— Pose-la là.
Asha obéit, les bras tremblants. Elle devait se retenir de secouer Clervie qui paraissait bien trop calme. Elle aurait dû venir plus tôt, elle le savait. Pourquoi avait-elle pensé que ça passerait ? Eryn souffrait, et cet appel silencieux faisait vibrer tout son être. La jeune mère avait l’impression de suffoquer.
— Calme-toi, ça ne va pas faire avancer les choses de s’énerver, fit Clervie.
— Mais elle va mourir !
— Va marcher un peu, je m’en occupe.
La jeune femme serra les poings.
— Et qu’est-ce que me dit que tu ne vas pas enlever encore ma fille ? siffla-t-elle.
Clervie eut un mouvement de recul, une étincelle de culpabilité brilla dans ses iris. Elle se pinça les lèvres.
— Si tu ne me fais pas confiance, ne me la confie pas.
La Sylvienne répondit par un soupir rauque. Il fallait qu’elle se reprenne, qu’elle enfouisse son angoisse. Elle se tourna en tremblant.
— Je te fais confiance, déclara-t-elle d’une voix inégale. Mais je ne reste pas loin.
Elle sortit en frappant durement le sol de ses bottes de cuir. Elle alla retrouver Flaé qui était encore trempé de sueur. Il lui souffla une haleine chaude au visage. Il percevait son anxiété aussi sûrement qu’elle sentait la douleur de sa fille.
— Pardon, murmura-t-elle en grattant ses naseaux, je me suis emportée.
Soudain vidée de tout énergie, elle s’affaissa contre son cheval, posant son front contre son encolure.
— Je suis stupide.
Flaé poussa un hennissement furieux, comme s’il voulait la contredire. Cela lui arracha un faible sourire. Elle trouva alors la force de se redresser et de retirer la couverture de peau qui lui serait de selle.
— Va manger un peu, ça te fera du bien.
Le cheval secoua sa crinière et s’ébroua avant de trotter vers un carré d’herbe grasse. Asha le regarda paître, cette vision l’apaisait. Elle ne revint vers Clervie qu’une fois sûre qu’elle n’allait pas de nouveau déraper.
— Alors ? lança-t-elle en entrant dans la maisonnette.
Clervie affichait un air sérieux qui contrastait avec les crises de folie dont elle était capable.
— C’est le mal vert. Il traîne dans les environs, ça ne me surprend pas.
— Les Arsalaïs ont un traitement pour ça…
— Et je le connais. Mais ça ne marche pas à tous les coups, surtout sur les nourrissons.
Asha eut l’impression qu’on compressait son cœur.
— Fais de ton mieux, souffla-t-elle.
La soigneuse hocha vivement la tête.
— Compte sur moi.
Elle se détourna et se dirigea vers sa réserve de plantes. La Sylvienne s’assit sur une chaise, ses yeux inquiets évitèrent le bébé qui toussait toujours. Elle déglutit difficilement. Elle était une mauvaise mère, incapable d’affronter la douleur son enfant. Pour ne pas trop y penser, elle laissa son regard survoler la pièce.
La dernière fois qu’elle l’avait vue, elle fuyait en compagnie de Lohan. Elle posa son menton sur le dossier de la chaise. Elle avait envie de le revoir.
Clervie revint, chargée de feuille et de récipients en terre cuite. Elle commença sa préparation, ses gestes étaient vifs et efficaces.
— Tu as l’air de bien t’y connaître, remarqua Asha.
— J’ai eu l’occasion de m’entrainer ces derniers temps, répondit l’herboriste sans détourner les yeux de son travail.
— Ah oui ?
Clervie marqua un temps d’arrêt infime mais perceptible.
— Oui.
— Tu as guéri les villageois qui m’ont attaquée ?
Cette fois, la Porteuse se figea.
— Comment as-tu…
— Il n’y a pas grand monde dans les environs.
— Ce n’est pas ce que tu crois, je…
— C’est très bien.
Asha se força à sourire.
— Tu as bien fait, ils ne méritent pas de mourir.
Clervie lança un œil assassin aux plantes qu’elle manipulait.
— Je n’en suis pas si sûre.
— Bah, ce ne sont pas les premiers.
