Elraza s’écroula dos au mur, terrassée par un chagrin si puissant qu’il lui coupa la respiration. Oriendo l'avait trahie. Elle lui avait confié son Oro’luin. Son bien le plus précieux au monde. Cœur-de-Nuit était à la fois l’héritage de sa mère, le réceptacle de sa magie et un compagnon fidèle qui ne l’avait jamais quittée. Comment pourrait-elle vivre sans lui ? Avec l'aide de son familier, leurs espoirs de sauver Liam étaient déjà minces. À présent, plus rien ne se dressait entre les Renégats et l’Enfant de Shâat.
« Ne vous en faites pas magicienne, la consola Roch de son mieux. Nous allons retrouver Cirin’Del et lui reprendre votre médaillon.
Le mercenaire semblait secoué, lui aussi. Elle pouvait lire dans ses yeux la colère d’avoir été dupé et la douleur de l’échec. Il ne croyait pas lui-même à ses mots de réconfort. Ce n’étaient que des paroles vides de sens.
- Vous ne comprenez pas, souffla-t-elle difficilement. Cœur-de-Nuit était leur objectif depuis le début. Avec lui, les Renégats peuvent détruire tout ce qu'a créé la magie de ma mère.
Elle se frappa les genoux, serra les dents et cracha :
- Je me suis montrée stupide. Je me suis comportée comme une imbécile, et maintenant c’est le continent de Ghern tout entier qui va en payer le prix.
- Vous avez été piégée, Til’Duin. Ce sont des choses qui arrivent. Nous connaissions tous Oriendo. Nous avons tous été aveugles pendant des mois.
- Peut-être, dit-elle dans un murmure. Mais ce n’est pas vous qui avez offert aux Renégats la clé dont ils avaient besoin pour libérer le plus puissant mage noir de l'histoire. »
Un silence glacial s’abattit sur la demeure du forgeron. À présent, Elraza comprenait tout. Les cavaliers se jouaient d’eux depuis le premier jour. Pour délivrer l'Ombre Domadan, ils avaient besoin de deux choses : l'Oro'luin de Lilybeth et un enchanteur assez puissant pour briser le sceau de sa prison. Cet enchanteur, c'était Liam, l'Enfant de Shâat. Et maintenant, à cause de sa négligence, ils étaient aussi en possession du familier de sa mère.
Leur piège avait fonctionné à merveille parce qu’Oriendo la connaissait par cœur. C’était lui qui avait mis tout ce subterfuge au point. Lui qui avait compris que Roch travaillait pour Im’Radiel, lui également qui avait indiqué aux renégats comment se débarrasser de Mæve et de Cornefer. Il savait qu’en faisant peur à Galar, le vieux Grisécaille n'aurait pas d'autre choix que d'envoyer Elraza protéger l'enfant. Il ne lui restait alors qu'à trouver une occasion de subtiliser son médaillon. Oriendo savait qu'elle lui faisait aveuglément confiance et s'était servi de cette faiblesse pour l'atteindre.
Mais il ne l’emporterait pas si facilement.
Elraza sentit son cœur battre plus fort et une colère sourde s’éveilla au fond de sa poitrine. Oriendo ne l’avait pas encore battue. Il avait trahi sa confiance et lui avait arraché un morceau de son âme. Qu’importe ! Elle utiliserait le reste de sa magie pour le retrouver et l’anéantir, dusse-t-elle perdre la vie pour y parvenir. Un frisson la parcourut et elle invoqua machinalement son pouvoir. Une formidable quantité de Shâat déferla en elle, aussi brûlante que sa peine et acide que sa haine. L’enchanteresse serra les poings et laissa la rage l’envahir. Sans s’en rendre compte, elle libéra son Œil-de-Var et un tourbillon de magie apparut autour d’elle. Cette fois, la sphère qui l’enveloppa n’était pas irisée comme aux Trois Couronnes mais luisait d’un rouge incarnat.
Roch poussa un cri et fit reculer Day et le forgeron juste à temps. Déjà le sortilège commençait à broyer la pierre, le feu gronda dans la cheminée et cessa d’émettre de la chaleur. Les lumières s’éteignirent, les flammes devinrent subitement plus noires qu’une nuit d’encre et vinrent se mêler à la Shâat d’Elraza, sifflant et crépitant comme un baril de poudre sur le point d’exploser. Les cheveux blonds de la magicienne blanchirent et un voile d’obscurité recouvrit ses yeux vairons. Son visage prit une teinte grise affreuse, presque cadavérique. Elle hurla. Son cri n’était qu’un mélange de haine et de douleur, un appel à l’aide déchirant qui renforça encore la puissance du Sombrefeu qui se formait autour d’elle. Sur ses bras, des sillons rougeoyants parurent et se propagèrent jusqu’à ses épaules, dessinant d’étranges arabesques comme si du feu liquide coulait à l’intérieur de ses veines. La sphère de Shâat grandit et l’atmosphère devint irrespirable ; le cri de l’enchanteresse fit trembler les murs et une fissure lézarda le plafond.
