PRESENT : ELIJAH
Ils retrouvèrent Ethan lorsqu’on les poussa à l’intérieur d’une salle d’attente. Abigail n’était pas avec lui. Les femmes et les hommes étaient séparés. Quatre surveillants étaient postés dans la salle, rendant toute communication à propos du plan presque impossible. Presque. C’était Gringe qui, la première, avait évoqué l’idée de la communication par les gestes. Elle avait prévu qu’ils seraient surveillés, une fois là-bas, et avait proposé qu’ils inventent un langage corporel. Elijah lui avait demandé pourquoi ils ne pouvaient pas utiliser les communicateurs télépathiques fabriqués par Niv et l’inventrice lui avait répondu que son invention n’était pas faite pour parler à n’importe qui par télépathie et que ça pourrait casser l’appareil. Le groupe avait alors fait appel à un mage linguiste afin d’inventer une langue qui ne pourrait être comprise que par les membres de Libellules. Ils avaient travaillé très dur pour mémoriser tous les codes qui leur permettraient de se comprendre et de déduire ce que chacun disait et avaient passé plusieurs nuits blanches. Et aujourd’hui était venu le moment d’utiliser ce langage qui n’était qu’à moitié au point, du fait de leur manque de temps et d’entraînement. Ce fut Jake qui démarra la conversation.
Il fit semblant de bailler, articulant un « A » silencieux, pour demander à Ethan où était Abigail. Au début, il n’y eut aucune réaction de la part de l’adolescent. Alors McDorsey insista, baillant une deuxième fois et s’attirant, au passage, les regards intrigués des surveillants, puis Ethan comprit que le leader des Libellules voulait faire passer un message. Il réfléchit, puis son visage s’éclaira pour se rembrunir tout de suite après. Il haussa les épaules puis s’étira en prenant soin d’écarter ses bras : « On a été séparés. ». Elijah attendit un peu que les surveillants baissent leur garde. Trop de gestes à la suite les auraient rendus suspects. Une mouche passa dans la pièce. L’atmosphère était tendue. Puis il se râcla la gorge pour attirer l’attention d’Ethan. Il se gratta la tempe : « Avez-vous contacté vos binômes au repère ? ». Ethan fit « oui » de la tête avec discrétion. Un soupir de soulagement souleva la poitrine des trois garçons. Ethan lui renvoya la question et Elijah se prépara à répondre mais, à ce moment, la porte qui se trouvait en face d’eux s’ouvrit et une femme à l’allure sévère apparut dans l’encadrement, les jaugeant du regard.
- Pour une salle qui accueille deux mages en fuite et un autre qui a causé pas mal de dégâts dans le Dédale, je trouve cet endroit bien calme.
Elle jeta un œil au dossier qu’elle tenait entre ses mains et ramena son regard sur les trois hommes. Puis pointant Elijah du doigt, elle dit :
- Toi, là. Suis-moi.
L’intéressé se leva avalant difficilement sa salive, et rejoignit la femme qui lui intima d’entrer dans son bureau. Elijah s’exécuta et, juste avant que la porte ne se ferme, jeta un regard paniqué à ses deux camarades. Une fois seuls, la femme lui ordonna de s’asseoir et éplucha son dossier. Lorsqu’elle eut terminé de le lire, elle le posa à côté de sa main droite, sur le bureau, et dévisagea longuement Elijah. Lorsqu’elle prit la parole, sa voix était dégoulinante de triomphe. Elle se pencha sur Elijah.
- Quel honneur de te revoir ici, matricule 0210 : Elijah Meyer. On commençait à croire que jamais tu ne te laisserais attraper.
Elijah détourna les yeux. Soit par dégoût pour ce regard orgueilleux, soit par résignation, ou peut-être parce que ce n’était pas le moment de commettre un acte inconsidéré et de frapper cette femme qui osait fanfaronner alors qu’elle n’avait aucunement contribué à sa capture. Mais la scientifique ne l’entendait pas de cette façon. Sa main fusa et attrapa les joues du jeune adulte, le forçant à tourner la tête. Elijah voulut se dégager mais elle le retint.
- Voyons, pas de geste brusque ici, mon cœur. Il suffirait que j’élève la voix pour qu’un surveillant vienne t’électrocuter.
Elijah serra les dents. Et elle continua ses déblatérations insupportables.