La soigneuse semblait agacée, Asha décida de se taire. Clervie était comme Lohan, finalement, elle s’indignait qu’on lui fasse du mal, alors qu’elle avait elle-même commis l’irréparable. La Sylvienne ne savait pas quoi penser de cette soudaine attention.
— Voilà, il faut laisser infuser maintenant.
— D’accord.
Asha sursauta quand Eryn se remit à tousser violemment. Elle ne put empêcher ses prunelles anxieuses de se poser sur son enfant. Elle bondit en avant pour la prendre dans les bras et la bercer, mais ses mains ne la tenaient pas aussi fermement qu’elle l’aurait voulu. Vite, penser à autre chose avant que l’angoisse ne s’empare de nouveau d’elle.
— Dis-moi…
Clervie leva la tête.
— Oui ?
— Pourquoi tu es partie ? Pourquoi tu as quitté la tribu ?
Son interlocutrice se tendit, son expression devint ombrageuse.
— Pardon, se reprit Asha, je ne voulais pas te…
— Non c’est bon, tu as le droit de savoir.
L’herboriste lança sa tête en arrière pour fixer son plafond de bois. Après un long silence, elle commença son récit d’une voix faible.
— C’est à cause de ma mère. Elle m’avait envoyée chez vous pour faire un enfant, je devais revenir juste après t’avoir mise au monde. Mais je ne l’ai pas fait. J’ai continué à vivre là-bas. Je suis de nouveau tombée enceinte, le temps filait tellement vite. Alors que l’accouchement approchait, ma mère a été capturée par les Hekaours. Elle était venue me retrouver, elle s’inquiétait.
Clervie s’humecta les lèvres. Son regard voguait sur des souvenirs lointains.
— Ils ont vite vu qu’elle était Maudite. Ils ont donc commencé à préparer l’Expurgation. J’ai dû improviser. Ce que je n’avais pas prévu, c’est que l’anxiété avait déclenché le travail. La poche des eaux s’est rompue, mais je n’avais pas fini de mettre en place mon plan. Alors…
Elle prit une inspiration difficile.
— Alors au terme de l’accouchement, j’ai feint ma mort. Je me suis servie de mon pouvoir pour persuader tout le monde que j’avais succombé. Ça a marché sur tous sauf…
Clervie sécha une larme au coin de son œil et renifla. Asha sentit son cœur s’emballer.
— Toi tu n’arrêtais pas de crier, de protester, de dire que je n’étais pas morte. « Maman est pas morte », c’est ta première phrase. Tu avais un peu plus d’un an. J’ai eu tellement de mal à rester de marbre, je… je voulais te prendre dans mes bras et te rassurer… À ce moment je… je savais que je ne reverrai pas…
Ses lèvres se tordirent, ses yeux fouillaient le décor sans se poser, elle demeura silencieuse un long moment.
— On m’a déposée dans la hutte des Défunts, les Arsalaïs étaient alors trop occupés par l’Expurgation. Je me suis sauvée dès que j’ai pu. J’ai… ton père, si tu l’avais vu…
Asha leva une main pour la poser sur l’épaule de sa mère. Elle tenta de transmettre une chaleur bienveillante à celle qui lui ouvrait son cœur. Clervie hoqueta, ses phrases hachées se paraient d’une douleur indicible.
— Je cherchais un moyen de libérer ma mère quand… quand la rivière est brusquement entrée en crue… Tous le monde s’est affolé, la cérémonie… a été suspendue… Pendant qu’on allait aider… ceux qui se faisaient emporter… j’ai libéré ma mère et je… je me suis enfuie avec elle… La hutte des Défunts a été emportée… dans la crue… Ils ont cru que mon corps… enfin, ça a été bien pratique mais… c’est là qu’Eamon, tu sais, le céil de Séla, est…
Asha fronça les sourcils. Elle ne voulait pas interrompre la jeune femme, mais elle ne put s’en empêcher.
— Comment tu le sais si tu as fui Munüt ?
— C’est… c’est Deren qui me l’a raconté…
— Mon grand-père ? Mais…
— Il m’a vue m’enfuir.
Clervie essuya ses joues, reprenant peu à peu la maîtrise de son expression.
