Chapitre 1 : Son vœu le plus cher

Notes de l’auteur : Bonne lecture !

Cela faisait bien une heure que Lyra lisait et relisait ces lignes, à tel point qu’elle aurait pu les réciter.

— Je suis acceptée… murmura-t-elle sans y croire.

Lentement, à mesure que les mots se frayaient un chemin dans son esprit, que la brume angoissée qui avait précédé l’ouverture de cette lettre s’envolait, un sourire éclaira son visage.

— Je suis acceptée !

Lyra bondit sur ses pieds et, ne sentant plus le poids de la gravité, se mit à sauter partout dans sa petite chambre du 16 rue de l’Arbre-Chanteur. Sa joie était telle qu’elle ne remarqua même pas le sol vaciller ni ses jupes voltiger. Suspendue à une trentaine de centimètre du sol, la jeune fille flottait littéralement de bonheur.

Son regard se porta alors sur la fiche qui accompagnait la lettre. Elle en parcourut rapidement les lignes, sa joie partiellement atténuée par le coût qu’allait représenter l’achat de tout ce matériel. Rien que l’ouvrage de Paracelse Changeplomp coûte une petite fortune, se dit-elle en se mordillant la lèvre. Lyra l’avait déjà croisé dans la librairie à l’occasion de sa dernière rentrée et même si elle n’avait pas grand intérêt pour l’alchimie, elle devait reconnaître que l’œuvre de Changeplomb était un vrai petit bijou avec ses enluminures soignées et ses dessins ouvragés.

Lyra secoua la tête et inspira profondément.

— Ça va le faire, se dit-elle d’un ton décidé.

Dans sa main elle observa la petite clé dorée qu’elle avait trouvé au fond de l’enveloppe. Sa bourse était bien assez conséquente pour lui permettre de s’acheter tout le matériel en plus de payer ses trois années scolaires à l’Académie. Peut-être même lui en resterait-il pour se procurer d’autres ouvrages et une bonne réserve d’ingrédients pour les potions. Choisir l’option potion magique en plus de celle des poisons et remèdes représentait en soi un sacré défi, mais elle était prête à le relever.

Ragaillardie, elle posa les yeux sur ce merveilleux billet de train qui reposait sur son bureau. Délaissant lettre d’admission et liste de fourniture, elle s’en empara avec toute la délicatesse dont elle était capable. Bien que le carton soit épais et sûrement protégé de sortilèges anti-humidité ou déchirure, elle l’étudia comme s’il s’était agi de la plus fragile des reliques.

En lettres d’or scintillant à la lumière était écrit :

 

AURORE EXPRESS

Hauterive pour Aubelune

Départ : 31 août à 11 heures - Quai n°7

Aller simple

 

Lyra se mordit la lèvres, d’excitation cette fois. C’était les mêmes indications que sur la lettre, presque mot pour mot, pourtant ils lui procuraient encore plus de joie. Ce billet, plus encore que la lettre ou la liste, représentait la concrétisation d’un rêve qui l’accompagnait depuis plus de dix ans.

Émue aux larmes en songeant à toutes ces implications, Lyra serra le billet contre son cœur et avant qu’elle ne le réalise, se retrouva la tête en bas. Elle s’en amusait, se dépêtrant dans ses jupes en prenant grand soin de ne pas froisser son précieux billet, lorsque le carillon de coquillages qui décorait la porte d’entrée retentit au rez-de-chaussée.

— C’est nous, on est rentrée ! annonça la voix de sa mère.

Aussitôt, Lyra réattérit sur ses pieds dans un bruit mat et dévala les escaliers branlants de leur petite maison à toute allure. Un boucan de tous les diables la suivit depuis le deuxième étage, faisant grimacer sa mère, Laurinda Oakwood, alors qu’elle déposait les courses de la semaine sur la table de la cuisine.

— Lyra, chérie, je t’ai déjà dit de ne pas courir dans les escaliers, la gronda-t-elle sur un ton qui n’avait absolument rien de sévère. Tu vas encore passer au travers.

La dernière marche terminait tout juste de grincer lorsque Lyra se planta devant sa mère. Ses joues avaient pris une délicate teinte rose qui interpella sa mère autant que le large sourire qui lui barrait le visage.

— Eh bien, en voilà une qui semble de bonne humeur, s’amusa Laurinda en claquant la main de sa cadette qui cherchait à attraper une pomme qui avait roulé sur la table.

La petite Angie fit la moue avant d’afficher l’air farouche d’une enfant prête à réitérer l’expérience plus tard. 

N’y prêtant pas attention, Lyra brandit la lettre d’admission devant le nez de sa mère et, incapable de s’en empêcher, se remit à sautiller sur place, si bien que des étincelles se mirent à apparaître tout autour d’elle.

— J’ai été acceptée ! exulta Lyra.

Laurinda ouvrit de grands yeux et même la petite Angie sembla se désintéresser des pommes qui tombait à présent en cascade de la table dans l’indifférence la plus totale. Les étincelles se muèrent bientôt en une nuée de papillons multicolores qui termina de distraire Angie qui se mit à courir après eux dans toute la cuisine.

— Acceptée ? répéta Laurinda en clignant des yeux.

Lyra opina vivement et lui tendit la lettre. Sa mère la parcourut avant de passer une main sur sa bouche. Lorsqu’elle releva les yeux sur sa fille, des larmes de joies y brillaient.

— Oh Lyra, c’est merveilleux !

