Chapitre 1 : Néomage

Marlène entendit sonner à la porte mais elle ne bougea pas. Concentrée sur son jeu vidéo, elle savait que ses parents allaient de toute façon ouvrir. Elle ne se trompait pas. À l'étage en dessous, la porte s'ouvrit mais Marlène n'entendit pas ce qui suivit car elle arrivait au boss de fin de niveau et cela demandait de la tactique et de l'habileté. Elle finissait le niveau suivant lorsqu'elle entendit sa mère l'appeler.

- J'arrive ! hurla-t-elle.

Elle mit le jeu sur pause puis descendit. Elle fut surprise de trouver un homme qu'elle ne connaissait pas dans le salon. La personne qui avait sonné plus d'une demi-heure auparavant était encore là ? D'habitude, ses parents jetaient dehors les racoleurs beaucoup plus vite. Marlène fut très étonnée.

Elle le fut encore plus en découvrant des traits inconnus sur le visage de ses parents. Était-ce de l'admiration, de la terreur, de la sympathie, de la joie ou une immense tristesse ? Elle n'aurait su le dire. Henriette, sa mère, d'un geste, l'invita à s'asseoir près d'eux, en face de l'invité surprise.

- Monsieur Gérard, voici notre fille, Marlène, la présenta sa mère.

- Je suis ravi de faire ta connaissance, répondit l'homme avec un visage qui ne présentait aucun sourire, contrastant ainsi avec ses mots.

- Moi de même, répondit poliment Marlène qui ne savait trop que dire d'autre.

- Monsieur Gérard travaille pour le CIM, le Centre International Magique, annonça Didier, le père de Marlène.

- Vous êtes magicien ? s'exclama Marlène, soudainement très intriguée et excitée.

Les magiciens, il y en avait partout, évidemment, mais ce n’était pas marqué sur leur front. Il était rare que l’un d’eux se dévoile en temps que tel. Non pas que cela fut une tare, non, c’était juste personnel, comme les préférences sexuelles ou le montant du compte bancaire.

À sa connaissance, Marlène n’avait jamais croisé de magicien et ce bien qu’il fut probable qu’une caissière, une boulangère ou un livreur ait appartenu à cette catégorie. En revanche, pour une grande majorité, ils n’étaient pas puissants et vivaient donc normalement. Les grands magiciens étaient rares et vivaient à l’écart, réalisant des miracles, supposa Marlène qui ne s’y intéressait guère.

- En effet, annonça l'homme toujours sans sourire. Je suis un recruteur spécialisé. Mon travail est d'aller trouver les jeunes néomages et de leur annoncer leur condition.

Marlène s’en figea de stupéfaction. Comprenait-elle bien le sous-entendu ? Non ! Elle ne pouvait pas ! C’était ridicule. Personne n’avait jamais été magicien dans sa famille. Justement… C’était le principe du néomage, un magicien apparaissant sans explication dans une lignée non magique.

Elle en entendait parfois parler aux informations et à chaque fois, cela faisait la une car il s’agissait d’une rareté se produisant une, parfois deux fois par an, sans plus. Les néomages se retrouvaient assaillis de journalistes, entourés de fans désireux de devenir leurs amis pour profiter de leurs fabuleux pouvoirs.

Marlène frémit. Néomage, elle n’avait guère envie de l’être. Jamais la vie de magicien ne l’avait attirée. Les gens sans magie s’en passaient très bien. Les deux mondes cohabitaient harmonieusement. Marlène n’avait jamais jalousé l’autre. Elle appréciait son monde simple, celui d’une adolescente normale dans un collège normal, cette vie tranquille dont elle n’avait pas la moindre idée de où elle allait la mener.

Ses parents et ses professeurs la questionnaient parfois sur ses prévisions d’avenir. Elle répondait toujours évasivement ou mentait car la vérité était qu’elle n’avait aucune idée de ce qu’elle ferait plus tard et qu’elle s’en moquait. Elle voulait juste profiter du moment présent, jouer aux jeux vidéos tranquille.

Devenir une star ne l’avait jamais intéressée. Participer à un jeu télévisé ? Jamais de la vie ! Faire des vidéos sur Internet ? Et puis quoi encore. Marlène restait dans son coin et s’en satisfaisait très bien. Se retrouver sous le feu des caméras ne lui convenait pas du tout.

Et puis elle, magicienne ? N’importe quoi ! Ce type s’était trompé, c’était certain. Marlène n’avait jamais fait voler quoi que ce soit dans la pièce ou fait gonfler sa tante, aussi chiante soit-elle.

Le recruteur dut sentir sa réticence car il annonça :

- Tu as de la chance d’être en France.

