PRESENT : ELIJAH
Ils avançaient silencieusement dans les voies souterraines, une lampe braquée devant eux qui émettait une lumière aveuglante, chassant les ténèbres. Personne ne parlait, c’était à peine si chacun osait respirer. Il n’était pas loin de 18h. Dans quelques minutes, la mission allait commencer. Dans quelques minutes, Elijah allait risquer sa vie. Aux côtés de Jake, de Abigail, d’Ethan, et de Joanna, qui allait les rejoindre dans quelques jours, pour paraître plus naturelle. Elijah s’était beaucoup demandé pourquoi Jake avait choisi de les accompagner. En tant que chef des Libellules, il aurait dû superviser tout de loin, sans avoir à s’infiltrer au LERM. Il aurait dû faire ce qu’il savait faire de mieux : rassurer tous les membres de l’organisation qui, bientôt allaient devoir la quitter pour une raison qui leur était presque inconnue. Et pourtant, il était là, avec lui, avec eux. Il disait qu’il avait quelque chose à faire, mais qu’était-ce donc que cette chose ?
Il entendait le bruit de sa respiration. Une respiration fébrile, tremblante, une respiration terrifiée. Et à côté de lui, la présence de Jio, à la fois rassurante et inquiétante. Il se déplaçait sans bruit, telle l’ombre qu’il était, tel un fantôme. Et enfin, ils arrivèrent devant les escaliers au sommet desquels on voyait déjà se dessiner les rues du Dédale. Il faisait beau, le soleil brillait sur Nirim et, avec un temps pareil, même les rues du Dédale étaient pleinement éclairées. Par une si belle journée, les mages sortaient et étaient moins prudents. C’était une journée idéale pour se faire capturer. Ils gravirent les escaliers, avec fébrilité pour Elijah, une excitation palpable pour Jake, mais presque la mort dans l’âme, dans le cas d’Abigail et d’Ethan. Arrivés en haut des marches, deux groupes ne tardèrent pas à se former : Ceux qui partaient, et l’équipe de communication ainsi que Joanna, qui restaient. Tous, sans exception, avaient insisté pour assister au départ de l’équipe d’infiltration et Jake avait fini par céder à condition de ne pas perdre de temps en adieux larmoyants. Elijah pensait que c’était surtout pour éviter que les infiltrés renoncent à leur tâche. Alors ils se dirent simplement « au revoir » et, tandis qu’ils s’éloignaient, se rapprochant dans le même temps des chasseurs de primes, les autres les regardaient, impassibles. Ce soir, Elijah ne dormirait pas dans une chambre, il ne dormirait peut-être pas dans un lit, mais au moins, il serait au même endroit que Nethan.
PRESENT : ??
Il regarda le groupe de quatre s’éloigner tandis que l’autre groupe restait devant la bouche du TMIZ. Dans le groupe de quatre, une jeune femme, un jeune homme aux yeux d’ambre, un adolescent à l’air antipathique, et Jake. Jake s’était fait des amis, Jake s’était intégré. Jake assumait son rôle. C’était parfait. Et de l’autre côté ? Des femmes, en majorité, et un adolescent singulier, à l’aura glaciale et menaçante. Des yeux noirs, grand, des muscles contractés sous sa peau métissée. C’était donc lui : le pion de Soö, le pion d’Erlein Nowise. C’était lui, ce pauvre garçon. Mais il comprenait ce que ces deux hommes ressentaient envers Jio Ateëm. Ce garçon, sous sa première apparence de Psalien normal, avait quelque chose d’attirant. On ne voyait que lui, en vérité. Et sa présence rassurait et effrayait, illuminait et assombrissait le ciel. Ce garçon était remarquable, une grande puissance se dégageait de lui. Il sourit. Soö choisissait bien ses pions. Mais de toute façon, il passerait bientôt à l’action. L’homme jeta un dernier regard à chacun des groupes et disparut dans l’ombre.
PRESENT : ELIJAH
- Et on est certains qu’ils ne vont pas nous tuer ? demanda Elijah pour la quatrième fois depuis qu’ils avaient quitté leurs camarades.
- Bon sang Elijah ! s’exclama Abigail : Tu es un mage, et qui plus est un mage de soin ! Au nom de l’omniscient, pourquoi est-ce qu’ils te tueraient alors que tu es beaucoup plus utile vivant que mort ?
- Je disais ça comme ça.
- Hé bien si tu pouvais réfléchir un minimum, ce serait pas de refus. Intervint Ethan.
- Non mais de quoi je me mêle ? Qu’est-ce qui te donne le droit de me parler comme ça, d’abord ?
