Les hurlements de Gwenladys perçaient les oreilles de Kurtis. Il s’était réfugié chez Dâlan pour échapper aux cris déchirants qui émanaient du centre de Bibracte, mais la douleur de la jeune femme était un puit dans lequel ses sens se noyaient.
La cérémonie punitive ne consistait pas seulement à marquer son visage et son ventre au couteau, mais aussi à manifester le courroux de son totem. Ce processus, semblable à celui de l’Expurgation qui visait à tuer à petit feu les Porteurs de la Marque, était extrêmement douloureux. Gwenladys n’en ressortirait pas seulement avec des cicatrices et un tatouage-totem revenu à l’état de tache. La marque laissée par la Cérémonie de l’Expiation était bien plus profonde.
— Ça va ?
Kurtis releva la tête vers Dâlan en essayant de se composer un sourire. Mais un nouveau hurlement parvint à ses oreilles et le fit chavirer.
— Ce n’est pas très agréable à entendre, c’est sûr, convint son hôte. Heureusement que j’ai pu coucher les enfants avant le début de la cérémonie.
Le jeune Arsalaï hocha mollement la tête. Il aurait aimé que sa famille soit avec lui à cet instant. Mais Keira s’entrainait pour sa prochaine épreuve et Aedan avait disparu dans la nuit naissante. Ne restait qu’Ealys.
Ealys qui s’était portée volontaire pour ce rituel barbare.
Kurtis perçut un brasier qui rugissait dans ses tripes. Il se tendit. Dâlan lui posa une main sur l’épaule. Enfant, il n’avait pas beaucoup passé de temps avec lui, puisqu’il entraînait les jeunes Hekaours. Cela n’empêchait pas l’affection d’envelopper l’Arsalaï. Dâlan était doux et profondément bon. Du moins, il espérait. Il ne voulait pas lui demander ce qu’il pensait de la cérémonie.
Encore un hurlement. Kurtis serra les dents, les larmes se glissèrent entre ses cils. L’appel désespéré de Gwenladys faisait vibrer tout le Silh. Il n’avait qu’à tendre ses sens pour percevoir sa douleur aussi nettement que si c’était la sienne. Et ce qu’il apercevait le terrifiait.
Le but secret de cette torture était de provoquer une fausse-couche. Permettre la vie était une Loi autrement plus important que celle de prévenir le métissage. C’était une profanation sans égal envers la Source. Néanmoins, personne ne voulait s’encombrer d’un Sang-Mêlé. Si jamais l’enfant à naître périssait, alors ce serait du fait des Esprits qui auraient renforcé l’emprise de l’enchantement de l’Expiation.
Kurtis s’approcha légèrement de la fenêtre pour observer un morceau de firmament. Le ciel qui se parait d’étoiles étaient imperturbable. Il se demanda si les Esprits souhaitaient réellement une telle cruauté. Il fallait une perception du Silh bien supérieure à la sienne pour pouvoir communiquer avec eux. Seuls les Anciens, qui vivaient mille ans auparavant, et Hênora, avaient ce pouvoir. Si l’Élue avait ordonné la cérémonie, cela devait bien être la volonté des Esprits.
Le jeune garçon fixait les étoiles sereines avec intensité. Asha n’aurait pas été d’accord avec ça. Elle se serait sans doute rebellée. Elle avait été si forte.
Le flot de larmes redoubla. Un nouveau hurlement se tordit dans l’air. La voix de Gwenladys était déchirée, à peine humaine. Et dire que beaucoup de personnes assistaient d’elles-mêmes à ce spectacle atroce, dont la femme de Dâlan.
— C’est quoi ce bruit ?
Dâlan et Kurtis se tournèrent vers la tête ébouriffée de Darina qui émergeait de sa couche.
— On dirait quelqu’un qui crie.
— C’est… commença son père sans pouvoir poursuivre.
Il cherchait ses mots, le regard incertain. Les yeux de sa fille, eux, était grand ouverts et braqués sur lui.