— Quelque mois plus tard il est venu me trouver, apparemment il n’en avait parlé à personne. Il voulait me persuader de revenir. J'ai refusé bien sûr, mais le mal était fait : il était venu. Il a été bloqué par la barrière de ma mère. Il n’a jamais pu en sortir, il est mort de maladie deux ans plus tard. C’est lui qui a construit cette maison.
Asha prit une grande inspiration, les mots pénétraient son esprit, mais ils avaient besoin de temps pour s’y faire une place. Elle n’aurait jamais cru résoudre le mystère de la disparition du père d’Aedan en parlant avec Clervie.
— Mais… cette barrière, d’ailleurs, pourquoi ta mère l’a-t-elle posée ?
— En fait…
Clervie se pinça les lèvres.
— Elle l’avait créée pour que je ne puisse pas revenir. C’était le moment où elle m’a chassée pour que j’aille enfanter. Comme j’ai essayé de revenir, elle a mis la protection en place pour m’en dissuader. Quand je l’ai ramenée ici, la barrière n’était plus active mais… mais ma mère n’allait pas bien. Elle avait subi une partie du rituel d’Expurgation, elle divaguait. Elle était fiévreuse, elle avait des accès de violence, et elle hurlait de douleur comme si on continuait de la torturer. Un jour, alors que j’étais à son chevet… je… Elle m’a agrippée la main et elle m’a criée qu’elle voulait.. qu’elle voulait que je reste. Je pense que c’est là que la barrière s’est mise en place, mais dans l’autre sens… elle l’a fait inconsciemment. Et puis, elle s’est endormie. Et elle ne s’est plus jamais réveillée.
— Je vois…
Asha détailla les poutres qui soutenaient le plafond. Elle aurait dû y voir l’œuvre d’un Laevi, c’était évident.
— L’infusion est prête.
La jeune mère sursauta. Elle tendit son bébé pour que Clervie puisse lui administrer le remède, ses bras tremblaient encore.
— Voilà, il n’y a plus qu’à attendre désormais.
Asha hocha difficilement la tête, tentant de refouler son anxiété.
*
Keira s’éveilla doucement, les bribes d’un songe agréable se diluèrent dans la lumière qui filtrait par l’entrée de la tente. Elle inspira, une odeur musquée l’envahit. Elle se tourna vers Rhun qui dormait encore contre elle. Son cœur se mit à frapper ses tempes. L’espace d’un instant, elle avait cru que c’était Oèn. Cette confusion ramena son angoisse. Qu’elle avait été stupide.
Elle sursauta en sentant qu’on caressait ses cheveux. Rhun releva un peu la tête, un sourire groggy était visible sous sa barbe bouclée.
— Tes cheveux sont magnifique, souffla-t-il. Tu es magnifique.
Keira se détourna pour cacher le rouge qui lui montait aux joues. Derrière elle, le Rauraque se redressa et l’enlaça. Sa chaleur l’enveloppa avec une tendresse qui la transporta.
— On… on devrait aller se laver, bredouilla-t-elle en se dégageant.
Il enfouit une main dans sa propre tignasse indomptable.
— T’es bizarre ce matin, je t’ai pas plu, hier ? J’ai tout donné, pourtant.
— Non, ce n’est pas ça.
Il pencha la tête sur le côté avec une moue dubitative.
— Moi, en tout cas, j’ai rarement ressenti ça, déclara-t-il de sa voix profonde et chaude. Je suis complètement amoureux.
Keira se figea, elle voulut répondre mais les mots se dérobèrent. Au lieu de ça, elle saisit la coiffe de plumes qu’elle avait abandonnée dans coin ainsi que toutes ses autres parures.
— On devrait aller se laver, répéta-t-elle.
Rhun eut un long silence, elle se fit violence pour ne pas se retourner vers lui.
— T’as raison, finit-il par lâcher, avec cette peinture, on est tout barbouillés.
La jeune fille jeta un regard à sa peau, les arabesques ocres étaient désormais indiscernables, diluées et étalées aléatoirement sur son épiderme.
— Eh.
Elle leva les yeux vers le Rauraque qui lui faisait face. Même s’il n’était pas aussi grand que son père, il la dépassait largement. Il affichait un air sérieux, mais au fond de ses prunelles, une fêlure se démarquait.
