Chapitre 10 : Pic au Sommet.
Une semaine plus tard.
Le Sommet – An 2712 – Le 7 janvier, 8 h 30.
Thibault avait englouti son petit-déjeuner à toute vitesse, afin d’être le premier à rejoindre Solène à la serre. Depuis trois jours que le pic de pollution avait été annoncé, le plus violent depuis celui en l’an 2703, tout Délos était dans un état de panique épouvantable. Même le Sommet serait touché par cette vague soudaine.
Depuis la veille déjà, le palais avait été scellé. Il était strictement interdit d’ouvrir la moindre fenêtre ou porte donnant sur l’extérieur. Le pic débuterait aux alentours de dix heures, et on estimait que l’indice commencerait à chuter à partir du début de soirée. Il faudrait cependant éviter de se promener à l’extérieur pendant les jours à venir. Malgré la gravité de la situation, Thibault n’avait pu s’empêcher de ressentir un certain soulagement à cette annonce. Normalement, le lendemain, Solène aurait dû se rendre chez monsieur Grégory Rodweil, l’héritier de L’air d’Antan, la première compagnie de distribution d’air pur de Délos. Elle l’avait rencontré la semaine précédente, à la soirée du nouvel an organisé par la marquise Borschla, et Thibault, d’abord dubitatif à la lecture des tabloïds annonçant que l’impératrice avait passé une grande partie de la soirée au bras du richissime héritier, était tombé des nues face au sourire de Solène quand elle avait reçu l’invitation à se rendre dans sa villa du Deuxième en date du 8, pour une soirée très exclusive. Elle avait l’air flatté, et Thibault avait détesté cette expression chez elle. Tout d’abord, ç’aurait été à Rodweil de se sentir flatté que la jeune fille daigne lui accorder la moindre attention. Ensuite, qu’avait-il de si spécial, cet homme-là ? Il avait au moins dix ans de plus qu’elle, et tout à fait objectivement, il était loin d’être aussi beau que le dépeignaient les journalistes. S’il avait été nommé « célibataire de l’année » cinq fois consécutives, c’était uniquement parce qu’il était riche, et il ne devait ça qu’au fait d’être né dans la bonne famille. Non, vraiment, Solène pouvait faire beaucoup mieux que ça.
Thibault secoua furieusement la tête. À chaque fois qu’il y repensait, l’agacement prenait le dessus. Pourtant, ça n’avait plus tellement d’importance à présent. Grâce au pic de pollution, Solène resterait au palais pour les jours à venir. Il était hors de question de mettre en danger la santé de l’impératrice pour une raison aussi futile qu’une soirée chez ce bellâtre.
Quand il arriva à la serre, elle était déjà là. Mieux, elle était seule. Thibault s’approcha à pas de loup, et elle sursauta quand elle se retourna et le découvrit à un mètre d’elle.
— Thibault ! Tu m’as fait peur. Tout va bien ?
Il lui fit un sourire et prit sa main pour y déposer un baiser.
— Très bien maintenant.
Elle répondit vaguement à son sourire, mais elle était agitée. Elle désigna la page qu’elle avait posé sur ses genoux, que Thibault n’avait d’abord pas vu.
— Regarde ça, ils disent que ce sera encore pire qu’en 2703. Comment vont faire les gens dans les étages inférieurs ?
Elle se mordit la lèvre, et Thibault la trouva irrésistible à cet instant. Elle s’inquiétait pour son peuple. Ils ne savaient pas, dans Délos, à quel point leur impératrice était merveilleuse.
— Assieds-toi, proposa-t-elle en tirant la chaise en fer blanc à côté d’elle.
Il s’y installa et elle posa la page sur la table, puis monta le volume afin qu’ils puissent écouter Marius Pléthor, le journaliste présentant le bulletin spécial du jour.
« … rappelons qu’il est capital que vous restiez à l’intérieur entre 10h00 et 22h00 aujourd’hui. Si vous devez néanmoins sortir, pensez à vous munir d’un masque spécial anti-pollution, ou a minima d’un mouchoir humide, afin de filtrer l’air au maximum, et ne restez pas en extérieur plus que nécessaire. L’activité des services essentiels ne sera pas maintenue ce jour, et… »
— Rassurez-vous Maîtresse Solène, fit Thibault en constatant son air inquiet. Cela fait trois jours qu’on relaie ces informations, je doute qu’un seul habitant de Délos soit passé à côté.
— Quand bien même, soupira l’impératrice. Ceux qui sont tout en bas… Tu sais, je crois que certains n’ont même pas d’abonnement aux compagnies de purification de l’air, alors…
— Évidemment qu’ils n’ont pas d’abonnements, au Septième.
Thibault et Solène sursautèrent à l’unisson. C’était Gabriel qui venait à son tour de pénétrer dans la serre, et il fronçait les sourcils. Il exécuta néanmoins une courbette gracieuse devant la jeune femme, puis se tint debout derrière Thibault qui lui lançait un regard réprobateur.
— Comment vont-ils faire alors ? demanda l’impératrice d’un ton anxieux en observant Gabriel.
Il haussa les épaules.
— Comme les autres fois. En 2703, on a décompté près de treize mille morts je crois, dont plus de la moitié rien qu’au Septième. En une seule journée. Bien sûr, il y en a eu beaucoup plus après coup, mais il y a peu de statistiques répertoriant ceux qui sont décédés des suites de cette journée…
Solène eut l’air horrifié, et Thibault se leva et attrapa Gabriel par le poignet.
— Excusez-nous Maîtresse, lança-t-il à l’attention de l’impératrice.
Il emmena ensuite son compagnon un peu plus loin, vers le bosquet où des roses d’un rouge sang poussaient dans un splendide chaos.
— Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ?! s’écria-t-il furieusement.
Le garçon haussa un sourcil surpris.
— Quoi ? C’est de notoriété publique, non ?
— Tu ne vois pas qu’elle angoisse ? Pourquoi tu la fais culpabiliser comme ça ?
Gabriel eut un étrange sourire, comme s’il le forçait.
— C’est l’impératrice. Elle est censée culpabiliser. Elle est censée trouver des solutions pour son peuple, non ?