— C’est un accouchement, lança Kurtis.
Dâlan leva des prunelles surprises vers lui mais ne démentit pas.
— L’accouchement de qui ?
— C’est une Silvancte, tu ne la connais pas.
— Ah…
La fillette parut se rassurer un peu. Elle était pourtant bien plus calme qu’à l’ordinaire. Bien trop calme.
— Quand je serai grande, je veux pas d’enfants, finit-elle par déclarer. Ça fait trop mal.
— Darina… souffla son père.
Il se glissa jusqu’à elle et l’étreignit. Le frère de la petite fille se redressa lui aussi.
— Ça fait peur, ces cris, commenta-t-il d’une voix tremblante.
— Toi aussi, tu es réveillé, constata Dâlan avec un soupir.
Efflam se blottit contre sa sœur et son père sans répondre.
Kurtis observait la petite famille avec un pincement au cœur. Il baissa la tête et laissa son regard choir sur ses genoux.
Il pensa au jour où lui-même aurait des enfants. Il pensa au jour où il devrait leur expliquer pourquoi on torturait leurs camarades. Il savait qu’il ne pourrait jamais leur dire que les lois sacrées étaient justes.
Car elles ne l’étaient pas.
Jamais il ne pourrait se résoudre à mentir là-dessus.
Il pensa qu’il n’y avait qu’une chose à faire quand les lois étaient injustes.
Les changer.
Kurtis leva de nouveau les yeux vers ses ancêtres scintillants. Il ne guettait pas leur assentiment, au contraire. Il voulait qu’ils puissent le voir le voir changer leurs règles.
*
Une masse brunâtre, tourbillon de cornes et de naseaux, envahit le vert de la plaine. Des centaines d’aurochs couraient, faisant trembler la terre de leur sabots affolés.
Keira fixait le troupeau, les poings serrés sur les tresses de Zérif. L’étalon attendait au sommet de la bute qui surplombait la harde aux côtés d’une quinzaine de Hekaours de diverses tribus. La jeune fille les dirigeait, bien qu’ils soient tous plus expérimentés qu’elle. C’était la dernière épreuve. Elle devait mener la Grande Battue et tuer le plus grand nombre de proies en trois jours.
Nerveuse, elle jeta un œil à ses concurrents principaux : Idris, Rhun et un Ardyen, Cadfael. Elle avait fait une remontée fulgurante dans le classement lors des dernières épreuves. Si elle gagnait celle-ci, elle serait sacrée grand vainqueur des Jeux. Mais cet espoir semblait vain face à l'ingéniosité de ses adversaires.
Un puissant coup de tambour résonna dans atmosphère rugissante, donnant le signal du début de la chasse. Keira ne bougea pas, elle examinait le troupeau pour déterminer la cible de son groupe. Elle ne put s’empêcher de serrer les dents quand elle vit l’équipe de Rhun dévaler les flancs de la petite colline. Elle sentait sur ses épaules les regards brûlants des Hekaours sous ses ordres. Ils n’avaient pas le droit de la conseiller, aussi s’étaient-ils murés dans un silence angoissant.
Enfin, elle repéra un jeune mâle peu prudent qui s’aventurait en marge de son troupeau. La harde s’était un peu calmée, mais les rabatteurs continuaient de maintenir la course des aurochs.
— On va l’isoler, déclara-t-elle en désignant sa cible. Barduk, tu mènes le flanc droit avec…
Elle perdit le nom de l’Unelle qu’elle voulait assigner. Elle bafouilla une phrase inintelligible, les joues en feu et le regard soudain affolé.
— Annys, compléta doucement l’intéressée.
— Annys, répéta Keira d’une voix tremblante. Donc sur le flanc gauche…
La jeune fille cacha maladroitement son soulagement. Elle termina ses instructions et donna l’ordre du départ.