Laurinda serra sa fille dans ses bras. Puis son regard tomba sur la liste des fournitures et son sourire se morcela quelque peu.

— Oh… souffla-t-elle en se mordillant le pouce. Voilà qui va coûter cher…

— De quoi ? voulut savoir Angie.

Distraite, elle laissa échapper le petit papillon mauve qu’elle avait réussi à attraper et le regarda s’évaporer avec déception avant de rejoindre sa mère.

Lyra secoua la tête.

— La bourse couvre toutes mes dépenses, maman. Regarde, indiqua Lyra en montrant la ligne qui faisait référence au coffre. Ils m’ont même déjà envoyé la clé !

Elle lui montra la petite clé dorée que sa mère examina avec curiosité. L’appréhension quitta lentement ses yeux et un sourire joyeux éclaira à nouveau son visage.

— Très bien, sourit-elle en lui rendant la clé. Dans ce cas je pense qu’il nous faudra bientôt aller faire des emplètes !

— Mais maman, il reste encore un peu plus d’un mois avant la rentrée, s’amusa Lyra en rangeant soigneusement la clé loin des petites mains chapardeuses que sa sœur tendait déjà vers elle.

— Mieux vaut commencer au plus tôt, avant que je ne réalise que toute cette journée n’était qu’un rêve.

Angie abandonna Lyra pour tirer sur la jupe de sa mère.

— Est-ce que je pourrais avoir une baguette ? interrogea-t-elle avec de grands yeux de biche.

— Pas tout de suite mon ange, lui sourit doucement sa mère en caressant ses cheveux de boucles blondes.

Angie se rembrunit et croisa les bras.

— C’est pas juste ! Quand est-ce que je pourrais en avoir une moi aussi ?

— Quand tu auras l’âge, s’amusa Laurinda.

— C’est-à-dire onze ans, la coupa Lyra alors que sa sœur ouvrait déjà la bouche pour objecter.

— Ne sois pas triste, mon cœur, souffla sa mère alors qu’Angie gonflait les joues de contrariété. Un an, ça passe vite.

— Pas assez, bougonna la petite, ce qui amusa sa mère et sa sœur.

— Et si tu pouvais avoir une baguette demain, en quoi voudrais-tu la voir taillée ? questionna Lyra en aidant sa mère à ranger les courses.

— En diamant ! s’exclama fièrement Angie en prenant la pose.

L’effet était un peu gâché par le poireau qu’elle tenait encore à la main. Lyra et sa mère se lancèrent un regard, retenant à grand peine un fou rire.

— Je crois qu’il va falloir revoir tes exigences à la baisse, crapule, lança Lyra en soulevant sa sœur de terre.

La petite cria et se débâtit alors que sa sœur la chatouillait.

— Que penserais-tu d’une baguette en bois ? proposa-t-elle une fois sa sœur plus calme.

— Le bois c’est nul, grommela la fillette.

Lyra fit mine de s’offusquer, une main sur le cœur.

— Com-ment ? s’écria-t-elle avec emphase. Insinuerais-tu que ma baguette soit nulle ?

Angie parut tout de suite consternée et secoua vivement la tête.

— Ah non ? fit Lyra avec malice. Le bois serait-il remonté dans ton estime ?

Sa sœur opina vivement. Lyra rit et l’embrassa avant de la reposer par terre.

— Allez, file. Tu auras tout le temps d’y réfléchir plus tard.

Avec un sourire qui n’augurait rien de bon, Angie se précipita à l’étage. Lyra compta jusqu’à trois avant de l’entendre pousser un hurlement et dévaler les escaliers en sens inverse avant de se précipiter dans sa propre chambre au premier où elle claqua la porte.

— Mon charme anti-intrusion semble fonctionner à la perfection, s’enorgueillit Lyra, les mains sur les hanches.

— Pitié, dis-moi que ce n’est pas cet affreux enchantement qui te fait foncer sur un mur, souffla sa mère.

— Rien de tout ça, la rassura-t-elle en rangeant un sac de farine dans le placard. Disons simplement qu’à chaque nouveau pas quelque chose d’invisible lui pince les fesses.

— Lyra ! s’indigna sa mère en laissant tomber une pièce de viande sur le plan de travail.

— Quoi ? rétorqua-t-elle innocemment. C’est considéré comme une sécurité-enfant dans le Manuel des sorts de maison.

— Quand il s’agit de préserver les enfants d’objet tranchants, fit valoir Laurinda en levant la lame de l’un de ses couteaux. Pas contre les intrusions !

Lyra haussa les épaules.

— Je considère ma baguette comme un objet tranchant dont il faut la préserver.

Puis, après un instant de réflexion.

— Non, en fait c’est ma baguette que je cherche à préserver de l’objet de destruction massive que représente ma petite sœur. Pas plus tard que la veille elle m’a encore cassé ma boîte à musique, c’est la sixième fois que je la répare !

Sa mère lui lança un regard désabusé avant d’aller dans le cellier ranger le reste des commissions. À son retour, Lyra croquait dans une pomme.

— À quand nos emplettes ? demanda-t-elle pour changer de sujet.

— Je pensais y aller dans le courant de la semaine, avoua sa mère après un instant de réflexion. J’ai une livraison à faire dans le quartier.

Lyra s’abstint de tout commentaire mais son regard coula vers la panière de linges fraîchement pliés et repassés qui attendait dans le salon.

— C’est bon pour moi, lâcha-t-elle avant de rejoindre sa chambre.

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