Chapitre 11 - Ian

Par AxelleC
Notes de l’auteur : 2ème Partie - Ian

11.

 

Un soupir secoua mes épaules. Je tripotai les branches qu’avait rassemblées Mato avant de se barrer avec Saori. Elles étaient encore trop humides pour réussir à bouter un feu. Je me relevai pour m’avancer à l’orée de la grotte. La pluie avait forci plus tôt, mais elle s’éclaircissait peu à peu. Les nuages tiraient à présent sur le blanc, la lumière qui baignait la forêt lui donnait un air fantomatique. Je plissai les paupières et fouillai les arbres du regard. Même si je voyais de manière beaucoup plus développée qu’avant ma transformation, je ne pouvais pas passer à travers les troncs et les feuillages.

Pas de signe des deux crétins. J’espérai vraiment qu’ils nous dénichaient de quoi bouffer, et qu’ils n’étaient pas en train de se bécoter dans un coin au lieu de chasser. La tension entre eux deux m’agaçait par moment et réveillait ma propre libido. Je serrai le poing et fis craquer mon index tout en m’efforçant de penser à autre chose.

Si j’avais bien calculé ce que j’avais volé, nos réserves ne suffiraient jamais à nous nourrir tous pendant plusieurs jours. Surtout si nous restions coincés dans le coin. De toute manière, si on ne bougeait pas, les militaires nous retrouveraient.

Je passai les doigts dans mes cheveux. Ils avaient bien poussés pendant ces quelques mois passés au Labo de l’enfer. J’avais réussi à convaincre Rachel de les couper avant notre fuite, mais ça n’avait vraiment suffi. Elle avait deux mains gauches, la pauvre, et le résultat n’était pas fameux.

Je levai les yeux vers le ciel. Une envie lancinante me crevait le ventre. J’étais à deux doigts d’enlever mes fringues et de m’envoler, quand un gémissement étouffé me parvint.

Yuutô.

Le mignon petit frère de Saori s’agitait dans son sommeil. Un sourire fin étira mes lèvres. Si j’avais bien réussi à séduire Rachel, elle ne m’avait pas vraiment rassasié. Je m’approchai à pas de loup de Yuutô et contemplai son visage.

Il était sacrément mignon les yeux fermés, mais ses iris transformés valaient aussi le coup. Je ravalai mon sourire lorsque je le vis frissonner. La température avait chuté. Les couvertures de survie risquaient de ne pas suffire.

Mes sourcils se haussèrent. Autant joindre l’utile à l’agréable. Après tout, j’avais bien le droit de me reposer un peu. Je ne m’endormirai pas vraiment, je n’y arrivai plus depuis le début de mon incarcération. Ravalant ces pensées mélancoliques, je me glissai sous la couverture et me collai à Yuutô.

Il était plus petit que moi. Pas de beaucoup, mais suffisamment pour qu’il s’imbrique de manière satisfaisante. J’avais pu admirer maintes fois ses muscles longs et déliés, comme ceux d’un coureur de fond, et les sentir contre moi me fit soupirer d’aise.

Yuutô rayonnait de chaleur, la fièvre peinait à descendre malgré l’antipyrétique que Saori lui avait fait gobé plus tôt. Il remua contre moi, je glissai un bras sous sa tête et me collai à son dos. Hum, des fesses fermes, ça, c’était vraiment pas mal.

— Ian ?

Sa voix rauque m’arracha un frisson. Je lui soufflai.

— Dors, tu en as besoin.

Il se détendit contre moi et je profitai pleinement de son contact. Son odeur de chat agressa un peu l’aigle en moi qui glatit avec indignation. Je fronçai un sourcil pour repousser la sensation. Je ne laisserai pas mon animal me diriger, même s’il était sacrément pratique. Personne ne me dictait sa loi.

Peu à peu, je me laissai aller à rêvasser. J’aurai pu me casser dès que nous étions sortis du Labo. Après tout, je savais voler et l’aigle sous ma peau me tannait pour m’élancer vers le ciel. Il aspirait à la liberté, comme moi.