— Si je t’ai fait mal, tu peux le dire, hein.
— Non, non.
Elle détourna les yeux et entreprit de remettre un à un ses bracelets.
— Au contraire, c’était…
Elle marqua une pause. Ça avait été magique. Elle se rendit compte qu’elle voulait passer une autre nuit avec lui.
— C’était bien. Très bien.
— Tu me rassures, dit Rhun sans vraiment paraître rassuré.
Il attrapa son pagne et ses propres ornements avant de la suivre à l’extérieur. La fraicheur et la clarté de l’aube les agressèrent. Keira frissonna, elle se rapprocha par réflexe de son partenaire. Ses joues s’emplirent encore de flammes, elle espérait que ça ne se voyait pas trop.
— Tu devrais la mettre, lança-t-il.
— Quoi ?
— Ta couronne. Tu devrais la mettre. Profite de ton triomphe, tu le mérites.
Elle lui jeta un regard en biais.
— Je ne veux pas paraître suffisante…
— Écoute, t’as gagné, même si ça me fait mal. Faut assumer.
— D’a… d’accord.
Elle noua la lanière de cuir qui servait à retenir la coiffe.
— Cette fois ta famille a gagné, mais ce n’est que partie remise, reprit Rhun.
— Comment ça ?
Il lui lança une œillade amusée.
— Tu n’es pas au courant ? Nos familles sont rivales dans les Jeux.
Elle fronça les sourcils.
— Je ne vois pas pourquoi, nos pères n’ont pas participé au même Sabbah.
— Oui mais y a ma mère ! Je t’explique : mon père, Andraz, a remporté les Jeux. Au Sabbah suivant ma mère, Mádha, s’est mise en tête d’accomplir cet exploit. Mais elle s’est heurtée à un adversaire féroce : ton père. Elle a failli gagner, mais il a réussi à lui arracher la victoire de justesse. Elle en a gardé une rancœur tenace. Alors elle m’a mis la pression pour que je te batte et la venge. Là, elle doit être furieuse.
— Mais c’est stupide…
Keira se rendit compte que ce qu’elle était en train de dire, elle stoppa net sa phrase en rougissant. Mais Rhun ne paraissait pas offensé le moins du monde. Au contraire, son sourire s’étalait sur toute la largeur de son visage.
— Qu’est-ce que tu veux, chacun ses lubies. Je parie que quand nos enfants concourront, si elle est encore vivante, elle viendra les encourager. C’est pour ça qu’elle est venue cette année d’ailleurs.
Cela laissa la jeune Laevi pensive. Ils marchèrent en silence jusqu’à la rivière. À cet endroit, le cours s’élargissait et offrait sur son flanc une large plage de galets qui était devenu le lieu officiel des bains publiques. Une centaine de personne se lavaient déjà ici tandis que des enfants profitaient des eaux peu profondes jouer loin du rivage.
Keira attrapa un des linges qui étaient mis à disposition des baigneurs. Elle enleva de nouveau ses parures non essentielles et s’immergea jusqu’aux genoux en ignorant la morsure glacée des flots. Elle se frictionna le corps pour faire disparaître les marques rougeâtres avant de se rincer les cheveux. Au milieu des bruits d’éclaboussures, elle n’entendit pas Rhun s’approcher. Il l’entoura de ses bras avec une infinie douceur. Elle se figea, sentant un frisson ardent remonter son échine.
— Désolé, souffla-t-il en arrosant sa nuque d’un souffle brûlant. Je ne peux pas m’en empêcher.
Sa voix était caressante, langoureuse. Elle fut prise de l’envie de répondre à son étreinte. Mais un éclat de voix la glaça.
— Je peux savoir ce que tu fais ?!
Elle se tourna brusquement vers Oèn qui avançait vers eux à grandes foulées furieuses.
— Éloigne-toi d’elle, siffla-t-il en direction de Rhun.
Ce dernier lui servit un regard moqueur.
— Et en quel honneur ?
— C’est ma compagne !
— Et alors ? J’ai passé la nuit avec elle, je ne vois pas le problème.
— Quoi ?!