« Elle perd le contrôle de sa magie ! s’exclama Roch.
- Que peut-on faire ?
- Il faut à tout prix l’empêcher de chanter, sinon nous sommes tous morts ! »
Day acquiesça mais resta pétrifié, son regard figé sur l’enchanteresse. Quelque-part dans le lointain retentissait une mélodie puissante portée par une voix grave et envoûtante, un chant de colère au tempo rapide entrecoupé de pulsations qui ressemblaient à s’y méprendre aux battements d’un cœur. L’étrange mélopée emplissait l’air de ses tonalités hypnotiques, déchaînant davantage encore le pouvoir de Til’Duin. À l’intérieur de la sphère, Elraza semblait hurler à pleins poumons, incapable de résister à la vague de souffrance qui la submergeait tout entière. Pourtant aucun son ne franchissait ses lèvres, comme si dans un ultime effort elle cherchait à repousser la force qui s’emparait d’elle et l’incitait à joindre sa voix au sortilège. Le Sombrefeu rugit, désireux de fondre sur la maison du forgeron et ses occupants, mais Elraza ne le laissa pas faire. Des filaments de Shâat argentés apparurent au sein du tourbillon et les arabesques dessinées sur sa peau reculèrent. La pointe de ses cheveux brilla d’un faible éclat blond qui gagna quelques centimètres avant de virer de nouveau au gris. La mélopée redoubla d’intensité et le cœur d’Elraza s’emplit à nouveau de colère.
« Ton écaille, Roch ! s’écria le forgeron. Utilise la magie de ton écaille ! »
Par chance, le mercenaire réagit au quart de tour. Il retira son chapeau et déchira la couture intérieure, dévoilant une écaille de reptile large comme la paume d’un enfant qui luisait faiblement. Une langue de Sombrefeu jaillit de la sphère d’Elraza et prit l’apparence d’un dragon prêt à se jeter sur eux, mais elle fut balayée par le talisman de Roch et disparut dans un nuage de fumée. Autour de la magicienne, le feu noir ressemblait à un grand manteau de ténèbres qui la recouvrait totalement. Seules luisaient les arabesques sur ses bras qui gagnaient à présent le bas de son cou et continuaient de se propager sur son visage, dessinant des tatouages incandescents à la surface de sa peau. Roch prit son courage à deux mains et, brandissant son écaille comme un bouclier, pénétra dans l’Œil-de-Var. Il y eut un cri déchirant, le Sombrefeu lutta mais recula, dissipé par la puissance de son talisman protecteur.
Il disparut en quelques secondes.
Elraza s’écroula à genoux, retrouvant peu à peu son apparence habituelle. La voix sinistre qui chantait dans l’air s’était tue. Roch avait placé son écaille sur le front de la magicienne. Consumée par le Sombrefeu qu’elle venait d’absorber, elle s’effrita et tomba en poussière.
« Merci, Roch An’Keln, murmura Til’Duin d’une voix douce. On dirait que je vous dois la vie.
Le mercenaire grogna mais ne dit rien, préférant s’étirer pour chasser la peur qui tétanisait son corps. Il était trempé de sueur comme s’il venait de traverser la Sangrénie en courant. Hobb s’effondra sur une chaise et demeura muet, bouleversé par ce qu’il venait de voir. Ce fut Day qui rompit finalement le silence.
- Par la toute-puissance de Ran ! jura-t-il. Que s’est-il passé ?
Elraza tourna vers lui un regard fatigué et s’humecta les lèvres avant de lui répondre. Le garçon eut un mouvement de recul.
- Parfois, dit-elle, lorsqu’un mage perd le contrôle de sa Shâat, celle-ci se libère et prend possession de son hôte. Cela peut arriver sous le coup d’une émotion forte ou lorsque l’on manque d’expérience pour lancer un sortilège. On appelle ce phénomène l’aesirg, ce qui signifie l’éveil en langue bravacielle, car la même chose se produit quand les pouvoirs d’un enchanteur apparaissent pour la première fois.
Elle marqua une pause, prit une respiration difficile et continua ses explications.
