Voilà comment j'en étais venu à me réfugier dans les branches du Néré pour y hurler ma peine et ma douleur.
Les mains serrées autour de ma troisième tasse de thé, le visage un peu moins gonflé grâce à l'air frais du soir ainsi qu'à la pierre de froid, je reniflais une nouvelle fois, laissant le souvenir de mon humiliation publique dans le hall raviver ma colère.
Le Néré dû le sentir, car ses racines frissonnèrent légèrement sous moi, et je vis Lassa'h observer les branches avec une inquiétude manifeste. Tant mieux. Qu'iel sue un peu pour voir !
Je braquais mon attention sur Amari.
- Pourquoi iel est là ?
- Je...
- C'est pas à toi que je parle Lassa'h.
Amari se mordit la lèvre, embarrassée par ma sortie, et Lassa'h referma la bouche, une expression vaguement contrariée sur le visage.
- Parce que tu as entendu que la moitié d'une conversation, et qu'iel souhaite... s'expliquer ?
Je reniflais de nouveau, de dérision cette fois, et posais ma tasse.
- Oh je crois que c'était très clair non. Iel veut que je parte de l'école.
- Oui.
Amari et moi fixâmes Lassa'h en même temps, toustes deux surprixe de sa confirmation.
- Bon. Voilà. Problème réglé. Iel peut dégager maintenant.
- Lassa'h. (Amari tira sur une des mèches de son afro, agacée) Tu n'arranges pas les choses là.
- Mais c'est ce que je veux ! Que Eden parte.
Je fermais les yeux. Fort.
J'allais lui dégoupiller la tête.
Les branches du Néré s'agitèrent au dessus de nous, nous gratifiant d'une tempête de pétales et de pollen que le vent dispersa essentiellement sur Lassa'h, lea faisant éternuer.
Cheh.
Comment je le sais alors que j'avais les yeux encore fermés ?
Parce qu'à ce moment là, la conscience du Néré et la mienne étaient étroitement liées.
Je rouvrais les yeux.
- C'est toi qui devrais partir d'ici. Et vite avec ça. Si tu ne veux pas que l'arbre tout entier te tombe sur la tronche.
- Eden... (la main d'Amari se posa sur la mienne pour capter mon attention) s'il te plaît. Laisse lui une chance de s'expliquer.
- Et si je n'ai pas envie d'entendre ses explications ? Ça fait des SEMAINES que j'endure des horreurs, et apparemment, c'est sa FAUTE !
Lassa'h s'agita, inconfortable, mais en dehors de ça, iel n'amorça pas de mouvement pour se lever. Ni pour parler. Amari, elle, inspira profondément, puis se fendit d'un minuscule et très trèèèès doux sourire plein de tendresse.
- S'il te plaît Eden. Je te le demande comme une faveur personnelle.
Je faillis refuser. Je l'aurais probablement fait si tenir ses promesses n'était pas l'un des fondements de notre amitié. Au début de notre cohabitation, nous en étions venu.es à nous offrir trois faveurs personnelles, des demandes que ni l'un ni l'autre nous ne pouvions refuser sans mettre en péril les liens qui nous liaient. Je n'en revenais pas qu'elle sacrifie une de ses faveurs pour quelqu'an comme Lassa'h.
- Et... tu devrais rappeler ta magie. Tu brilles.
J'inspirais profondément sans me dégager de son contact mais sans rappeler ma magie non plus. Cette dernière continua de pétiller derrière moi, le long du tronc du Néré et sur certaines de ses feuilles.
- D'accord. Parce que tu le demandes comme ça. (je fixais Lassa'h) Choisi bien tes mots, parce que tu n'auras pas d'autre occasion. Et si je juge que ce que tu dis n'est pas ok, je t'expulse d'ici.
Man condisciple ouvrit la bouche pour répondre, mais la referma bien vite, se contentant d'un bref signe de tête avant de se s'abîmer dans le silence. Prenant mon mal en patience et une quatrième tasse de thé (ma vessie allait finir par m'insulter à force) je ne lea quittais pas des yeux, histoire de biiiiien faire peser une pression sur ses épaules. Iel se redressa imperceptiblement avant de prendre la parole, ses yeux sombres ancrés aux miens.
