Chapitre 10 — Une vieille amie (3/4)

Par Luru

Alors que les ténèbres gagnaient le subconscient de Rachel, souvent sans rêves, elle attendait que la vacuité du sommeil l'emporte. Ses sens physiques se dissipaient, mais son esprit et l'obscurité persistaient.

Les minutes, les heures, les jours, le temps perdait son sens et son importance. Pourtant, elle avait conscience au sein de cet instant qu'elle ne pouvait décrire. C'en était presque irritant.

Le temps passait. Le faible reflet d'une lueur dorée changeante, sourd et distant, montrait une profondeur infinie et ondulante. Rachel s'agitait. Ses sens revenaient progressivement avec la hausse de température, mais en bougeant ses membres dans l'espace qui l'entourait, il y avait une légèreté.

Aucune pression subsistait. Elle flottait. Cet endroit ne possédait ni de haut ni de bas. Ce sentiment de calme et d'apaisement lui procurait un état de bien-être enivrant.

Les ombres s'atténuaient pour laisser place à une lumière blanche et chatoyante dénuée de sens. Elle dansait de gauche à droite.

Rachel se sentit entraînée, basculée, la tête la première et finalement elle s'immobilisa. Elle vrilla, encore et encore, alors qu'une lumière noire émanait d'elle. Les ténèbres se resserraient autour de son corps, tandis que la danse de ces deux lueurs formait une spirale tourbillonnante sans fin.

Une force invisible la traîna, se déchaînant sur elle. Elle ne pouvait lutter contre cette puissance, pendant que cette énergie grandissante tirait son âme.

Rachel se protégea les yeux lorsqu'un flash l'éblouit. Le froid des ténèbres s'atténua pour laisser une douce chaleur la réchauffer. Ses yeux grimaçants s'ouvrirent suite à cette sensation agréable, qui étreignait son torse pour voir deux yeux gigantesques s'ouvrir.

C'étaient ceux d'une femme, rayonnant d'une lueur blanche, alors que ses iris brillaient d'une couleur dorée.

Un ton impossiblement doux et mélodieux retentit dans la Lumière. Le regard se plissa lorsque la voix devint plus puissante, résonnante. Une pensée entra dans son esprit, un amas d'émotions que son cerveau essayait de comprendre jusqu'à ce qu'une phrase s'inscrive au centre de sa conscience.

Je t'ai entendue...

Les yeux observaient Rachel avec impatience.

— Qu'êtes-vous ?

J'observe...

— Vous m'observiez ?

Les yeux se plissèrent et se rapprochèrent d'elle.

Potentiel... Puissante... Pure...

— Que me demandez-vous ?

Apprends...

—  Que voulez-vous que j'apprenne ?

Sens. Écoute. Réunis. Engendre. Noue. Affectionne.

— Je ne comprends pas.

Renaissance...

— Une renaissance ?

Patience...

Le regard doré disparut et la lumière fit place aux ténèbres. Rachel sentit l'obscurité envahir complètement son horizon. La panique, la solitude et le silence absolu de son inconscience s'emparait d'elle.

À cet instant, elle ouvrit les yeux. Elle était allongée dans un lit et se redressa sur ses coudes. Un rapide coup d’œil lui permit de reconnaître la chambre éclairée par la faible lueur d'une lanterne posée sur une table.

Elle respirait avec difficulté. Son nez était presque entièrement bouché par des caillots de sang, alors qu'une transpiration froide parcourait son dos. Elle se rappelait des supplices physique endurés récemment, mais aussi cet étrange rêve.

Des réminiscences la tourmentaient et lui nouaient la gorge. Elle passa ses mains sur son visage, cherchant à mettre de l'ordre dans ses pensées confuses.

Mamie Lili l'avait retrouvée dans le chai de la famille Bourbon, alors qu'elle venait de tuer deux de ses hommes. Deux sales fils de chien putride qui avaient obtenu ce qu'ils méritaient. Pourtant, une douleur indescriptible l'emplissait d'une profonde tristesse et d'une colère dissimulée.

Le sang lui montait aux joues subitement. Les habitantes l'avaient obligée contre son gré à subir d'autres sévices corporels. Cette humiliation lui donnait un sursaut de fureur ! Cette étrange émotion ressentie plus tôt émergea à nouveau. Des battements sourds et une sensation d'oppression persistaient dans ses tempes.

Elle frappa de rage le mur avec son poing. Même si ça partait de bonnes intentions, elle leur en voulait.

Soudain, un bruit sourd accompagné d'un léger tremblement l'arracha de ses pensées. La chambre dégageait une mystérieuse aura qu'elle n'avait pas remarquée plus tôt.

Depuis l'obscurité de la pièce, de fins filaments dorés à peine perceptibles parcouraient les murs et le plafond. Ils grandissaient et s'atténuaient à un rythme lent et régulier.

Rachel se leva intriguée et s'approcha prudemment de la fenêtre. Ce n'était pas Bourg-d'Argent qu'elle vit, mais un lieu sombre et inconnu. Un univers étrange parsemé de morceaux et de structures de bâtiments, de roches et de mondes flottants dans ce qui paraissait être le néant.

Pendant un bref instant, elle se demanda si ce n'était pas encore un rêve, mais cet endroit énigmatique et déconcertant semblait bien réel. Elle passa délicatement ses doigts sur le mur. Elle sentit la douceur et la dureté de la pierre, ainsi que l'agréable chaleur émise par cette lueur dorée.