- En temps normal, une crise d’aesirg n’est pas aussi dangereuse. Le mage qui en est victime entre dans un état second, finit par s’évanouir et reprend connaissance au bout de quelques heures. Mais il arrive que sous l’effet de la colère, la Shâat se transforme et devienne une énergie maléfique. La magie des grands dragons est un don précieux et incroyable, mais c’est aussi une entité vivante dont la puissance dépasse notre imagination. Lorsqu’elle se nourrit de notre haine, elle se charge de noirceur et corrompt l’âme de celui ou celle qui tente de la contrôler.
Elle se tut, jeta un regard curieux à Roch et conclut d’une voix faible :
- Si vous n’aviez pas eu cette écaille en votre possession, je serais probablement devenue un Seigneur Ombre. Louée soit la magie séculaire des Grisécailles et sa capacité à purifier la Shâat. Nous avons évité de justesse un grand péril.
Un rictus de soulagement déforma les traits du mercenaire et il s’épongea le front avec un coin de sa tunique avant de replacer son galurin sur sa tête.
- Notre maître confie des écailles à tous les Veilleurs du Clan, expliqua-t-il. Il les enchante lors de sa mue et les conserve précieusement. C’est grâce à elles que nous pouvons communiquer avec le vieux Galar où qu’il se trouve. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai résisté à votre sortilège glaçant aux Trois Couronnes, magicienne. Et c’est le pouvoir de cette écaille qui me permettait de reconnaître les enchanteurs. »
Elraza acquiesça. Les derniers mystères qui entouraient le spadassin semblaient finalement se dissiper. Elle n’était pas surprise d’apprendre que Galar Im’Radiel confiait secrètement ce genre de talisman à ses Veilleurs. Il disposait ainsi d’hommes et de femmes de confiance, dont lui seul connaissait l’identité, capables de reconnaître les mages et de résister à leurs pouvoirs. Un atout précieux pour lutter contre les Renégats ou traquer un Sildaros qui aurait trahi le Clan.
« Vous pouvez également remercier Hobb, reprit Roch d’un ton faussement détaché. C’est lui qui m’a suggéré d’utiliser l’écaille de Galar pour vous ramener parmi nous.
Elraza se tourna vers le forgeron, un homme qu’elle ne connaissait pas quelques minutes auparavant mais envers qui elle avait désormais une dette d’honneur.
« Til’Duin en Salaadem, maître Hobb, dit-elle en s’inclinant.
Puis avec une émotion sincère, elle traduisit son salut dans la langue commune :
- Loué soit le destin qui m’a portée à notre rencontre. Depuis longtemps vous attendiez mon aide et c’est finalement vous qui me sauvez la vie. Sur l’honneur du Clan je promets de rembourser cette dette et de payer pour les réparations de votre maison. »
Hobb lui sourit et l’admiration qui se lisait sur son visage la désarma. En dépit de son échec et de l’aesirg qui avait failli les consumer, il ne la voyait pas comme une sorcière dangereuse. Par sa faute le forgeron venait de frôler la mort, pourtant il semblait prêt à continuer de lui faire confiance. Son sourire la réconforta et raviva en elle une détermination qui lui faisait défaut.
« Vous ne me devez rien, Elraza Til’Duin. C’est une immense fierté de recevoir une Sildaros aussi puissante et renommée que vous sous notre toit. Vous êtes venue protéger Liam et le village de ces Renégats, cela suffit amplement à mes yeux. »
Elle acquiesça et Roch lui lança l’un de ses mystérieux sourires. Sans savoir pourquoi, Elraza avait la sensation que sa rencontre avec ces gens allait profondément changer le cours de sa vie. La trahison d’Oriendo et la perte de Cœur-de-Nuit n’étaient peut-être que les prémices de ces bouleversements à venir.
Repenser au vieux Sildaros la ramena brutalement à la réalité. Elle venait de trouver des alliés fiables mais la menace des cavaliers pesait plus que jamais sur eux. Et pour l’heure, elle n’avait même pas le début d’un plan pour les affronter.
« Nous n’avons plus une minute à perdre, dit-elle. Il faut absolument récupérer mon médaillon et mettre l’Enfant de Shâat sous la protection du Clan. Avec Cirin’Del à leurs côtés, nos ennemis sont au nombre de sept. Ils sont très puissants mais nous connaissons désormais leur véritable objectif. Ils veulent utiliser les pouvoirs de Liam et de mon Oro’luin pour détruire le sceau de Lilybeth et libérer Domadan de sa prison temporelle. S’ils y parviennent, nous assisterons à la naissance d’un nouveau Seigneur Ombre et au retour du plus terrible d’entre eux.