Oèn tourna un visage choqué vers Keira qui eut l’impression de se liquéfier.
— Je…
— Calme-toi, coupa Rhun, on a juste mêlé nos âmes une fois. T’avais qu’à être là hier.
Le poing d’Oèn fusa vers lui. Il le stoppa au dernier moment et se prépara à contre-attaquer. Keira bondit vers eux, elle donna un coup de coude dans le poignet de Rhun tout en repoussa Oèn avec son pied.
— Arrêtez !
Les deux jeunes hommes la fixèrent, surpris. Mais Oèn se reprit bien vite.
— C’est toi qui as voulu qu’on soit fidèles l’un envers l’autre, et j’ai accepté parce que je t’aime ! Mais toi, tu te moques de moi !
— Ce n’est pas ça, c’est…
Aucune excuse ne vint à ses lèvres, elle fuit piteusement le regard ourlé de larme de son compagnon.
Ce dernier essuya rageusement ses yeux et se détourna. Il s’éloigna, la démarche lourde.
Keira accrocha ses prunelles aux galets qui gisaient à ses pieds. Elle se sentait engourdie. Mais la main chaude de Rhun brisa cette langueur coupable.
— Je ne comprends pas… vous vous êtes jurés fidélité ?
Elle hocha simplement la tête, les larmes ne laissaient pas la place aux mots.
— Ah…
Il gratta pensivement sa barbe rousse.
— Dans ce cas, je suis désolé. J’espère que vous pourrez vous rabibocher. Mais sinon… heu… Moi je serai là pour toi.
Sur ces derniers mots hésitants, il se détourna et partit se laver à l’autre bout de la plage. Les sanglots étreignaient la jeune fille qui eut bien du mal à se préparer correctement. Sur sa tête, sa couronne victorieuse pesait soudain lourd.
*
Keira prit une interminable inspiration. Les yeux fermés, elle fit taire l’angoisse qui secouait son cœur. Puis, elle ouvrit lentement les paupières et avança à pas mesurés vers Oèn, assis en compagnie des autres membres de leur tribu.
— On peut se parler ? lança-t-elle d’une voix qu’elle espérait calme. Seuls à seuls.
Il lui jeta un regard méfiant, mais hocha la tête. Il se leva, raide, et la suivit jusqu’à l’ombre d’un large frêne. L’obscurité était dense sous le feuillage de la forêt. La nuit venait de tomber, accompagnant le début de la célébration d’une union. Dans trois jours devait se tenir la leur.
— Qu’est-ce que tu veux ? lâcha Oèn.
Malgré la pénombre, elle voyait clairement qu’il évitait son regard.
— Je voulais m’excuser à propos de ce qui s’est passé.
— Tu peux.
Elle avait peine à contenir le tremblement de ses membres. Elle tournait et retournait une de ses tresses de ses doigts nerveux.
— Je… je voulais aussi te parler de notre union.
L’anxiété cingla dans l’esprit du jeune homme, ravivant la sienne. Elle tenta d’obstruer le Lien pour ne pas se laisser influencer, en vain.
— Je… je me suis dit que… enfin… que nous sommes peut-être allés trop vite.
Le silence atterré qui accueillit sa déclaration rendit ses appuis instables. Elle se mit à se dandiner avec l’impression nette que ses jambes ne la soutiendraient pas bien longtemps.
— Je me suis dit que nous devrions peut-être… heu… repousser l’union.
— Tu… ne veux plus de moi pour élever tes enfants ?
La voix brisée d’Oèn perça les tympans de Keira. Elle discernait à peine ses traits dévastés, mais ce qu’elle percevait en provenance du Lien suffisait à creuser un gouffre dans la poitrine.
— Ce n’est pas ça ! Je me dis juste qu’il… qu’il faut nous laisser du temps. J’ai mon totem depuis moins d’un an, toi tu n’as pas encore le droit de procréer… On est pas pressés…
— Mais pourquoi ?
— Pour mûrir, on est… on est pas encore assez matures pour ça, les enfants, c’est tellement loin…
— Mais ça n’a pas de sens, c’est une occasion unique ! S’unir face à des milliers de personnes, recevoir la bénédiction de l’Élue, on n’aura peut-être une seconde chance !
