CHAPITRE I – Préliminaires.
« Allongée dans son confortable lit, Lily-Rose s'étira de tout son long. Savourant sa grasse matinée bien méritée, elle prit son temps avant de se lever, le chat ronronnant contre son ventre. En toisant le soleil éclatant transparaissant à travers les stores de ses fenêtres, elle se dit que cette journée allait être belle. Comme un pressentiment. Le sourire aux lèvres, n'osant jeter un œil sur son réveil-matin, la jeune femme se rendormie instantanément, décidant que le monde l'attendrait bien encore quelques heures.
*
_ Seigneur Lily ! Il est déjà seize heures, je veux bien concevoir qu'on est samedi, mais tout de même !
_ J'ignorai que tu étais ma mère, Grégoire. Merci pour le réveil, au passage, ronchonna la grande brune, encore dans les vapes.
_ Des fois, je me demande vraiment ce que tu fais de tes nuits pour être aussi crevée la journée, répondit son ami avec une pointe d'humour. Si il savait.
_ Laisse tomber Greg. Tu passes à l'appartement ce soir ?
_ Non, on va boire un verre avec les autres. Et tu viens.
Après de multiples grognements de la belle et maints efforts de Grégoire, Lily-Rose céda. Coupant la communication avec son interlocuteur, elle se leva paresseusement, baillant sans retenue. La phase « réveil » n'était pas réellement sa tasse de thé. S'armant de toute sa bonne volonté, elle se dirigea comme un automate vers la salle de bain. Délaissant à même le sol son débardeur et sa culotte, dans l'optique première de se prélasser comme il se devait dans un bon bain moussant, elle sautilla presque jusqu'à sa baignoire.
En laissant couler l'eau, la jeune femme risqua un regard vers son miroir.
Ses longs cheveux bronze, dans un état pitoyable, encadraient son visage en un regroupement de nœuds acharnés. Sous ses yeux bruns vitreux, de lourdes cernes tombaient, témoins de sa nuit agitée. Lily-Rose arborait parfaitement la faciès « d'après-sexe ».
Se remémorant les paroles de Grégoire, les souvenirs de la veille affluaient en l'esprit de la belle. Mon dieu, si il savait.
Une simple virée dans un bar, accoutrée de sa fantastique combinaison noire, des sandales compensées aux pieds. Déjà grande, elle savait que cette tenue mettait en valeur sa silhouette fine et svelte. Un maquillage simple, une queue de cheval haute, Lily-Rose était partie chasser ce soir-là. Saluant le barman d'un sourire charmeur, un verre de vin blanc dans la main, il ne fallut pas bien longtemps pour que ce dernier fut suivit d'un suivant, offert gracieusement. Quand le garçon accoudé à l'autre bout du bar lui fit un signe, il n'en avait fallu pas plus à Lily-Rose. Le mode on était activé. Croisant ses longues jambes, dégageant une partie seulement de son cou, elle lui offrit un sourire en coin, battant des cils. Les préliminaires avaient démarré.
Lily-Rose se moquait grandement du physique de ses partenaires. Non pas que cela ne lui importait peu, bien au contraire, mais il était question ici de proies, non d'hommes. Lorsqu'elle sortait, elle devenait une réelle tigresse, ne cherchant qu'une chose : posséder. Qu'il soit grand, petit, gros, maigre, poilu ou imberbe, peu lui importait. Elle le voulait dans ses filets. Rare était le moment où elle se demandait si le garçon lui plaisait. Quand elle revêtait ses plus beaux habits, qu'elle mettait en valeur ses courbes féminines, qu'elle battait des cils, elle ne pensait qu'à conquérir. À la recherche la plus complète du plaisir.
Cette nuit là, quand elle accompagna cet homme jusqu'à chez lui pour un « nouveau verre », elle ne pensait qu'au dessert. Aux sensations. À ce qu'elle allait lui faire ressentir. Le plaisir qu'elle recherchait était totalement dépendant de son besoin de contrôle. Elle aimait être au dessus. Elle adorait quand sa conquête serrait les poings, se mordait les lèvres, jurait de plaisir. Être la cause principale de ces actes, voilà ce qui faisait frémir Lily-Rose. Rares étaient ses orgasmes, mais dieu, qu'il était bon de provoquer ceux des autres.