- Je te présente mes excuses pour mon attitude de ces dernières semaines.
- Pas suffisant.
Iel faillit détourner les yeux, mais se retint de façon visible, les muscles de son cou se contractant légèrement sous l'effort. S'iel croyait s'en sortir avec de simples excuses, iel allait avoir une sacrée déception...
- Je... mon manque de lecture sociale n'excuse pas tout, j'en ai conscience, et ma façon d'agir envers toi a franchement été horrible. Je ne me rendais pas compte que ce n'était pas la bonne façon de faire, Amari m'a permis d'y voir plus clair et...
- M'intéresse pas.
Lassa'h serra les dents, et dans un effort que je lui savais pénible, posa ses mains à plat sur la table afin de ne pas se mettre à triturer ses cheveux.
- J'ai agis comme une sombre merde parce que je suis an abrutixe fini.e. J'ai fais confiance à Arën et j'ai pris des décisions à ta place plutôt que de discuter avec toi. J'ai voulu bien faire en oubliant totalement que c'était toi le premier concerné par ce qu'il se passait.
Prenant mon silence pour un encouragement (ce qu'il était plus ou moins, la mention d'Arën et des décisions ayant éveillé mon intérêt) iel continua :
- Je n'ai réalisé qu'on te harcelais à cause de moi, de notre relation, qu'après ton agression. Quand j'en ai parlé à Yriel et Arën, ils m'ont tous les deux dit que le plus simple pour que ça se calme, c'est que je prenne mes distances avec toi.
Là je me redressais légèrement. De quoi ?! Ah les bât... mh. Rascasses.
- Mais... ça n'a pas suffi. Tu continuais de te faire embêter, et c'était de plus en plus dangereux. Arën m'a dit que c'était probablement parce qu'on avait déjeuné ensemble, en secret. Que la jalousie rendait les gens stupides. Je me suis dis que si je signifiais en public ne plus rien vouloir à faire avec toi, les choses se calmeraient tout de suite. Mais (sa voix se brisa un peu de détresse) ce n'est pas arrivé. Alors on s'est dit que si je changeais de binôme, ça mettrait un vrai coup d'arrêt à tout ça. Sauf que... Sauf que non. Et quand j'ai voulus m'expliquer, tu ne voulais plus du tout me parler...
C'était à mon tour d'être mal à l'aise.
J'étais toujours furieux, et blessé, par son attitude. Et en même temps... en même temps je ne pouvais pas non plus rester sourd au message transmis par ses paroles. Iel était responsable de ne pas avoir réfléchis par ellui-même, mais les idées étaient venues d'ailleurs.
Les idées.
Etaient venues.
D'Arën.
- Eden ? Ça va ? Tu es tout pâle... ?
Je louchais brièvement sur Amari, avant de secouer la tête pour chasser la nausée en train de monter.
- Je. Ouais. Ça va. (je me forçais à regarder Lassa'h de nouveau) A raison je crois, non, pour le fait de plus vouloir te parler ?
Air penaud chez Lassa'h, qui céda à son besoin de triturer une de ses mèches de cheveux.
- Oui. A raison (soupir de sa part) j'ai vraiment agis n'importe comment... c'est... Amari qui me l'a fait réaliser, tout à l'heure. Quand... tu as entendu le bout de conversation. Elle essayait de me faire comprendre que je m'y prenais comme an abrutixe. Et que faire en sorte que tu quittes l'école pour que tu n'ai plus à subir les harcèlements n'était pas une solution au problème...
A ce moment là, l'odeur de la petite magie de Lassa'h me parvint aux narines. Timide. Légère. Accompagnée de la fragrance de menthe, que j'avais déjà pu sentir en sa présence. Je me frottais le nez pour la chasser, puis levais un peu ma tasse pour contrer l'odeur, histoire de ne pas me laisser influencer. Est-ce que vraiment... la conversation de tout à l'heure n'était qu'un mal-entendu ?...
