Chapitre 9

Le lendemain, Norbert et son ami avaient fait leurs valises. Il était temps de se diriger vers d’autres horizons. Ils devaient se rendre à leur dernière destination pour profiter pleinement de leurs vacances d’été.

À l’aéroport, Norbert scrutait chaque recoin à la recherche de la femme qu'il avait croisée trois jours auparavant. Il ne trouva aucune trace d’elle et son numéro ne passait plus. Cela le perturbait énormément. Ce n'était pas seulement parce qu'il n'avait pas pu assouvir ses désirs avec l'irrésistible hôtesse de l'air, mais parce qu'il n'y avait aucune preuve de son existence. Les autres hôtesses présentes ne la connaissaient pas non plus.

 

Avant de prendre son vol, Norbert n’hésita pas à soudoyer les membres du service de l’aéroport en utilisant son charme et ses sous. Pourtant, il n’y avait aucune mention d’une certaine Sharon Denivel, pas même une référence à son apparence physique. C’était vraiment inquiétant. Le fils de Gérôme, taraudé, craignait de développer un trouble schizonévrose, se traduisant par des hallucinations fréquentes. Il avait appris cela à l'école.

D’ailleurs, s'il ne s'était pas adonné à cette vie de coureur de jupons, Norbert aurait bel et bien pu avoir une belle carrière en psychiatrie.

Malgré tout, il ne pouvait nier que depuis son arrivée en Belgique, il avait rencontré Sharon, une hôtesse de l'air qu'il avait croisée à son atterrissage. Rien ne prouvait qu'elle travaillait réellement là-bas. Elle avait pris son numéro et ne le contactait que quand elle le souhaitait, comme le montraient les appels qu'il avait tenté de passer. Son absence à l’hôtel "maudit" et sa présence presque miraculeuse à la salle de sport n'allaient pas non plus l'aider. Et maintenant, l'inexistence de Sharon Denivel dans les archives de l’aéroport était le clou du spectacle.

 

Dans l’avion, Norbert ne pouvait s’empêcher d’observer la cabine. Pas un seul signe de la jolie métisse. Il devait se rendre à l’évidence : Sharon n’existait pas. C’était son obsession pour les jupes courtes qui l’avait créée.

Son ami, assis à côté de lui, remarqua son air préoccupé. Il observait son visage marqué par des rides, trahissant son inquiétude. Norbert, la main sous la mâchoire droite, les yeux fixés à travers la vitre de l’avion, semblait perdu dans ses pensées. Il était évident qu'il se remettait en question.

- À quoi penses-tu ? demanda Aleksander.

- …

Norbert ne l’entendit pas. Il était trop concentré sur sa méditation.

 

- Hé oh ! Onomatopa, Aleksander l'interpellant à nouveau.

- Hein ! Oui ! répondit le fils de Gérôme, brusquement tiré de ses pensées.

- À quoi penses-tu maintenant ? répéta son ami.

- … À rien de bien important…

- Ton visage ne semble pas dire la même chose, alors.

- Hein ! Pourquoi dis-tu cela ?

- Parce que tu sembles très préoccupé.

- Non ! Tu te trompes.

- ...

- Je pensais juste à un livre que j’ai oublié à l’hôtel, avança-t-il, un peu gêné.

- Un livre ? Tu me prends pour un idiot ? retourna Aleksander, souriant et haussant un sourcil.

- Voilà pourquoi je t’ai dit que c’était sans importance, se justifia le fils de Gérôme.

- Ok ! Mais…

- N’en parlons plus, coupa Norbert.

Il n'était plus en mesure de tenir la conversation. Le trouble qu'il ressentait lui avait déjà pris beaucoup d’énergie, et toute sa concentration était dédiée à cela. Que faire ? Qu’en faire ? Il s’endormit en essayant de réfléchir.

 

Quelques années auparavant, la vie de Norbert avait connu un tournant majeur. Tout avait commencé quand il avait quatorze ans, en vacances chez sa tante après son examen de fin de collège. Le Norvégien avait l'habitude de traîner avec ses cousins, qui n’étaient pas les meilleures fréquentations pour un enfant aspirant à un avenir brillant. Non, ces jeunes étaient de véritables canailles, initiées par leur beau-père.

La sœur de Gérôme avait perdu Wallace, son mari, lorsque ses jumeaux étaient encore en primaire. Ils avaient eu beaucoup de difficultés à surmonter ce deuil avant que Gilles, un Italien rencontré lors d’un voyage d'affaires, n'apporte un style de vie plus familial. Cependant, cette situation ne dura pas longtemps pour les jumeaux.

Un après-midi, à leur retour du collège, ils surprirent leur beau-père en train de s’amuser avec une jeune femme. C’était un choc pour eux. Pour garder sa crédibilité auprès de sa femme, Gilles se sentit obligé d’initier ses beaux-fils à l’art de la drague, prétendant que c’était essentiel pour un homme. Il réussit ainsi à acheter le silence des enfants d’Adriana, et à leur tour, ils pervertirent Norbert.

 

Depuis ce jour, Norbert était devenu un véritable don Juan, un redoutable rival dans la quête de jeunes femmes. Pourtant, il aurait pu facilement trouver une fille qui l’aurait rendu heureux. Il l’avait éprouvé à plusieurs reprises, mais il ne voulait pas s’engager dans une seule relation. Au départ, c’était un défi avec ses cousins, mais l’élève avait fini par dépasser les maîtres.

Le Norvégien avait de l’avenir, du charme, de l’intelligence, du charisme et une bonne situation. Cependant, il lui manquait un attribut essentiel : l’amour de soi.

 

En première, ses parents remarquèrent son « penchant exacerbé pour les petites culottes ». En effet, son comportement à la maison ne laissait aucun doute. Le personnel et les amis de ses parents pouvaient en témoigner. La situation était devenue apocalyptique.

Soi-disant pour le protéger, ses parents l'envoyèrent passer plus de temps chez ses oncles et tantes. Il ne rentrait chez à la maison familiale que pour l'école. Ce n’était pas facile de sanctionner un enfant comme lui : il était brillant à l’école, comme en témoignaient ses excellents résultats. De plus, il n'était pas particulièrement irrespectueux envers ses parents.

Ses géniteurs étaient donc partagés entre la fierté de ses résultats scolaires et la honte de son comportement. Ils ne le punissaient pas tant qu'il rapportait de bonnes notes. Norbert pouvait compter sur deux alliés : son charme et son intelligence.

 

Après le lycée, il décida de profiter de ses vacances encore un an. Ses voyages en Suisse, Pologne, Belgique, et bientôt en France allaient précéder son entrée à l’université.

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