Chapitre 11 : Revenants - Kelas

Notes de l’auteur : Merci d'avoir suivi l'aventure jusqu'ici ! J'espère que vous avez pris du plaisir à la lecture (=

Trois jours après la prise de masque de Sangel, forêt au sud d’Igle

Kelas

Les chiens aboyaient à l’extérieur, mal contenus par mes sergents de chasse. Dressés à la traque du sanglier, ils ne pouvaient comprendre pourquoi je m’étais arrêté alors que nous suivions une belle piste. Pour ces bêtes, la chapelle où j’étais entré n’était rien de plus qu’un amas de pierre à contourner en poursuivant une proie. Ils ignoraient la signification particulière que ce petit édifice au milieu de bois avait pour moi. Adolescents, Renzya, Anastor et moi en avions fait notre point de repère pour nos jeux ou escapades, notre refuge lorsque la pluie s’abattait sur les bois. Nous y avions même passé une nuit entière lors d’un orage estival.

Après le départ de mon frère et de ma sœur pour Twelzyn et des mariages royaux, je n’avais plus osé me rendre à la chapelle pendant des années. J’avais peur d’y revoir mes souvenirs d’une jeunesse perdue, un rappel de ma solitude à la tête de ma cité. J’y étais revenu aux dix ans de Delmeron, alors que j’emmenais mon fils aîné pour sa première chasse. Je lui avais raconté de nombreux souvenirs de mon enfance et il m’avait écouté avec fascination.

Je m’agenouillai au pied des statues des dieux, joignis les mains comme me l’avait appris ma mère puis fermai les yeux. Comme à chaque fois que je m’offrais à la prière, ma respiration se calma peu à peu, mes muscles tendus par la chevauchée se relâchèrent. Une fois disposé, je confiai mes intentions à Jelelnia, déesse de la chasse, petite-fille du père des dieux et protectrice de la famille Igis. Chère déesse, je vous implore d’offrir à la reine défunte le repos qu’elle mérite. Aidez-la à rejoindre les Fontaines Intarissables. C’était une femme de bien, une mère exemplaire et courageuse. Allez prier le grand Noregon de rendre la justice, que son meurtrier soit puni selon sa volonté. 

Je voudrais aussi te confier le destin de mon fils, parti pour Vicène. Je m’inquiète pour lui, dans cette ville étrangère. J’ai toujours cru qu’il serait mon héritier, qu’il prendrait ma place quand je ne pourrais plus l’assurer. Il a toujours été un fils parfait, son départ m’a brisé le cœur. Je sais que j’aurais pu le retenir, le forcer à assumer son rang. C’est ce que mon père aurait fait si j’avais tenté de le défier dans ma jeunesse. Mais je n’ai pas pu. Je ne voulais pas être ce genre de père pour lui. Puisse mon petit Delmeron être heureux et faire le bien là où il est. Et bien égoïstement, chère déesse, j’aimerais que tu m’offres la chance de croiser bientôt son chemin.

Après avoir offert ces intentions, je remerciai la déesse pour tout ce qu’elle avait accompli pour moi. Chère déesse, je te remercie d’avoir fait à nouveau tomber la pluie sur nos campagnes. Puissent de nouvelles précipitations irriguer nos terres, le pays en a besoin. Je te remercie de m’avoir donné une épouse si exceptionnelle et deux enfants si beaux. Je te remercie de m’avoir donné Igle et ses habitants, je tâche de me montrer à la hauteur de cet honneur. Pardonne mes trop nombreuses erreurs.

Je demeurai immobile encore quelques minutes avant de me redresser. Je saluai du visage la statue de Jelelnia puis tournai les talons. En dix pas, j’étais dehors et ma présence fit hurler les chiens. Je réajustai ma cape, resserrai mes bottes puis avançai jusqu’à ma monture du jour, un étalon à la robe grise. Une fois en selle, j’interrogeai mon sergent de chasse :

— Où est Azelia ?

Mon interlocuteur haussa les épaules en fuyant mon regard.

— On ne l’a plus vue depuis au moins une demi-heure, quand elle a commencé à suivre la piste seule.

Je soufflai devant cette réponse prévisible. Depuis que j’avais offert un chien de chasse à Azelia, ses velléités d’indépendance allaient de mal en pis. Nous étions partis ensemble à l’aube et je n’avais pourtant pas l’impression d’avoir passé du temps avec elle. À l’aube de ses seize ans, elle me rappelait de plus en plus Renzya avec son caractère de fer et son adresse à la chasse. D’un geste de la main, je relançai la battue. Ma fille saurait bien nous retrouver seule.