Je secouais la tête pour chasser cette idée.
C'était trop facile.
Je sentis que ma magie revenait vers moi, se lovant en une boule tiède dans ma poitrine, chassant l'odeur de Lassa'h par la sienne. Je me détendis un peu. En face de moi, mon ex-binôme était en train de se ligaturer la phalange avec ses cheveux, les yeux maintenant baissés sur la table entre nous. Je vis Amari poser une main légère sur la sienne, lea faisant sursauter et prendre conscience de ses gestes.
Le petit pincement de jalousie qui me vrilla le cœur en les voyant se toucher comme ça me pris totalement par surprise.
- … Tu as conscience que tout ça... c'est parce que ton fan Club est complètement cinglé ? Et que tu l'as laissé faire ?
Man camarade se raidit un peu, puis se força à relâcher ses épaules et à lever la tête pour me regarder, ses doigts recommençant à triturer ses cheveux.
- Oui. Et oui.
- Eden... jusqu'à aujourd'hui, Lassa'h n'avait même pas conscience du fait qu'iel avait un fan club. Ou que les gens pouvaient être malveillants à ce point...
- Amari... ça ne m'excuse en rien. Eden a le droit d'être furax contre moi. Et ne plus jamais vouloir me parler à cause de ça. Mais... (iel parut vraiment au bord du désespoir tout à coup) mais je voulais que tu saches la vérité. Je ne sais pas quoi faire de cette émotion, mais l'idée que tu me détestes me met extrêmement mal à l'aise.
- Mais pas que je sois furax ?
Iel secoua la tête.
- Je mérite que tu sois furax.
Je l'observais un moment en silence (savourant telle la rascasse que je suis de lea voir subir ce silence comme une torture) avant de reprendre une gorgée de mon thé, miraculeusement encore chaud.
- Je suis furax.
- Tu me détestes ?
- Je ne sais pas encore.
En vérité, je le savais très bien. Parce que je venais de le réaliser. Si fort et si clairement que j'aurais pu m'étouffer avec mon thé si j'avais encore été en train de le boire. Je ne détestais pas Lassa'h. Pas le moins du monde. J'étais en colère de son attitude, de la souffrance que ça m'avais causé, de son inconséquence. Mais je ne lea détestais pas. Bien au contraire.
Ô Douce Magie.
J'étais foutu.
En face, le triturage de cheveux avait cessé, comme si ma déclaration avait figé le temps. Le visage de Lassa'h s'était lissé, mais j'avais la bizarre certitude qu'iel bouillonnait d'angoisse.
- … Est-ce que je peux faire quelque chose ?
Le tremblement de sa voix me fendis le cœur, et je dû m'accrocher très fort à ma colère pour ne pas lui dire que j'étais incapable de lea détester.
Qu'iel marine. Ce n'était que justice.
En plus, la blessure causée par son attitude était toujours là.
Hors de question de laisser passer.
- Faire en sorte que ça s'arrête ? Pousser une gueulante ? Dénoncer les meuneureuses aux profs ? Menacer de ne plus jamais adresser la parole à tes groupies s'iels continuent d'agir comme des cronxe ?... Ce serait déjà un bon début.
Je lea vis prendre ces demandes en considération, comme si elles ne lui avaient pas effleurées l'esprit, ce qui était peut-être bien le cas. Non pas par malice, mais juste parce que... ce n'est pas le genre de choses qui paraissent évidentes pour ellui. Notre condisciple fronça les sourcils, secoua légèrement la tête, puis passa deux mains nerveuses dans ses cheveux avant de répondre :
- Je... peux faire tout ça. Oui.
Je me détendis un peu plus.
- Mais il ne faut pas que ça s'arrête là Lassa'h, renchéris Amari. Il faut aussi que tu dises clairement que tu ne veux plus qu'on s'en prenne à Eden. Et ce même s'il ne t'adresse plus la parole pour le moment. Que rien de ce qui arrive n'est de sa faute.