Elle marqua une pause, réfléchit quelques instants et ajouta :
- Si j’en crois le récit de Day, Liam a fait usage de Shâat près des falaises mais c’était un acte inconscient pour se protéger. Son véritable aesirg n’a pas encore eu lieu, sinon vous auriez vu des arabesques de magie apparaître sur sa peau et il aurait gardé des traces de brûlure pendant plusieurs jours. Tant que son pouvoir n’est pas totalement éveillé, nous avons une chance de le sauver des Renégats.
- Vous pensez qu’ils vont le forcer à entrer en crise ? demanda Roch.
- C’est probable. S’ils cherchent à le transformer en Ombre, ils vont devoir s’arranger pour que l’aesirg survienne à un moment où Liam ressent de très fortes émotions négatives telles que la peur, la tristesse ou la colère. Plus ces sentiments seront puissants et plus l’éveil de ses pouvoirs sera rapide.
- Et plus sa magie deviendra destructrice, compléta Hobb. Je pense avoir à peu près compris comment ça marche. Vous nous avez fourni une bonne démonstration.
Elraza lui lança un regard gêné, mais l’expression du forgeron n’affichait aucune rancœur à son égard. Il se contentait d’énoncer des faits sans le moindre cynisme.
- Mais si les cavaliers déclenchent l’aesirg de Liam, intervint Day, comment allons-nous l’arrêter ? L’écaille de Roch est détruite !
- Nous en avons une deuxième à notre disposition, répondit Hobb. Quand Roch est parti en Vearn l’année dernière, il a laissé derrière lui l’une de ces écailles pour qu’on puisse le contacter en cas de besoin et contrôler les pouvoirs de Liam s’ils devaient s’éveiller de façon brutale.
À ces mots, l’espoir d’Elraza se raviva.
- Vous avez une autre écaille enchantée d’Im’Radiel ? Où est-elle ?
- Nous l’avons confiée au père Gatien qui la garde dans son presbytère. Il y a beaucoup de passage à la forge, trop de gens seraient susceptibles de la trouver. En plus, Day et Liam se rendent là-bas tous les matins avec les autres enfants pour leurs leçons. En cas de problème avec la magie de Liam, Gatien serait le mieux placé pour agir.
Elraza approuva leur choix d’un signe de tête.
- Bien, dit-elle. Tout espoir n’est pas encore perdu. Avec cette écaille, nous pouvons reprendre l’ascendant sur les cavaliers au moment opportun et contacter Galar pour lui demander de l’aide. Mon maître est trop âgé pour nous rejoindre à travers un portail, mais d’autres Sildaros viendront nous prêter main-forte.
Elle se tourna vers le mercenaire, prenant naturellement la direction des opérations.
- Roch, vous irez jusqu’au presbytère pour convaincre le père Gatien de vous rendre cette écaille. Prévenez Galar Im’Radiel et racontez-lui tout ce qui s’est passé. Ensuite, attendez-nous là-bas et faites en sorte de ne pas être vu.
Le Veilleur inclina la tête en signe d’assentiment.
- Maître Hobb, avec votre permission, j’ai besoin que vous prépariez des provisions pour le voyage et selliez vos chevaux. Nous devons tous être prêts à partir dès que je reviendrai du village.
Le forgeron exprima son désaccord d’une voix grave.
- J’accepte de vous céder mes chevaux, Til’Duin, mais nous ne partirons pas avec vous. Si vous réussissez à sauver Liam, vos ennemis se lanceront à votre poursuite. Je refuse de mettre délibérément mon fils en danger.
- Vous ne serez pas davantage en sécurité ici. Oriendo sait que vous êtes de notre côté. Les Renégats n’auront aucune pitié pour ceux qui nous ont aidés.
Roch se racla la gorge pour intervenir.
- La magicienne a raison, Hobb. Que tu le veuilles ou non, vous êtes impliqués dans cette histoire. Tu veux mettre ton fils en sûreté ? Dans ce cas, accompagne-nous au Clan. Il y aura une foule d’enchanteurs là-bas pour vous protéger.
Le forgeron haussa un sourcil hésitant.
- Pourtant, tu disais tout à l’heure que votre maître est trop faible pour vaincre les cavaliers. Si Cirin’Del vous a trahis, qu’est-ce qui l’empêche de les emmener là-bas et de tout détruire ?