Dans les mouvements charnels qui se passèrent dans ce lit, ce vendredi soir, son amant gémissait, lui léchait les mamelons, l'embrassait avec une certaine tendresse sexuelle. Pendant qu'elle, rugissait, grognait, lui mordait l'épaule, répondait à ses baisers passionnément.
Lily-Rose était une prédatrice.
Son compagnon, la pauvre petite gazelle.
Puis vînt l'instant ultime. La jouissance, étrangement commune, qui lui fit jurer, crier, trembler.
Seigneur, qu'elle aimait ça.
Lily-Rose frissonna dans son bain, ressentant un étrange mais familier picotement au niveau de son pôle Sud. Dieu. Encore ?
Son état d'excitation ne la dérangeait pas tant que ça. Ses mains vinrent d'elles-même remédier à ce problème.
*
_ Lily ! Enfin ! Ça fait une éternité que je ne t'avais pas vu ! S'extasia une petite rousse à son arrivée au pub. À son comportement, cette jeune femme s’apparentait bizarrement à un caniche. Un bébé caniche bien chiant et réellement bruyant.
_ Bonsoir Lisa. Effectivement, j'ai eu pas mal de boulot ces derniers temps, répondit la jeune femme avec un sourire se voulant cordiale mais apparaissant comme méprisant.
_ Toujours dans tes traductions ? Ça t'ennuies pas trop, à la longue, toute cette paperasse ?
_ Toujours. Et non, pas spécialement, sinon ça ne serait pas mon métier, j'imagine.
Sourires faux. Tension. Entre Lisa et Lily-Rose, cela avait toujours été comme un ring de boxe. Deux personnalités fortes et indépendantes, cherchant constamment la première place. Parfois, la similitude menait aisément à la haine. Et entre ces deux là, c'était comme si elles avaient été créé pour se détester.
En se retenant de rouler des yeux, Lily-Rose s'avança vers le bar, saluant le petit groupe sommairement. Elle garda néanmoins une étreinte affectueuse envers Grégoire et une grande blonde debout à ses côtés. Cette dernière, habillée d'une tunique rouge bordeaux et d'un petit perfecto noir, semblait rayonner de bonheur en voyant le visage de son amie.
_ Lily-Rose, c'est presque un cadeau du ciel de te voir te convier à nous, s'amusa-t-elle en l'enlaçant gentiment.
_ Tu peux remercier Greg de m'avoir sortie du lit. Il n'aurait pas été là, je dormirai certainement encore à poings fermés.
L'intéressé lâcha un rire rauque, puis passa un bras tendre autour des épaules de Lily-Rose.
_ Ouais, enfin, ce que Lily ne te dit pas Noa, c'est que j'ai dû me battre à de multiples joutes verbales pour y arriver, ronchonna le grand brun.
_ Tu n'avais qu'à pas me réveiller, tu sais que je ne suis pas du matin.
_ Tu m'expliqueras un jour quand est-ce que le beau milieu de l'après-midi est le matin, ça m'intéresse, lui répondit-il en pressant son épaule.
Lily-Rose lâcha un rire énergique, puis commanda un verre de vin au bar. En s'y accoudant, elle se mit à regarder Noa et Grégoire avec une admiration non-dissimulée.
La jeune femme n'avait jamais cru en l'amitié. Elle avait toujours trouvé cette idée futile, utopiste, et totalement idéaliste. Pour autant, elle n'avait jamais imaginé rencontrer ces deux humains un jour, dans sa vie. Selon elle, l'Homme était d'une nature hypocrite. Mauvais, à constamment chercher le pouvoir. Son idée de la société avait beau être gonflée, étant donné sa quête constante de domination, elle la traquait depuis toujours. Elle en avait pourtant conscience. L'humanité se cachait jour et nuit sous un masque, et elle y compris. Pour autant, elle se trouvait aujourd'hui heureuse de connaître ces deux personnes, et de les compter dans sa vie. C'était comme si son âme solitaire avait trouvé une compagnie lui permettant de s'ouvrir davantage.
Ses amis. Ces jeunes gens l'étaient, bel et bien. Rencontrés à la faculté à l'âge de vingt et un an, aujourd'hui dans la vie active, quatre ans plus tard. Noa travaillait comme assistante d'un metteur en scène d'un petit théâtre, pendant que Grégoire affirmait sa passion littéraire dans une bibliothèque la semaine. Le garçon écrivait à ses heures perdues, et publiait quelques fois des petites chroniques sur un journal local. Pour Lily-Rose, Noa et Grégoire étaient des personnes dotées d'un esprit fin. Qui parviendraient un jour à changer le monde avec le pouvoir de leur intelligence. Était-ce peut-être une des raisons de son attachement à eux. Le sentiment d'être acceptée par des personnes de cette trempe, et de jouir d'un intellect qu'ils considéraient comme puissant.