— Que veux-tu qu’elle fasse ? Qu’elle accueille tout le Septième ici ? répliqua Thibault.
Le visage de Gabriel se durcit.
— Peut-être aurait-elle dû demander à son ami Rodweil de prêter ses purificateurs dernier cri aux centres d’accueil des étages inférieurs, plutôt qu’il ne les vende aux enchères au Deuxième ?
Thibault sentit la colère se répandre en lui comme du venin. Il allait trop loin. Mentionner Rodweil, c’était une pique qui lui était adressée. C’était personnel.
— Je ne dis pas ça pour te contrarier, indiqua néanmoins Gabriel.
— Bien sûr que si. Dès que quelque chose te déplaît, tu le fais payer aux autres, cracha Thibault. Tu n’essayes jamais de t’expliquer, tu te contentes d’être désagréable.
Il vit avec satisfaction le visage de Gabriel se liquéfier.
— Thibault…
Il lâcha son bras avec une brusquerie volontaire et retourna auprès de Solène. Il adorait Gabriel. Sincèrement. Depuis qu’ils se connaissaient tous les deux, il avait toujours pu compter sur lui. Néanmoins il ne pouvait nier que son ami n’avait pas toujours un caractère facile. Avec les autres, Gabriel pouvait se montrer vraiment intransigeant. Il avait toujours un avis tranché sur tout et ne cachait jamais sa condescendance. S’il n’avait eu ce comportement qu’avec les autres esclaves, Thibault n’aurait rien trouvé à redire, mais il ne pouvait pas cautionner qu’il se permette d’être si direct avec Solène. Elle avait bon caractère et ne lui en tenait par rigueur, mais peut-être un jour trouverait-elle que son impertinence dépassait les bornes.
— Où est-il ?
Thibault cligna des yeux, surpris d’entendre sa maîtresse s’adresser à lui. Il avait regagné sa place à côté d’elle sans s’en apercevoir, et observa les alentours. Gabriel ne l’avait pas suivi.
— Je ne sais pas, avoua-t-il. Je suis désolé, il est un peu bête, parfois.
Solène passa son regard gris sur lui. Elle avait l’air pensive.
— Tu le crois ? demanda-t-elle. Qu’il est bête ?
— Non… Mais il est mesquin.
Elle eut un petit rire.
— Vraiment ? Eh bien moi, je le trouve remarquablement intelligent pour ma part.
Puis elle recentra son attention sur la page, ignorant le regard surpris de Thibault.
Dans l’heure qui suivit, ils furent rejoints par le restant des esclaves d’honneur, et par ceux qui les serviraient pour cette journée que Solène avait décidé de passer dans la serre. À midi, la grande-duchesse se joindrait aussi à eux pour le déjeuner.
Laissant à ses camarades un moment pour saluer l’impératrice en bonne et due forme, Thibault s’approcha d’une vitre de la serre et observa. Au dehors, le ciel s’était teinté d’une curieuse couleur jaunâtre, qui éveilla en lui un écho du passé. Contrairement à Solène, et peut-être davantage que n’importe qui d’autre dans la pièce, il savait ce que c’était quand l’air devenait brusquement irrespirable. Il l’avait vécu, quand il avait quitté le Quatrième pour le Sixième. Et le jour où tout avait basculé, un mois avant cette horrible journée, le ciel était également jaune. Il n’oublierait jamais cette journée-là.
C’était la fin de l’année scolaire, à la mi-juin, et malgré l’orage annoncé pour la soirée, lui et plusieurs de ses amis avaient décidé d’aller se baigner au grand lac du Quatrième pour échapper à la lourdeur de l’air. Il devait seulement repasser par chez lui, pour revêtir une tenue plus confortable que son uniforme scolaire, et il pensait qu’il serait seul à la maison. Donovan terminait l’école un peu plus tard, Lison restait à la bibliothèque avec des amies, Margot traînait sûrement devant le terrain d’entraînement des sportifs, et maman assistait à une réunion de parents d’élèves à l’école de Zoë. Papa serait probablement encore au bureau, car à cette période, il finissait souvent tard.
Thibault ne s’était donc pas attendu à trouver cet étrange pantin suspendu au plafond. Il avait ouvert la porte d’entrée et avait déposé son sac de cours à même le sol, avant de lever les yeux et de le voir. Il n’y avait pas de vent à l’intérieur, pourtant le pantin ondulait doucement. Son regard vide semblait narguer son fils, lequel était tombé à genoux un mètre plus bas que ses pieds. Son cou paraissait plus long, et plus maigre que d’habitude. La couleur de sa peau, violette, comme l’hématome de Gabriel le jour où Thibault l’avait rencontré, jurait curieusement avec les nuages jaunes qu’on apercevait par la fenêtre derrière. Thibault se souvenait de s’être senti curieusement ému face à ce spectacle. Papa qui volait au-dessus du parquet. Lui à genoux, en-dessous, découvrant son visage apaisé. Il y avait bien longtemps que papa n’avait plus eu l’air en paix. Cela faisait du bien de le trouver si calme. Et le plus étrange ? Papa souriait ce jour-là. Thibault en était certain. Il était resté deux heures face à lui, jusqu’à ce que Lison rentre à son tour à la maison et que son hurlement sorte Thibault de sa torpeur. Elle avait crié si fort que le cœur de son frère jumeau avait été comme transpercé, et que le sourire de papa avait disparu.
Thibault cligna des yeux. Il savait désormais qu’il avait rêvé ce sourire. Probablement. Lison lui avait expliqué après coup qu’il s’était trouvé en état de choc, et qu’il avait imaginé des choses. Pourtant, même à présent, alors que trois ans et demi avaient passé, le sourire de papa était toujours gravé sur la rétine de Thibault. Le jeune homme soupira. Il aurait bien voulu que Gabi soit là. Il n’aimait pas penser à la mort de son père.