- Le Clan est un sanctuaire, expliqua Elraza. Il est défendu par de très puissants enchantements. Galar Im’Radiel, Lilyh Eren et bien d’autres Sildaros ont autrefois uni leurs magies pour le protéger des armées de Domadan. Il n’existe pas d’endroit plus sûr dans le reste du monde.
Elle sentit que le père de Day était sur le point de céder. L’homme jeta un regard triste et amoureux en direction de la porte de son atelier, comme s’il était désolé de devoir abandonner sa forge. Ce coup d’œil offrit à Elraza l’argument qui lui manquait pour le convaincre.
- Le Clan des Sildaros a cruellement besoin d’un nouveau forgeron, Hobb. Vous pourriez y enseigner votre art et apprendre à enchanter le métal pour sublimer vos créations.
À voir l’étincelle qui s’alluma dans ses yeux, Elraza sut qu’elle avait gagné la partie. Hobb était de ces hommes qui vivent pour leur travail et pour transmettre leur savoir-faire. Il ne pouvait pas refuser une telle opportunité.
- Très bien, céda-t-il finalement. Vous m’avez convaincu, Til’Duin. Day et moi chevaucherons à vos côtés.
- Parfait. Dans ce cas, faîtes le tri de vos affaires. N’emportez que le strict nécessaire et rien de trop encombrant. Soyez prêts à partir dans moins d’une heure.
Le forgeron acquiesça.
- Je vais me rendre à Tord-la-Falaise, poursuivit Elraza. Je ferai tout mon possible pour repousser les cavaliers et permettre à Liam de vous rejoindre. Si je ne reviens pas, prenez les chevaux et rejoignez Roch au presbytère. Il saura vous guider jusqu’au Clan.
- Entendu. Mais depuis le temps qu’on palabre, Cirin’Del a déjà dû enlever l’enfant.
- Non, je connais Oriendo. C’est un traître mais ce n’est pas un lâche. Il m’a dit tout à l’heure que je devais absolument rencontrer l’Enfant de Shâat au village. C’est là que tout va se jouer, là qu’il m’attend pour me donner une chance de l’affronter.
- Vous ne ferez jamais le poids face à Cirin’Del et six Renégats ! s’exclama Roch. C’est de la folie d’y aller seule ! Accompagnez-moi au presbytère, nous utiliserons l’écaille pour contacter Galar et faire venir de l’aide !
- Non, Roch. Cette mission est la vôtre. L’écaille est notre meilleur atout, Oriendo ignore son existence. Allez au presbytère, récupérez-la et attendez mon retour. Je m’arrangerai pour l’attirer vers vous et nous récupérerons mon Oro’luin quand il ne pourra plus s’enfuir. »
L’enchanteresse poussa un profond soupir et caressa nerveusement le pommeau de sa rapière. L’avenir du Clan et de la Sangrénie reposait sur les épaules d’un forgeron, d’un mercenaire et d’un gamin de douze ans. Leurs chances de victoire étaient infimes mais elle lutterait jusqu’à son dernier souffle pour empêcher la naissance d’un nouvel Ombre. Au contact de sa main, la garde de son épée scintilla et l’arme changea d’apparence, prenant la forme d’une longue lame courbe parcourue de filaments de Shâat.
« En m’arrachant Coeur-de-Nuit, Oriendo pense m’avoir rendue inoffensive, dit-elle. Il est grand temps de lui montrer de quoi Elraza Til’Duin, première enchanteresse du Clan des Sildaros, est réellement capable. »
Très bien écrit le passage où Elzara perd tout contrôle de sa magie. C'est un passage intense où l'on sent le danger. Cependant, au début, j'avais un peu l'impression que ça venait un peu de nulle part, genre qui arrive quand le scénario en a besoin. Il me semble pas que tu aies parlé de ce genre de choses avant. (c'est possible, j'ai pu oublier).
Je suis assez d'accord avec Péri sur la surexplication, ce chapitre pourrait être raccourci. Mais il y a certains trucs qu'il faut garder à mon avis. Par exemple lorsqu'Elzara retrace tout le plan et la réalisation d'Oriendo, ça ajoute encore du panache à sa trahison et on découvre de plus en plus un antagoniste redoutable.
Par contre le truc de il va m'attendre pour me donner une chance de l'affronter, j'ai un peu du mal avec ce procédé. Pourquoi l'antagoniste devrait absolument chercher à se mettre en difficulté pour la beauté du combat ou humilier le héros ? Je trouve ça vraiment étrange de la part d'Oriendo, d'autant qu'il connaît Elzara et se doute que même sans oro'luin, c'est pas n'importe qui. Bref, je trouve que ce serait mieux que les héros le rattrapent alors qu'il essaie de les prendre de vitesse.
