La nuit tombait sur Paris, mais pour Nina, le temps ne suivait plus son cours habituel.
Depuis leur retour, tout semblait vouloir se recaler sur une nouvelle version de la réalité, comme une bande-son légèrement désynchronisée.
Et ce soir-là, cette impression devint une certitude.
Julien ne se souvenait plus de leur retour.
Ils étaient attablés, une assiette de pâtes tiède devant eux. Nina n’avait pas faim.
Elle l’observait, cherchait, traquait.
Un infime détail. Une faille.
Julien pris machinalement une bouchée, mâcha lentement. Un peu trop lentement.
Puis, comme une lame froide glissant sous sa peau, il lâcha, presque distraitement :
— Quand est-ce qu’on est rentrés, déjà ?
Un vide.
Le cœur de Nina rata un battement. Sa fourchette resta suspendue en l’air.
— Quoi ?
Julien cligna des yeux. Une fraction de seconde trop longue.
— Hier… non ? Avant-hier, je crois…
Sa voix n’avait rien d’inquiet. Rien d’alerte. Juste… un flottement.
Nina sentit son souffle se bloquer. Le sang battre trop fort dans ses tempes.
— Julien…
Elle posa lentement sa fourchette. Son regard chercha le sien, s’y accrocha.
— Ça fait plus d’une semaine. Julien, plus d’une semaine.
Un silence s’installa.
Julien fronça les sourcils, l’air perdu.
— Je… C’est bizarre. Je pensais que…
Il s’arrêta.
Comme si quelque chose dans son esprit s’effaçait à l’instant même où il essayait d’y accéder.
Nina posa lentement sa fourchette.
Elle ne voulait pas poser cette question.
Mais elle devait savoir.
— Et avant ça ? Tu te souviens de ce qu’on a fait dans l’étage ?
Julien ouvrit la bouche… mais aucun son n’en sortit.
Puis, lentement, son visage se vida de toute expression.
Une seconde. Deux secondes.
Enfin, il souffla, d’une voix blanche :
— Il n’y avait pas d’étage 5.
Une trace qui ne devrait pas exister
Plus tard, incapable de dormir, Nina erra dans son appartement. L’obscurité semblait plus dense que d’habitude.
Elle ouvrit son carnet, s’accrochant aux notes qu’elle avait prises avant que tout ne commence.
Mais au milieu des pages familières…
Elle trouva une feuille qui n’avait jamais été là auparavant.
Écriture tremblante. Comme griffonnée dans l’urgence.
NE LE CROIS PAS.
IL NE SAIT PAS QUI IL EST.
TU DOIS TE RAPPELER.
LE CHAPITRE 5 VEUT REVENIR.
Nina recula brutalement, le cœur battant.
Non. Non. Ce n’est pas possible.
Elle reconnut son écriture.
C’était elle qui l’avait écrit.
Sauf qu’elle n’en avait aucun souvenir.
L’étage 5 cherche une faille
Le silence de la nuit se brisa par un son venu d’ailleurs.
Un grésillement.
Comme une radio mal réglée.
Comme ce qu’elle avait entendu dans l’ascenseur.
Elle tourna la tête vers le salon.
Dans l’ombre, la télévision s’était allumée seule.
Écran noir.
Juste un clignement d’ondes parasites.
Puis… une image apparut.
Les images d’une caméra de surveillance.
Nina sentit sa gorge se serrer.
L’angle était familier.
L’ascenseur.
Elle avança lentement, les pieds glacés contre le sol.
Sur l’écran, les portes s’ouvrirent.
Quelqu’un en sortit.
Nina eut le souffle coupé.
C’était elle.
Mais elle ne se souvenait pas de ce moment.
Elle la regarda avancer dans le couloir, fixer la caméra…
Puis murmurer quelque chose.
Une seule phrase.
Le son était saturé. Distordu.
Mais elle le comprit.
Elle se vit, sur l’écran, souffler d’une voix brisée :
— Nina… Ce n’est pas Julien.
L’image trembla. Une seconde d’attente.
Puis, dans un souffle déformé…
L’écran devint noir.
Mais le grésillement continua.
Persistant.
Comme une voix qui n’avait pas tout à fait disparu.
Mon intuition se confirme, belle montée d'intensité dans ce chapitre avec de nouveaux indices, des traces de la Nina du passé qui interviennent sur le présent. La perte de souvenirs rend le tout assez terrifiant pour la narratrice, et du coup ça implique le lecteur.
Je continue !