Lily-Rose aimait conquérir. Mais elle devait bien se l'avouer, pour une fois, il s'agissait de ces deux génies des temps modernes qui l'avaient eu.
Aucun d'eux n'avait conscience de la vie nocturne de la belle, et de sa conception du sexe. Elle avait bien trop peur qu'ils la rejettent si ils apprenaient qu'elle écartait les cuisses dès qu'elle le pouvait. Lily-Rose ne considérait pas cela comme un manque de confiance, mais davantage comme un besoin irrationnel de ne jamais faire totalement confiance en quiconque. Elle savait tenir sa langue. Et elle désirait bien trop rester considérable à leurs yeux pour leur en faire part.
Depuis quand aimer une personne consistait-elle à tout lui avouer ? À partir du moment où un secret était dit à une personne, ce n'en était plus un. Or, la Lily-Rose chasseuse était une partie d'elle qu'elle ne souhaitait divulguer à personne.
Même pas à ses meilleurs amis. Parce que rien que l'utilisation de ce terme prouvait à tel point leur situation était futile. Et elle ressentait encore trop cette envie d'humanité pour se risquer à la gâcher.
Le masque. Toujours. Chaque humain en possédait un. Lily-Rose la première.
La soirée évolua doucement. La petite bande abusait sur la boisson, et quand les coups de vingt-trois heures sonnèrent, beaucoup tanguaient dangereusement. Sur les quinze personnes qui devaient être présentes dans le bar, Lily-Rose ne parla avec aucunes. Elle resta aux côtés de ses deux amis, comme si ils étaient coupés du monde. Eux-mêmes avaient l'esprit légèrement embué, mais cela ne les empêcha pas de continuer à dialoguer, de tout et de rien, de la vie, de l'univers, d'eux, ou alors tout simplement de s'amuser en pensant au fait que la bière de Grégoire avait vraiment de grosses bulles.
Ouais, dans ces cas-là, l'intelligence régressait légèrement.
_ Dites-moi les gars, vous avez pas envie de vous barrer ? Proposa Noa en commandant un nouveau Bloody Mary, cocktail à base de jus de tomate, de céleri et de vodka.
_ Qu'entends-tu par là ? Si tu parles d'un de ces délires de Road-trip, non merci, j'ai une traduction à rendre pour lundi, s'amusa Lily-Rose en sirotant son Chardonnay bien plus rapidement que quelques heures plus tôt.
_ Ouais, et je pense qu'on a passé le délire adolescent de tout plaquer pour un sac à dos et une douche par semaine, renchérit Grégoire en recoiffant maladroitement ses cheveux d'une main.
Noa leva les yeux au ciel, comme si elle semblait excédée de l’imbécillité de ses amis.
_ Vous êtes bêtes. Je parlais juste de partir de ce bar. De danser. De bouger. De picoler à foison. De redevenir des idiots de jeunes abusés par l'alcool et totalement irresponsables, comme ce qu'ils nous rabâchent à la télévision.
_ Bonne idée. La dernière fois que je suis allée en boîte, je devais avoir vingt ans, répondit Grégoire, comme nostalgique de ses tendres dernières années d'insouciance.
_ Cela ne nous rajeunit pas tout ça. Allons boire et signer cette soirée à la décadente jeunesse les amis, affirma Lily-Rose en souriant à pleines dents.
Finissant chacun leur boisson d'un trait, les trois amis se levèrent simultanément en agrippant leur sac et leur manteau. Ils sortîmes du pub en riant à gorge déployée d'une imbécillité dont ils ne se souvenaient pas eux-mêmes.
Lily-Rose savoura ce sentiment d'idiotie contrôlée que lui procurait l'alcool. Rayonnante, entourée de Noa et Grégoire, bras dessus, bras dessous, trébuchant tous les trois à chaque trottoir, elle avait l'impression de vivre une autre forme de pouvoir. Accompagnée de ces deux là, il lui semblait avoir la capacité de diriger le monde. Cette nouvelle forme de jouissance lui avait manqué, elle se devait bien de l'avouer.