Nous étions lancés au trot sur un chemin parallèle à la rivière quand le cor sonna. À la pureté de son, je reconnus aussitôt l’instrument d’Azelia. Ma fille devait avoir trouvé une proie de valeur pour ainsi m’appeler. Son appel venait de l’est et je rameutai les chiens et traqueurs dans cette direction. Je haranguai la meute, heureux d’enfin toucher au but. Les chiens sentirent mon excitation et se répandirent en aboiement furieux. L’hallali était imminent.

Cette ambiance si particulière me fit ressentir à nouveau des sensations de ma jeunesse. L’excitation du chasseur, la jouissance d’un final plein de tension après des heures de traque, le soulagement d’un dénouement sans cesse repoussé par les manœuvres de fuite de la proie. Que je regrettais de ne plus avoir Renzya et Anastor à mes côtés en un tel instant… Avec eux, s’ajoutait à ces sensations le frisson du risque, car ensemble, nous bravions l’interdit. Notre père nous avait défendu de chasser, une activité aussi futile que dangereuse à ses yeux. Lui ne jurait que par la science militaire, la conduite des armées.

Je regrettais souvent cette époque de liberté. En devenant le seigneur d’Igle, j’avais dû devenir l’homme noble, soigné, rangé et raisonnable que réclamait le peuple. Ainsi s’était réalisé contre mon gré la volonté de son père. Épouser Zinia, une roturière, avait été mon dernier acte libre avant sa mort. Dans notre mariage heureux et la naissance de mes deux enfants, j’avais pu goûter à un autre épanouissement.

Une deuxième sonnerie de cor retentit dans les bois. Elle m’inquiéta : jamais Azelia n’avait sonné deux fois jusqu’alors. Quelle signification pouvait avoir ce son sinon un appel à l’aide ? Je pressai ma monture, à la limite du galop, ignorant le danger que cela représentait au milieu des bois. Je voulais me rassurer le plus vite possible. Mes traqueurs ne purent suivre mon allure et je me retrouvai bientôt à cavaler seul au milieu de mes chiens. Je ne tirai ma bride qu’en arrivant au sentier battu où Azelia aurait dû m’attendre si elle voulait m’indiquer une proie. Il n’y avait personne. Je sonnai mon propre cor en hurlant le nom de ma fille.

Seul le silence des bois me répondit. Je sentis les battements de son cœur s’accélérer avec l’angoisse. Je repensais aux meurtres de Gorvel, Livana, à l’enlèvement du prince Drakic, à l’attentat des masqués. Si Afener avait été condamné pour ces crimes, Giadeo identifié comme un traître et si ces tristes évènements avaient tous eu lieu à Twelzyn, il ne m’en restait pas moins une effroyable angoisse. Même si personne n’était derrière la disparition de ma fille, un accident avait pu advenir. Ayant perdu deux doigts face à une louve, je connaissais mieux que quiconque le danger que représentait un animal blessé.

— Azelia! hurlai-je à nouveau.

Ce ne fut pas ma fille qui me répondit mais une voix inamicale dans mon dos.

— Silence ! Votre fille va bien.

En me retournant, je découvris avec hébétude la figure d’un homme robuste aux cheveux blancs qui me menaçait de son arc. Un petit masque en poils de lapin lui couvrait le haut du visage. Ses lèvres se tordaient en un rictus déplaisant. Il paraissait prendre du plaisir à menacer l’un des hommes les plus puissants du royaume. Se pouvait-il qu’il ait tenté de prendre Azelia en otage ?

— Présentez-vous ! intimai-je en dégainant ma lame.

Plusieurs de mes compagnons m’avaient rejoint et avaient sorti leurs armes, prêts à en découdre au moindre faux pas du masqué.

— Doros. Pour le reste, on verra plus tard, monseigneur. Lâchez votre épée, je vous ai dit que votre fille allait bien. Pour tout vous dire, continua le masqué d’une voix sarcastique, j’attendais plus de sang-froid de la part du légendaire Six-Doigts.

Six-Doigts. Il ne se passait pas une semaine sans que ressurgisse ce vieux surnom. J’en avais perdu un en tournoi, deux à la chasse et le dernier lors de mes années à la Garde Orpheline. Cela impressionnait toujours les gens de voir ma main droite qui ne gardait que le majeur et l’index. Comme si perdre quatre doigts faisait de moi un héros. Alors qu’ils m’avaient simplement fait devenir un piètre bretteur obligé d’utiliser la main gauche.