La petite troupe s’élança vers la masse grondante. Jouant de leurs akkashs, les rabatteurs isolèrent le jeune mâle avec facilité. Keira lança Zérif à sa hauteur sans prendre la peine de faire ralentir la proie. Elle banda son arc et inspira profondément. Il ne lui fallut qu’un essai pour que sa flèche se plante dans l’œil de l’auroch. L’animal émit un braiment étrangement aigu avant de s’effondrer. La Laevi descendit de cheval et mit fin à ses convulsions. Elle marmonna les formules rituelles rapidement tandis que son groupe sécurisait les alentours. Des Ardyens les rejoignirent pour dépecer la bête et leur permettre de reprendre au plus vite la chasse.
La deuxième tentative de Keira ne fut pas aussi glorieuse. La proie qu’elle avait sélectionnée la chargea en pleine course. Seul le réflexe de Zérif, qui bondit sur le côté, la sauva d’une chute probablement fatale. La jeune fille ne sut pas comment elle réussit à juguler l’anxiété qui montait en elle. Elle reprit la chasse après avoir laissé s’échapper la proie trop hargneuse.
Le soir venu, épuisée, elle salua à peine Oèn avant de s’effondrer de sommeil dans la tente qui lui avait été assignée. Son compagnon vint s’endormir près d’elle, ses ronflements ne parvinrent heureusement pas à la réveiller. Il participait de justesse à la dernière épreuve, puisque seuls ceux qui avaient été vainqueurs d’au moins une épreuve pouvait se porter candidats pour la Grande Battue. Apparemment, il avait fait une bonne chasse en ce premier jour.
La journée suivante commença avant même le lever du soleil. Keira, les membres lourds malgré son cœur aux abois, eut le plus grand mal à rassembler son équipe et à seller son cheval. Elle avait entendu ses concurrents annoncer leur nombre de prises et s’était rendue compte avec effroi qu’elle en possédait moins. Il fallait absolument qu’elle rattrape son retard.
La troisième et dernière journée d’épreuve se déroula au milieu d’une tension exacerbée par le voyage qu’ils avaient dû entreprendre pour rattraper le troupeau. Il avait chevauché toute la nuit, le sommeil ne leur avait donc pas été offert.
Les yeux alourdis de cernes, Keira asséna un regard assassin aux aurochs. Elle avait réussi à égaliser avec Idris — qui totalisait le plus de proies — la veille, mais la victoire était loin d’être acquise.
Lorsque le coup de tambour résonna, la fatigue s’évapora. Seule resta sa détermination.
Elle tua quatre aurochs dans la matinée, et trois de plus dans l’après-midi. Le crépuscule arriva bien trop tôt, et avec lui la nervosité. Elle choisit une proie avec empressement, ils avaient encore le temps pour une dernière tentative. Une unique tentative.
Tous les aurochs blessés, malades, vieux ou imprudents avaient été tués, elle dut donc porter son choix sur une femelle en bonne santé. Une proie dangereuse car en pleine possession de ses moyens.
Le groupe parvint après de longues minutes à isoler l’animal. Le rouge envahissait le ciel, il ne leur restait que peu de temps. Keira sentait le regard inquisiteur des arbitres sur ses épaules.
La pénombre naissante rendait impossible un tir de précision, il fallait qu’ils immobilisent le bovidé lancé dans sa course folle. Alors qu’ils le harcelaient de coups d’akkash et l’empêchaient de galoper en ligne droite, ils se retrouvèrent dans la même zone qu’une autre équipe, celle d’Idris. Ils ne s’en aperçurent que trop tard.
Avant que quiconque n’ait plus réagir, l’auroch fonça vers l’Adanate. Cette dernière dut abandonner la proie qu’elle venait juste de tuer. Mais elle n’eut pas le temps de remonter en selle, elle fut violemment chargée par l’animal en furie. Keira laissa un cri affolé s’échapper de ses lèvres alors qu’elle talonnait Zérif pour parvenir à la hauteur de sa concurrente. La femelle auroch trébucha sur son congénère étendu sur le sol et s’effondra. Mais la jeune fille n’y prêta pas attention, elle sauta à terre près du corps immobile d’Idris. Elle s’approcha en l’appelant, rejointe par d’autres Hekaours.