- Les jolis yeux que tu as, 0210. Ce sera très utile. Tu sais que nous avons enfin trouvé le moyen de fabriquer un portail vers l’autre face de Sambremonde ? Toute cette énergie que tu possèdes va enfin servir à quelque chose.
Cette fois, Elijah se dégagea sèchement, attrapant le poignet de la jeune femme. Il lui lança un regard glacial.
- Vous pouvez toujours courir pour que je coopère. Ne vous inquiétez pas : je commence à être doué dans l’art de pourrir la vie des gens.
Elle poussa un rire aigu qui donna au jeune adulte l’envie de lui écraser le pied puis se reprit.
- Nous nous écartons du sujet, jeune homme. Reprenons : J’ai déjà enregistré tes informations dans la base de données. Je te donne ceci (elle lui fourra un sac blanc dans les mains) et un surveillant va t’escorter jusqu’à ton dortoir. Je suppose que tu sais ce qui va t’arriver si tu essaies de t’échapper ou de te rebeller. La pièce noire n’est pas réservée aux enfants et, si tu ne crains plus la pénombre, nous avons bien d’autres moyens de te faire regretter tes actes puérils. Sur ces mots, je te dis au revoir et bon séjour au LERM, mon cœur.
Elle le fit se relever, ouvrit la porte, et le confia à un surveillant qui l’amena jusqu’à la sortie de la salle d’attente. En se grattant la joue et en clignant des yeux, Jake lui demanda de quoi ils avaient parlé. Elijah lui signifia qu’elle n’avait rien eu à dire puis, réfléchissant, il se souvint d’une phrase de la scientifique : Tu sais que nous avons enfin trouvé le moyen de fabriquer un portail vers l’autre face de Sambremonde ? Il sentit un frisson lui parcourir le dos. Il se retourna brusquement, regarda Jake avec intensité, se frotta la bouche, se pointa lui-même du doigt avant de faire de même avec Jake : « J’ai des infos à te communiquer. ». Il n’eut pas le temps d’en dire plus. Déjà, on l’emportait à l’extérieur de la pièce.
Les couloirs du laboratoire étaient exactement l’image qu’on pouvait se faire d’un hôpital : blancs, propres. Immaculés en therme de poussière, et pourtant maculés de toute la haine et la souffrance enfermées ici. Des médecins s’affairaient, un chariot de fourniture roulant devant eux, un gobelet de café brulant dans la main, qui n’attendait qu’une occasion pour être renversé sur leur visage insouciant. On entendait des cris glaçants. Personne n’y faisait attention. Le surveillant tenait Elijah par l’épaule, comme l’aurait fait un père, mais le serrait de toutes ses forces, comme le faisait un bourreau qui emmenait son prisonnier à la salle de torture. Ils passèrent devant les dortoirs sans s’arrêter. Elijah jeta un œil interrogateur au surveillant.
-Où va-t-on ?
Pas de réponse. Ils continuèrent leur chemin, grimpèrent des volées de marches, en descendirent d’autres et, enfin, arrivèrent dans le couloir le mieux entretenu de tous. Ils le traversèrent d’un pas rapide pour arriver devant une porte qui annonçait « Directeur. ». Cette porte, Elijah la reconnaissait. Cette porte, il avait espéré ne plus jamais la revoir. Car derrière cette porte se trouvait la cause de tous les malheurs de chacun des mages présents ici. Derrière cette porte, il y avait le président du LERM. Les jambes d’Elijah s’arrêtèrent de marcher. Il était paralysé. Par la peur ? Par la rancune, peut-être ? Peu importait, au final. C’était le même résultat. Le surveillant s’arrêta à son tour, dévisagea le mage de soin.
- Qu’est-ce que tu fais ?
- Excusez-moi, j’ai eu un vertige.
- Avance, 0217.
J’ai un nom ! voulut crier Elijah. Je ne suis pas un nombre, je ne suis pas une information dans votre base de données ! J’ai nom, je suis une personne, alors appelez-moi par mon nom, bordel ! Mais il n’en fit rien. Le surveillant connaissait très bien son nom. Mais numéroter les « patients » du laboratoire faisait partie du processus de déshumanisation des mages. Mais Elijah ne s’attarda pas plus sur la question. L’homme ouvrait la porte du bureau pour le pousser à l’intérieur. Une fois qu’il entendit le panneau de bois claquer derrière lui, Elijah se retourna.
- Tu viens d’arriver et tu veux déjà repartir, Elijah Meyer ?