Il ne s'agissait pas d'une illusion et ça suscitait sa curiosité. Ses problèmes se dissipaient comme si une puissante force l'avait subjuguée et l'incitait de découvrir les profondeurs de ce lieu, d'en percer ses mystères.

Elle s'aventura hors de la chambre et se retrouva dans la chapelle. Mais elle était différente. La nef ressemblait à un long couloir sombre où au fond se trouvait une porte avec un grand miroir ovale.

Rachel s'en approcha. La glace reflétait son image. Aucune marque ne la défigurait. Elle déboutonna son chemisier et contempla sa poitrine pendant un long moment. Aucun stigmate ne parcourait son corps également.

Comment était-ce possible ? Elle sentait toujours une faible douleur l'irradier. Dans le doute, elle retira ses vêtements. Un sentiment de réconfort l'envahissait, lorsqu'elle se rendit compte qu'il n'y avait pas de traces laides et honteuses. Un large sourire s'étirait jusqu'à ses oreilles.

Quel soulagement ! Elle pourrait continuer à satisfaire ses désirs et besoins. L'image qu'elle s'était forgée à travers le regard des autres restait intacte. Cette bonne nouvelle lui redonnait un sursaut de confiance et d'espoir.

Alors qu'elle admirait son reflet, une impression d'être sondée jusqu'au plus profond de son être lui donnait une étrange sensation aussi douce qu'amère.

Elle empoigna le métal froid de la porte et s'aventura d'un pas lent dans un hall immense et sombre, entre d'énormes colonnes mégalithiques. De grands vitraux ornaient les fenêtres. Ils devaient valoir une véritable fortune, mais l'épaisse obscurité l'empêchait de distinguer les formes qui l'entourait. Pourtant, elle se sentait observée.

— Y a-t-il quelqu'un ? demanda-t-elle fermement.

Seuls des murmures incompréhensibles, aussi discrets que le souffle du vent lui parvenaient aux oreilles. Sur son passage d'innombrables portes gigantesques et massives s'ouvraient silencieusement. Seule la dernière restait fermée.

Avec prudence, Rachel y posa une main pour la pousser. À son contact un symbole aux formes arrondies, ressemblant à un astre, apparut soudainement. Une lueur dorée en émanait. Elle lui évoquait l'emblème de son pays, mais il était un peu différent : le trident se trouvait dans le soleil.

Une nouvelle secousse la surprit. Les ténèbres ondulèrent telles des volutes de fumées et les murmures se turent progressivement.

Elle devait savoir ce qu'il se cachait derrière. Tout ceci ne faisait qu'attiser sa curiosité. Alors, elle ouvrit la porte et devant ses yeux écarquillés s'étendait un monde qu'elle n'avait jamais vu, et pourtant si familier.

Ce mystérieux univers semblait se disloquer tandis que la réalité se fissurait. Un océan rouge et blanc bouillonnait furieusement, et d'immenses lambeaux du décor s'arrachaient pour rester suspendu dans le ciel. Là, où ils tournoyaient en refusant de retomber.

Cet endroit ressemblait à une gigantesque cité sinueuse abandonnée depuis des temps anciens. De grandes structures en pierre s'élevaient jusqu'aux cieux torturés et agités par la lutte de ces étranges énergies.

À l'horizon flottaient des mondes qui paraissaient à la fois à portée de main et plus loin que tout. Là, au loin, Rachel percevait la friction de la Lumière et du Feu. Le tumulte des forces de la vie et de la mort.

Tout à coup, de colossales vagues d'énergies se percutèrent, s'enroulant en un immense tourbillon doré. Le sol trépidait sous leurs passages. Rachel s'agrippa à une roche en lévitation et observa la scène stupéfaite.

La lumière dorée s'atténuait et le déluge rétrécissait rapidement jusqu'à laisser une traînée blanchâtre. Devant elle, une silhouette féminine se matérialisait dans un amas de fumée noire tourbillonnante.

La forme ténébreuse s'immobilisa. Elle tenait entre ses doigts une sphère bouillonnante d'une énergie rougeâtre. Elle éclata de rire brusquement.

— Tu pensais pouvoir me vaincre dans mon domaine ? Une attaque aussi pathétique qu'imbécile était vouée à l'échec.

Puis, d'un geste détaché, elle mit fin à l'existence de cette force n'en laissant que des cendres se disperser dans l'air.

Rachel se redressa lentement, alors que l'inconnue se retourna vers elle avec un regard placide.

— Quelle agréable surprise de te voir ici, je ne m'attendais pas à une visite de courtoisie. Et en plus, tu m'as ouvert la porte. Tu es un vrai trésor.

Ses yeux dégageaient une douce chaleur blanche, alors que sa voix délivrait un écho sépulcral bienveillant. Toutefois, sa sombre silhouette libérait des particules noires en continu, évoquant une haine latente dissimulée.

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Halycanth
Posté le 03/11/2019
OK, là c'est devenu carrément bizarre 😶
On dirait que ça va être le début de l'aventure pour Rachel, hâte de voir ça ^^
(par contre, il y a deux petites choses qui m'ont un peu gênée : au paragraphe 4, il manque le "ne" après "aucune pression" je pense, et au dernier paragraphe ce "alors que" est un peu étrange, on a l'impression que les deux premiers points sont en opposition(donc si c'est vraiment le cas toutes mes excuses j'ai rien dit 😅😅) )
Luru
Posté le 04/11/2019
Ce chapitre est un tournant important pour notre héroïne oui. ^^

Je corrigerai les points que tu as cité lors d'une relecture, merci !
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