— Idris ?! Idris ?!
Elle la retourna, la guerrière saignait sans qu’elle ne puisse déterminer où se trouvait sa blessure.
— Idris !
Keira secoua sa rivale. Cette dernière émit un gémissement rauque. La jeune fille fut envahie par le soulagement lorsqu’elle la vit ouvrir les yeux.
— Keira… murmura-t-elle.
Son regard brumeux fixait un point derrière la Laevi.
— Qu’est-ce que tu fais… va l’achever…
Keira suivit son regard pour découvrir la femelle auroch qui tentait de se relever en vain, meuglant pathétiquement.
— Mais tu…
Elle fut coupée par deux Arsalaïs qui arrivèrent en courant.
— On s’occupe d’elle, lança une Ardyenne.
— Va… souffla Idris avant que son visage ne se torde dans une grimace de douleur.
Keira déglutit. Elle hésita quelques secondes. Puis elle fit volte-face vers sa proie.
Malgré sa blessure, cette dernière n’était pas prête à se laisser faire. Il fallait l’affaiblir. La jeune fille ordonna à son équipe de se munir de lances. Ils plantèrent les armes dans les flancs de la bête. Résistante, elle rua, mais le sang qui s’écoulait de ses plaies entrainait sa vie sur le sol. Elle fut bientôt assez faible pour que Keira puisse l’achever. Elle prononça les formules sacrées au moment même où le soleil mourait à l’horizon.
Sitôt sa phrase terminée, elle se retourna vers Idris, entourée d’un groupe personne. Elle joua des coudes pour parvenir jusqu’à elle.
— Elle va s’en sortir ? demanda-t-elle d’une voix empressée à une Arsalaï.
— Elle a réussi à éviter le gros de la charge, elle s’en sortira.
Keira eut l’impression que ses jambes fondaient. Elle se laissa choir au sol avec un profond soupir. Les larmes ne tardèrent pas à s’inviter sur ses joues. Toute l’angoisse qu’elle contenait depuis une lune se délita dans ses sanglots.
Elle sursauta quand on lui tapota l’épaule. Elle se tourna mollement pour découvrir Rhun. Elle sécha rageusement ses larmes, l’air revêche.
— Alors, t’en as fait combien ? s’enquit-il abruptement.
Elle se tendit de nouveau.
— Vingt-quatre, lâcha-t-elle.
Il frappa sa cuisse avec son poing.
— Quoi ?
— J’en ai eu que vingt-deux.
Un sourire pâle se fraya un chemin sur les lèvres de Keira.
— Cadfael en a totalisé vingt-et-un, ajouta Rhun.
La jeune fille jeta un regard en direction d’Idris, qui recevait toujours les soins des Arsalaïs. Mieux valait attendre pour lui demander.
Mais l’Adanate les devança en lançant à leur attention :
— Vingt-trois !
Keira échangea des yeux ronds avec Rhun.
— J’ai… j’ai gagné… bégaya-t-elle.
— T’as de fortes chances oui.
— J’ai gagné… répéta-t-elle dans un état second.
*
Les hourras faisaient vibrer l’air d’une joie glorieuse. Keira leva son menton tremblant, exhibant la grande couronne de plumes d’aigles qui symbolisait sa victoire. Elle avait réussi. Elle avait fait honneur à son père et à Artis. La fierté gonflait sa poitrine et irriguait d’un feu galvanique ses membres frémissants. Mais cela ne dura pas longtemps. Quand Hênora sonna la fin de la Cérémonie du Grand Cavalier, marquant le début d’une gigantesque fête, elle ne put voir le visage qu’elle cherchait désespérément dans le foule. Aedan avait disparu. Pas de sourire fier, pas d’accolade émue.