La voix venait du bureau, derrière lui. Elijah ne tourna pas la tête. Il ne voulait pas le voir. Il serra les poings.
- Viens donc t’asseoir, petit. Enfin, je ne devrais peut-être pas t’appeler petit, tu es un adulte maintenant, non ?
- …
- Allons, on sait tous les deux que les caprices sont agaçants et inutiles. Alors viens t’asseoir, Elijah, car je déteste perdre mon temps. Tu ne voudrais pas que je perde patience.
Le jeune adulte décida finalement d’obéir aux ordres. Lentement, son corps se mit en marche. Il se tordit d’abord pour pouvoir voir son interlocuteur, puis s’avança jusqu’à s’asseoir sur la chaise qui faisait face au directeur du LERM. L’homme affichait un sourire poli mais ses yeux restaient vides d’émotion. Lorsqu’Elijah s’installa, il reprit la parole.
- Je ne t’ai pas manqué, n’est-ce pas ?
- Vous ne devez pas manquer à beaucoup de gens.
- Détrompe-toi. Ce n’est pas moi le monstre, ici.
La mâchoire d’Elijah se contracta. Monstre. Ce mot employé sans vergogne par le personnel du LERM. Un mage du laboratoire s’entendait dire à longueur de journée qu’il était un monstre. Mais Elijah ne voulait plus croire ces personnes. Il ne voulait plus se sentir comme une créature. Il expira lentement, le souffle tremblant, et prit son courage à deux mains pour répondre.
- Des mages ou du LERM, je me demande qui est le plus monstrueux.
- Arrêtons cette conversation qui ne mène nulle-part, veux-tu ? dit le directeur dans un rire ironique : Dis-moi, Elijah Meyer : tu étais en bonne compagnie quand on t’a capturé.
- …
- Un mage noir de télékinésie, une mageresse de renforcement musculaire très recherchée par les chasseurs, et le leader des Libellules en personne. Ça parait trop beau pour être vrai.
Il y eu un silence puis le regard gris acier du Directeur Loan vint se poser sur Elijah avec une lueur malicieuse.
- Tu sembles très proche de mon fils, dis-moi.
- Votre…
- Jake. Il a l’air de tenir à toi. C’est étonnant, venant de sa part.
- Qu’est-ce que…
Qu’est-ce qu’il racontait ? Jake ? Le fils du directeur ? Non. Peut-être n’était-ce qu’une ruse pour le déstabiliser. Pourquoi… Pourquoi Jake serait-il le fils d’un homme si vil ? Et pourtant, l’homme en question semblait sincère. Les sourcils d’Elijah se froncèrent, cela fit rire Loan.
- Tu sembles surpris. Il ne t’a rien dit ? Alors il me hait à ce point ?
- Comment pourrait-il en être autrement ?!
Le directeur sursauta. Elijah s’était brusquement levé, faisant tomber sa chaise, et avait frappé du poing sur le bureau.
- Comment pourrait-il en être autrement ? répéta-t-il : Vous avez vu ce que vous lui avez fait ? Il n’a jamais demandé à être un mage ! Vous lui avez donné ce pouvoir de force ! Comment pouvez-vous vous regarder dans un miroir après avoir fait ça à votre fils ?!
- Tu es donc au courant de mon accomplissement. Tu devras avouer que j’ai quand même plutôt réussi mon expérience. Jake est un véritable mage, après tout.
- Vous ! Vous ne méritez pas d’avoir un enfant comme Jake ! Vous ne le méritez pas ! Vous ne méritez pas de sourire, ni de respirer ! Comment un parent peut-il infliger ça à son enfant ? Dites-moi !
- Voyons, Elijah. Je ne vois pas ce qui est mal dans ce que j’ai fait.
- Que…
- Je n’ai pas donné n’importe quel pouvoir à mon enfant, à mon bébé : je lui ai donné le pouvoir de se défendre contre n’importe qui ! Il peut tuer quelqu’un juste avec un mot, en le regardant dans les yeux.
Loan souriait presque avec démence. Il était évident qu’il n’avait pas fait ça pour protéger son fils.
- Vous êtes une ordure. cracha Elijah.
- Et toi, Elijah Meyer, comment peux-tu te permettre de juger la façon dont je m’occupe de mon fils alors même que ce sont tes propres parents qui t’ont signalé au LERM ?
- Je vous interdis de parler de mes parents !
- Ah. Je touche un point sensible. C’est vrai que, comme tu les as tous les deux assassinés, tu dois vouloir les rayer de tes souvenirs.