— Je ne fais pas ça pour la bénédiction de l’Élue !
Elle se força à ralentir son souffle effréné.
— On s’en fiche de ça, je veux juste que ce soit une décision mûrement réfléchie…
— Tu veux surtout avoir la possibilité de changer d’avis, jeta Oèn d’un ton amer. Tu ne veux pas être coincée avec moi pour le restant de tes jours alors que tu pourrais te mettre avec ce Rauraque.
Cette remarque la blessa aussi sûrement qu’un coup de poignard. Et elle savait, qu’au fond, c’était parce qu’il avait raison. Elle baissa la tête, chercha ses mots, mais ils s’entêtaient à fuir ses lèvres.
— Je vais prévenir Padraig que le céil prévu a changé, siffla Oèn.
— Non, arrête !
Elle l’attrapa par le bras, ce contact fut à la fois brûlant et glaçant.
— Je t’aime toujours, ce n’est pas la question ! Mais on ne sait pas ce dont demain sera fait ! s’écria-t-elle d’une voix affolée.
Son compagnon afficha un visage encore plus sombre que la nuit.
— Tu es la femme de ma vie, souffla-t-il, j’en suis certain. Je ne veux élever les enfants d’aucune autre. Mais si ce sentiment n’est pas partagé, alors soit. Nous ne nous unirons pas.
Il se dégagea avec une violence étrangement douce et rejoignit l’assemblée de Laevis, la tête basse.
Keira se jeta contre le tronc du frêne sans plus réfréner ses sanglots. Elle tenta de se persuader que c’était la bonne décision, en vain.
*
— Elle est tirée d’affaire.
Asha eut l’impression de se dissoudre dans l’air, de s’éparpiller dans le ciel dans une légèreté infinie. Elle posa un regard libéré sur sa fille, qui bien que faible, avait nettement repris des couleurs. Un sourire immense s’épanouit sur son visage. Lorsqu’elle releva la tête vers Clervie, elle n’y vit plus celle qui l’avait violée, mais celle qui avait sauvé son enfant. Alors, comme un réflexe qu’elle n’avait réussi à oublier, elle l’étreignit force. L’herboriste frémit, se tendit, puis se laissa couler dans cette chaleur reconnaissante.
— Je n’ai vraiment pas de mérite, souffla-t-elle quand elles se séparèrent.
— Ne me fais pas l’offense d’être modeste, en plus.
— Tu sais…
Clervie recula, se frictionna le bras. Ses yeux fuyaient ceux de sa fille.
— C’est très égoïste, mais je suis contente que tu aimes ce bébé que tu n’as pas voulu… L’amour, c’est ce qui rend les gens sains…
Le sourire d’Asha se fit moins éclatant, mais elle le maintint sur son visage.
— Je comprends. Elle est la cause de beaucoup de mes ennuis, mais ce n’est pas sa faute. Je refuse d’en vouloir à ceux qui m’ont vraiment fait du mal, alors je ne vais pas punir un être qui n’a rien demandé. Et puis, regarde-moi cette bouille, c’est impossible de résister.
Pour illustrer son propos, la jeune mère se pencha sur sa fille et lui caressa la joue. Le nourrisson se mit à sourire. C’était la première fois depuis qu’elle était tombée malade. Asha sentit quelques larmes cristallines lui chatouiller les yeux.
— Tu vois, je ne peux pas ne pas l’aimer. C’est aussi simple que ça.
Elle prit doucement l’enfant dans ses bras et effectua quelques pas de danse pour le bercer. Clervie l’observait sans mot dire, mais dans ses prunelles coupables brillaient l’admiration.
Asha s’immergea dans son Sanctuaire. Au pied du vieux chêne, la fleur azurée presque fanée avait retrouvée toute sa splendeur. L’étoile timide qui ornait le ciel était désormais éblouissante.
Ce fut en contemplant sa voûte céleste presque vide que la jeune femme remarqua la défaillance de l’une des rares étoiles qui la peuplaient. Elle semblait rabougrie et agitée, presque invisible sur le fond abyssal de la nuit. C’était celle de Lohan.
Asha sentit une nouvelle angoisse naitre en elle. Elle tendit des doigts pâles vers la lueur incertaine, se projetant vers cette âme. Aussitôt, l’anxiété et la colère la percutèrent.