En entrant dans la première boîte de nuit qu'ils trouvèrent, la petite bande se jeta sur la piste de danse. Sous la lumière aveuglante des stroboscopes, on voyait leur sourire, éclairant leur visage. Lily-Rose tapait des pieds, frappait des mains, et s'extasiait sur sa robe rouge, qui virevoltait autour d'elle. Elle avait l'impression d'être un coquelicot. Cette image de la fleur sauvage et indomptable la fit rire encore plus fort, trouvant l'idée totalement adaptée à sa personne. Peut-être se ferait-elle tatouer cette fleur un jour. Le cerveau embrumé, cette décision lui sembla étonnamment brillante.
Les danses furent coupées occasionnellement par une descente bien trop rapide de verres bien trop petits, poussant les trois jeunes adultes à aller encore plus loin dans leur beuverie de cette nuit. L'insouciance les perdait, et ils s'amusaient joyeusement sur de la musique électronique pas franchement convaincante, mais étrangement tellement prenante. Grégoire prit la main de Noa et de Lily-Rose, leur souriant de toutes ses dents, les yeux d'un rouge sang.
_ Je vous aime les filles, leur dit-il, criant assez fort au dessus de la musique pour qu'elles l'entendent.
Lily-Rose et Noa explosèrent d'un rire franc, heureux, et sans réelle cause. Elles étaient juste foutrement bien. Sans vraiment comprendre le pourquoi du comment, le jeune brun les rejoignit, mêlant ce son grave et tellement revigorant aux leurs.
La recherche constante du bonheur qu'avait Lily-Rose était presque acquise, en des moments comme ceux là. L'utopie de vie qu'elle rêvait lui semblait si proche, qu'elle avait l'impression qu'il ne lui suffisait qu'à tendre les doigts pour l'acquérir. Mais Lily-Rose était peut-être quelque peu masochiste. Parce que Lily-Rose ne cherchait jamais à la posséder. Peut-être souhaitait-elle, au fond d'elle, traquer toute sa vie ce bonheur idyllique, pour continuer à avoir un quelconque but dans sa vie. Il lui suffirait d'ouvrir son cœur. D'accepter que les personnes en face d'elle n'étaient autres que ses Amis. Mais Lily-Rose ne se sentait pas prête à posséder cette chose. Elle ne croyait pas encore suffisamment au bonheur pour y concevoir pleinement. Effectivement, la jeune femme était peut-être légèrement masochiste.
*
Sur les coups de huit heures, les trois amis étaient assis sur les marches de Montmartre, au dessus de leur tendre capitale, et regardaient le soleil se lever. L'esprit encore sous influence alcoolisée, les traits tirés de fatigue, se faisant chacun tourner un joint, ils gardaient encore un reflet de sourire constant sur le visage.
_ Heureux d'avoir été à nouveau un gamin cette nuit, Greg ? Demanda Lily-Rose en tirant une latte de cannabis qui lui piqua douloureusement la gorge.
_ Ne m'en parle pas. J'ai régressé de dix ans d'âge mental, au moins. Et encore, quand j'avais quinze ans, je suis près à parier que j'étais plus intelligent.
_ Seigneur, je croyais être la seule à penser cela. Je ne me suis jamais sentie aussi débile, décadente, ignorante et immature. Et j'adore ça, renchérit Noa en prenant le joint que lui tendait la belle aux cheveux bronze.
_ Le réveil va être dur, continua Lily-Rose.
_ Encore faut-il qu'on aille se coucher. Et je sais pas vous les filles, mais moi, je ne suis même pas sûr de réussir à me lever.
Les deux jeunes femmes approuvèrent, mais décidèrent tout de même que le temps d'aller reposer toute cette décadence s'imposait. Sur un commun accord, Grégoire et Noa vinrent dormir chez Lily-Rose, n'habitant qu'à quelques stations de métro du Sacré Cœur.
Ce matin-là, deux silhouettes encadraient le corps de Lily-Rose. Et ce n'était pas des conquêtes étrangères, mais des personnes qu'elle considérait bien plus que cela.
Grégoire et Noa. Le brun et la blonde. Ce qui pouvait le plus se rapprocher du terme « amis ». »
Il y a clairement une multitude de corrections à faire. Que l'auteure n'hésite pas à me contacter si elle souhaite une lecture attentive sur ce point-là.