Pourtant, après ces mois enfermés avec eux, j’avais envie de rester dans le coin. Je les appréciai. Même Mato et son caractère de chiotte. Saori était sacrément marrante, on se comprenait sans parler tous les deux. Et Yuutô… Eh bien, si j’en croyais les quelques regards que nous avions échangés, on risquait de passer un bon moment ensemble.

J’aurai bien le temps de me barrer si la situation ne s’améliorait pas ou si je m’ennuyais trop. L’ennui, mon ennemi de toujours. Il me poussait souvent à faire des trucs idiots, comme coucher avec la fille et le fils de celle que j’escroquais. Mon paternel avait dû se retourner dans sa tombe.

« On ne mélange pas plaisir et boulot, Ian. Jamais. »

Il me répétait ça à longueur de temps, alors qu’il ne l’appliquait presque pas lui-même. Que dirait-il à présent ? Condamnation mise à part, il serait déconcerté par ma situation actuelle. Au moins une minute. Ensuite, il m’aurait parlé stratégie d’évitement et tout le toutim. Bref, il se serait cassé aussitôt dehors.

Je n’étais pas mon père et j’avais bien envie de profiter un peu avant de voler vers d’autres cieux.

 

La chaleur de Yuutô me quitta. J’émergeai, déboussolé. Je m’étais endormi ? Ça faisait tellement longtemps… Mon corps détendu protesta lorsque j’ouvris les yeux. Il faisait noir, mais pas assez pour que je n’arrive pas à me repérer. Les grognements de léopard me réveillèrent tout à fait.

Yuutô s’était transformé, et je ne l’avais même pas entendu ! Je sortis vite fait de la couverture de survie et grimaçai quand le froid m’agressa. Je tâtonnai jusqu’à mon compagnon d’infortune. Le jour n’était pas encore levé, mais la nuit semblait bien avancée. La lune illuminait le ciel et je voyais quand même pas trop mal. Je n’étais pas nyctalope, contrairement aux trois autres, mais une faible luminosité me suffisait. Le léopard se tenait à l’orée de la grotte. Sa queue contre lui, sa fourrure semblait plus ébouriffée. Il feulait tout bas en regardant les buissons face à nous.

Je m’approchai calmement et Yuutô grogna. Il me jeta un coup d’œil menaçant, les oreilles aplaties sur le crane. Oh, il n’était pas content du tout. Le vieux chat de ma tante Marge faisait cette tête quand le chien de son voisin tentait de traversait sa pelouse. Mauvais signe.

Je le repoussai d’un coup de hanche en tapotant son dos pour le rassurer. Il fallait que je voie ce qui le mettait dans un tel état.

Je contemplai les buissons, frissonnant dans l’humidité fraîche provenant de la forêt. Trois paires d’yeux luminescents me renvoyèrent mon regard et un concert de grondements m’accueillit.

Qu’est-ce que c’était encore que ça ?

Je reculai à petits pas face à nos visiteurs pour retourner vers les sacs. Je fouillai à l’aveuglette et en extirpai l’un de mes briquets. Saori avait pris le sac qui en contenait un autre, la maline. Je retournai aux côtés de Yuutô. Sur la droite, le tas de petits bois et de feuilles ramenés par Mato attendait sagement.

Sans me préoccuper des grognements de mon léopard préféré, je me concentrai pour tenter de nous faire un feu. Pas moyen. Sans plus réfléchir, je déchirai un morceau de mon T-Shirt que j’enroulai autour d’un morceau de bois. J’allumai mon briquet et tins la flamme proche de ma torche de fortune.

Heureusement que le tissus était en coton, ça s’enflamma vite et bien. La lumière arracha un hoquet à Yuutô qui trouva son écho dans nos visiteurs. Avec ce coup de pouce, je pus enfin apercevoir ceux qui nous faisaient face.

Des loups nous guettaient, près à sauter.

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