Keira descendit du rocher où elle s’était dressée. Hênora la salua avant de disparaître entre les maisons de Bibracte. La moïa était comme Aedan, elle ne participait jamais aux fêtes. Une chose d’autant plus surprenante pour celle qui avait la faveur des Esprits.
La célébration de la fin des Jeux était une des plus longues et des plus extravagantes du Sabbah. Les parures à base de plumes d’ordinaire peu nombreuses naissaient sur chaque corps. Aucun n’avait le droit d’imiter la couronne du grand vainqueur, mais les alternatives étaient nombreuses. Beaucoup d’oiseaux s’étaient vus capturer les jours précédents, ils repartaient avec quelques plumes en moins.
La jeune fille s’enfonça dans la foule, accueillie par exclamations joyeuses. Elle sourit, accueillit la gloire offerte en tentant d’oublier sa déception. Elle alla s’asseoir auprès d’Ealys et des autres Laevis. Ils posaient sur elle des prunelles emplies de fierté et lui tendirent les meilleurs plats qu’ils avaient rassemblés. Elle fut touchée, mais elle ne put que remarquer l’absence criante de ses membres les plus importants pour elle.
— Vous savez où est mon père ?
Ils haussèrent les épaules.
— Personne ne l’a vu, ce soir.
— Et kurtis n’est pas là ? Tenta-t-elle en balayant le groupe du regard.
Ealys se pinça les lèvres, visiblement irritée.
— Il a refusé de venir. Depuis l’Expiation de Gwenladys il s’est renfermé sur lui-même.
— Ah…
La jeune Hekaour saisit un bol de myrtilles confites en faisant la moue. Elle n’avait pas pu voir son frère avant de partir pour la Grande Battue, le lendemain de la cérémonie punitive. Elle le savait touché par l’évènement, mais elle ne s’était pas doutée que ce soit au point de s’isoler plusieurs jours. Elle tenta de chasser son agacement pour profiter de la fête.
— Et Oèn, il est pas avec toi ? demanda Ealys.
Les quelques restes de bonne humeur de Keira se noyèrent dans la liqueur de champignons qu’elle renversa.
— Il…
Elle se racla la gorge.
— Il est déçu de ne pas avoir été vainqueur dans la dernière épreuve. Il est allé bouder.
— Ah…
Les deux sœurs échangèrent un regard bien plus lourd que l’atmosphère frivole.
— Je… je vais danser, annonça finalement l’Arsalaï.
Keira hocha la tête. La grande prairie de Bibracte semée de feux de joie accueillait déjà des centaines de danseurs. La jeune fille regarda Ealys onduler son corps. Elle avait peint sur sa peau des arabesques ocres qui soulignaient le galbe de ses seins découverts. Ces peintures langoureuses assortie d’une danse magnifique attirèrent vite des yeux admiratifs et intéressés.
Keira soupira et replongea le nez dans les victuailles qu’on lui offrait.
— Fais pas cette tête ! lança Oanell. Oèn est pas là, c’est le moment d’expérimenter avec quelqu’un d’autre.
— Quoi ? Mais…
— Je sais, je sais, vous voulez être fidèles l’un à l’autre. Mais ça t’avance à quoi de vouloir être originale ? Profite, pour une fois. Après tout, c’est sa faute. La Grande Cavalière ne va quand même pas rester sans cavalier lors de sa grande soirée.
Oanell agrémenta sa tirade d’un clin d’œil complice. Ses paroles insidieuses se glissèrent dans les pensées de Keira sans qu’elle ne puisse les en empêcher. Elle se mit à mâchonner pensivement une fleur croquante.
*
— Eh !
Keira sursauta. Elle se tourna vers une grande silhouette musculeuse soulignée par la lumière mouvante des flammes. Elle ne le reconnut pas tout de suite.
— Rhun ?