- Pourquoi ?

- Le CIM protège les néomages. La découverte de ton potentiel n’a pas été dévoilée, sinon, la maison serait déjà entourée de caméras.

Marlène jeta un œil dehors. La rue était déserte. Une femme passa avec son chien. Ce fut tout. Cela ne la rassura qu’à moitié.

- Nous pensons qu’il est préférable pour le ou la néomage de découvrir la magie en toute sérénité, loin des paillettes et de la gloire. Ceci dit, ce choix ne nous revient pas. Nous permettons à cette option de se présenter. Si tu préfères que ton don soit dévoilé, nous…

- Non ! s’exclama Marlène en écarquillant les yeux. Je ne veux pas que des journalistes viennent me voir.

Didier et Henriette rassurèrent leur fille terrorisée d’une tendre caresse. Ce contact calma sa respiration mais son cœur battait toujours la chamade.

- Nous ne dirons rien, promit le recruteur. Gardez votre langue et nul n’en saura rien tant que vous ne l’aurez pas décidé.

Marlène se sentit mieux mais à peine. Ses mains se tortillaient dans son pull et elle gigotait sur le canapé.

- Nous nous tairons, promit Didier. Que va-t-il se passer pour Marlène maintenant ?

- À la rentrée, elle ne retrouvera pas ses copains dans son collège habituel. Elle devra étudier dans une école spécialisée.

Marlène n’en fut guère apitoyée. Des amies, au collège, elle n’en avait pas. Très renfermée et solitaire, elle passait tout son temps seule à jouer aux jeux vidéos.

- Une école de magie, supposa Henriette.

- Pas n’importe laquelle, madame Norris, indiqua le recruteur, car le talent de votre fille nécessite des professeurs de haut vol. Je vous déconseille le publique pour deux raisons. D’abord parce que les enseignements ne lui seront pas favorables, gâchant son potentiel. Ensuite parce que ces écoles ne sont pas sécurisées et Marlène sera assaillie à longueur de journées.

- Les écoles privées sont de meilleure qualité ? s’étonna Didier.

- Les professeurs y sont de meilleurs magiciens. Les salaires y sont plus élevés, précisa le recruteur et Didier indiqua d’un geste qu’il comprenait.

- Ça ne doit pas être gratuit, supposa Henriette.

- Non, en effet, confirma le recruteur et le ton laissait entendre que le montant était élevé.

Didier et Henriette serrèrent les dents. De l’argent, ils n’en avaient pas. Ils terminaient déjà difficilement le mois. Ils voulaient le bien-être de leur fille, son épanouissement et la pleine exploitation de son potentiel. Ils se morfondaient de ne pas avoir les moyens.

- Je vous conseille l’école du Mistral, indiqua le recruteur. Maître Gilain propose de nombreuses offres concernant les moyens de paiement. Pour Marlène, nul doute qu’il acceptera un prêt à taux zéro, remboursable à la fin des études de votre fille.

- Nous n’aurons pas davantage d’argent dans quelques années que maintenant, maugréa Didier.

- Non, mais votre fille, oui, annonça le recruteur.

- Elle jouera au PBM, lança Henriette, les yeux brillants d’excitation. Nul doute qu’ils sont payés une fortune !

Marlène cligna plusieurs fois des yeux. Jouer au PBM ? Cela ne l'intéressait pas du tout. Elle ne voulait pas devenir une célébrité. Elle ne désirait pas se retrouver sous les feux des projecteurs. Elle voulait être elle-même. Elle ignorait encore ce que cela signifiait et cela n'importait pas. Elle voulait se donner le temps de le découvrir. Voilà qu'on l'en empêchait ! Elle sentit une colère monter en elle tandis que le recruteur répondait à Henriette :

- Non. Leur salaire est bas. En revanche, c’est uniquement de l’argent de poche car ils n’ont ni loyer, ni nourriture, ni aucune charge d’aucune sorte à payer. Ils demeurent dans un logement sécurisé leur permettant de s’entraîner en toute discrétion, loin de la fureur des spectateurs.

Henriette fronça les sourcils. Elle lisait tout ce qu’elle pouvait sur le PBM dans les magazines. Ne pouvant le voir de ses propres yeux puisque cela nécessitait d’être magicien, elle compensait en suivant la vie personnelle des joueurs avec grand intérêt.

- Comment Marlène aura-t-elle de l’argent en ce cas ? demanda Didier, très protecteur envers sa fille.

- Votre fille va apprendre à développer ses pouvoirs, augmentant ainsi sa quantité de magie disponible. Or la magie, ça se vend, précisa le recruteur, et ça vaut cher.