- Arrêtez ! s’exclama Elijah en secouant la tête pour chasser la culpabilité qui lui montait à l’esprit.
- Tu es un mage de soin, mais tout ce que tu fais, c’est détruire les gens. D’abord ta mère, puis ton père. Après ce médecin que tu as laissé mourir, et tu as même abandonné ton ami, tu sais : Caleb.
- Taisez-vous… Taisez-vous, s’il vous plaît.
Ce n’était plus qu’une supplication murmurée d’une voix pathétique. Une phrase confuse mêlée de souvenirs atroces. Le peu de souvenirs qu’il avait de ses parents. Tous mauvais.
PASSE :
- Je ne t’aime pas. Je n’ai jamais voulu de toi. Comment ai-je pu donner naissance à un monstre comme toi ?
- Maman…
- Va-t’en. Je ne veux pas te voir. Tu n’es pas humain.
- Mais…
- Va dans ta chambre !
La femme frappa violemment le petit garçon qui en perdit l’équilibre. Les larmes commencèrent à couler sur ses joues, ses grands yeux dorés brillaient de désespoir. Mais la mère, insensible, lui jeta un regard méprisant.
- Et ne t’avise pas de me fixer encore avec tes yeux hideux. Fais-le et j’appelle le LERM immédiatement. N’oublie pas que tu es une saleté de mage.
Le garçon se tourna, traversa la pièce.
- Tu n’es bon qu’à nous causer des ennuis. entendit-il avant d’être sorti.
PRESENT :
- Bon. Je crois qu’on a fini pour aujourd’hui. Je voulais juste voir si tu étais toujours le même gamin insolent. On dirait que ça s’est un peu calmé.
Elijah ne réagit pas. Appuyé sur le bureau, immobile, le regard perdu, il restait là, abattu, à ressasser ses souvenirs. Il ne réagit pas non plus quand le directeur passa à côté de lui en lui donnant une tape sur l’épaule, ni même lorsqu’un surveillant entra et l’attrapa pour l’emmener de nouveau dans les couloirs. Ses parents… l’avaient jeté en pâture au LERM. Le père de Jake… avait forcé son fils à obtenir des pouvoirs au prix de la vie d’un mage. Pourquoi ? Pourquoi les gens étaient-ils si égoïstes ? Pourquoi tant de mépris pour les enfants ? Que fallait-il, au nom de l’omniscient, pour être aimé tel qu’on était ?
- Tu comptes rester planté là ? Je t’ai dit d’entrer là-dedans.
- Hein ?
Le surveillant le toisait durement. Elijah se retourna. La porte de la salle commune qui abritait les mages adultes du LERM était ouverte et attendait qu’Elijah la passe. Le surveillant poussa à l’intérieur et referma la porte derrière lui. Elijah voulut lui jeter un regard noir mais il était déjà trop tard. Il se retourna donc pour examiner l’endroit où il venait d’atterrir.
L’aile qui abritait les mages adultes était similaire à celle qui abritait les enfants, si ce n’était que les meubles étaient plus grands. La disposition des lieux était la même. Une salle commune où, chaque jour, on recensait les mages, derrière, une porte qui menait aux dortoirs, et sur le côté, le réfectoire qui n’allait pas tarder à être ouvert pour le repas du soir. La salle commune était remplie. Le recensement de la fin d’après-midi allait être effectué. Les mages discutaient paisiblement. C’était beaucoup plus calme du côté des adultes, mais on sentait une certaine résignation. Ils n’avaient pas envie de se battre, ils n’étaient pas espiègles, comme les enfants. Ils restaient juste là, se disant peut-être qu’au moins ils étaient nourris et logés. C’était ça qui allait rendre leur plan difficile à réaliser. Une fois que le LERM aurait été incendié par leurs soins, comment allaient-ils convaincre les adultes de les suivre ? Les enfants ne poseraient pas de problème, ils avaient encore de l’espoir, ils vivaient pour sortir du LERM. Mais les adultes ne vivaient pas, ils subissaient leur vie comme un fardeau, sans essayer de la rendre meilleure. Cette mentalité faisait d’eux des cibles faciles pour les chasseurs.
- Euh… Il y a quelque chose qui ne va pas ?
Elijah saisit la main qui venait de lui toucher l’épaule. Elle était fine mais forte. Une main qui s’était déjà battue et qui avait l’habitude de tenir une arme. Elle ne tremblait pas, celui qui venait de lui parler avait l’assurance d’un chef.