- Vous ne pouvez pas arrêter de vous chamailler deux secondes, tous les deux ?! s’exclama Jake.
Le silence retomba. Ils parcoururent les derniers mètres qui les séparaient de la sortie du Dédale et se retrouvèrent dans le quartier pauvre. Là, ils s’arrêtèrent.
- On va où, maintenant ? interrogea Jake.
- D’après les relevés de l’équipe de repérage, ces derniers temps, les équipes de chasseurs passent souvent près du quartier populaire et du quartier religieux.
- Alors on va dans le quartier religieux. Il y aura moins de monde. Ce sera plus facile de nous faire repérer. Et, de toute façon, il nous faut passer par le quartier populaire pour rejoindre l’autre. En route. Il n’y a pas de temps à perdre, il est déjà 18h30.
Les autres acquiescèrent et tous se mirent en route. Ils traversèrent le quartier pauvre dans le sens inverse des mouvements de foule, ce qui n’était pas aisé puisqu’il y avait énormément de monde, à cette heure, et finirent par arriver dans le quartier populaire. L’atmosphère y était déjà différente. Plus tendue, certes, mais moins insalubre. Il y avait moins de bruit dans les rues, les gens marchaient calmement, les uns derrière les autres, et pas comme un troupeau informe. Malgré l’objectifs qu’ils s’étaient fixés de tous se faire repérer, ils rentraient la tête dans les épaules, comme des bêtes apeurées. Quoi de plus normal ? Qui aurait voulu de son plein gré retourner au LERM. Qui n’aurait pas eu peur ? Quand ils passaient, les gens les dévisageaient avec curiosité. Jake souriait, ce qui était étrange, et Abigail se tenait droite, la mâchoire serrée, serrant à lui en casser les os la main d’Ethan qui se retenait de crier de douleur. Un groupe comme le leur se faisait rapidement repérer. Des yeux d’or, un cache-œil, un jeune homme habillé tout de noir et une jeune femme, la plus petite de tous, qui semblait pourtant dominer ce groupe au niveau de la force physique. Cependant, aucun chasseur de vint les interpeller pendant leur traversée du quartier populaire et ils arrivèrent dans le quartier religieux tendus, sur leurs gardes. Il fallait tout de même rester attentifs à ce qu’il se passait, un chasseur était un fou qui aurait pu leur arracher les deux bras sans aucune raison.
Le quartier religieux était plus calme encore que le quartier populaire. Enfaite, il y régnait un silence étrange perturbé uniquement par l’arrivée du groupe de visiteurs. Les rues étaient presque désertes, à cette heure, tout le monde était dans les temples, les chapelles, à prier l’omniscient ou n’importe quel autre dieu car, les différentes religions se devaient d’être ouvertes et respectueuses envers toutes les cultures et les croyances. Après avoir passé dix minutes à ne rien faire sur la place centrale du quartier, Elijah se décida enfin à poser la question qui devait tarauder chacun d’entre eux, en ce moment.
- Et maintenant ? On est censés faire quoi ?
- Je ne sais pas. fit Abigail : Il n’y a vraiment personne ici, je n’ai repéré aucun chasseur. Tout le monde doit être dans les bâtiments.
- Il faut prier. intervint Ethan, impassible.
- Dis donc Ethan, lui répondit Jake, tu n’as pas autre chose à faire que de t’occuper de ta prière, là ? Je te rappelle qu’on est en mission !
- Non, je dis qu’il faut prier parce que, dans les temples et autres bâtiments religieux, il y a toujours une relique sensible à la présence de magie. Vous n’avez jamais remarqué que très peu de mages se rendent aux temples, à Nirim ? C’est parce qu’il est très facile de s’y faire débusquer, surtout dans les temples où la relique est particulièrement sensible.
- Tu en as un en tête ? demanda Abigail.
- Le temple de l’omniscient, tout simplement. C’est le temple qui accueille le plus de personnes, car ses croyants représentent la majorité religieuse. De ce fait, ils ont plus de financements et peuvent acheter des reliques plus puissantes. C’est tout bénef pour ce qu’on a à faire : beaucoup de gens, donc plus de chances de nous faire repérer, il y aura certainement des chasseurs venus prier sur place, nous entreront en plein milieu de la cérémonie, donc personne ne pourra nous rater, et la relique détectera notre magie et émettra un signal. Nous sommes quasiment sûrs de nous faire prendre dans les dix prochaines minutes si nous entrons dans ce temple.