— Qui veux-tu que ce soit.
Le Rauraque s’assit à côté d’elle, apportant un plat de viande qu’il partagea avec les Laevis présents.
— T’en veux ?
— Heu… oui.
Elle saisit une cuisse de faisan arrosée de miel et mordit dedans sans conviction.
— T’as l’air vachement maussade pour quelqu’un que tout le monde est en train de célébrer, remarqua-t-il.
Elle haussa les épaules en grignotant l’os de l’oiseau. Rhun lui aussi portait une couronne de plumes, bien qu’elle soit bien plus petite que la sienne. Il avait serti ses épaules de bandes de cuir ornées de perles et natté ses cheveux en les incrustants de pierres et de plumes. Comme Ealys, sa peau était décorée de peintures ocres qui rappelaient sur son torse la couleur de ses poils roux.
Keira se prit à admirer les tourbillons et empreintes étranges dont il avait parsemé son abdomen.
— Sérieux, ça va ?
Elle sursauta de nouveau. Il la dévisageait d’un air étrange.
— Tu n’es pas avec ton céil ? reprit-il.
— Oèn n’est pas encore mon céil.
Elle avala une coupe de liqueur dont le feu se répandit dans tout son corps.
— Pas encore…
Leur union devait se tenir quatre jours plus tard. Elle ne lui avait jamais paru plus lointaine, pourtant.
— Dis, fit-elle, j’ai envie de peintures aussi. Tu me les fais ?
Une étincelle flamboya dans les yeux du Rauraque. Son expression inquiète devint curieuse alors qu’un sourire levait un coin de sa moustache.
— Si tu veux. Je vais chercher la peinture, doit y en avoir de disponible pas loin.
Keira hocha la tête et le regarda se lever. Il lui offrit la vision de son dos orné d’un tatouage représentant un petit loup — un coyote, comprit-elle. Oanell la tira de sa rêverie en lui donnant un coup de coude.
— Bien joué, souffla-t-elle.
— Tu… tu te méprends, se défendit piteusement la jeune fille. Ce n’est pas…
L’Arsalaï éclata de rire.
— C’est ça, c’est ça. Bon, moi je vais danser. J’ai pas de beau gosse qui vient aussi facilement à moi.
Elle bondit sur ses pieds et se dirigea d’une démarche légère vers les cercles de danses. Ses cheveux courts étaient décorés d’une guirlande étrangement agencée de plumes multicolores. Un plumage bien voyant pour un raton laveur.
— Et voilà, lança Rhun en s’approcha.
Il portait deux récipients, l’un contenant de l’huile animale, l’autre une poudre ocre. Il s’assit en tailleur près de Keira.
— Alors, tu veux quoi ?
— Je ne sais pas… fais comme tu veux.
— Vraiment, je peux ?
Elle hocha la tête, tentant de se persuader qu’elle faisait ça le plus innocemment du monde. Mais quand les doigts calleux de Rhun se posèrent sur sa peau, la vague de chaleur qui l’envahit ne pouvait tromper.
Le Rauraque promena sur son épiderme son index enduit de peinture. Il traça, langoureux, de larges arabesques sur son torse. Keira portait une brassière de cuire, mais au moment où, faute de mieux, il s’orientait vers ses bras, elle décida de l’enlever.
— Là aussi, souffla-t-elle.
Les iris de Rhun devinrent aussi brûlants que les flammes qui grondaient au centre des cercles de danse. Il posa son doigt sur le téton droit de la jeune fille qui sentit un puissant frisson la traverser. À partir de là, il peignit lentement une spirale ocre en suivant le galbe de la poitrine. Ce contact emplissait Keira d’un torrent incandescent. Elle planta ses yeux incertains dans ceux, ardents, du peintre improvisé alors qu’il couvrait son autre sein de dessins voluptueux.
— J’ai fini, finit-il par déclarer sans pour autant rompre le contact de leur peau.
— D’accord.