La chute est très sympathique. On comprend toute la colère qui anime Elzara, et ça permet de donner une bonne énergie à cette de chapitre. On a tous hâte de la voir en découdre avec le traître... Et les prochains chapitres s'annoncent haut en couleurs, avec enfin l'arrivée de Liam (= Très hâte de découvrir ça...
Un plaisir,
A bientôt !
Content que le passage de l'aesirg t'ait plu, j'ai fait de mon mieux pour rendre le truc assez visuel, qu'on comprenne bien ce qui se passe. Concernant l'exposition je t'avais prévenu, ahah ! Et encore, dis-toi que depuis le commentaire de Peri, ce que tu viens de lire est une version TRES allégée. Je suis déjà repassé dessus pour ôter environ 1500 mots qui n'apportaient rien au chapitre et ajoutaient de la lourdeur inutile.
Tu as totalement raison pour Oriendo, c'est vrai qu'en y repensant, le fait qu'il l'attende ça sonne un peu artificiel. Il faudrait que je coupe cette réplique.
A partir du prochain chapitre, tu arrives dans ce que j'appelle "le Sildaros 1.0", c'est à dire que tout ce que tu viens de lire a été rajouté assez récemment (il y un an ou deux je crois ?), avant l'histoire commençait avec l'arrivée des cavaliers à Tord-la-Falaise et la découverte de Liam.
Tu verras aussi que l'histoire prend un virage plus sombre, avec une ambiance assez "dark fantasy" pendant l'arc narratif du village et l'affrontement avec les cavaliers. N'hésite pas à me faire un retour par rapport au style, si jamais ça te parait trop noir, mal dosé, trop en décalage par rapport au (nouveau) début du roman, etc...
Je suis preneur de tous tes retours !
Au plaisir,
Ori'
Si je devais résumer, je dirais que dans la première partie, El réexplique longuement la situation (qu'on devrait avoir compris je pense à ce stade). Puis elle pète un câble, une scène assez cool d'ailleurs, puis elle et Roch répètent encore le plan, cas où on n'aurait pas suivi.
Le pauvre forgeron est embarqué dans cette affaire bien malgré lui. 🙂
Mes remarques sont très similaires à ceux des précédents chapitres. Beaucoup trop de surexplications. Le passage où El s'énerve serait en soi suffisant pour montrer sa détresse. Tout le reste pourrait être carrément coupé sans nuire à l'intrigue à mon avis. C'est trop long 🙂
Je ferai un petit point via Discord pour répondre à tes questions et envisager un peu de brainstorming 🙂
Mes notes de lecture :
"elle se sente acculée"
> Je l'ai pas senti si acculée. Si elle avait eu un plan des le debut, elle aurait aussi pu s'y tenir sans même l'intervention de Oriendo. Tu donnes plutôt l'impression que la pauvre est à l'ouest, qu'elle a sauté dans le tas sans réfléchir. Puis face a une autorité masculine (Oriendo), elle a pleuré et cédé. Mais si elle est effectivement forte, voire plus encore qu'Oriendo, il n'y a aucune raison qu'elle agisse de la sorte. D'autant qu'Oriendo est un paria, sans doute pas pour rien et qu'en plus, elle ne l'a pas vu depuis 15 ans. Il la suit, insiste beaucoup. Tout l'amène à se méfier de lui en fait.