C’était là, que tout avait basculé. Outre le fait que les dettes de son père avaient entraîné le reste de la famille dans une spirale infernale, c’était aussi à ce moment-là que Thibault s’était éloigné des autres. Il avait eu l’impression d’être le seul à accuser le coup. Donovan s’était très vite remis de la mort d’Éric. Olga aussi. Lison et Margot n’avaient pas non plus tardé à passer à autre chose, et Zoë… Il n’arrivait plus à se souvenir comment Zoë avait réagi. Pas comme il aurait fallu en tout cas.
Puis dès qu’ils étaient arrivés au Sixième, ils l’avaient tous accablé. Il ne fallait plus aller à l’école. Il fallait travailler. Il ne fallait pas pleurer. Il fallait aider. Il fallait être courageux. Il fallait être comme Donovan, et oublier papa.
Il croisa les bras sur son torse et ferma les yeux. Il était loin de tout ça désormais. Loin du jugement des membres de sa famille, et de tous ces mauvais souvenirs qui remontaient toujours au moment où il s’y attendait le moins.
Un bras entoura soudainement ses épaules. Il rouvrit les yeux puis tourna lentement le regard vers Jenkins. Le garçon l’observait avec une mine inquiète.
— Tout va bien ? chuchota-t-il.
Thibault entrouvrit la bouche mais ne sut que répondre. Ce ciel jaune avait râclé des sentiments bien désagréables. Non, ça n’allait pas. Mais il aurait préféré en parler à Gabi qu’à Jenkins.
— Tu veux qu’on s’éclipse une minute ? demanda Jenkins, face à son absence de réponse.
Thibault secoua la tête en signe de dénégation et le jeune homme lui donna une petite tape dans le dos.
— N’hésite pas si tu as besoin.
Il repartit vers les tables un peu plus loin et en le suivant du regard, Thibault s’aperçut que Solène jetait un œil vers lui. Il s’approcha alors et fut surpris de découvrir que sa rêverie s’était étendue bien plus longtemps qu’il n’en avait eu l’impression. Il était déjà dix heures passées, le pic les avait donc atteints.
Les heures s’égrenèrent lentement. Sous le ciel d’or, les visages avaient pris des teintes maladives. Les esclaves s’évertuaient à distraire leur maîtresse en jouant à divers jeux, mais la gaieté n’était pas au beau fixe. Thibault ne parvenait pas à se forcer à rire. Les jumelles étaient terriblement silencieuses, et Jenkins ne cessait de leur jeter des regards de biais, comme inquiet. Lino et Théo faisaient de leur mieux pour pallier l’humeur sombre de leurs camarades, mais Solène soupirait de plus en plus souvent.
Gabriel ne reparut qu’en milieu d’après-midi. Il ne regarda même pas en direction de Thibault, mais approcha leur table, les bras chargés d’une énorme caisse dont il déversa le contenu, sans la moindre gêne, par-dessus le jeu de carte alors en cours. Solène lui adressa un regard interrogateur.
— Maîtresse Solène, vous souvenez-vous quand vous avez dit que vous aimeriez voir une adaptation au théâtre de La Vengeance de l’Impératrice ?
Thibault vit la jeune femme hausser les sourcils et un sourire naître sur son visage. Il s’agissait d’un roman qu’elle adorait, relatant l’histoire d’une jeune souveraine dont le trône avait été volé par son cruel cousin, lequel martyrisait le peuple. Elle se battait alors au cours d’une quête glorieuse, aux côtés de sympathiques rebelles, pour reprendre son trône et enfin apporter à l’empire la justice et la liberté tant attendue. Solène lisait très régulièrement ce livre, et en effet, Thibault se souvenait l’avoir entendue mentionner son désir d’en voir une adaptation. Ses yeux rencontrèrent alors les fripes que Gabi avait laissé tomber sur la table. Des déguisements, qui se prêteraient fort bien à l’ambiance du roman.
— Que suggères-tu, Gabriel ? demanda Solène d’un air très intéressé.
— De couper votre page et son terrible débit de mauvaise humeur, et de prendre en main vous-même cette pièce de théâtre ! Nous feriez-vous l’honneur de jouer le rôle de l’impératrice ?
Solène eut un rire cristallin. Elle semblait ravie.
— J’espère que je saurai rentrer dans la peau du personnage, déclara-t-elle en se levant.
Elle fouilla fébrilement la pile de vêtements et en sortit une tiare en ferraille cabossée, qu’elle positionna sur sa tête, avant de laisser échapper un nouveau rire joyeux.
— Merveilleux ! s’exclama-t-elle.
Thibault consentit à sourire. Était-ce pour se faire pardonner que Gabriel agissait ainsi ? Thibault n’était déjà plus fâché contre lui et son absence au cours de la journée lui avait pesé. Il essaya de croiser son regard pour lui faire comprendre que tout allait bien, mais son ami l’ignora.
Rebecca, qui était restée après le déjeuner, accepta de former à elle seule leur public. Pas un public des plus attentifs, parce qu’elle écoutait en fond le journal télévisé, mais Thibault constata que Solène appréciait tout de même qu’elle passe un moment avec eux.
Les rôles furent ensuite distribués. Solène serait l’impératrice. Ajax, bien que peu enthousiaste, accepta le rôle du cruel cousin. Jenkins serait un chef de la révolte, se battant aux côtés de Solène pour lui rendre son trône. Théo serait un agent double, travaillant pour l’usurpateur mais opérant secrètement pour le retour de Solène… Lino et Thibault seraient d’autres rebelles au service de la jeune femme. Gabriel serait le bras droit de l’usurpateur, et Féline et Félicie, ses servantes dévouées.
Les rôles distribués, ils lurent à tour de rôle un passage du roman et se mirent en scène pour l’illustrer. Il fallait parfois que certains jouent plusieurs rôles, mais cela ne rendait la chose que plus drôle.
Finalement, il était plus de minuit quand Solène, absolument ravie de sa journée, décréta qu’ils feraient mieux d’aller se coucher, et qu’ils continueraient la pièce de théâtre le lendemain.
Rebecca, qui s’était assez rapidement lassée de leur jeu d’acteur, revenait alors à la serre. Elle avait passé la journée les yeux rivés sur sa page, et leur indiqua que si le plus gros du pic était passé, on estimait encore qu’il vaudrait mieux rester enfermer pour les cinq journées à venir.