Elle se recula presque brusquement. La fraîcheur qui s’abattit alors sur elle la laissa hagarde. Elle but une gorgée de liqueur qui ne parvint pas plus à la réchauffer. Rhun l’observait sans mot dire. Elle déglutit difficilement. Le visage d’Oèn vola devant ses yeux fiévreux, mais il perdit vite consistance.
— On va danser ? proposa-t-elle d’une voix étrangement aiguë.
Le sourire reparut sur le visage de son ancien adversaire. Il lui tendit une main qu’elle saisit avec un frisson. Ils se glissèrent dans les cercles de danses.
Keira laissa la liqueur libérer ses sens et se perdit dans la chaleur du foyer. Elle délia ses muscles et son esprit dans de larges mouvements harmonieux. Non loin d’elle, Rhun jouait des peintures qui décoraient sa peau pour souligner ses gestes. Elle l’imita, s’amusant des spirales qui parsemaient son épiderme frémissante. Le Rauraque sembla occuper de plus en plus d’espace dans son champ de vision. Elle se mit à le dévorer des yeux sans pouvoir s’arrêter. Il lui rendit son regard avide, dès lors qu’elle sut qu’elle ne pourrait résister. Elle ondoya, soudain libérée par sa conscience. Sa tête tournoyait autant que ses sens emmêlés. Elle embrassa son désir avec un sourire.
D’une œillade, elle invita Rhun à la suivre lorsqu’elle sortait des cercles de danse. La brève fraicheur de l’air fut vite replacée par un feu intérieur. Elle courut jusqu’à une tente libre. La forêt aux alentours était trop petite pour accueillir tous les ébats, aussi des petites cases avaient-elles été construites çà et là pour préserver un semblant d’intimité. Keira vérifia que la tente était vide avant de s’y glisser, Rhun sur ses talons.
Une pénombre dense et moite l’accueillit. Elle se tourna vers la silhouette du Hekaour qui se découpait sur un morceau de ciel étoilé. Elle prit une inspiration saccadée, des flammes dévoraient son corps tout entier. Rhun tendit ses mains dans l’obscurité. Lorsque ses paumes rencontrèrent son torse, elle ne put retenir un gémissement.
Oèn s’imposa de nouveau devant ses yeux. C’était elle qui avait demandé à ce qu’ils n’aient pas une relation libre comme d’ordinaire. Une pointe de culpabilité se fraya un chemin au milieu des flammes de son cœur.
Mais à cet instant, Rhun l’embrassa. La pensée d’Oèn fut consumée par l’ardeur impérieuse qui s’empara du corps de la jeune fille. Elle se noya dans son odeur et dans le contact brûlant de sa peau. Tout était familier et pourtant nouveau dans ce tourbillon de sensations.
Keira embrassa son partenaire dans une passion ravageuse.
*
Ce matin-là commençait comme tous les autres. Clervie se leva difficilement et se traîna vers sa marmite pour avaler son premier repas. La vie s’égrenait lentement dans sa maison solitaire. Le silence habitait les lieux, il alourdissait ses épaules. Mais elle continuait de vivre, bercée de gestes automatiques.
La jeune femme se dirigea vers son potager et entreprit de planter de nouvelles graines. L’été naissant s’annonçait radieux, elle ferait probablement de bonnes récoltes. Des fruits juteux qu’elle ne pourrait partager avec personne.
Clervie noya ses pensées sombres dans le travail harassant. Les mouvements étaient répétitifs et fatigants, ils faisaient taire son esprit tapageur. Mais un grondement inhabituel interrompit sa corvée matinale. La jeune femme se redressa en reconnaissant le galop d’un cheval. Elle courut jusqu’à un abri où elle attrapa une fourche, le cœur battant.
Elle ouvrit de grands yeux ronds en voyant Asha émerger de la forêt, juchée sur son cheval trempé de sueur. Leur regard de croisèrent et la soigneuse fut percutée par l’angoisse de sa fille.