Il y eut un silence perplexe, ils se concertèrent du regard. La peur revenait, tel un renard fourbe, et les oppressait. C’était maintenant que tout se jouait, maintenant que la mission de sauvetage commençait réellement. Alors après un soupir, ils hochèrent la tête er se mirent en route vers le temple de l’omniscient.
C’était un bâtiment imposant, une merveille de l’architecture, avec des arcs qui s’élevaient dans le ciel, des colonnes magistrales et une porte d’entrée imposante, et pourtant, cela restait étonnamment sobre. Le temple de l’omniscient était immense, vu de l’extérieur. Deux statues se dressaient devant les marches qui menaient à la porte principale. Des statues de pierre qui représentaient deux enfants : un garçon et une fille. Certainement l’enfant de la lumière et celui des ombres. Ils tendaient leurs mains vers les visiteurs, comme pour les inviter à entrer. Les quatre compagnons gravirent les quelques marches et se retrouvèrent devant la porte en bois. Ils se jetèrent un dernier regard, comme pour se donner du courage, et Jake poussa le battant. Il était lourd et eut du mal à s’ouvrir. Mais une fois que le mécanisme fut actionné, il n’y eut plus besoin de le pousser. Le panneau glissa dans un grand bruit, s’ouvrant sur l’intérieur du temple. Une vaste pièce, dallée de pierre blanche, des colonnes dorées, des bancs pour les visiteurs et, sur le mur du fond, la relique conservée par l’église : La statue d’un être asexué, vêtu d’un drap, placé sur un piédestal, devant le mur du fond. Il jetait son regard inexpressif sur la foule des croyants et, dans chacune de ses mains, il y avait un orbe. Lorsque le groupe entra, il émit une légère vibration, à peine perceptible. Les croyants se retournèrent, dévisagèrent les retardataires qui venaient d’interrompre le discours du grand maître du Temple. Ce dernier, un livre à la main, leur jeta une œillade perçante mais ne dit rien. Elijah se racla la gorge, Jake sortit un « Bonjour » comique et sans gêne puis les quatre mages se dépêchèrent de s’installer et la cérémonie en cours reprit. Ils s’étaient assis au milieu de la salle et, de temps en temps, quelques croyants leur adressaient des regards indiscrets. Ils s’étaient mis dans ce qui ressemblait à une position de prière, bien qu’aucun d’eux n’eut jamais mis les pieds dans un bâtiment religieux, et ils commencèrent à prier avec les autres, attendant que l’on vienne les chercher. Au bout de quatre ou cinq minutes, Elijah leva la tête.
- Ethan, tu étais sûr de ton coup ?
- Evidemment, répondit le jeune homme avec véhémence, tu as vu le regard que le grand maître nous a lancé ? Il sait. Quelqu’un ne va pas tarder à appeler les chasseurs de prime. Ils vont sûrement attendre que la cérémonie soit terminée, afin de ne pas déranger les croyants, mais sois-en sûr, nous sommes repérés.
- Un peu de silence, s’il vous plaît. Intima le grand maître sans lever les yeux de son livre de prières.
Elijah reprit, plus bas.
- Que va-t-on faire au moment où les chasseurs viendront ?
- On devra résister, parce qu’aucun mage ne se laisserait attraper sans rien faire, surtout pas toi, Elijah, qui leur a déjà échappé par trois fois. Fit Abigail.
- Trois fois ? intervint Jake : Mais tu es une célébrité, dis-moi…
- Très drôle, Jake. Je dirais plutôt que je suis malchanceux.
- Fermez-la et priez ! s’’exclama Ethan à voix basse.
Ils obéirent avec une vague envie de rire. Le reste de la cérémonie se passa sans encombre. Le grand maître termina de réciter les prières et les croyants commencèrent à quitter la salle. Les quatre jeunes gens y restèrent encore un peu, faisant mine d’admirer la construction des lieux tout en surveillant, du coin de l’œil, les six personnes qui les observaient avec animosité. Ils sortirent du temple, se promenèrent un moment à l’extérieur, admirant les bâtiments du quartier. Ils n’allaient peut-être plus revoir l’extérieur avant longtemps. Ils sinuèrent encore une heure dans les rues, la peur perforait le ventre d’Elijah, lui donnait des maux de tête. Et soudain, une voix, derrière eux :
- Tiens, tiens. Si ce n’est pas de la chance… Tomber sur quatre mages d’un coup, des adultes en plus…
Un soupire de soulagement les parcourut tous les quatre, bien que la peur ne tardât pas à être au rendez-vous. La voix continua. Elle était étrangement familière à Elijah.
