Ploc. Ploc. Ploc.
Des clapotis glauques se noyaient dans le tonnerre d'une nuit d'orage. Il se fondait si bien dans ces cordes d'eau déchirant le ciel, dans ces échos effrayants d'une colère providentielle. Éclairant une scène de fin, faim de vie éternelle. La résonance froide, l'humidité glaciale s’immisçaient partout. Sur les feuilles des arbres touffus de cette forêt ténébreuse. Sur les vallons d'herbes abandonnés à des centaines de pas à la ronde. Sur les chairs tuméfiées de nos êtres à découvert. Le temps n'avait que faire des petits hommes et transcendait un de ses représentants avec une insolence outrageante. Impuissant malgré ses muscles proéminents, il ne pouvait que voir le rougeoiement du sol et écouter l’égouttement sombre et régulier de la mort. Et cela le pétrifia.
Ploc. Ploc. Ploc.
Un bruit de feuilles et un petit rongeur sortit des fourrées. De suite, celui-ci se figea. Un on ne savait quoi qui fit se hérisser cet écureuil, ce rongeur de noix. Réagissant en un éclair de peur, il cavala loin de là. Quelque chose se dégageait de cet homme. La forêt retroussait ses feuilles, le verglas s'effaçait de l'herbe et l'air du soir s'électrisait. Sous les gouttes du sang qui tâchait le sol, sous la sueur et le regard assassin qu'il avait toujours en son sein. La chamade macabre de son coeur résonnait entre les arbres immobiles et tétanisés. Il en avait coupé la respiration au vent, le poussant à fuir cet endroit lugubre. Hommes et chasseurs nocturnes l’avaient déserté. La vie l’avait abandonné. Car lui n'était de ce fait. Par contre, l'existence le rattraperait.
Ploc. Ploc. Ploc.
Dans l’ombre, la respiration silencieuse d'Endreiz avalait la nuit et soumettait l’air à ses conditions : une lente inspiration, une seconde statufiée, puis une expiration meurtrière. Un rythme élevé, un réflexe accru hors du commun à tout être vivant normal. Appliqué par un mécanisme différent, il ne le sauvera pas et, seulement, grappillera encore quelques instants. Un geste physique si anodin qu’on l’oublie le moment. Pour Endreiz, il n'y pensait même pas, c'était naturel. Il s’agissait du temps nécessaire pour effectuer ce qu'il avait à faire. Purger son âme de son éclat. S’assassiner avec indifférence, en un souffle. De toute façon, il n'en avait plus pour longtemps. Ses bras s'entrecroisaient. Son cœur s'entremêlait. Son compagnon s'en défaisait. Celui qui avait eu. Pas un seul battement frénétique. Il n'y avait pas de tristesse. Juste le bon qui croyait être allait ne plus naître.
Ploc. Ploc. Ploc.
Aux alentours, la nuit impérieuse sonnait de notes gutturales et louvoyantes. Sans accorder une oreille à son désarroi, l 'univers continuait de tourner sans lui et dirigeait son règne sur les étoiles flamboyantes. Il ne devait pas flancher. En écho à sa peau, l'éclat laiteux de ses astres ne parvenait pas à atteindre la frondaison épaisse et sinistre de la forêt. Ainsi, personne ne vit le corps du jeune garçon qui gisait à l’ombre de ses tréfonds. Personne ne vit non plus la lueur qui sortait hors de son corps l'effleurant doucement telle une caresse. Bientôt, de larmes en lame à l’aspect si étrange, cette entité se forma. Parcourue d’un millier de filaments vivants, vivaces, un peu colorés, teintés d’un blanc si luminescent. C'était une source d'une lumière si crue à elle toute seule malgré l'ombre qui illuminait ses pourtours. Son compagnon de lumière recueillit son dernier souffle, vacillant d'un flottement, il s'immobilisa et plus tard le vent l'emporta .
Ploc. Ploc…
Style d'écriture très particulier, qui amène avec brio une atmosphère sombre, lourde et pesante. C'est très mystérieux, surtout si on a lu le résumé : ... ce garçon n'est-il pas censé être le personnage principal ? Alors pourquoi il meurt bon sang !? Je vais devoir lire la suite, c'est sûr...
J'ai bien aimé, après le chapitre presque entier sur la description du lieu puis du personnage surtout, la mention de l'univers qui continue sa vie. Eh oui, il n'est pas le nombril du monde : ça ajoute une solitude à l'atmopshère déjà mise en place.
Voilà juste une petite remarque :
"Il se fondait si bien dans ces cordes d'eau déchirant le ciel."
Il me semble qu'on parlait des clapotis, alors plutôt "IlS se fondaiENT si bien..."
Voilà, juste un petit détail si on veut chipoter, mais honnêtement j'ai beaucoup aimé cette écriture très pleine et complexe.
À bientôt !
Un début mystérieux, avec une certaine lourdeur (bienvenue !) dans la narration qui amène une ambiance oppressante, avec quelques jolies assonances et jeu de ponctuation. La mort attendue laisse une sensation de flottement étrange, comme une échappatoire. Je trouve ce début plutôt réussi.
Quelques notes au fil de ma lecture ; tu en feras ce que bon te semble ;
Ce son de clapotis glauques se noyait dans le tonnerre d'une nuit d'orage. =>> Clapotis glauques sans « Ce son » optimiserait/raffinerait la première phrase.
Sur machin, sur truc, sur… , sur… J’aurai joué sur l’accumulation plutôt que de couper avec des phrases nominales (que j’adore, mais ça casse la fluidité, ici à mon sens)
à des centaines pas à la ronde. => à des centaines DE pas à la ronde
Sur les chairs tuméfiés => tuméfiéES
Et cela le pétrifia. => fin de paragraphe au top !
Un on ne savait quoi qui fit se hérisser cet écureuil qui cherchait sa noix. => optimiser pour éviter quix2 dans la même phrase ?
La forêt retroussait ses feuilles, la neige s'effaçait des fleurs => pas compris l’image des fleurs. Désolée.
De toute façon, il n'avait plus pour longtemps. => il n’EN avait plus pour longtemps ? sinon c’est chelou.
Ses bras s'entrecroisant. Son cœur s'entremêlant. Son compagnon s'en défaisant. => pourquoi ne pas jouer sur l’accumulation de phrases avec des vb conjugué, plus light que les p. présent ?