La nouvelle ne déplut pas à l’impératrice. Elle savait désormais comment elle s’occuperait lors de ces prochaines sombres journées.
***
Il était deux heures du matin quand Thibault se redressa dans son lit.
Gabriel l’avait ignoré toute la journée. Il ne lui avait pas adressé un regard quand il était revenu à la serre, et avait fait en sorte d’éviter de lui parler, jusque dans la pièce de théâtre où il avait choisi d’interpréter le personnage du livre avec lequel celui de Thibault n’aurait pas d’échange. Il pouvait être terriblement vicieux parfois… mais Thibault devait reconnaître que cette fois-ci, c’était partiellement sa faute. Il s’était montré relativement agressif envers son ami, et s’il le fallait, alors il lui présenterait des excuses.
Il quitta sa chambre et toqua à la porte voisine. Quelques secondes plus tard, une raie de lumière éclaira ses chaussons, provenant de l’intérieur de la chambre. Il entendit des pas s’approcher de la porte qui s’ouvrit en grinçant.
— Quoi ?
Le ton y était. Gabi était vraiment fâché.
— Je suis désolé de m’être énervé ce matin.
— D’accord. Bonne nuit.
Il allait refermer la porte et Thibault passa sa main de justesse dans l’interstice, se laissant écraser les doigts au passage.
— Mais qu’est-ce qu’il te prend ? s’exclama Gabriel en rouvrant.
Thibault agita sa main douloureuse.
— Tu ne vas pas me laisser entrer ? demanda-t-il d’une voix plaintive.
Gabi le dévisagea un moment, puis finit par s’écarter et Thibault entra précipitamment dans la pièce, de peur qu’il ne change d’avis. Il suivit son ami jusqu’au lit et remarqua alors le bruit de fond auquel il n’avait pas prêté attention jusque-là. Gabriel était en train de regarder les informations sur une page. Thibault lui adressa un regard plein d’incompréhension, et un peu effrayé aussi. Les esclaves n’avaient pas droit d’en détenir, où avait-il déniché la sienne ?
— Avant que tu ne montes sur tes grands chevaux, c’est Rebecca qui me l’a donnée, indiqua le garçon.
Puis il recentra son attention sur l’écran.
— Elle n’avait pas le droit de faire ça. C’est interdit.
— Tu vas nous dénoncer ?
Thibault se renfrogna.
— Bien sûr que non mais…
— Alors viens plutôt regarder avec moi.
Thibault n’insista pas davantage. Il était venu se réconcilier avec Gabriel, pas trouver un nouveau motif de dispute. Il s’étendit aux côtés de son ami et observa. C’étaient des images captées par les caméras de surveillance des différents étages. Pour celles du Sixième et du Septième, à travers une épaisse purée nébuleuse et jaunâtre, on apercevait parfois des corps étendus à même les pavés. Thibault sentit son cœur s’emballer. Il se demanda si sa famille vivait encore là-bas. Grâce à sa vente, ils avaient reçu un peu d’argent au-delà de la dette qu’avait laissée son père… mais était-ce assez pour qu’ils remontent tous les cinq ? Peut-être. Au Cinquième, éventuellement.
— Tu en fais une tête.
Thibault leva les yeux de la page, en direction de Gabriel qui l’observait de biais, son iris bleue tout au coin de l’œil. Il entrouvrit la bouche mais ne sut que répondre.
— Tu penses à ta famille ?
Il hocha la tête, et le regard de Gabriel s’adoucit. Il posa une main sur celle de Thibault.
— J’espère qu’ils vont bien, dit-il. Mais normalement, même s’ils n’étaient pas remontés, ils auraient au moins eu les moyens de souscrire un bon forfait de purification de l’air, non ? Avec ta plus-value, il y avait de quoi tenir pendant des années.
— Merci Gabi. Et toi, pourquoi tu t’intéresses tellement au pic de pollution ?
Gabriel lâcha la main de Thibault et haussa les épaules.
— Ça me fait réfléchir.
— À quoi ?
Il parut hésiter.
— Tu sais… finit-il par dire. Je sais que tu veux protéger Solène, et je ne t’en veux pas pour ça, mais je crois qu’on a tort de vouloir lui dissimuler ce qui se passe dans la cité. Je pense que Rebecca lui a caché beaucoup de choses ces dernières années. Pour la protéger, et peut-être aussi pour conserver un peu de pouvoir. Mais Solène n’est plus une gamine, elle devrait prendre les choses en main désormais.
— Qu’est-ce que tu essayes de dire ?
Thibault scruta le visage de Gabriel qui s’était fermé. Ce dernier reprit d’une voix lente :
— Contrairement à Rebecca, Solène est quelqu’un de plutôt sensible. Elle s’intéresse aux autres. Elle compatit au malheur de son prochain. Regarde, ce qui s’est passé avec Max l’an dernier… Sans son intervention, il serait mort. Elle trouvait injuste de le tuer parce qu’il avait commis une simple erreur de jugement. Pourquoi est-elle intervenue ? Parce qu’elle avait connaissance du problème. Mais comment peut-elle voir l’injustice sociale de Délos quand elle ne sait presque rien du monde dans lequel elle vit ? Avant ses dix-huit ans elle passait tout son temps avec ses esclaves d’honneur, et depuis qu’elle sort, ce n’est que pour aller faire la fête au Deuxième. Devant ses ministres elle n’a aucune crédibilité… Rebecca, elle, ils l’écoutent. Aux yeux du Gouvernement, c’est encore la grande-duchesse qui règne, pas Solène. Ils ne la respectent pas vraiment. Ils la voient comme une partie du décor. Je ne cherchais pas à la vexer ce matin, juste à la secouer un peu. Je sais parfaitement qu’il était trop tard pour agir, mais je trouve que c’est dommage qu’elle ne soit pas mieux informée de ce qui se passe à Délos. On parlait beaucoup du pic de pollution ces derniers jours parce qu’on savait qu’il allait avaler toute la cité, mais cela faisait bien plus longtemps que les signes avant-coureurs avaient été repérés, et elle l’ignorait. Elle ne sait rien… Tu l’as entendue ? « Je ne suis pas sûre qu’ils aient tous des forfaits d’air pur au Septième… ». Non mais elle vit dans un autre monde… Moi je n’avais jamais connu ça, l’air pur, avant d’arriver au Sommet. Mon père n’aurait jamais gaspillé le moindre pèze pour un abonnement.