Iel hocha lentement la tête, ses doigts lissant la mèche de cheveux piégée entre eux au lieu de la torturer. Sa posture s'était relâchée pour prendre celle qu'iel avait lorsqu'iel considérait sérieusement un problème, et je baissais le nez sur ma tasse pour éviter qu'on voit le rouge me monter aux joues : à quel point est-ce que j'étais foutu si j'en étais à reconnaître la signification des mouvements inconscients de Lassa'h ?!
L'épuisement causé par les larmes, associé aux insomnies de ces derniers jours, à la chaleur du thé dans mon ventre, et du silence réflexif nous entourant commencèrent alors à se conjuguer pour me tirer vers le sommeil. Frottant mes yeux qui larmoyaient de fatigue, je repoussais la couverture m'enveloppant pour me lever tant bien que mal.
- Je veux rentrer.
Aussitôt, Amari fut près de moi, ses mains amicales m'aidant à rester stable pendant que son sourire enveloppait mon âme blessé d'un baume de d'affection sincère. Je m'appuyais volontiers contre elle, prenant soin d'ignorer que Lassa'h aussi avait eu un mouvement pour me soutenir, avant de se reprendre et de se contenter de solliciter le vent pour qu'il me pousse gentiment dans la direction opposée à mon début de chute. Je levais les yeux vers ellui :
- Je suis toujours en colère. Ne t'attends pas à ce que je te parle tant que les choses n'iront pas mieux.
Iel hocha la tête avec contrition, et la légère odeur qui plana jusqu'à moi me convainquit que cette dernière était sincère.
Avant que je puisse réfléchir, j'enchaînais :
- C'est quoi l'odeur qui accompagne ta petite magie ?
Iel pris un air surpris, puis esquissa un minuscule sourire de joie contenue. Pile au moment où je me rappelais lui avoir avoué, bien plus tôt dans notre relation, au tout début du projet B, que questionner an mage de cuisine sur la manifestation ressentie lors de l'usage de sa petite magie, était particulièrement... personnelle. Et que la poser, comme y répondre, était un peu comme avouer ses sentiments à quelqu'un.
- Du neelakurinji.
Je battis rapidement des paupières, sentant Amari pouffer silencieusement contre moi, puis mon visage dû se transformer en torche tant il se mit à rougir. Me détournant rapidement, je grommelais un vague « Crois-y pas trop non plus » absolument pas convaincant, et laissait Amari me raccompagner à notre chambre, laissant derrière nous un Néré pétillant et an Lassa'h beaucoup trop content.e compte tenu de la situation.
Sans trop de surprise, je passais plus ou moins les douze heures suivantes à dormir.
Je fis d'abord mon sac au radar, aidé par Amari, puis je gagnais mon lit pour y sombrer comme une pierre jusqu'à ce que le réveil m'en tire. Sans laisser la possibilité à mon corps de totalement se réveiller, je passais des vêtements propres, des chaussures, puis usait de mes connaissances en télé-transportation pour gagner le portail de transfert, que je traversais dans la foulée pour rentrer chez mes parentes. Le fait qu'elles m'attendent de l'autre côté suffit à me faire de nouveau fondre en larmes, et le reste du trajet se brouille dans ma mémoire.
Je sais juste que lorsque je rouvris les yeux, j'étais pelotonné dans la balancelle du jardin arrière, le bakeneko niché contre mon ventre, et une délicieuse odeur de poulet à la crème flottant jusqu'à mes narines. J'avais mal à la tête, mal au ventre tant ma vessie me tirais, la bouche pâteuse comme après une cuite, et absolument pas envie de parler à qui que ce soit. Malheureusement pour moi, les toilettes se trouvant de l'autre côté du salon par rapport à moi, j'allais devoir prendre le risque de croiser du monde. Ou alors...
Je zieutais du côté de la forêt.
- …
Et pourquoi pas, après tout ? C'était pas comme si je ne l'avais jamais fais plus jeune.