- Retournez-vous, tous les quatre. Les mains bien en évidence. Ils s’exécutèrent. Devant eux, huit chasseurs de primes, armés jusqu’aux dents. La femme qui avait parlé, Elijah la reconnaissait. Et pour cause : c’était elle qui avait attrapé Neth pour la mettre dans cette camionnette. Elle leur adressait un sourire triomphant et regardait Elijah avec ses yeux de rapace.
- Salut, mon ange, je t’ai manqué on dirait, puisque tu es revenu me voir. Ne t’inquiète pas, ta jeune amie se porte sûrement très bien, au LERM.
- Vous ! s’exclama Elijah en entamant un geste dans sa direction.
Il se retrouva immédiatement mis en joue par deux fusils et s’immobilisa.
- Voilà, c’est bien. C’est ce comportement-là que je veux, mon garçon. Dit la femme en se léchant le bout des lèvres.
Elijah avait envie de hurler, de la frapper, de la secouer jusqu’à ce qu’elle pleure ses excuses. Mais il ne pouvait rien faire tant que les armes étaient braquées sur lui.
- Faisons les présentations, voulez-vous ? Je n’ai pas eu le temps de le faire, quand j’ai failli attraper votre ami ici présent, mais on dirait que vous n’avez plus envie de vous échapper, maintenant : Je m’appelle Ann O’Well. Enchantée, chers prisonniers.
Elle fanfaronnait devant eux, prenant son temps, attirant les curieux du quartier qui venaient voir la scène, sans faire un mouvement pour aider les mages. Elijah ressentit de la haine et du mépris pour ces gens qui ne pensaient qu’à eux et qui trouvait cette scène divertissante. C’était dégoûtant. Ils étaient exécrables.
- Voyons voir ce que nous avons-là… dit la chasseuse en s’approchant d’eux.
Elle les examina un par un, poussant des « Ha » et des « Oh » et, toute contente de sa trouvaille, elle s’écarta du groupe un instant pour noter quelque chose dans un carnet. Puis son attention revint sur les mages et ses lèvres s’écartèrent en un grand sourire. Elle s’avança de nouveau vers eux et s’incrusta entre Elijah et Jake, passant un bras autour de l’épaule de chacun et commençant à les emporter.
- Vous deux, vous allez me rapporter un joli petit pactole. Entre un œil d’or activement recherché par les chasseurs de primes et toi… (elle avait tourné son regard vers Jake) Tu crois que je ne t’ai pas reconnu, Jake McDorsey ? Le leader des Libellules ? Les président du LERM va être ravi de te voir rentrer au bercail !
Jake serra les dents. Il y avait un autre sens à cette phrase. C’était plus profond qu’un simple « retour au bercail ». Il y avait quelque chose que Jake ne lui avait pas dit. Ils avançaient vers un véhicule stationné là, à quelques mètres devant eux. Soudain, Elijah fit volte-face et essaya de partir. Essaya. Ann le retint avec force et le ramena à elle, le forçant à rester calé sous son bras.
- Ben alors, l’œil-d’or ? Qu’est-ce qui t’a pris ? Je ne pensais pas que tu étais suicidaire.
McDorsey lui jeta un regard interrogateur, Elijah lui montra des yeux ses camarades en articulant leurs noms silencieusement. Ayant assisté à ce petit manège, la chasseuse poussa un rire à mi-chemin entre le ricanement ironique et le rire franc.
- Tu t’inquiètes plus pour tes amis que pour toi ? Enfin… Ne t’inquiète pas, ils sont entre de bonnes mains. Tant qu’ils ne font pas les cons, on les ramènera en un seul morceau. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser…
D’un geste agile, elle sortit deux paires de menottes qu’elle leur passa aux poignets avant même qu’ils n’aient eu le temps de faire un geste pour résister. Et avec un dernier sourire victorieux, elle les poussa dans le véhicule et en ferma les portes. Alors que la voiture s’ébranlait et se mettait en marche dans un vacarme atroce, Elijah et Jake échangèrent un regard inquiet.
- Alors ça y est. fit Elijah : C’est maintenant que tout commence…
- Oh pitié, Elijah, ne commence pas à jouer les tragédiens, tout se passe comme prévu. Il faut qu’on contacte le groupe de communication pour les informer de nos avancées.
Oui, c’était vrai. Contacter l’autre groupe. Elijah avait presque oublié la présence du communicateur télépathique tellement il était discret. Il l’activa avec le mot de passe mental que leur avait fourni Niv, et se concentra sur celui qu’il voulait contacter. Quand il sentit l’appel s’établir, il prononça son nom. Jio répondit dans la seconde, masquant son inquiétude bien qu’elle perçât sous son masque de nonchalance.