D'ailleurs, jusque là (la phrase relevée plus haut), tu expliques littéralement tooouuut le plan des mercenaires, alors qu'on devrait à ce stade l'avoir saisi, voire même vu à l'oeuvre, au vu de la situation dans laquelle ils se trouvent. En fait, je vois plus ce passage comme un document de travail écrit pour toi (et pas pour nous). J'ai cette impression car en général j'écris mon plan de la sorte (en gros j'écris pour faire mon plan, comme si je m'écrivais une sorte de très longue lettre avec des directives, l'histoire expliquée avec moultes détails, comme ça, la Péridotite du futur qui s'occupera de mettre tout en forme comprendra tout bien sans rien oublier). Ainsi, a mes yeux du moins, il n'y a aucune raison d'intégrer une telle lettre au récit. Il vaut mieux faire comprendre ce qui se passe par des scènes, en montrant au lecteur juste ce qu'il a besoin de voir. Là tu peux prendre des ciseaux et tu peux découper ce texte afin de dispatcher toutes les infos qui y sont dans le tas "scènes", dans les précédents chapitres en gros, avec toutes les idées, comme créer un "panier chapitre" qui contient tout (comme les réalisateurs qui vérifient le décor, si les persos connaissent leur texte, avant de tourner). C'est drôle parce que je fonctionne vraiment comme ça. J'écris l'histoire telle quelle, en détails, avec toutes les idées possibles dedans, même si je ne les reprends pas toute. L'histoire ainsi écrite peut prendre des pages et des pages. Parfois j'écris même des vraies scènes dedans pour rigoler. Et ensuite, une fois ça fait, je fais des blocs, je mets les trucs qui vont avec ensemble, et je joue au puzzle. Puis j'arrange et je réarrange, ce qui fait que même l'écriture est une sorte de correction pour moi, car ce n'est pas linéaire. C'est comme ça que j'ai écrit des blocs de fin, avant le début par exemple. Bref, lire ces explications me rappelle ma façon de faire. À mon avis, tu ne peux pas faire un chapitre qui explique le plan du livre (ou du moins de l'intro) aussi directement. Pareil pour les expositions finalement. On peut les écrire telle quelle dans notre doc de travail, mais ensuite il faut sélectionner quelles infos seront réellement dans le roman, où et quand elles seront diviluguées pour marquer le lecteur.
La suite est bien, El pourrait se déchaîner dès qu'elle apprend la nouvelle d'ailleurs. Pourquoi attendre 1h ?
"Parfois, dit-elle, lorsqu’un mage perd le contrôle de sa Shâat, celle-ci se libère et prend possession de son hôte. Cela peut arriver sous le coup d’une émotion forte ou lorsque l’on manque d’expérience pour lancer un sortilège. On appelle ce phénomène l’aesirg, ce qui signifie l’éveil en langue bravacielle, car la même chose se produit quand les pouvoirs d’un enchanteur apparaissent pour la première fois."
> Là aussi, elle n'a aucune raison d'expliquer ça. On dirait un cours de fac.
"C’est une immense fierté de recevoir une Sildaros aussi puissante et renommée que vous sous notre toit."
> Heu, bizarre qu'il dise ça, elle l'a presque tué il y a un instant a peine.
"Nous n’avons plus une minute à perdre"
> Ha enfin ! J'espère qu'ils ont fini les gâteaux et le café et qu'ils sont fin prêts !
"mais nous connaissons désormais leur véritable objectif. Ils veulent utiliser les pouvoirs de Liam et de mon Oro’luin pour détruire le sceau de Lilybeth et libérer Domadan de sa prison temporelle."
> Oh non, elle a décidé de tout répéter
"J’accepte de vous céder mes chevaux, Til’Duin, mais nous ne partirons pas avec vous."
> Le pauvre, ils l'ont mis dans la mouise. En plus de voler ses chevaux, ils le forcent à se jeter sur les routes.
"Très bien, céda-t-il finalement. Vous m’avez convaincu,"
> C'est pas comme s'il avait le choix non plus. Il se serait laissé convaincre bien vite sinon. Le pauvre doit tout laisser derrière lui. Il ne peut même pas vendre sa maison ni sa forge ni rien, alors qu'il n'a rien demandé.
Je continue donc tout bientôt la discussion sur Discord. Je voulais finir ce chapitre avant de me lancer dans un point de partie. 🙂
Tu as complètement raison sur la surexplication, il faut absolument que je me débarrasse de ce tic d'écriture archi-pénible et que je fasse confiance au lecteur pour comprendre par lui-même.
Il faudra que je retravaille ces chapitres pour les alléger, j'attends ton retour sur Discord avec impatience pour décider comment redécouper tout ça :)
Une petite remarque concernant Oriendo tout de même : tu dis que c'est suspect qu'il la suive, qu'Elraza devrait le soupçonner à cause de ça, mais c'est elle qui est venue lui demander de l'aide, il l'accompagne à sa demande ^^
J'aime la façon dont Elraza perd le contrôle: ça la montre vulnérable, capable de se laisser consumer par la colère. Et de là, capable de plonger à pieds joints dans un chemin de "mort". Ca lui donne de l'épaisseur (elle en avait déjà au chap précédent, avec l'arrachage de Coeur-de-Nuit).
D'une certaine façon, au-delà de l'écaille-consume-le-sombrefeu, elle retrouve pied lorsqu'on lui rappelle son appartenance, non? Ptêt que je vois des choses là où il ne faut pas en voir ;)
Et d'accord avec Neila sur la phrase sur la trahison.
Merci de ton retour, ça fait plaisir de voir que tu continues de suivre mon récit !
