Après s’être installé et mis à l’aise, le fils de Gérôme reçut la visite d’Aleksander, qui lui proposa de faire une petite balade dehors. Hors de l’hôtel, les deux amis lancèrent un duel habituel : draguer à tour de rôle les prochaines filles qu’ils apercevraient.
C’est une pratique très courante chez les coureurs de jupons, en effet.
Quand le tour de Norbert arriva, il devait courtiser une passante que son ami lui avait désignée. C’était une jeune femme d’une vingtaine d’années, à la peau métissée, avec des cheveux crépus et bouclés, et une grande taille.
Face à cette beauté, Norbert ne put s’empêcher de s’extasier. Peut-être était-ce le gin, ou bien la façon dont sa chemise bien ajustée laissait deviner son soutien-gorge noir, sans oublier ses talons hauts qui accompagnaient sa démarche presque dansante, qui ne laissaient pas de répit au Norvégien.
- Bonjour ma jolie, commença Norbert, subjugué par la prestance presque angélique de son interlocutrice. Comment allez-vous ?
- Je vais bien, merci. Qui êtes-vous ? répondit la jeune femme, visiblement dérangée par sa présence. Elle semblait occupée à organiser des documents qu’elle tenait en marchant, probablement liés à son travail.
- Je suis Norbert Eide, dit-il. Je suis ici pour passer de belles vacances.
- Eh bien, Monsieur Eide, comme vous pouvez le constater, je ne suis pas en vacances, moi. En fait, c’est à cette période de l’année que je travaille le plus. Sur ce, enchantée de vous avoir rencontrée.
Norbert pouvait entendre le rire discret d’Aleksander derrière lui, ses épaules se contractaient sous le poids de la frustration.
- Euh… D’accord. Je vois que vous êtes très occupée, dit-il, un peu gêné.
- En effet, je dois m’en aller, répondit la jeune femme.
- Évidemment, vous devez partir. Mais, avant de partir, pourrais-je avoir votre prénom ?
- Je m’appelle Shadine… Au revoir, rétorqua-t-elle rapidement avant de s'éloigner, l'air agacé.
« Une fille avec un sacré caractère » s’intima Norbert.
- Eh bien ! Tu as vraiment bien réussi là, n'est-ce pas ? ironisa le Polonais.
- Oui ! Elle n’avait pas l’air de très bonne humeur, répondit Norbert, visiblement mécontent.
Plus tard dans la soirée, les deux amis se rendirent dans un vieux bistrot du coin pour se désaltérer. Il semblerait que le viking des jupons avait oublié ses problèmes. Il ne pensait déjà plus à son embrouille avec Sharon, l’hôtesse de l’air qui n’existait peut-être que dans son imagination. Il était très heureux et détendu, prêt à séduire davantage. Il voulait rapidement corriger l’« humiliation » qu’il avait ressentie face à Shadine, la citadine, victime estivale des "bienfaits" la bureaucratie.
« Ah non ! Pas question de me retrouver dans une situation embarrassante en France. » pensa-t-il.
Pendant ce temps, Aleksander, assis tranquillement, observait les jolies jeunes femmes qui passaient. Les deux jeunes hommes profitaient d’une vie de rêve sans avoir à travailler ni à aller à l’école. Quand, soudain, le téléphone de Norbert se mit à sonner. C’était un appel de Norvège.
- Bonsoir, fiston, dit la voix à l’autre bout du fil. J’espère que tu vas bien ?
- Bonsoir, père. Je vais très bien, et vous ? répondit Norbert, dont l’humeur changea radicalement. Elle passa de joyeuse à préoccupée.
Il pressentait une mauvaise nouvelle, souvent annoncée par un appel de ses parents.
- Ta mère se porte bien. Moi, également. Et tes vacances, comment ça se passe ?
- Bien… bien ! répondit-il, un air perplexe sur le visage.
- Ce n’est pas pour ça que je t’appelle.
- Je m’en doutais. Que veux-tu ?
Les gens autour de lui le dévisageaient, se demandant comment une personne pouvait parler ainsi au téléphone avec son père. Cela était presque gênant pour Norbert, mais il ne s’en apercevait pas. Pour lui, c’était une réaction automatique, une vieille habitude.
- Oui ! En effet, je t’appelle pour te rappeler que l’université commence bientôt. Il serait temps que tu écourtes ta tournée.
- Hum…
- Ah oui !
- Quoi d’autre ?
- Plus tôt tu reviendras, mieux ce sera.
Bip, bip…