- Ah, ce n’est pas trop tôt. Tu es le premier à nous contacter.
- Tout se déroule comme prévu. On s’est fait capturer dans le quartier religieux, ce qui veut dire que nous devrions arriver au LERM dans une trentaine de minutes, si on ne prend aucun détour.
- Les chasseurs se doutent-ils de quelque chose ?
- Penses-tu ! Ils sont bien trop occupés à savourer leur victoire pour réfléchir un tant soit peu.
- Parfait. Tu me refais un rapport dès que possible. Et dis à Jake, Abigail et Ethan de contacter leurs binômes.
- Je fais passer le message. À plus tard.
Il coupa la communication. Cela lui rappelait ses appels avec Jio, il y a quatre ans, si ce n’était qu’il ne pouvait pas voir le jeune homme, avec les inventions de Niv. Cependant, Elijah était soulagé de pouvoir parler aussi calmement avec Jio. En mission, on aurait cru avoir affaire à une tout autre personne. L’adolescent était concentré, il ne pensait pas à provoquer Elijah. Le jeune homme soupira, S’affala contre le mur inconfortable du véhicule magique. Et dire que ce sont les mages qui ont permis de faire marcher ce type de machines… Et voilà comment on nous traite. Pensa-t-il. Puis il avisa Jake, assis à côté de lui
- McDorsey.
- Hmm ?
- Qu’est-ce qu’ils vont faire de toi, au LERM ?
- J’en sais rien petit œil-d’or. J’en sais strictement rien. Toi non plus, tu ne peux pas savoir ce qui t’arrivera : avec la ressource magique qui s’éteint, les mages aux yeux d’or sont de plus en plus recherchés par le LERM.
- C’est vrai. Mais j’aimerai me dire qu’après y avoir passé mon enfance, le retour ne peut pas être pire que la première fois.
- Détrompe-toi. Ça peut toujours être pire.
- T’es rassurant, dis-donc.
- Je parle d’expérience.
Il y eut un silence qui dura plusieurs minutes. Aucun des deux n’osait se regardait. Et au bout d’un moment, Elijah reprit, un sourire résigné aux lèvres.
- On est dans une sacrée merde, hein ?
- Ça tu peux le dire.
Jake rit. Elijah l’imita. Ils furent pris d’un fou rire nerveux mais bien réel. Un rire qui en disait long sur leur état d’esprit partagé. Et, d’une certaine manière, Elijah était content de pouvoir partager ce triste moment avec Jake. La porte du véhicule s’ouvrit alors qu’ils riaient encore et la chasseuse apparut.
- Bon, vous deux, là. Je ne sais pas ce qui vous fait marrer à ce point mais vous allez vite avoir moins envie de rire. Allez ! Tout le monde descend, on est arrivés.
Elle saisit Jake par le bras et le tira avec force à l’extérieur, faisant bientôt de même avec Elijah. Dehors, il pleuvait. De fines gouttes s’écrasaient sur le sol, jouant un air mélancolique. Elijah ferma les yeux, prit une inspiration. Il entendit la voix grinçante de la chasseuse de primes, à côté de lui.
- Mais oui, tu as raison mon ange : Prend une grande inspiration car tu ne ressortiras pas d’ici avant un bon bout de temps.
Il ouvrit les yeux.
Devant lui s’étendait le LERM. Vaste et imposant laboratoire composé d’un bâtiment principal et de deux bâtiments annexes réservés au personnel. Au-dessus de la porte vitrée qui servait d’entrée, un large panneau qui proclamait, comme une sinistre condamnation : Laboratoire d’Expérimentation et de Recherche sur les Mages. Le panneau était un peu délavé et, avec les saisons, les lettre avaient perdu leur couleur bleu marine. Les bâtiments aussi avaient vieilli. Les murs extérieurs étaient moins propres, les arbres plantés de chaque côté de l’allée qui conduisait à l’entrée avaient poussé. Le Laboratoire n’avait cessé de se développer et d’étendre son influence dans Nirim. Du coin de l’œil, Elijah remarqua du mouvement. Il tourna la tête juste au moment où deux chasseurs faisaient sortir Abigail et Ethan d’un véhicule volant. Abigail aussi tourna la tête. Ils échangèrent un regard, un sourire fugace, puis le jeune adulte reporta son attention sur le laboratoire qui se dressait là, terrifiant, comme un cauchemar qui attendait un enfant, comme l’échafaud qui attendait le condamné à mort. Elijah prit une inspiration. Il était parti du LERM en adolescent terrorisé, il revenait, aujourd’hui, en adulte révolté.