— Mais elle n’aurait rien pu faire par rapport au pic de pollution… Personne ne peut empêcher ça, Gabi.
— Personne ne peut empêcher les pics de pollution, ça je le sais je te remercie. Par contre, on peut faire en sorte de mieux protéger les habitants ! Ce que j’ai dit pas rapport à Rodweil…
Il jeta un bref regard à Thibault qui hocha la tête pour montrer qu’il l’écoutait.
— … je le pensais. La richesse de la famille Rodweil suffirait à équiper chaque foyer de Délos en purificateur d’air, pourtant, il profite de catastrophes comme celle-ci pour s’enrichir davantage. Ça ne te révolte pas ?
Thibault resta silencieux. Gabriel avait peut-être raison, mais les choses avaient toujours été ainsi après tout…
— Je sais ce que tu penses, Thibault. « Ça a toujours été comme ça, alors qu’est-ce qu’on peut bien y faire ? ». Nous, on ne peut rien y faire, mais Solène, elle, peut agir. Je crois sincèrement qu’elle a de l’affection pour son peuple. Alors pourquoi n’irait-elle pas visiter elle-même les autres étages, pour découvrir de ses propres yeux la misère qui s’y accumule ? Je suis certain que si elle voyait ça, elle réagirait.
— Tu n’es pas sérieux ? répliqua Thibault avec un rire nerveux. Solène, au Septième ? Au milieu des drogués, des meurtriers et des violeurs ? Les étages inférieurs ne sont pas des endroits pour elle…
— Tu crois que c’est tout ce qu’il y a au Septième ? interrogea Gabi d’une voix éteinte. Parce qu’ils sont pauvres, ils sont forcément mauvais ? Ou bien… Crois-tu que ceux qui vivent en bas sont inférieurs à ceux qui vivent en haut ?
Thibault se sentit rougir. Gabriel s’en aperçut. Il eut un sourire froid.
— Tu crois que je te suis inférieur parce que je suis né au Sixième quand toi tu es né au Quatrième ?
— Bien sûr que non ! Je ne penserai jamais un truc pareil de toi, Gabi !
— Non, peut-être pas de moi. Parce que tu me connais. Mais je crois que tu as tendance à te croire supérieur aux autres.
Une sensation cuisante traversa Thibault. Il sentit le feu prendre ses joues et eut du mal à soutenir le regard perçant de Gabriel. Quand il avait chu au Sixième, il n’avait pu s’empêcher de se sentir « déclassé ». Il se souvenait de l’humiliation qu’il avait ressenti quand on les avait escortés hors de son étage d’origine. Il se souvenait les larmes d’Olga, les voisins qui chuchotaient sur leur passage. De l’envie de se cacher à ce moment-là et sa façon, les mois suivants, de se raccrocher à l’idée qu’il venait du Quatrième et n’avait rien à voir avec ceux du Sixième.
— Thibault, reprit Gabriel d’un ton plus doux. Pardon, je ne voulais pas te blesser. Mais il faut que tu comprennes… Dans les étages du bas, il y a surtout des gens désespérés. Ceux qui n’ont plus rien parce qu’on leur a tout pris. Ce ne sont pas des êtres inférieurs, juste des personnes moins chanceuses…
Il médita quelques secondes sur les paroles de Gabriel, puis une autre pensée lui traversa l’esprit.
— Je ne doute pas qu’il y a des gens bien au sein des étages inférieurs, Gabi. Mais je te rappelle que les parents de Solène ont perdu la vie dans un attentat, parce qu’ils s’étaient aventurés plus bas justement !
— Thibault, c’était au Quatrième qu’a eu lieu cet attentat…
Il ouvrit la bouche pour répliquer, mais rien ne vint. Gabriel eut un petit rire. Agacé, Thibault décida de revenir à la charge sous un nouvel angle :
— Il y a quand même des solutions. Ceux qui ont vraiment tout perdu, ils peuvent se constituer esclave, non ?
— Tu trouves que c’est une solution idéale ? Tout le monde ne se complaît pas dans l’esclavage, rétorqua Gabriel, à présent agacé. Certains préfèrent la liberté à tout prix.
Thibault ouvrit des yeux ronds.
— Depuis quand tu es si malheureux de ton sort ?
Gabi soupira, et éteignit la page.
— Ce n’est pas de moi qu’il s’agit, Thibault. Je ne suis pas malheureux de mon sort. Je sais que toi, tu l’es encore moins que moi… Mais tu ne te dis jamais que ce serait mieux d’être libre ?
— Si être libre équivaut à retourner vivre dans la misère… Non Gabi. Je suis désolé de te décevoir, mais je préfère être ici, en sécurité, sans avoir à m’inquiéter de savoir si demain je pourrais vivre encore.
Gabriel sembla hésiter, et Thibault attendit patiemment qu’il se décide à parler.
— J’imagine qu’à ce sujet, tu n’as pas totalement tort, finit-il par dire. Je reconnais que dans l’esclavage, j’ai été chanceux moi aussi. Grâce à toi, d’ailleurs… Mais je regrette qu’il n’y ait pas de meilleure solution. Ça n’est pas un reproche, d’accord ? Mais moi, je n’arrive pas à être comme toi. À me dire que le reste n’a pas d’importance…
— Autrement dit, d’être égoïste ?
Gabi eut une expression peinée. Il allait parler mais Thibault leva un doigt pour le faire taire et lui adressa un sourire.
— J’en prends pour mon grade ce soir. Ne t’en fais pas, je ne t’en veux pas. Mais honnêtement Gabi, moi je crois que tu as tort de t’inquiéter autant pour les autres. Au fond, tout le monde est égoïste. Tout le monde pense à lui-même avant de penser aux autres. Tout le monde cherche d’abord son intérêt. Même dans leurs relations, les gens cherchent toujours ce que les autres pourraient leur apporter et…
— Qu’est-ce que je t’apporte, moi ?