En dérangeant le moins possible le bakeneko, je m'extrayais de la nacelle, puis gagnais les sous-bois, au sein desquels je pris le temps de m'enfoncer jusqu'à ne plus apercevoir le jardin ni la maison. Je trouvais un endroit où faire mes petites affaires et, n'ayant toujours pas envie de rentrer et la gorge plus que sèche, décidais de gagner un coin du ruisseau où je savais pouvoir me baigner.
Après m'être débarrassé de mes vêtements, je me laissais glisser dans l'eau glacée qui me coupa le souffle et acheva de me réveiller bien plus efficacement qu'une tasse de café : dans mon demi-sommeil, j'avais oublié qu'on était presque en novembre.
Autant vous dire que j'eus vite fais de ressortir, grelottant et hilare à la fois !
Complètement nu au milieu de la forêt, j'invoquais sans me retenir le vent pour me sécher, la chaleur de la terre pour me réchauffer, la bienveillance du lieu pour me protéger, et la douceur de la fin de saison pour m'empêcher de tomber malade. Me sachant seul et à l'abri, je m'allongeais ensuite dans la mousse au bord du ruisseau pour libérer ma petite magie, déchargeant avec une force et une urgence dont je n'avais pas fais preuve depuis le début de la pré-adolescence. Mes sens s'étendirent à la forêt, la montagne, les animaux, le village tout entier, avant de de revenir au fonctionnement d'un humain normal ; la magie explosa autour de moi en des millions d'étincelles qui firent successivement fleurir, mourir et renaître les plantes les plus proches de moi, tandis que le ruisseau inversait temporairement le sens de son courant. Je savais que dans ma chambre, à la maison, les objets changeaient de place et de couleurs, la pièce se réarrangeait d'une façon qui me correspondrais mieux et que, comme lorsque j'étais petit et en crise, l'intégralité du sucre de la cuisine était en train de devenir du caramel beurre salé.
J'inspirais profondément.
J'étais chez moi.
Enfin...
Un nœud dont je n'avais pas conscience se relâcha dans ma poitrine, libérant mon souffle et mon esprit, et je gouttais, pour la première fois depuis des mois, au silence apaisant de la sérénité.
Yeux fermés, je me laissais aller à écouter la nature autour de moi, le bruit soyeux du ruisseau, le frottement du vent dans les arbres, le bruissement des feuilles agitées par ce dernier, les fuites et promenades discrètes des animaux des sous-bois. Et la pulsation familière, rassurante, de la terre sous mon corps. Je savais qu'à la maison, cette même pulsation courrait sous les pieds nus de Mams, nous connectant sans nous lier, nous rassurant toustes deux.
Douce Magie...
J'avais l'impression de ne pas m'être senti aussi bien depuis des siècles !
Je crois que j'étais allongé ainsi depuis une grosse demi-heure, béatement heureux, lorsque le bruit d'une personne galérant à avancer dans la forêt se fit entendre. Je tournais paresseusement la tête en direction du son, pas spécialement motivé à me lever, et caressais un instant l'idée de prier la petite magie de me cacher... avant de me souvenir que cette dernière ne me répondrait pas.
Zut.
- Eden !
Je me redressais sur les coudes, surpris : c'était la voix d'Amari.
- Amari ? Qu'est-ce que tu
Mon amie surgit d'un fourré, des feuilles coincées dans sa sublime afro, et se cacha immédiatement les yeux en criant :
- Mais t'es à poils !
Je baissais les yeux sur moi. Uh. En effet.
- Euuuuuuuuuuh...
- EDEN ! Je sais que je t'ai déjà vu dans tes caleçons troués, mais c'est pas une raison ! Rhabille toi !!!!
Je ne pu m'empêcher de rire.
- D'accord d'accord ! Pardon ! Je n'avais pas prévu une visite d'amazone pleine de brindille dans mon programme de l'après-midi !
Je m'empressais d'attraper short et t-shirt pour les passer, puis fourrais mes sous-vêtements dans une de mes poches.
- Je suis présentable !
Amari risqua un regard entre ses doigts, avant de baisser la main.
- Non mais sérieux... y'a que toi pour te dorer la pilule à poils en pleine forêt, fin octobre !