Sans lâcher mon arme, je me composai une voix autoritaire et demandai sèchement :

— Où est ma fille ?

­— Combien de fois devrai-je vous répéter qu’elle va bien ? Lâchez cette arme si vous voulez qu’on discute.

— Qui t’a donné le pouvoir de commander ?

— Et toi ? rétorqua le vieil homme, provocateur. Seulement le nom de ton père ! Lâche cette arme, Kelas Igis !

— Fais-ce que te dit Doros, appuya une nouvelle voix.

Cette voix ! Je pivotai et reconnus stupéfait la silhouette de mon frère qui arrivait à cheval. Je n’avais plus vu Anastor depuis plus de cinq ans et voilà que je retrouvais mon cadet disparu au beau milieu des bois. L’ancien époux de Sarvinia avait beaucoup changé depuis notre dernière rencontre. Ses cheveux noirs avaient poussé jusqu’en dessous des épaules, son teint avait bruni et surtout, un masque argenté agrémenté de plumes grises lui couvrait le haut du visage, ne découvrant que les yeux.

— Anastor !

— Je suis heureux de te revoir mon frère. J’aurais aimé que ce soit plus tôt mais ça n’aurait pas été très prudent.

J’aurais voulu sauter à terre et prendre mon frère dans les bras, lui offrant une des vigoureuses étreintes dont j’avais le secret. Cependant, Anastor semblait accompagner le vieil homme qui nous menaçait de son arc et je ne savais rien de ses intentions. Se pouvait-il que les masqués aient endoctriné mon frère ? J’ordonnai :

— Dis à ton homme de lâcher son arc et dis-moi où est ma fille !

D’un signe, Anastor intima à Doros de baisser son arme ; ce dernier s’exécuta en maugréant. Puis il répondit d’une voix calme :

— Azelia nous attend au camp, tu vas la voir bientôt. Il me fallait un otage pour être sûr que tu me suives, j’en suis sincèrement désolé.

Doros siffla et une jument baie accourut. L’archer monta en selle et donna le signal du départ. Anastor claqua ses genoux contre le flanc de sa monture et je le suivis de mauvaise grâce, suivi par les miens. Je rangeai mon arme, m’assurai que tous en faisaient de même. J’ignorais où me menait mon frère mais il me semblait avoir entendu dans sa voix des restes de notre amour fraternel. J’étais presque certain de pouvoir lui accorder ma confiance.

Je hâtai ma monture pour arriver à hauteur d’Anastor. Enfin, j’avais l’occasion de poser la question qui m’avait brûlé les lèvres pendant tant d’années. Cette question si insoluble qu’elle m’avait maintes fois empêché de trouver le sommeil. Cette question que s’était posée l’ensemble des habitants du royaume :

— Petit frère, pourquoi as-tu quitté Sarvinie il y a cinq ans ? Tu allais devenir le roi consort.

— Je ne comptais pas t’en parler si vite mais puisque tu me poses la question… Ce n’est un secret pour personne qu’avec Sarvinie nous ne sommes jamais beaucoup entendus. Lorsqu’Arnic est né, elle ne m’a presque plus jamais visité. Je lui avais donné un héritier alors je pouvais bien aller me faire foutre. Mais ça ne m’a jamais posé problème, il y avait des gens bien à Twelzyn. J’aimais beaucoup le petit Arelic, c’était un bon garçon, travailleur et courageux. Je joutais souvent avec lui et ses cadets étaient aussi des anges, bien élevés et tout.

J’appréciais aussi beaucoup l’héritier de la couronne, même si je ne l’avais rencontré qu’à de rares reprises. Le tragique destin des deux enfants de Caric me serrait encore le cœur, même après cinq ans. J’avais en personne mené plusieurs expéditions punitives contre les Maitir qui les avaient assassinés, tué plusieurs chefs de tribus de mes propres mains.

— Leur mort a été une tragédie terrible pour le royaume, répondis-je. Si Sarvinie ne s’y était pas opposée j’aurais mené la guerre aux Maitir jusqu’à ce que ce peuple maudit s’éteigne !

— C’est pire que ce que tu imagines. Bien pire.

Anastor baissa les yeux vers sa selle, comme si les mots qu’il prononçait avaient le poids de pierres. Il reprit :

— C’est Sarvinie qui a fait assassiner Arelic et Tenic. Les enfants de son frère. C’est grâce à ce meurtre qu’elle est devenue reine.