Thibault fut coupé dans son élan.
— Comment ça ?
— Tu dis qu’on aime les autres pour ce qu’ils nous apportent, alors qu’est-ce que je t’apporte moi ? À moins que je ne sois trop audacieux de croire que tu tiens à moi ?
Thibault baissa les yeux, un peu embarrassé.
— Bien sûr que je tiens à toi. Mais c’est différent. On s’est rencontrés dans un moment où on avait tout perdu, l’un et l’autre. On s’est apporté un soutien mutuel, j’imagine. En tout cas, tu n’as pas besoin de me donner quoi que ce soit pour que je tienne à toi. Tu vois, finalement je ne suis peut-être pas aussi égoïste que tu le penses ?
L’instant d’après, il jeta un coup d’œil vers Gabi, et s’aperçut qu’il le fixait avec intensité, mais le garçon aux yeux vairons détourna vite le regard.
— Je n’ai jamais pensé que tu étais égoïste avec moi. Tu… Moi aussi je tiens à toi, Thibault.
— Je sais, Gabi. Tu n’es plus fâché alors ?
Gabriel hocha la tête et eut enfin un franc sourire.
— Je ne reste jamais fâché bien longtemps, non ?
L'histoire continue de pousser là où ça fait mal dans la relation entre Thibault et Gabi. L'air de rien notre narrateur sort des petites dingueries (une relation est forcément intéressé, c'est mieux d'être esclave...), il a beau en appeler à leur passé commun, pas sûr que ça permette toujours de faire revenir Gabi. Quant à ce dernier, il a des mots très durs, qui bien que vrais, vont sûrement laisser des traces sur Thibault.
Je suis très intéressé par le rapprochement entre Solène et Gabi (même si surtout du côté de Solène pour l'instant). Je m'attendais plutôt jusque là à ce qu'ils soient deux alternatives opposées pour Thibault mais l'impératrice est plus altruiste qu'on aurait pu le penser et semble vraiment se soucier de son peuple (ou du moins en capacité de le faire bien conseillée). Elle semble même préférer se faire balancer la vérité en pleine face par Gabi qu'écouter les mièvreries rassurantes de Thibault. A vouloir lui plaire, il est peut-être en train de perdre de son influence. En plus, je pense que sa jalousie risque de lui attirer des ennuis.
Sinon très chouette l'idée des pics de pollution. J'aime beaucoup l'univers de Delos, très bien construit. Et je pense qu'on est loin d'avoir tout vu...
Mes remarques :
"Elle se mordit la lèvre, et Thibault la trouva irrésistible à cet instant. Elle s’inquiétait pour son peuple. Ils ne savaient pas, dans Délos, à quel point leur impératrice était merveilleuse." j'adore ce passage, qui en dit tant sur Thibault
"et Zoë… Il n’arrivait plus à se souvenir comment Zoë avait réagi. Pas comme il aurait fallu en tout cas." hmmm on sent qu'il y a un truc à creuser à ce niveau là
"Thibault resta silencieux. Gabriel avait peut-être raison, mais les choses avaient toujours été ainsi après tout…" rooohh el famoso argument du statu quo
"Non, peut-être pas de moi. Parce que tu me connais. Mais je crois que tu as tendance à te croire supérieur aux autres." ouch, mérité par contre
J'attaque la suite !
Gabi est plutôt franc, même si avec Thibault, surtout avec Thibault, il prend des gants xD Mais il dit quand même les choses qui doivent être dites.
Thibault par contre "il a des mots très durs, qui bien que vrais, vont sûrement laisser des traces sur Thibault." -> il est assez imperméable à la critique, ce jeune homme xD Il écoute pour se réconcilier, mais de là à vraiment comprendre ce qu'on lui dit, je dirai qu'il y a un gouffre héhé
Contente de tes remarques sur Solène. J'ai passé beaucoup de temps à réécrire son personnage, qui avait peu convaincu dans mes précédentes versions, et je suis contente de ton ressenti sur elle à ce moment de l'histoire ! C'est ce que j'espérais :)
Merci beaucoup aussi pour ta remarque sur l'univers, ça me fait hyper plaisir, ça aussi ça a été un long temps de travail, pour que tout soit cohérent ! Tu n'as pas encore tout vu, mais ce sont des petites choses qui ont de l'importance pour le tableau final.
Intéressant, les personnages prennent du caractère. Ce qui n'est pas de bon augure pour Thibault, qui se voile la face en prétextant que c'est pour le bien de Gabi que de lui faire fermer son clapet. Heureusement, l'impératrice a un meilleur jugement.
Retour sur le jour de la pendaison. Il s'appelait donc Éric, le bougre. Et voilà que Thibault regrette que Jenkins se substitue à Gabi sans penser un instant que c'est parce qu'il l'a lui-même éconduit et blessé.
La pièce offre un interlude bienvenu dans la morosité, puis on repart dans les choses sérieuses avec Gabi.
« Mais je crois que tu as tendance à te croire supérieur aux autres. » Et vlan ! Dans ta face, Thibault ! Ton égo n'était pas prêt à esquiver celle-là :o
On commence à philosopher, et Thibault va avoir du grain à moudre sur l'intérêt de penser aux autres, et de permettre à l'impératrice de voir le monde. J'avoue que je guettais ce thème, celui où Solène ouvrirait les yeux sur le monde, me demandant comment il pourrait être traité.
À voir comment ça évolue…
Je trouve que la duchesse, qui était très présente, est désormais si effacée qu'elle n'a plus une seule réplique. Cela montre le déclin du personnage dans sa relation avec l'impératrice, mais je me demande s'il ne faudrait pas préciser qu'en présence des esclaves, elle ne parle plus vraiment, ou ne parle que de trucs sans intérêt. Parce que là, elle fait plante en pot.
Trucs divers :
avaient entraînées le reste -> entraîné
pour combler l’absence morale de leurs autres compagnons -> euh, t'es sûre ?
