Chapitre 10
Sangri-la
— Bienvenue à Sangri-La, annonça Ikari.
Le spectacle qu’elle avait dans les yeux était extraordinaire. Ils étaient d’un côté d’un pont à encorbellement en bois. De l’autre côté, au sommet de la montagne, une véritable cité leur faisait face. C’était tellement irréel que les bâtiments avaient l’air de flotter, d’être justes posés sur les flancs. Le temple avait des murs d’un blanc immaculé au toit doré. La lumière de la lune se reflétait sur les dômes dorés d’un grand temple. Instantanément, Hava était tombée sur le charme des lieux. Comment était-ce possible qu’un tel endroit existe et qu’elle n’en ait jamais entendu parler.
— Combien de personnes vivent ici ?
— Quand tu étais là, nous étions une cinquantaine. Mais depuis ton départ, beaucoup sont partis. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que cinq. Nous attendions ton retour avec impatience.
— Pourquoi toutes ces personnes sont parties ?
— Être le serviteur d’un fantôme, ça n’a pas beaucoup de sens… Beaucoup sont repartis dans les vallées.
— Mais je ne viens que pour la nuit… Je dois être de retour à l’hôtel avant que mes parents ne se réveillent !
— Anan ne t’a pas prévenu ?
Hava n’aimait pas la façon dont il lui avait posé la question. Elle tourna la tête vers Anan qui évitait ostensiblement son regard. Il était fort occupé à observer en détail une gravure sur la roche à l’extérieur de la salle qu’ils venaient de quitter. Un peu trop pour que ce soit naturel.
— Anan, il est hors de question que je reste ici… Je t’ai fait confiance.
— Laisse nous au moins te faire visiter, tu décideras après, proposa Ikari.
Hava le regarda, puis elle tourna la tête vers Anan qui avait maintenant tourné la tête vers elle. Il avait l’air de retenir sa respiration en attendant la réponse d’Hava.
— Je veux bien visiter, mais vous me promettez que je peux repartir après.
— On te promet que tu auras le choix.
Ils s’engagèrent sur le pont suspendu en bois qui mesurait une centaine de mètres. Les planches étaient si vielles qu’Hava avait peur qu’elles ne se brisent sous son poids. Sans leur dire, elle posait le pied là où les autres l’avaient posé juste avant elle. Elle jeta un coup d’œil, vers le bas et, bien qu’elle n’avait jamais eu le vertige, la vue était si impressionnante qu’elle avait la tête qui tournait un peu. Ils étaient plusieurs dizaines de mètres au-dessus des montagnes les plus hautes de la planète. Elle avait l’impression de voler. Bien que l’ouvrage parût hors d’âge, malgré le vent, il ne tanguait presque pas.
Après de longues minutes, Hava fut soulagée quand elle reposa le pied sur la terre ferme. Ils étaient aux pieds du temple qui était encore plus impressionnant vu de si près. De loin, elle ne l’avait pas aperçu, mais la lourde porte était barrée par un symbole qu’elle connaissait très bien :
C’était le symbole qui était tatoué dans son cou. Les deux hommes s’avancèrent et poussèrent les lourdes portes. Derrière, le temple s’offrit à sa vue. Elle était subjuguée par les toits en rubis, les murs en or ou encore les portes en bois sculpté. Elle lui trouva une vague ressemblance avec le temple qu’elle avait visité au cours de la journée, mais tout était plus beau ici.
— Bienvenue au dzong Ḍryāgana, le temple du dragon. Bienvenue chez toi.
— Non, chez moi, c’est en France !
Hava avait dit ça plus agressivement qu’elle ne l’avait voulu. Elle commençait à avoir peur. Elle n’avait aucune idée de comment elle était venue jusqu’à là, et encore moins comment en repartir. Elle s’apercevait que si ces deux hommes voulaient la garder là pour toujours, elle ne pourrait rien y faire. Mais la réaction d’Anan la rassura.
— Bien sûr, ta vie est actuellement en France, tu as raison. Tu as vécu tellement longtemps ici. Des souvenirs ne te reviennent pas ? Je ne sais pas, les odeurs, les sons…
— Non, mentit Hava, rien du tout.
Elle avait la sensation d’être déjà venu ici, mais elle ne voulait pas le reconnaitre. Elle ne voulait pas leur donner de raison de la garder ici. Sans s’en rendre compte, sa main caressait le doux pelage de Sinha qui ne la lâchait plus. Elle baissa les yeux vers lui et son regard fut attiré par le sol. C’était une mosaïque. Elle n’avait pas le recul suffisant pour le voir en entier. Elle tourna la tête et aperçut un escalier qui donnait sur des terrasses suspendues.