Les Norris ouvrirent des grands yeux ahuris. Ils n’imaginaient pas que la magie puisse se vendre. Ils pensaient que les magiciens utilisaient leur pouvoir pour lancer des sorts, pas qu’ils pouvaient l’échanger contre de la monnaie fiduciaire.

- Mais je ne suis pas magicienne ! répliqua Marlène.

- Je peux t’assurer que si, répliqua le recruteur. J’ai vérifié moi-même.

- Je ne comprends pas, assura Marlène. Je n’ai jamais fait voler des trucs !

Le recruteur ricana avant de proclamer :

- Ça me semble évident.

- Nous ne sommes pas magiciens, rappela Didier un peu froidement. Tout cela nous dépasse.

- Marlène va devenir une magicienne brillante. Elle sera en mesure de rembourser n’importe quelle école qui la prendra. Elle va devenir riche et célèbre.

Marlène secoua négativement la tête. Elle ne désirait ni l'un, ni l'autre. Ses parents n'avaient pas beaucoup d'argent et ils étaient heureux quand même. Ils étaient de parfaits inconnus et s'en satisfaisaient très bien. Marlène dut lutter pour retenir ses larmes. Pourquoi la forçait-on à un destin pareil ?

- C’est aussi simple que ça ? Un mec vient vous voir et paf ! Gloire et fortune ? N’importe quoi ! gronda Didier.

- Je n’ai pas dis que ça serait facile. Marlène va devoir travailler dur car la magie demande de la rigueur et de la persévérance.

Bosser ? Ça n’était pas son truc. Marlène glandait à longueur de journée, jouant le soir sur sa console plutôt que de réviser. Ses notes étaient mauvaises, d’autant qu’elle rêvassait en classe au lieu d’écouter. Ses devoirs, elle ne le faisait jamais.

Ses parents partaient tôt et revenaient tard. Les week-end leur permettaient de se reposer. Ils n’avaient aucune envie de les passer à faire les devoirs avec leur fille dont la console chauffait continuellement.

- Si Marlène fait ce qu’il faut, elle pourra aisément rembourser l’école en un an environ, indiqua le recruteur.

Les Norris ne réagissant pas, le recruteur précisa :

- La plupart des magiciens – dont je fais partie - passent leur vie à rembourser leurs études, précisa le recruteur.

- Ah, lança Didier, déboussolé.

- Vous dites que personne ne saura que je suis néomage mais cela finira bien par se voir, non ? Si je deviens super douée, ça se saura ! proposa Marlène.

- Évidemment. Le secret ne durera pas éternellement. Le but est de te permettre de poser un premier pied tranquille dans la magie. Je te donne trois mois avant de commencer à attirer l’attention.

- Trois mois ?

- Après la rentrée, crut bon de préciser le recruteur.

À Noël prochain, elle serait une célébrité. Marlène frissonna et leva ses genoux contre son torse, se blottissant profondément dans le canapé.

- Et si je ne veux pas ?

- Si tu ne veux pas quoi ? demanda le recruteur.

- Être magicienne, murmura Marlène, incertaine.

- Tu es magicienne, que tu le veuilles ou non, répliqua le recruteur.

- Marlène, ce potentiel, tu dois l’exploiter ! lança tendrement Didier. Te rends-tu compte de la chance que tu as ? Néomage !

- Je m’en fous, moi, de la richesse et de la gloire ! pleura Marlène qui voulait qu’on lui fiche la paix.

- Tant mieux, intervint le recruteur. Les bons magiciens peuvent soigner des maladies dont aucun moyen classique ne vient à bout. Ils peuvent sauver des vies lors d’éruptions volcaniques ou aider la recherche. La plupart vivent en retrait, loin de l’agitation et du bruit.

Marlène s’en sentit rassurée. Ainsi, elle pourrait choisir son avenir et même si cela devait faire de la peine à sa mère, elle ne mettrait jamais les pieds dans une arène de PBM.

- Ça sera à toi de choisir, une fois tes diplômes en poche, si tu souhaites être sous le feu des projecteurs ou, au contraire, les fuir.

- Je les fuirai ! promit Marlène.

Le recruteur eut un petit sourire énigmatique.

- Vous avez proposé l’école du Mistral, se rappela Didier.

- Elle propose un enseignement de tout premier ordre, assura le recruteur.

- Pourquoi pas le collège Paul Hubert de Paris ? s’insurgea Henriette.

- Parce qu’il y a déjà un néomage là-bas, répondit le recruteur.

- Et alors ? s’exclama Henriette. Justement ! Nicolas Patriol et elle auront plein de points communs !