La perte de contrôle d'Elraza a clairement un double intérêt ici. D'un point de vue du personnage, comme tu le soulignes, cela permet de rappeler qu'elle n'est pas toute-puissante mais au contraire, qu'elle est humaine avant tout et possède ses propres faiblesses. Cela montre aussi le caractère imprévisible de la Shâat, qui peut à tout moment se retourner contre le mage qui tente de la manipuler s'il ne la contrôle pas correctement. D'un point de vue scénaristique elle permet d'introduire l'aesirg et d'en faire la démonstration au lecteur.
En tout cas je suis content que le personnage d'Elraza te plaise, c'était important à mes yeux d'entamer ce roman avec une "héroïne" ayant de l'épaisseur : une mage puissante, certes, mais avec un lourd passé qu'elle porte comme un fardeau, capable de faire des erreurs et d'en payer le prix comme n'importe qui.
Et tu as parfaitement raison, elle perd pied lorsqu'elle comprend qu'on l'a manipulée et qu'elle a fait une grave erreur, mais elle retrouve finalement ses esprits lorsque Hobb et Roch lui rappellent son appartenance au Clan et ses devoirs ;)
Je prends note pour la phrase d'explication en trop, je vais la retirer.
À bientôt pour la suite,
Ori'
J'ai pris un retard phénoménal dans mes publications depuis Noël, désolé ^^
J'aimais bien ta proposition concernant Roch (que je ne vais pas re-dévoiler ici, du coup) mais je pense que tu as vu le message dans lequel je t'expliquais pourquoi je n'avais pas fait ce choix ^^
En tout cas merci beaucoup pour tes retours et pour avoir pris le temps de réfléchir autant au scénario !
C'est juste pas de bol que tu sois tombé pile poil sur ce que j'avais prévu et que tu aies tout déballé sans t'en douter aux autres lecteurs x)
Ça rajoute du piment, cette affaire d’aesirg. Les magiciens peuvent se transformer en bombe si on les contrarie trop fort ? Et leur magie peut carrément les influencer, les faire virer dark ? Le Sombrefeu, du coup, n’importe quel magicien peut le manifester si sa magie devient maléfique ? Dans le genre arme à double tranchant ! Mais j’aime quand c’est à double tranchant. :p La scène était très stylée en tout cas. On sent bien à quelle point la magie d’Elraza peut être puissante.
Ça sent de plus en plus le caca pour les parents Liam, par contre… franchement, je donne pas cher de leur peau ! Les Renégats vont cramer tous le village, je sens. xD
Juste une remarque. Je pense que j’enlèverais cette phrase dans le discours d’Elraza :
« La trahison d’Oriendo et la perte de Cœur-de-Nuit ont déclenché ma crise, et la présence toute proche des cavaliers l’a sans doute décuplée. » on le comprend très très bien sans qu’elle ait besoin de l’expliquer, et je trouve que ça enlève un peu le côté dramatique de la chose, qu’elle le formule comme ça, de façon presque détachée, quelques secondes après.
Ah part ça, c’est toujours aussi clair, et ça promet une confrontation brûlante avec Oriendo et les Renégats. Très hâte !
"Se transformer en bombe" c'est un peu excessif, contrairement à Jaken ils ne risquent pas tous la combustion spontanée x)
En revanche clairement, pendant l'aesirg ils perdent le contrôle de leurs pouvoirs, donc ils peuvent devenir dangereux pour leurs proches et pour eux-mêmes.
De là à basculer dark-side comme Elraza a failli le faire, il y a quand même une marge. Je vais pas rentrer dans le détail du truc tout de suite, mais en gros seuls les mages les plus puissants peuvent/risquent de créer du Sombrefeu car c'est un niveau de magie très avancé.
Si un type qui sait juste faire apparaître un peu de lumière dans sa main perd le contrôle de sa Shâat, il ne risque pas de devenir un Ombre. Dans le pire des cas, il flashera un bon coup ses amis à côté et il tombera dans les vapes, mais ça s'arrêtera là. Plus le mage a d'affinités avec la Shâat, plus il est puissant et plus il perd les pédales, plus le risque est grand (logique).
La famille de Liam, même sans connaitre la suite de l'histoire, à ce stade du scénario je t'avoue que j'ai pas envie de miser un centime sur eux non plus x)
Très bonne remarque pour la phrase d'explication, il y avait justement quelque-chose qui me dérangeait dans ce passage. Je vais la retirer.
Merci beaucoup pour ta fidélité et pour tes commentaires, à bientôt pour la suite ;)
Ori'