Elle y monta et regarda l’œuvre dans son entier. Cela confirma ce qu’elle avait deviné d’en bas. Les cheveux blancs, le tatouage dans le cou… C’était elle, plus âgée. Elle portait une tenue de guerrière et elle tenait un arc tendu. Comme quelques secondes plus tôt, Sinha se tenait à ses côtés. Lui aussi paraissait différent. Ce n’était pas la peluche qu’elle avait caressait quelques secondes auparavant, mais un fauve menaçant qui montrait les crocs. Tous les deux étaient entourés par un énorme dragon aux yeux rouge, qui crachait du feu. Le tout formait un tableau magnifique.
Un peu plus loin, Hava aperçut une femme qui l’observait par l’embrasure d’une porte. Quand la dame vit qu’Hava l’avait vu, elle disparue et referma la porte rapidement. Hava descendit et rejoignit Anan et Ikari qui avaient observé la scène du bas.
— Qui c’est ? elle a peur de moi ?
— C’est Sanguai, ta nourrice. Tu lui as échappé il y a dix ans, et elle s’en veut.
— Oh, la pauvre. Je devrais lui dire que tout va bien pour moi, que je ne lui en veux pas. Mais comment faites-vous pour vous nourrir ? Il n’y a pas de magasin à moins de plusieurs journées de marche, et je ne pense pas que vous y alliez en dragon volant… On vous aurait vu sinon.
— Nous allons te montrer.
Pour accompagner ses paroles, Ikari s’avança et disparut derrière le porche qui menait vers une autre cour. Hava le suivit, et elle eut l’impression d’être ailleurs dans le monde. Elle venait de rentrer dans une très grande cour carrée à la végétation luxuriante. Il y avait des plantes qu’elle ne connaissait pas aux couleurs magnifiques, des arbres qui arrivaient à la hauteur des toits. La cour était coupée en son milieu par un petit cour d’eau. Il y avait un petit pont de bois pour passer d’un côté à l’autre. Sinha s’avança pour s’y désaltérer.
— On appelle cet endroit l’éden du ciel. Ce sont des plantes magiques. Si tu prends un fruit, il repousse aussitôt. Ainsi, nous pouvons toujours nourrir ceux qui habitent ici.
Pour prouver ce qu’il venait de dire, Ikari se saisit d’un fruit qui ressemblait à une pomme qu’il croqua à pleine dents. Aussitôt, une autre pomme poussa à l’endroit même où il l’avait cueilli celle qu’il dégustait. Ikari se saisit de la nouvelle et la tendit à Hava. Elle croqua dedans. Elle était délicieuse.
— Viens, on voudrait te montrer autre chose.
— Après tout ça, plus rien ne peut plus me surprendre…
— Ça, c’est ce que tu dis, annonça Anan avec un petit sourire en coin.
Ils retournèrent dans la première cour et les deux hommes se dirigèrent vers une alcôve à laquelle Hava n’avait pas prêté d’attention jusqu’à là. Dessous, elle reconnut des moulins de prières, comme elle en avait vu dans le temple quelques heures auparavant. Il y en avait 3 qui étincellaient.
— Tu devrais tourner ces moulins Hava, conseilla Anan.
Tous les deux la regardaient avec un drôle d’air. Hava hésita. Elle tourna la tête vers les moulins. Ceux qu’elle avait vu plus tôt étaient en bois et ils étaient usés à force d’être manipulés. Ceux-là étaient en or. Ils brillaient comme s’ils étaient neufs. Elle hésita encore quelques secondes, puis finalement elle s’en approcha et tourna le premier. D’abord, rien ne se déroula. Hava regardait simplement tourner le moulin, mais elle eut l’impression de s’évanouir.
Elle se sentait partir.
Le temple avait des murs d’un blanc immaculé au toit doré --> "et un toit doré" au lieu de "au toit doré"
était tombée sur le charme --> sous le charme
vielles --> vieilles
jusqu’à là --> jusque-là ? (comme sur le dernier chapitre, à vérifier, ce n'est pas une expression que j'utilise)
Elle avait la sensation d’être déjà venu ici --> venue
Joli cliffhanger ! Elle va perdre la mémoire ? (ne pas me répondre, je le saurais au prochain chapitre !) ;)