— Il faut que tu m’aides ! cria la Sylvienne en bondissant au sol.
Elle portait son bébé dans ses bras. Le nourrisson était d’une pâleur effrayante et toussait faiblement.
— Eryn est malade !
1-
- Permettre la vie était une Loi autrement plus important (importante) que celle de prévenir le métissage.
- alors ce serait du fait des Esprits qui auraient renforcé (renforcés ?) l’emprise
- Kurtis s’approcha légèrement de la fenêtre pour observer un morceaux (morceau)
- Le ciel qui se parait d’étoiles étaient (était) imperturbable.
- Les yeux de sa fille, eux, était grand (grands ?) ouverts
- Il pensa qu’il n’y avait qu’une choses (chose) à faire
- Il voulait qu’ils puissent le voir le voir changer leurs règles. (Tu as mis 2 fois “le voir”)
- et tuer le plus grande (grand) nombre de proies en trois jours.
2-
- Un puissant coup de tambour résonna dans (l’) atmosphère rugissante,
- Elle reprit la chasse après avoir laisser (é) s’échapper la proie
- Le soir venue, (venu)
- il fallait qu’ils immobilisent le bovidé lancée (lancé”)
- entourée d’un groupe (de) personne. (Personnes)
- — Elle a réussi à éviter ke (le) gros de la charge,
- Beaucoup d’oiseaux s’étaient vus capturer les joues (jours) précédents
- accueillie par (des) exclamations joyeuses.
- Ces peintures langoureuses assortie(s) d’une danse magnifique
- une grande silhouette musculeuse soulignée par la lumière mouvante des flamme. (Flammes)
- (il) doit y en avoir de disponible pas loin.
- — Et voilà, lança Rhun en s’approcha. (S’approchant)
- mais au moment où, faut (faute) de mieux,
- qui sentit un puissante (puissant) frisson la traverser.
- qui parsemaient son épiderme frémissante.(sans e)
- Il lui rendit son regard avide, dès lors qu’elle sut qu’elle ne pourrait résister. Elle ondoya, soudain libérée par sa conscience. (“dès lors elle sut”)
- qui se découpait sur un morceaux (morceau) de ciel étoilé
- Les mouvements étaient répétitifs et fatigants, (j’aurais mis “ses”)
- Leur regard de (se) croisèrent
Remarques
1- Enfant, il n’avait pas beaucoup passé de temps avec lui, (j’aurais plutôt dit “il n’avait pas passé beaucoup de temps”)
2- Si elle gagnait celle-ci, elle serait sacrée grand vainqueur des Jeux. (Ne faut il pas mettre grand vainqueur au féminin du coup ? Ou alors c’est un nom propre dans ce cas il faut mettre des majuscules non ?)
Pour tout avouer Rhun était pas trop prévu dans l'intrigue à la base mais il a débarqué et il s'est incrusté j'ai rien pu faire x) comme Daïré en fait
Merci pour ta lecture et ton com' !
Je déconne, garde les si tu y tiens tant, c'est toi qui décides ! (mais bon hein, faut que t'aies conscience que pour le lecteur ça induit du négatif).
Au début je trouvais Oen nul d'être parti bouder, et a la fin, je trouve trop dommage que Keira le trompe, d'autant plus si c'est elle qui lui a demandé la fidélité. Tu déconnes Keira ! J'espère que Oen va pas le prendre trop salement, que ça va pas faire du drama et encore moins tout gâcher, je l'aime bien ce petit couple un peu boulet. :-(
Asha qui va demander de l'aide a Clerpute, ça m'énerve... mais en meme temps, maintenant ça me parait inévitable, elles ont le meme objectif.
Le pire c'est que cette histoire de tromperie était pas du tout prévue, mais Rhun s'est incrusté dans l'intrigue j'ai rien pu faire XD
Et oui...
Merci pour ta lecture et ton com' malgré ta Pal pleine