Nina resta figée devant l’écran noir de la télévision.
Ce qu’elle venait de voir…
Ce qu’elle venait de s’entendre dire…
Ce n’était pas possible.
Et pourtant, c’était là.
Elle fixa la télé éteinte, tentant de se raccrocher à la logique.
Peut-être une hallucination. Une fatigue extrême.
Ou peut-être que quelque chose dans son esprit se fissurait.
L’écran restait vide.
Son propre avertissement résonnait encore dans sa tête.
— Nina… Ce n’est pas Julien.
Qui était-elle censée croire ?
Elle-même… ou celle qu’elle voyait sur l’écran ?
Derrière elle, un bruit léger.
Un froissement dans l’air.
Elle tourna brusquement la tête.
Julien se tenait dans l’ombre du couloir, immobile.
— Tu ne dors pas ? demanda-t-il.
Sa voix était normale.
Tout était normal.
Mais Nina vit le détail.
Celui qui n’aurait jamais dû être là.
L’ombre de Julien.
Elle ne suivait pas la bonne direction.
Un frisson la traversa.
Julien s’approcha, inconscient de l’anomalie.
Ou faisant semblant de ne pas la remarquer.
Il passa une main sur son visage fatigué.
— Tu es encore en train de réfléchir à ce qui s’est passé ?
Nina ne répondit pas.
Elle fit glisser son regard jusqu’à ses mains.
Leur teinte était légèrement… plus pâle.
Comme un calque légèrement délavé sur la réalité.
Elle serra les poings, sentant son pouls s’accélérer.
— Julien… Quelle est la première chose que tu as faite en rentrant de l’étage 5 ?
Il cligna des yeux.
Une. Deux. Trois fois.
Son regard devint flou.
Comme si cette information n’existait pas.
Puis, après une fraction de seconde trop longue :
— Je t’ai prise dans mes bras.
Nina avala difficilement sa salive.
Ce n’était pas vrai.
Elle s’en souvenait maintenant.
Quand ils étaient sortis, Julien était resté figé.
Il ne l’avait pas touchée.
Comme s’il ne savait plus comment faire.
Elle réprima un frisson.
Elle devait continuer.
— Et après ?
Une autre pause.
Un peu trop longue.
— …On est rentrés.
L’erreur.
L’absence de détails.
C’était là.
Julien ne savait plus remplir les espaces vides.
Nina sentit une panique sourde la gagner.
Quelque chose dans son compagnon ne tenait plus.
Il lui sourit doucement, sans rien remarquer.
— Dors un peu. Tu es fatiguée.
Il posa une main sur son épaule.
Un simple contact.
Mais son sang se glaça.
Sa main était froide.
Beaucoup trop froide.
Elle retint un hoquet.
Julien s’éloigna tranquillement vers la chambre.
Il ne s’était rendu compte de rien.
Ou alors… il testait encore jusqu’où elle pouvait voir la faille.
Quand Nina fut seule, elle recula lentement jusqu’au salon.
Son cœur battait à tout rompre.
Elle savait maintenant.
Quelque chose avait ramené Julien.
Mais ce n’était pas lui.
Et au fond d’elle, une vérité insupportable commençait à émerger :
Elle aussi…
Elle avait commencé à oublier.
Le chapitre 5 était effacé.
Mais il revenait.
Il se reformait en eux.
Et bientôt, il n’y aurait plus aucune frontière entre ce qu’ils avaient vécu et ce que l’étage 5 voulait leur faire croire.
Nina sentit un courant d’air glacial traverser la pièce.
Elle se retourna lentement.
Quelque chose venait de bouger.
Pas dans l’appartement.
Dans son carnet.
Elle s’approcha à pas lents, fixant les pages entrouvertes sur la table.
Elle savait ce qu’elle y avait écrit hier soir.
Mais ce matin… c’était différent.
Les phrases s’étaient réarrangées.
Ou pire…
Elles avaient changé.
Elle tendit la main, hésitante.
Ses propres mots la fixaient.
Les dernières lignes griffonnées étaient claires.
Le chapitre 5 n’a jamais disparu.
Il est juste ailleurs.
Et il attend qu’on le retrouve.
Ses doigts se figèrent au-dessus du papier.
Un grésillement monta doucement dans la pièce.
Derrière elle.
Elle ne voulait pas se retourner.
Mais elle n’avait pas le choix.
Elle pivota lentement.
Dans l’écran noir de la télévision éteinte…
Son propre reflet la fixait.
Mais il n’avait pas la même expression.
Et il souriait.
Le saut du chapitre 5 est une très belle idée. Je n'y avais pas prêté attention en enchaînant les chapitres. Très bien vu de ta part !
Encore un chapitre cool. C'est un peu frustrant en tant que lecteur devant cette multiplicite d'indices de ne pas voir Nina réagir plus mais ses réactions sont bien logiques au vu de la situation...
Ce chapitre est très accrocheur, je suis obligé d'enchaîner !!
Effectivement, l’absence du chapitre 5 n’est pas une erreur… mais un choix narratif. Je voulais justement créer ce petit vertige, ce sentiment de “manque” ou de décalage. Tu as mis le doigt dessus : c’est un trou intradiégétique, et il aura son importance plus tard dans l’histoire.
Merci pour ton œil attentif, et surtout pour ton commentaire qui me booste énormément