Simplifications possibles :
lui a caché beaucoup de choses pendant ces dernières années. -> supprimer pendant
Pour ce chapitre (et pour le précédent) c'est vrai que Rebecca est un peu moins sur le devant de la scène. Elle reviendra, hein ! Mais je ne veux pas non plus qu'elle fasse plante en pot, ça reste un personnage important de l'histoire, même si elle a un rôle secondaire. Je vais essayer de voir comment la mettre davantage en lumière ici.
"ce thème, celui où Solène ouvrirait les yeux sur le monde" -> c'est un des points sur lesquels je travaille avec ma réécriture actuelle. Dans la version précédente, c'était très en retrait, ne surgissait réellement qu'à la fin, et là ça va être amené beaucoup plus tôt ! ^^
Merci pour tes remarques sur la forme ! "pour combler l’absence morale de leurs autres compagnons -> euh, t'es sûre ?", je l'étais jusqu'à présent, mais beaucoup moins maintenant xD Quelle partie t'a choqué ?
Je ne vois pas ce que ça veut dire, « l'absence morale ». Leur moral est dans les chaussettes, mais c'est sans -e. Et je ne crois pas qu'il y ait eu quoi que ce soit de vraiment immoral/amoral.
Et c'est noté pour l'absence morale. Beh du coup ça doit être un truc qui se dit par chez moi xD
J'ai lu tout ce que tu as publié jusqu'à présent et d'abord, je tiens à te dire que je suis très emballée. Thibault est un protagoniste particulier, assez centré sur lui-même et justement je trouve ça trop classe. Tu as un lore vraiment fascinant et des personnages très haut en couleur (Gabi dans nos coeurs, et Rebecca <3).
Si je peux me permettre une petite suggestion, passé ce point, je me suis mise à avoir beaucoup de mal à ressentir la moindre compassion pour Solène. Jusqu'à présent, elle donnait l'impression d'essayer de faire de son mieux, même si parfois sa vie confortable agit sur ses intentions et que Rebecca la garde dans le noir.
Ce pic en revanche...
Gabi lui dit sans détour ce qui allait se produire, c'est visible sur son page, les gens tombent comme des mouches, et elle part faire la comédie. Elle sait désormais, elle n'est plus tenu dans l'ombre, mais choisit d'y rester.
[ATTENTION SPOILERS! ]
Pour être franche, sans tentative de Solène d'entreprendre quoique ce soit, c'est assez difficile de ne pas être d'accord avec Lison (pas sur la question de la violence bien sur, mais sur le fait que Solène est responsable), surtout après le chapitre suivant. Solène n'est pas seulement la représentation du système, elle le laisse s'entretenir, et le peu d'action qu'on la voit entreprendre, c'est pour mener des réponses armées (jamais elle ne semble chercher à voir ce qui se produit dans les niveaux inférieurs).
J'ai lu la version 1 (parce que je devais savoir ce qui se passait eheheh) et on apprend de manière rétrospective qu'elle a entrepris des actions, mais en temps que lectrice, ça arrive trop tard et mon opinion est déjà gravé (mon Dieu jouer au théâtre alors que ses sujets tombent comme des mouches je ne peux pas m'en remettre). Si au moins elle essayait de discuter avec Rebecca à ce sujet, de tenter de convaincre Rodweil de faire exactement ce que Gabi a suggéré, de se prendre des menaces à peine voilé et des remontrances, cela expliquerait pourquoi elle choisit de travailler dans l'ombre. Cela ne serait pas son choix, cela serait objectivement le seul choix que le système lui laisse et quand Thibault chercherait à tout prix à la protéger, cela ne donnerait pas simplement l'impression qu'il lui cherche des excuses parce qu'il l'aime, mais au contraire la situation n'est pas aussi simple que Lison ne souhaite le croire et que Solène en a vraiment quelque chose à faire des gens.
[FIN DU SPOIL]
Bref je tiens à réitérer que j'adore ton histoire (et mon Dieu Gabi je l'aime d'amour celui-là). Les thèmes que tu abordes sont passionnants et j'ai hâte de découvrir davantage ta réécriture!
J'ai souri niaisement tout le long que je lisais ton commentaire. Je suis hyper touchée ! Ça me fait vraiment extrêmement plaisir. Puis ça fait un sentiment particulier de me dire "oh, quelqu'un qui a tout lu !" <3<3
[SPOILERS ICI AUSSI /!\ VRAIMENT, MEGA SPOILERS ]
Une question me vient, tu me dis que tu as lu la V1... Tu as eu le temps de la lire entière ? Parce que je l'ai justement mise hors-ligne il y a quelques jours 😱
Si jamais il t'en manque un bout peut-être que je me suis trop emballée dans ma réponse alors ne la lis pas xD
Je suis tout à fait d'accord avec ton analyse de Solène et au fait qu'on peut se ranger à l'avis de Lison à son sujet.
C'est vrai que (peut-être d'autant plus quand on connaît les répercutions qui en ont découlé, ne serait-ce qu'au niveau de la famille de Thibault ?) sur ce passage, elle n'a pas géré.
C'était un peu supposé être LE moment, celui qui marquerait quand elle commencerait à agir. En soit, je voulais qu'elle ferme les yeux malgré son inquiétude, pour créer du regret. Cependant...
Je trouve très très intéressante ta remarque qu'il serait bien qu'elle balbutie quelques souhaits de protéger son peuple à Rebecca ou à peut-être un membre du gouvernement. Ça marquerait sans doute mieux le fait que c'est Rebecca qui gouverne en réalité, et qu'à ce moment, Solène détient très peu de pouvoir.
Mais aussi, ne serait-ce pas lui trouver une excuse facile, que de la cacher entièrement derrière le système ?
J'aime le fait qu'elle soit trop insouciante et devienne raisonnable au contact de Gabriel. Que ça prenne du temps, parce qu'elle apprenne de ses erreurs et finisse par rectifier le tir.
Aussi "Elle sait désormais, elle n'est plus tenu dans l'ombre, mais choisit d'y rester." -> oui et non. À cet instant, certes, elle choisit de ne pas s'en soucier et de s'amuser à la place (ce qui n'est pas glorieux, loin s'en faut), mais en même temps à ce moment il est déjà trop tard pour agir. Gabi le sait très bien, le pic est imminent à cet instant. Elle aurait dû agir avant en fait.