Elle balaya la plaine déserte du regard, le vent rugissait et soulevait des nuages acérés de cendres.
— Asha !
Elle se tourna vers la silhouette sombre de Lohan. Il ne fit pas un geste vers elle, sans doute ne parvenait-il pas à la voir. Mais il sentait sa présence.
— Pourquoi ? lança-t-elle vers l’ombre immobile.
— Enfin, j’arrive à te contacter ! Il faut absolument que je te dise quelque chose !
— Quoi ? le pressa-t-elle, sentant que la réponse n’allait pas lui plaire.
— Tu as rejoint les tiens ?!
— N… non... Pourquoi ?
— Adhara a décidé de lancer une offensive sur ta tribu, elle a trouvé un moyen de l’atteindre. C’est pour dans cinq jours maintenant ! Enfuis-toi !
La plaine recouverte de cendres, les hurlements du vent, la vision de Lohan, debout dans la tourmente, tout se dilua. Asha eut à peine le temps d’entrevoir son propre Sanctuaire avant qu’elle ne soit violemment repousser dans la réalité.
Elle s’immobilisa brusquement, faisant grimacer Eryn. Clervie lui jeta un regard intrigué auquel elle répondit par des iris atterrés.
Les battements de son cœur secouaient tout son être.
- — Et qu’est-ce que (qui) me dit que tu ne vas pas enlever encore ma fille ?
- — Et qu’est-ce que me dit que tu ne vas pas enlever encore ma fille ? (J’aurais inversé “encore” et “ enlever”)
- incapable d’affronter la douleur (de) son enfant.
1-
- — Quelque (quelques) mois plus tard il est venu me trouver,
- C’était le moment où elle m’a (m’avait) chassée
- Elle était fiévreuse, elle avait des accès (excès ?) de violence,
- qu’elle avait abandonné dans (un) coin ainsi que toutes ses autres parures.
2-
- Keira se rendit compte que (de) ce qu’elle était en train de dire,
- qui était devenu le lieu officiel des bains publiques. (Publics)
- Une centaine de personne se lavaient (se lavait) déjà ici
- es enfants profitaient des eaux peu profondes (pour) jouer loin du rivage.
- sentant un frisson ardent remonter son (sur ????) échine.
- Sur sa tête, sa couronne victorieuse pesait soudain lourd.
- on n’aura peut-être (pas ) une (et j’aurais plutôt dit “de”) seconde chance !
- elle l’étreignit (avec) force.
- Clervie recula, se frictionna (frictionnant ?) le bras.
Remarques
1- Elle ne voulait pas interrompre la jeune femme, (j’ai pas bien compris quel âge avait Clervie je crois)
2- — Tu me rassures, dit Rhun sans vraiment paraître rassuré. (La répétition de “rassurer” je sais pas si c’est fait exprès mais c’est moche)
Et oui, dans les disputes, personne n'a tort ou raison, c'est un peu des deux à la fois (même si c'est Keira qui est à l'origine du désaccord), c'est justement ce que je voulais illustrer^^
Merci pour ta lecture et ton com' !
Et quand Keira veut annuler le mariage (je pense qu'elle a pas tort) il insiste pas comme un gros lourd : elle veut pas, ça se fera pas, point. Et c'est pas parce qu'il rage qu'elle l'ait trompé, c'est parce qu'elle a changé d'avis, ce qui est une raison indiscutable. (mais je comprends qu'il soit vénère, et il a le droit). Quel brave garçon ce Oen, je l'ai toujours dit ! (ou pas... xD)
et Rhun il me soule, il a brisé le couple ça me vénère, mais en meme temps je trouve que lui aussi il réagit pas si mal "ah vous êtes fideles ? bon bah j'insiste pas alors". Je trouve que les relations sont plutôt saines, ce qui n'empêche pas le drama.
#teamsanglier
Trop fière de Lohan qui a prévenu Asha ! j'espère qu'elle pourra prévenir sa tribu a temps T.T j'ai peur, je veux pas qu'il y ait des morts !
Alorkomanteudir...
Merci pour ton com' Sorryfounette, ça fait toujours plaisir !