- Faux (je me rassi, tout sourire) Ilan et Rachel le font aussi. Peut-être dans un endroit moins accessible ceci dit...
Amari leva les yeux aux ciel.
- Des fois je me demande si c'est ta famille qui est trop libérée, ou si ce sont juste les gens de la campagne qui sont bizarres.
Je pouffais et tapotais la mousse à mes côtes pour l'inviter à s'asseoir. Elle claudiqua jusqu'à moi, visiblement gênée par sa jambe sur le terrain irrégulier de la forêt. Je fronçais les sourcils.
- Tu as mal ?
- Rien que ta Mams et un tour dans votre atelier ne pourront régler tout à l'heure. (elle grogna) J'ai bêtement trébuché en sortant du portail, et je crois que j'ai froissé un mécanisme.
Machinalement je tendis la main vers sa jambe pour l'aider, puis rétractait mon geste. Elle jeta sur moi un regard éloquent et je lui répondis d'un sourire gêné.
- Tu as déchargé. Ça explique pourquoi tu ne m'as pas sentie arriver.
- En même temps tu fais tellement de bruit que j'avais pas besoin de magie pour le savoir !
- Hey !
D'un geste vif de la main, elle commanda au ruisseau de m'asperger, et je me retrouvais à m'ébrouer comme un chiot, mort de rire.
- Sache que je viens d'une lignée de guerrière au pas de velours !
- Mmmmh. Je vais te croire sur parole (je chassais tant bien que mal l'eau de mes cheveux) je n'ai pas envie d'un nouveau bain. (je lui glissais un coup d'oeil). Dis. Pas que je sois pas content que tu sois là mais... pourquoi t'es là ?
Son visage s'assombrit, et elle entreprit de dénouer les sangles de sa prothèse pour éviter de me regarder. Patient, j'attendis qu'elle enlève sa prothèse et libère son moignon du manchon qui l'enserrait : je la connaissais depuis suffisamment longtemps pour savoir qu'en exécutant ces gestes mille fois répétés, elle se donnait le temps d'organiser ses pensées.
- Je suis allée demander l'autorisation à Monestre Thaïs de te rejoindre ce week-end (elle posa le manchon sur une pierre apparue à côté d'elle, et tira un petit pot de crème du sac pendu à sa hanche). J'étais inquiète. (elle leva enfin les yeux) Et je lui ai tout raconté.
- Tout ?
- Tout.
Amari me fixait, anxieuse de ma réaction, les mains serrées sur son pot de crème, son afro pleines de feuilles, et l'air au bord des larmes.
Je lui pris doucement l’onguent des mains pour l'ouvrir. Elle m'avait montré comment faire les soins en fin de première année, lorsqu'elle s'était blessée en cours. Depuis, il nous arrivait de partager ce moment d'intimité.
- Tu es en colère ?
- Je ne sais pas... (je fermais brièvement les yeux, avant de m'atteler au soin de sa jambe) quelque chose me dit que je devrais mais... mais en réalité je suis soulagé. (je sentis monter des larmes) J'ai honte Amari.
- Il ne faut pas.
- J'aimerai pouvoir dire « je sais ». Mais... (je secouais la tête) ce serait mentir. J'ai honte. Je me suis stupide. Je ne comprends pas comment j'ai pu laisser tout ça arriver...
- Eden. (sa main chaude se posa sur ma tête) ce n'est pas de ta faute. Rien. C'est la faute d'Yriel et de ce cronnard d'Arën. De la stupidité de l’adolescence et de l'inaction des professeuroresses. Et de Lassa'h. Aussi.
J'hochais faiblement la tête, le regard braqué sur mes mains qui la massaient, incapable de répondre. Amari continua d'un voix douce :
- Monestre Thaïs m'a dit que mes accusations étaient graves, et qu'iel allait enquêter. Le cas échéant, il y aura des sanctions...
Nouveau mouvement de tête de ma part, je n'arrivais pas à répondre.
- … Et lorsque je suis sortie du bureau de lea directeurice, j'ai croisé Lassa'h.
Je me raidis.
- Iel a eu la même idée que moi.