— QUOI ?

Non, je ne pouvais croire cette affirmation folle, je ne pouvais m’être laissé berner par la reine pendant si longtemps. Une telle injustice n’avait pu réussir aussi facilement.

— C’est impossible, protestai-je, Renzia n’aurait jamais laissé faire ça.

— La Renzia que tu connaissais n’existe plus Kelas. Notre sœur a suivi Sarvinie dans sa folie, elle s’est damnée.

— Mais pourquoi ?

— Sarvinia l’a rendue complètement folle. Renzia est tombée sous sa coupe depuis longtemps. Je te le répète : notre sœur n’est plus.

Lentement, l’assurance que les dires d’Anastor étaient vrais s’insinua en moi. Sa voix avait trop d’accents de vérité pour que je l’ignore. Ainsi, j’avais laissé Sarvinie tuer des enfants, usurper le trône près de cinq ans… Comment avais-je pu me montrer aussi aveugle ?

— Pourquoi n’es-tu pas venu m’en parler ? Tu sais que la porte d’Igle t’est toujours ouverte. Pourquoi rejoindre les masqués ?

— À partir du moment où je connaissais la vérité, ma vie était en danger. Sarvinie m’aurait poursuivi jusqu’à Igle, j’en suis certain. Cette femme était dangereuse, elle aurait été capable de mener la guerre en son propre royaume pour garder le trône. Je ne voulais pas que des milliers de gens meurent par ma faute. Seuls les masqués étaient capables de me protéger. C’était une décision difficile, vraiment.

— Sarvinie n’est plus, le roi est Arnic à présent. Tu veux mener la guerre contre ton propre fils ?

— Arnic est plus le fils de Sarvinie que le mien. Et quand tu sauras l’ampleur de sa lâcheté, tu comprendras mon choix.

— Qu’as-tu fait pendant tout ce temps ? 

— J’ai travaillé à la cause, expliqua Anastor. J’exerçais comme guérisseur en arpentant le pays tout en rassemblant de l’argent et des soutiens. J’ai aussi rencontré une femme et je me suis marié.

— La cause ? Pourquoi reviens-tu maintenant ?

Le visage d’Anastor reprit un peu de vigueur avec cette question :

 — Je veux te présenter mon épouse. Elle t’expliquera tout. Je pense que tu seras heureux de la revoir.

— Je la connais ?

Je fouillai dans ma mémoire, tentant de me rappeler une femme de l’entourage d’Anastor qui aurait rejoint les masqués.  Il y avait la dame d’honneur de son mariage, l’intendante des bois de l’est, la collectrice d’aumônes de l’église du montEn y réfléchissant, je réalisai que nombre de mes proches avaient rejoint la mouvance masquée lors des cinq dernières années. Toutefois, aucune des femmes auxquelles je pensais ne me convainquit particulièrement. Laquelle avait bien pu conquérir le cœur de mon cadet ?

— Tu ne trouves pas ?

— Comment le pourrais-je ? m’agaçai-je.

— Je t’ai connu plus perspicace mon frère. Que dirais-tu d’une petite devinette ?

Je n’appréciais guère l’air moqueur sur le visage d’Anastor qui s’amusait de mon impuissance.

— Mais de qui veux-tu parler à la fin ?

— Elle est de quatre ans ma cadette, veuve. Née loin à l’est, elle fut mariée de force à un homme déjà vieux, elle a toujours paru plus jeune que son âge. Tu l’appelais dame nuit à cause de ses robes noires.

Dame nuit ? Non, c’était impossible. Elle était morte et Renzya m’avait dit avoir vu son cadavre… Trop choqué pour prononcer un mot, je laissai mon frère achever sa devinette, immobile.

— Tu ne trouves pas ? Tu as toujours été mauvais pour les devinettes. De la famille Vertis, sœur de la dame de Lagen Icase, mère d’Arelic et Tenic, son nom est…

Anastor laissa planer sa phrase en suspension en se délectant de ma figure ahurie. Je me sentis pris de tournis, la gorge sèche, je ne parvenais pas encore à réaliser les conséquences de ce que j’avais appris. Aujourd’hui j’avais vu revenir un frère disparu et appris qu’il avait épousé une morte… Anastor livra la réponse d’une voix fanfaronne : 

— Son nom est Etelia Vertis.

