Chapitre 11

Par Naou

A L É G R I A

Tout Oktodur est fermé de l’intérieur. Plusieurs habitants paniqués sont venus interroger le commandant. Certains ont leur famille captives de l’autre côté. Malheureusement, la ville s’est transformée en une vraie forteresse.

— Je dois aller à Zermark, rassembler une armée pour libérer la ville.

Je hausse les épaules, appuyée contre le mur.

— Je réquisitionne ta jument.

Mon sang se fige.

— Vous… non… Je vous en prie, prenez un autre cheval à l’écurie, mais pas la mienne.

— Elle est endurante, j’ai besoin d’un cheval en forme.

— Les autres le sont aussi ! Commandant, s’il vous plaît. Je sais de quoi je parle, je les ai entraînés.

Enfin, plus ou moins.

Zermark… Et si ça pouvait être mon nouveau départ ?

— Je vous accompagne. Je vous donne mon meilleur cheval.

— Tu seras dédommagée quand Oktodur sera libéré de cette vermine.

J’acquiesce, mais il ne pourra pas me le payer, car dès que nous entrerons dans cette ville de montagne, je disparaîtrai.

— À votre avis, pourquoi Oktodur a été pris ?

— C’est une ville stratégiquement très bien placée pour le commerce, avec toutes les ressources naturelles nécessaires pour être autonomes.

— C’est vrai, réalisé-je.

Nous nous mettons à marcher en direction de ma maison, en évitant la route principale. Je ne sais pas trop quoi penser de cette attaque, mais au moins, je sais comment quitter la ville en étant accompagnée.

 

Enfin, nous arrivons. Je n’ai jamais aimé marcher, c’est toujours plus agréable à cheval. Soudain, le commandant me plaque contre lui et sa main m’empêche de parler. Je panique, me débats. Je ne comprends pas sa réaction étouffante.

— Ouvre les yeux ! C’est envahi de personnes !

Je me concentre et découvre qu’il dit vrai. Discrètement, nous nous accroupissons derrière un gros arbre tombé.

— Trouvez-la ! hurle un homme.

— Par Simmal, ils me cherchent, chuchoté-je.

— Je ne pense pas que tu vas rentrer chez toi aujourd’hui.

Une branche le frappe derrière la tête et il sursaute. Je pince les lèvres. Je ne l’ai pas prémédité, mon pouvoir a été plus rapide que mon esprit.

— Tu as osé !

— C’était mérité.

Il marmonne quelque chose que je ne comprends pas.

— Tu maîtrises également la terre ?

Mince.

— Non. Je me suis servi de l’air pour que la branche vienne vous frapper.

— Efficace.

Nous décidons d’aller dans une ferme voisine pour réquisitionner deux chevaux. Le commandant me demande de ne pas me montrer, le temps qu’il aille les chercher. Je profite de m’asseoir en l’attendant, les muscles de mes jambes protestent. Je déchire ma robe de chaque côté afin de pouvoir monter à cheval plus aisément.

Je reste attentive à ce qui m’entoure jusqu’à ce qu’il revienne en tenant deux franches-montagnes costauds. Un sifflement m’échappe, ce sont de très belles bêtes. Je caresse celui qui est ma monture en lui souriant.

Nous prenons place sur les selles et débutons le trajet. Je ne peux m’empêcher de penser à Cassis. Je viendrai la récupérer dans un mois, en espérant que Mathie et Briam s’occupent d’elle.

 

Plus nous avançons, moins je reconnais le chemin que nous empruntons.

— Ce n’est pas la bonne route, remarqué-je.

— Je connais un raccourci qui nous fera gagner une demi-journée, mais ça ne va pas être facile. Tu le sens ?

— Pas de problème. Pourquoi vous ne demandez pas de l’aide aux Vélenkiens ? Ils sont plus proches.

— Une partie de leur armée a été envoyée au sud où ils ont eu des attaques. Et l'armée de Zermark est plus considérable.

Nous marchons un long moment sans rien échanger. Je pique du nez, mais prends de grandes inspirations pour rester éveillée.

— Pour quelle raison ton père a dit à tout le monde que tu étais muette ?

Je détourne mon attention sur le commandant.

— Vous n’avez pas fait de déduction ?

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai envie de l’embêter. C’est la première fois de ma vie que je peux parler librement à un homme autre que Briam. Les employés étaient au courant, mais nous n’avons pas développé de relation amicale. Avec le commandant, je n’ai pas besoin de cacher mes pouvoirs, d’être sur mes gardes. Il sait et pourtant, à aucun moment il n’a eu peur de moi ou a voulu me tuer. Je pense pouvoir lui faire confiance.

— Peut-être, s’amuse-t-il.

— Je n’ai pas toujours maîtrisé mes pouvoirs. Si quelqu’un m’énervait ou me faisait de la peine, je risquais de perdre le contrôle, ce qui m’aurait condamnée à mort.

— C’était bien pensé. Et maintenant, tu les gères ?

— Difficile à dire, mais ces dernières années, je n’ai pas eu d’accident.

— Rassurant.

Je l’observe à mes côtés. Son expression moqueuse étire mes lèvres en un sourire.

— Vous n’avez pas de nom, ni de prénom ? l’interrogé-je.

Un rire charmant fait vibrer sa gorge.

— Tu peux m’appeler Zyan. Pour le nom de famille, disons qu’il n’est pas important.

Zyan… c’est beau.

— Pourquoi ?

Son cheval part au trot et je comprends que le moment des révélations est terminé.

 

La nuit nous rattrape et nous force à nous arrêter. Épuisée, je n’en suis pas mécontente. Je débarrasse ma monture de son matériel, la caresse, puis l’attache à une branche solide.

— J’allume le feu ? demandé-je.

— Pas ce soir, on ne sait jamais.

— On est à au moins trente kilomètres et il fait vraiment froid.

Il souffle d’agacement.

— Je peux brûler n’importe quelle personne qui nous approche.

Ses yeux s’agrandissent de surprise.

— Tu deviens effrayante.

Je pouffe et vais chercher de quoi préparer le feu, tandis que Zyan va nous trouver à manger. Je suis réchauffée au moment où il revient avec un lapin.

— Comment vous l’avez choppé ? m’étonné-je.

— J’ai mes astuces.

Je lève les yeux au ciel et ravive le feu. Zyan sort un couteau de sa cheville et dépèce la petite bête.

Quand la viande est cuite, nous mangeons avec appétit, surtout moi. Je n’ai rien avalé depuis ce matin et Zyan semble s’amuser de me voir tout engloutir avec entrain.

— Je ne pensais pas qu’une si petite femme pouvait manger autant.

— Ce n’est pas la taille qui compte.

Zyan avale de travers et tousse à plusieurs reprises. Je fronce les sourcils, avant de profiter du calme et du ciel étoilé.

 

 

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