Le rire de Solène me rassure rapidement.
— Pff… je m’inquiète et toi tu rigoles encore !
— Bah quoi, tu voudrais que je pleure ? C’est juste que je trouve ça super chouette d’avoir pu observer un tel phénomène, c’est tout !
Hein ? Quel phénomène ?
— Quoi, tu n’as pas compris ? Nous étions près d’un volcan sous-marin ! Je me demandais bien tout à l’heure pourquoi en redescendant de la surface l’eau ne me paraissait pas plus froide pour autant.
— Et il a pété ? Mais c’est génial !
— Ah ah ah ! Il a explosé oui, pouffe Solène.
Je n’ai plus du tout envie de rentrer dans mon corps tout d’un coup, tellement je suis heureux d’avoir vécu une telle expérience.
Cependant, alors que j’avais ralenti ma nage, je me retrouve soudainement à tracer dans l’eau de nouveau à toute vitesse. Ben quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe cette fois-ci ? Oh zut ! Je crois que ce sont bien des champs électriques que je capte là ! Et ils ne sont pas loin de Solène !
— Solène ? Pourquoi je suis en train de me carapater[1] là ?! Sauve-toi ! Je pense qu’on a affaire à des prédateurs cette fois-ci !
J’entends sans surprise Solène rire dans ma tête.
— Ah ah ! Ce n’est rien du tout, il y a juste deux orques qui viennent d’arriver ! Perso j’ai juste eu le temps de m’éloigner un tout petit peu qu’ils m’avaient déjà rattrapée et doublée !
— …
— Tu te sauves toujours toi ?
— Oui !!
Je me sauve tout en essayant désespérément de me rappeler qui nage le plus vite, les orques ou les grands requins blancs ?
— Si tu te demandes qui nage le plus vite, c’est kif-kif. Bonne chance Hélios !
— Tu lis dans ma tête ce n’est pas possible ! Et mince alors, mais je n’ai vraiment pas de chance quand même ! Bon, Solène, c’est décidé, je rentre le premier !
Je n’ai même pas le temps d’écouter sa réponse que je suis déjà de retour dans mon corps. Décidément, c’est de plus en plus facile de revenir j’ai l’impression.
— Ah Hélios ! Déjà de retour ? Alors ce voyage ? Tu étais content d’être un prédateur ? Ça devait être génial non ?
Je laisse tonton poser son milliard de questions avant de répondre tranquillement.
— Tonton, la prochaine fois, je veux être un animal qui vit en groupe, pas un solitaire. Et comme ça, tout le groupe pourra me défendre si je suis attaqué !
Tonton n’a pas le temps de répondre que j’entends de nouveau le rire de Solène. Mais pas juste dans ma tête cette fois-ci !
— Solène ! Je m’écris aussitôt, tout joyeux sans que je comprenne vraiment pourquoi.
Je la regarde cligner des yeux dans la semi-pénombre et son sourire me rassure instantanément. Puis, sans me poser de question, elle s’approche et s’assoit juste à côté de moi avant de me prendre dans ses bras.
— Je suis là Hélios. Je suis d’accord, la prochaine fois, on se débrouille pour être vraiment ensemble, ok ?
Je hoche la tête, les larmes aux yeux. Il ne me faut que trente secondes de câlin pour me sentir mieux. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est à la fois énorme et suffisant. Ces trente secondes me permettent de tranquillement déstresser et respirer à nouveau normalement.
Lorsque je m’écarte de ma sœur chérie adorée que j’aime, je vois que tonton nous regarde bizarrement et hausse les épaules. Je suis un peu gêné puis je lui explique ce que j’ai enfin compris :
— Les grands requins blancs sont des animaux solitaires tonton, mais moi pas du tout. J’ai trop l’habitude que Solène soit tout le temps avec moi !
— Tu as trop de chance de m’avoir comme sœur, avoues !
— Ouais, et même que t’es la plus belle quand t’es un requin-baleine !
— Quoi ? Et en tant qu’humaine alors ?
Solène se lève subitement pour me chatouiller et je m’échappe in extremis, riant et courant au ras du sol pour sortir de notre galerie secrète.
Tonton se met à rire également, et nous lance à haute voix :
— Du coup, je note pour la prochaine fois de vous trouver un animal qui vit en troupeau ? Si vous êtes toujours d’accord pour qu’il y ait une prochaine fois ?
Nos retentissants « OUI OUI OUI » résonnent dans la salle aux requins entre deux rires.
*** informations documentaires ***
Les ampoules de Lorenzini, présentes sur le museau du grand requin blanc et dont nous avons déjà parlé, servent à détecter les ondes électriques émises par les êtres vivants, mais pas seulement !
En effet, elles peuvent également détecter les modifications dans les ondes magnétiques terrestres. Ce qui leur permet de repérer à l’avance certaines catastrophes comme une éruption volcanique ou l’apparition d’un cyclone. Très pratique pour se sauver à temps !
Le requin d’Hélios a raison de se sauver devant les orques. À part l’homme, ce sont les seules véritables menaces pour les grands requins blancs. Ils ont donc tout intérêt à se sauver dès qu’ils les détectent, car un orque contre un grand requin blanc, c’est l’orque qui gagne !
[1] Se carapater = S’enfuir très vite.