- Vous semblez beaucoup lire la presse à scandale, madame, dit le recruteur.

Henriette plissa les lèvres de gêne, ne sachant trop si la remarque était une insulte ou non. Sur la table basse trônaient de nombreux magazines. Au dessus de la pile, un jeune homme d'une vingtaine d'années, très beau – ou en tout cas bien mis en valeur sur cette photo peut-être retouchée – resplendissait. Son sourire était éblouissant, ses cheveux bruns flottaient sur sa tête, ses yeux marrons semblaient près à dévorer le monde. La une annonçait "Nicolas Patriol, le futur capitaine des Tuniques rouges ?".

- Le fait est que Nicolas Patriol fait la une des journaux parce qu’il le souhaite, indiqua le recruteur. Le CIM lui a proposé de le protéger, tout comme Marlène, et il a choisi de dévoiler sa nature de néomage avant même son entrée à l’école. Il signait des autographes avant de pouvoir activer sa gnosie

Le recruteur secoua la tête de dépit. Les Norris ne comprirent pas les détails mais se contentèrent des généralités.

- De ce fait, continua le recruteur, des caméras sont sans cesse braquées sur l’école parisienne, tout le contraire de ce que désire Marlène, si j’ai bien compris.

Marlène acquiesça fermement.

- Où se trouve l’école que vous nous proposez ? demanda Henriette, dépitée.

- En Italie, annonça le recruteur. Elle est pourvue d’un internat, évidemment.

- En Italie ? s'étrangla Henriette qui ne s’attendait pas à voir sa fille aller aussi loin.

- Nous mentirons sur son dossier, la désignant comme magicienne de fortune, indiqua le recruteur.

- C’est quoi ? interrogea Marlène.

- C’est ce qui se produit quand la magie saute une génération, indiqua le recruteur, et que le grand-parent magicien décède trop tôt. Plus personne ne peut former l’enfant qui se retrouve ignorant de tout le jour de son entrée à l’école de magie. Nous pouvons trafiquer le dossier de votre mère, madame Norris, afin qu’elle apparaisse comme ayant été magicienne.

- Vous pouvez faire cela ? s’exclama Henriette.

- Je travaille pour le gouvernement et c’est seulement le temps que la vérité sur Marlène n’éclate, soit quelques mois, tout au plus.

- Comment un magicien de fortune pourrait-il se payer une école aussi chère ? demanda Didier.

- Pourquoi ne le pourrait-il pas ? demanda le recruteur. Ses parents y pourvoient, voilà tout.

- Comment s’ils ne sont pas magiciens ?

- Avec de la monnaie fiduciaire, des euros, des dollars, des roubles. Je vous ai proposé que Marlène paye en magie parce que vous n’avez pas les moyens de le faire vous-même.

Didier indiqua d’un geste qu’il avait compris. Marlène se renfrogna. Elle n’aimait pas ça du tout. Elle aurait préféré continuer sa vie normale, glander au collège, obtenir son brevet de justesse, glander au lycée, obtenir son bac au rattrapage et travailler dans une usine, comme tout le monde. La banalité lui convenait. Ce changement lui déplaisait énormément.

- Cela vous convient-il ? demanda le recruteur.

Henriette hocha la tête. Ils n’avaient de toute façon pas le choix. Plongés dans un monde inconnu, ils devaient faire confiance à ce représentant du gouvernement.

- Souhaitez-vous que le CIM se charge de l’inscription de Marlène à l’école du Mistral ?

- Volontiers, répondit Didier, éberlué.

- Nous le ferons, promit le recruteur. En attendant, n’oubliez pas de tenir votre langue. Pour votre information, durant notre entretien, une bulle de sécurité a été montée autour de votre maison. Quand je partirai, elle disparaîtra et je vous déconseillerais alors de prononcer le mot « néomage ». Il y a des gens qui passent leur vie à écouter pour tenter de capter ce mot et obtenir le scoop ultime. Avez-vous d’autres questions ?

- Des millions ! répondit Marlène au bord des larmes.

Le recruteur sourit. Il regarda tendrement Marlène, respira profondément puis précisa :

- Des questions qui ne portent pas sur l’utilisation de la magie, que tu garderas pour tes professeurs du Mistral ?

- Oui ! s’écria Marlène dont aucune question ne portait sur ce sujet.

- Je t’écoute, promit le recruteur qui ne montrait que calme et sérénité.

- Je ne parle pas italien pour commencer, lança Marlène.

- La magie se chargera de régler ce problème. Le Mistral est une école très prisée dans le monde entier. Toutes les nationalités y sont représentées. Tu penses bien que ce détail a été pris en compte.