Par contre, il veut la faire culpabiliser, et c'est en s'apercevant qu'elle réagit à sa remarque qu'il décidera de "pousser un peu plus". Je devrais peut-être davantage appuyer sur ce point ? J'ai ajouté des éléments plus tard dans l'histoire à ce sujet (au cours de ma réécriture).
Par exemple j'ai essayé d'insérer très tôt l'ambiguïté de la relation Gabi-Solène dans cette version, notamment en faisant venir Gabi à la chambre de Solène au chapitre 9, par rapport à l'extrait à la radio sur une certaine jeune fille ayant redécouvert une ancienne plante (ce qui marque la première fois qu'il essayera de lui parler). Le but est qu'on ne comprenne pas sur le moment, mais de faire le lien plus tard.
Autre chose, par rapport à ta remarque sur Lison !
Quand j'ai écrit les mini-chapitres intercalés dans l'histoire, Lison est le personnage auquel j'ai le plus réfléchis. Sa psychologie, sa radicalisation, ... Dans ma tête j'ai bâti une seconde histoire, comme si ça avait été Lison ma protagoniste. Et au bout du compte, je me suis dit : beh en fait, j'aurais écrit l'histoire de son point de vue à elle, je crois que le lecteur lui aurait donné raison de ses actes. Est-ce qu'elle a tort de penser ce qu'elle pense... Je ne sais pas en fait. Elle a tort de devenir aussi extrême, et violente, mais sa pensée n'est pas fondamentalement mauvaise. Et pour elle, elle répond à la violence par la violence : on a pris son frère pour le réduire en esclavage, on a tué celui qu'elle aimait, on a tué sa mère, elle a vu sa sœur souffrir pendant des années avant de mourir à son tour... Sa colère est au moins partiellement justifiée je pense.
Je me suis beaucoup amusée aux retrouvailles des jumeaux, avec cette idée de lavage de cerveaux. Chacun pense que l'autre s'est fait laver le cerveau, parce qu'ils n'acceptent pas qu'on puisse voir les choses d'une façon différente de la leur. Mais je m'égaaare sorry x)
Du coup si tu as été à la fin de la V1 tu as dû voir que j'avais écrit deux fins ! J'hésitais beaucoup. J'en ai finalement écrit une troisième (héhéhé *rire nerveux*). Je crois que je vais garder celle-là, et ce sera cette nouvelle fin qui sera postée avec cette version.
J'en suis à ma troisième réécriture maintenant ! J'ai fait moins de changements, j'ai surtout nuancé certaines choses et ajouté de petits éléments par-ci par-là. J'aimerais envoyer mon manuscrit à des ME à l'automne :)
Désolée je me suis grave emballée j'ai écrit un pavé xD
Merci mille fois de ton retour en tout cas, il m'a vraiment fait énormément plaisir, et je m'excuse de cette looooooongue réponse !
PS : ta présentation PA m'a fait rire xD
Alors je suis perso de la politique que les réponses/exposés/conférences c'est comme les baguette-sandwichs, trop grand/trop long ça n'existe pas :)
[ATTENTION SPOILERS C'EST LE DANGER OULALALA]
Alors oui j'ai littéralement lu la V1 au lieu de dormir (ma politique de 1 jour 1 chapitre a été mangé à la petite cuillère, je n'ai aucun regret), et question timing, j'ai littéralement fini le dernier chapitre et je pense une heure plus tard tu retirais la version (ce qui m'avait un peu perturbée, j'étais partie en sieste en espérant mettre un commentaire à mon réveil et à mon réveil je me suis demandée si je n'avais pas eu un rêve hyper réaliste).
Tellement de choses sur lesquelles rebondir! Déjà, hâte de découvrir ta nouvelle fin (perso les deux fins que tu avais écrite étaient vraiment top, petite préférence pour la première parce que je suis dramatique à ce point mais la seconde était choux)!
En lisant ton commentaire, et en relisant pour la 474592729 ton histoire, je me rends compte que j'ai été un peu dur avec l'impératrice, parce que oui, au fond au moment du pic c'est un peu trop tard, et en relisant, je me suis aussi rendue compte à quel point elle est jeune.
On sent que tu as versé du jus de cerveau sur Lison (bon sur tous les personnages bien sur, mais Lison elle est quasi aussi travaillée qu'un personnage principal je trouve), et en relisant, elle me fait tellement de peine. C'est une Spartacus de Délos, on lui prend, encore et encore, ça va laisser des traces.
Perso, les retrouvailles des jumeaux ça m'a fendu le coeur, et même si je sentais bien ce qui allait se produire, surtout après 'the G thing' (souffrance, douleur, disgrâce infâme!), je suis restée assez longtemps dans le déni, à espérer qu'ils se rappellent qu'ils s'aiment. Mais non, ils sont restés trop longtemps dans leur têtes, et d'une certaine manière, je trouve ils ont tous les deux raisons: l'autre s'est fait lavé le cerveau.
C'est génial que tu prévois d'envoyer ton manuscrit en automne (mais vraiment, avant, s'il te plait CETTE TROISIÈME FIN JE VEUX LA LIRE )!
Je vais essayer de poster un chapitre par jour donc la nouvelle fin arrivera incessamment sous peu, promis ! (8 jours si mes calculs sont bons). Si tu es sur le discord, je peux aussi te l'envoyer plus vite.
Et je reviens sur ce que je t'ai dit. En fait j'ai bien l'intention d'envoyer à des ME à l'automne, mais finalement je vais pas mal le retravailler. J'ai eu un retour de BL, pour le coup très mitigée, mais qui a mis en lumière plusieurs choses que je devrais retravailler par rapport à mon intrigue et à mon personnage principal. Donc après réflexion, il me reste un petit chantier à venir ! Mais un petit chantier et un peu de temps libre dans les semaines qui arrivent, donc je vais m'y atteler.
Je ne sais pas si je la reposterai ici, cette troisième version (ça va commencer à faire beaucoup xD) mais si jamais ça te dit, je te l'enverrai ! (C'est pas pour tout de suite par contre haha).