- Si tu me dis qu'iel est là aussi, je te pousse dans la rivière.
Je sentis son sourire dans sa voix lorsqu'elle répondit :
- Je savais le sort que tu me réserverai, je l'ai convaincuxe de ne pas faire la demande. Ce ne serait de toutes façons pas passé, pas vrai ?
- Nh. (je finis de faire pénétrer la crème et relevai la tête) tu penses vraiment que ça va changer quelque chose ? D'avoir parlé à lea directeurice ?
Elle haussa les épaules et récupéra le pot de crème pour le ranger.
- J'espère. En tous cas, une fois tes parentes au courant, ça va forcément changer (elle eut un sourire plein de dents) j'ai hâte de voir Ava et Maé se confronter aux parents des autres tiens.
Je ne pu retenir une grimace : la conversation à venir avec mes parentes ne m'enchantais pas vraiment. Plus de me faire enguirlander, j'avais peur de me confronter au fait d'avoir trahis leur confiance dès la première concession d'autonomie. Tout comme je me découvrais une pudeur soudaine concernant mes sentiments envers Lassa'h.
- Je fais quoi si elles m'interdisent de lea fréquenter... ?
Amari haussa très haut les sourcils et entrepris de remettre son manchon.
- Tu lea fréquente quand même.
- Amari !
- Eden !
Elle se mis à rire, ignorant mon regard courroucé.
- Plus sérieusement : si tu tiens encore tant que ça à Lassa'h, malgré son attitude de crétinxe des Alpes, ce serait idiot d'obéir à ce genre d'interdictions. (elle esquissa un sourire malin) C'est même une règle sacrée de l'adolescence Eden : on obéit pas aux ordres qui nous paraissent débiles. Et y'en a un paquet !
Une partie de moi avait envie de lui donner raison, mais l'autre, pleine de culpabilité d'avoir déjà manqué à ma parole d'adulte, peinait à envisager l'idée. Quand à mon cœur, lui, il hésitait entre s'effondrer à l'idée de ne plus jamais entendre la voix de Lassa'h, et s'auto-engreuler pour avoir ce genre d'émotions envers ellui. Je poussais un soupir à fendre l'âme.
- Je crois que je déteste ce que je suis en train de vivre.
Amari attrapa sa prothèse en m'adressant un sourire.
- Ça va passer, dans pas longtemps, tu vas retrouver ta capacité à râler sur tout et à trouver le monde entier complètement cron. Mais c'est clair que pour le moment, t'es dans la sauce !
Je pris mon meilleur air blasé.
- Merci de cette claque de réalité ma chère.
- De rien. C'est la taxe pour m'avoir fait asseoir dans ton herbe humide, au milieu de tes bestioles des bois et de arbres aux branches trop basses.
Cette fois je ris.
Je vous souhaite sincèrement de trouver un jour une personne qui soit votre Amari.
Nous prîmes encore un peu de temps au bord du ruisseau avant de retourner lentement chez moi, en prenant le chemin le plus long, mais aussi le plus facile pour mon amie, qui ne se priva pas de râler sur le fait que j'avais déchargé AVANT de nous ramener par téléportation (ce genre de sort ne l'intéresse que moyennement, ce qui fait qu'elle ne les maîtrise pas). Sa jambe mécanique cliquetait un peu, rythmant nos pas, et elle ne cacha pas son soulagement lorsque la maison fut en vue.
Le bakeneko nous y accueillit en miaulant, clairement content de nous voir. Il se fourra dans les pieds d'Amari, manquant de la renverser (il faut dire qu'il fait bien dix kilo pour trente centimètre de hauteur de pattes), puis s'éloigna en trottinant vers la haie séparant notre jardin de celui de la voisine. A peine ses deux queues disparues, la porte d'entrée s'ouvrit sur ma Mams. Les mains tâchées de vert par ses travaux quotidien au jardin, ses cheveux retenus par un foulard sur son front, elle affichait une expression qui se voulait sereine que gâchaient des plis d'inquiétude au coin de sa bouche.