- Jake.
- Oui ?
Le jeune adulte se retourna pour faire face à son camarade. Le leader des Libellules l’observait, perplexe.
- Où est-ce qu’on t’a emmené après ton entretien avec cette femme ? Tu ne reviens que maintenant…
- Dis-moi Jake…
- Hmmm ?
RElijah prit une inspiration.
- Tu comptais nous dire que le directeur du LERM était ton père ?
PRESENT : JAKE
Tu comptais nous dire que le directeur du LERM était ton père ? La phrase avait résonné dans son esprit, claire, comme l’écho d’une voix dans les montagnes. Tu comptais nous dire… S’il comptait le leur dire ? Non, certainement pas. Il ne comptait pas le dire, jamais. Il aurait voulu que ça reste secret pour toujours. Alors pourquoi, comment Elijah l’avait-il su ? Et ce regard, qu’il lui lançait… Pourquoi un regard si froid, si distant ? Pourquoi un regard furieux ? Non. Il fallait se reprendre. Il ne fallait pas qu’il perde son calme.
- Loan t’a parlé, on dirait.
- On a eu une petite conversation, oui. Alors ? La réponse à ma question ?
- Pourquoi ça t’importe tant ?
- Pourquoi tu ne m’as pas dit que c’était ton père qui t’avait octroyé ce pouvoir, le jour où nous avons parlé pour la première fois ?
- Tu avais besoin de quelqu’un pour déverser ta colère. J’étais là.
- Mais à quoi tu joues ? Pourquoi tu es comme ça avec moi ?
Quelques têtes se tournèrent, Jake fronça les sourcils.
- Pourquoi je suis comme quoi ?
- Jake, je t’aime vraiment bien.
Hein ? Quoi ? Qu’est-ce qu’il était en train de dire ? Jake sentit ses joues s’enflammer. Où voulait-il en venir ?
- Oui, je t’aime bien. répéta Elijah : Mais qu’est-ce que tu peux être idiot parfois ! On est là pour toi, au repère. Alors si tu n’aimes pas ton père, tu peux nous le dire ! Tu as le droit de penser à ce qui te rattache à ton passé. Tu as le droit de penser à toi.
Jake fut pris d’une folle envie de rire. Penser à lui ? Mais pour qui le prenait Elijah au juste ? Un homme au grand cœur qui se cachait sous des apparences de malade mental ? Il avait le droit de penser à lui ? Mais il le faisait ! C’était même la première chose qu’il faisait, avant d’entreprendre une action avec les Libellules. Elijah pensait qu’il était venu ici en soutien ? Mais il avait des choses à faire ici. Il était venu pour lui avant tout. Il ne voulait pas qu’on le prenne pour quelqu’un d’autre que celui qu’il était. Il était instable ? Et alors ? Il était sans pitié. Mais qu’est-ce que ça pouvait faire ? Au moins, il était lui. Mais il ne supportait pas qu’on se fasse de fausses idées sur lui. Il prit une inspiration, posa sa main sur l’épaule d’Elijah et, de ses yeux gris, lui lança un regard profond et sévère.
- Rassure-toi Elijah : Je pense à moi avant tous les autres : Je reste un humain.
- Mais…
- Tu ferais mieux de te concentrer sur notre mission. Je te rappelle que c’est à toi qu’il incombe de retrouver les dossiers qui nous permettront de fabriquer un remède contre la maladie. Joanna arrive dans deux jours, elle te transmettra les infos nécessaires. En attendant, tâche de rester en vie. Mais ça ne devrait pas être trop compliqué car les médecins vont avoir grand besoin de toi dans les jours qui arriveront.
Il l’abandonna sur ces mots. Elijah devait se concentrer, réfléchir, ne pas perdre de vue son objectif. Ce n’était pas le moment d’entretenir une conversation sur leurs parents respectifs. Désolé de te laisser en plan Elijah, pensa-t-il, mais ce n’était vraiment pas le moment d’aborder ce sujet. Et quand fallait-il l’aborder, alors ? Jamais, jamais. Dans ce cas, il allait fuir ses problèmes, lui aussi ? Comme Jio, comme Elijah, comme Nethan, il allait fuir comme tout le monde ? Aussi simplement ? Non. Il n’était pas venu pour ça. Quand la mission serait terminée, il en parlerait. Oui. Quand la mission serait terminée. Quand il aurait réglé son problème.