ont échappé, je pense. Le seule reproche que j'aurais serait le personnage qui attend volontairement le moment où on va lui dire. Quelle que soit l'histoire, quelle que soit les motivations du personnage, ça me hérisse... mais sinon, bravo :)
En ce qui concerne Léandre, héhé, je comprends. Ce n'est pas un personnage facile : il n'est pas vraiment héroïque, il se réfugie dans une forme de passivité et n'arrive pas encore à se mettre en colère quand il le devrait. C'est ce qu'il va lui falloir apprendre !