Plutôt que de me crier dessus, elle combla rapidement la distance entre nous pour prendre mon visage dans ses mains et le scruter longuement, prenant note de ma pâleur, de mes traits tirés comme de mes yeux gonflés, puis posa tout doucement son front contre le mien.
- … tu vas bien...
Je laissais les larmes sortir.
- Je suis rentré.
Lâchant mon visage, elle m'étreignit de toute ses forces, berçant mes sanglots jusqu'à ce qu'ils se calment.
J'adore mes deux parentes, mais j'ai une connexion particulière avec Mams.
C'est elle qui m'a trouvé après tout...
Y a un truc que je capte pas. Chap précédent : la petite magie vous fait faire des détours pour que vous voyiez des truc que vous devez voir. Eden arrive dans le hall, bouffe des cookies, soit. Mais vu que le truc qui avait l'air important c'est l'appel d'amari (lire ses notes et faire le pont avec l'article de la prof, pour moi ç'aurait pu se passer n'importe où) : or cet appel aurait pu se passer n'importe où aussi, vu que c'est un appel et pas une scène qui se passe sous ses yeux dans le hall. Donc le seul intérêt c'est que d'autres gens entendent ce qui est dit durant l'appel : donc la petite magie a sciemment humilié Eden en public ? ça m'a l'air d'être l'inverse de ce qui est censé prendre soin de lui. Sauf si c'est pour répondre à son envie de partir et de le pousser encore davantage vers la sortie mais dans ce cas je trouve que c'est assez mal amené en l'état actuel des choses, et même dans la façon dont c'est amené j'ai pas l'impression que c'était l'bjectif.. si ? Point 2 : si l'objectif de ce canal de communication entre Amari et Eden existe, est-ce que l'objectif c'était pas notamment d'être discrets? Ppourquoi l'intégralité du hall entend ce qui est dit alors que pour moi c'était juste au niveau sonore d'un téléphone (pas sur haut-parleur) ? Je pense que ceci devrait être clarifié. Je le pensais déjà avant, mais le début de chapitre m'a fait penser que "aaaahhh ouii ouioui faut que ça soit clarifié" (pour moi du moins).
Je suis pas sûr d'avoir bien compris ce qui faisait marrer amari autour de la scène du neelakurinji ; est-ce qu'elle sait aussi que cette question et la réponse revient à ffaire une déclaration d'amour et y répondre ? Dans le doute j'ai cherché ce qu'était le neelakurinji ; pour le coup je pense que ça vaudrait la peine de mettre une note de bas de page ironique sur ce passage. Je pensais que ça serait explicité plus tard dans le chapitre ; ou alors c'est moi qui suis teubéo ; ou alors tu as raté une occasion en or de faire une note de bas de page ; ou plusieurs solutions à la fois :p
J'ai pas trop compris à la fin pourquoi l'une des parentes revenait vers Eden comme si elle l'avait pas accueilli au portail quelques heures auparavant et que ça faisait des semaines qu'ils étainet pas vus.
Le chapitre est chouette et jai hâte d'avoir la suite !
Plein de bisous !
Ca me fais réaliser à quel point je n'ai pas précisé que la petite magie oeuvre pour le meilleur résultat... mais qu'elle n'est pas non plus là pour emballer les gens dans du coton : un peu comme un véritable ami qui te met le nez dan sles trucs que tu veux pas voir pour te permettre d'avancer, elle fait traverser certaines épreuves pour arriver à certains résultats...
Du coup la scène dans le hall là est nécessaire parce que ça permet à Eden de craquer face à Arën, et a Arën d'entendre des trucs, mais effectivement, la façon dont c'est amené fait que c'est... pas clair, et que ça pourrait avoir lieux n'importe où ailleurs.
Je vais retravailler ça, merci beaucoup !
XD pour les parentes... euh... c'est peut-être parce que comme j'ai galéré à écrire ce chapitre, j'ai totalement zappé qu'iels s'étaient déjà vu.es ? Mh. Peut-être. Mh. Sûrement (aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah).
Merci pour ce commentaire, je vais aller retravailler tout ça çwç