- J’amène quoi le jour de la rentrée ? Une baguette magique et un balai ?

Le recruteur explosa de rire puis se reprit et lança :

- J’aime recruter des néomages. C’est tellement rafraîchissant. Non, Marlène, tu n’as besoin de rien. Le Mistral coûte suffisamment cher pour qu’ils fournissent le matériel. Contente-toi de quelques affaires personnelles : des vêtements, des livres, des photos.

- J’y vais comment ?

- En train, répondit le recruteur.

Marlène ricana puis se rendit compte qu’il ne blaguait pas.

- C’est un beau voyage d’ici jusqu’au centre de l’Italie, précisa le recruteur. Tout le monde vient par ses propres moyens – avion, train, voiture, bateau. Vous recevrez toutes les informations par courrier - adresse, horaire, règlement intérieur – dès que nos services auront validé l’inscription, ce qui est en cours actuellement.

- Vous êtes certain que je suis magicienne ? lança Marlène, penaude.

- Oui, mais je te sens incertaine. Tu aurais besoin d’une confirmation ?

Marlène hocha la tête.

- Je vais demander à Maître Gilain, le directeur du Mistral, de venir vous voir en personne.

- Nous vous remercions, assura Didier.

Le magicien salua les Norris puis sortit par la porte.

- Je suis fière d'avoir une fille néo… commença Didier avant de se corriger : champignon.

Le mot code remplaçant néomage fit sourire les deux femmes qui validèrent d’un geste.

- Je suis heureux pour toi, précisa Didier. Tu auras la chance que nous n’avons pas eu. C’est tout ce dont nous pouvions rêver. Henriette ! Arrête de pleurer !

- Tu vas tellement me manquer ! s’exclama Henriette en serrant sa fille dans ses bras.

- Elle n’est pas encore partie ! gronda Didier.

Dans un mois, Marlène découvrirait un monde nouveau. Elle en frémissait de terreur et d’angoisse. Elle n’avait pas du tout envie d’y aller.

- Tu vas devenir célèbre ! s’exclama Henriette d’une petite voix aiguë. Ma fille dans les magazines ! Je suis tellement fière !

Marlène grimaça. Être reconnue pour son talent lui plairait bien. Un concours de jeux vidéos par exemple. L’être juste parce que la magie avait décidé arbitrairement de venir à elle lui déplaisait carrément. Elle grimaça, ce qu’Henriette sembla ne pas voir.

- C’est merveilleux ! s'exclama Henriette.

Elle prit la main de sa fille et la caressa comme si elle était un bien précieux.

- Laisse la souffler, gronda Didier. Elle a sûrement besoin de réfléchir un peu à tout ça.

Henriette lâcha la main de sa fille et disparut en cuisine comme si elle venait de se souvenir qu'elle avait laissé le gaz ouvert.

- C'est une merveilleuse opportunité pour toi, dit Didier, et un sacré changement aussi.

Marlène hocha la tête.

- Ça va être très différent, maugréa la jeune fille.

- Le changement, c'est bien aussi, murmura Didier.

Marlène sourit et hocha la tête. Elle ne savait trop que penser. Elle allait changer d'école, d'amie, de professeur et surtout, de matière. La magie allait remplacer les maths, le français et l'histoire. Elle était terrifiée par cet inconnu. Qu'allait-elle trouver là bas ? Comment allait-elle pouvoir s'intégrer dans un monde qui lui était totalement inconnu ?

- Tu as envie d'aller en Italie ? demanda Didier.

Elle n’avait pas envie de partir mais là-bas ou ailleurs, peu importait.

- Nous n'avons pas vraiment le choix. Nous n'y connaissons rien. Mieux vaut leur faire confiance. Si cette école est la plus adaptée, autant que j'y aille.

- Devoir mentir ne te dérange pas ?

- Je préfère ça à être le centre de l'attention. J'ai déjà du mal à m'imaginer magicienne alors avoir des journalistes autour de moi, non merci !

Marlène retourna dans sa chambre, laissa la console de côté et se renseigna un peu sur les néomages via Internet. Il en existait une petite centaine sur Terre dont quatre encore étudiants. Les autres étaient d'excellents magiciens, reconnus dans le monde entier et ils accomplissaient des prodiges.

Marlène ne croyait pas une seconde qu'elle pourrait être dans cette situation un jour. Elle n'avait jamais été brillante en quoi que ce soit. Ses résultats scolaires étaient minables par manque de motivation. Elle n'était pas une athlète accomplie, ni une artiste. Rien ne l’intéressait en dehors de sa console. C’était bien simple, elle n'était douée qu'en une chose : les jeux vidéos.

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