 

Lorsque nous étions arrivés au campement masqué, j’étais encore abasourdi par la violence des révélations d’Anastor. Comme il me l’avait promis, Azelia m’y attendait, choquée elle aussi par le retour de son oncle. Les masqués m’avaient invité à les suivre, disant que la Dame d’Étain m’attendait. J’avais peu à peu compris que c’était ainsi qu’ils appelaient Etelia. Ils m’avaient emmené jusqu’à une grande clairière.

Deux rangées de masqués armés jusqu’aux dents tenaient de grandes torches qui chassaient l’obscurité du soir. Seul le crépitement des flammes troublait le silence. Au bout du chemin de lumière, Etelia attendait, assise sur un siège sommaire. Dans la nuit, elle en imposait dans son ample robe noire mais le vêtement ne suffisait pas à cacher sa jambe de bois. Malgré sa silhouette légère, son maintien élégant, son masque fin et ses courbes avantageuses, mon regard fut happé par le masque d’étain qui lui couvrait tout le visage. Elle portait le regard vers la voûte étoilée, s’imaginant peut-être que ses enfants perdus l’observaient de là-haut.

Je marchai vers la reine déchue suivi par Azelia, bouleversé par ces retrouvailles. Anastor m’avait appris sur le chemin que Sarvinie avait livré Etelia à des chiens furieux pour la mettre à mort, qu’elle n’avait dû sa survie qu’à son intervention. Elle avait décidé de couvrir son visage défiguré d’une plaque d’étain qui lui avait valu son surnom. Cependant, au-delà de l’horreur, j’étais submergé par la joie de revoir une femme que j’avais cru perdue. Quand j’arrivai devant Etelia, je m’agenouillai en baissant les yeux :

— Ma Dame. J’ai si honte de me présenter à vous alors que je n’ai rien fait quand vous aviez besoin de moi, alors que j’ai servi une usurpatrice pendant tant d’années. Je viens quémander votre pardon, au nom des miens, d’Igle, de tout le royaume. Nous avons laissé les héritiers de la couronne se faire tuer par une folle et pire, nous n’avons pas puni son crime. À présent, chacun des jours où Sarvinia est restée sur le trône pèse de tout son poids sur ma conscience.

La voix d’Etelia me répondit doucement :

— Kelas, je suis heureuse que tu sois là. J’ai attendu ce moment si longtemps… Cinq années de fuite, à travailler dans l’ombre, réunir les masqués, libérer les opprimés, trouver armes et soutiens. J’ai souvent cru que nous n’y arriverions jamais. Mais quand je te vois, je comprends que nos sacrifices n’ont pas été vains. Avec ton pouvoir, l’armée d’Igle, Arnic devra entendre notre voix. Nous avons son fils, le soutien de l’Église, ce n’est plus qu’une question de semaines avant que je retrouve mon trône. 

Je plantai ma lame aussi profondément que possible dans le sol sec puis répondis :

— Majesté, soyez certain que je vous soutiendrai de toute ma force. Rien de ce que je peux vous offrir ne vous rendra vos enfants. Je le regrette. Cependant, je veux vous donner mon cœur et ma lame, je veux vous donner le trône qui vous revient, je veux vous donner la vengeance à laquelle vous avez droit. Devant les dieux, devant ma fille et devant mon frère, je vous le jure : mon bras ne connaîtra pas le repos tant que le prix du sang d’Arelic et Tenic n’aura pas été payé et que la reine légitime n’aura pas retrouvé son trône. Les femmes et les hommes d’Igle seront à vos côtés pour les défis qui nous attendent, je me tiens garant de leur bravoure.

Etelia se leva avec peine de son siège, puis se pencha pour déposer un baiser sur mon front, scellant ma promesse. Ce contact physique m’émut aux larmes. Puis elle me murmura :

— Kelas, l’Histoire n’oubliera pas ton courage. Relève-toi. 

Je m’exécutai aussitôt, mon visage se retrouva à seulement quelques centimètres de celui d’Etelia. Je tirai mon épée du sol et l’élevai vers la lune en criant :

— La reine est de retour ! 

J’entendis le bruit des lames sorties des fourreaux avant que retentisse une puissante clameur :

— La reine est de retour !

Je levai à nouveau mon épée et tonnai de plus belle :

— Longue vie à la reine !

Et cent voix répétèrent dans une clameur formidable :

— Longue vie à la reine !

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annececile
Posté le 12/06/2024
J'ai pris grand plaisir a la lecture.

Mais comme pour la precedente version, je ne comprends pas que tu interrompes le recit en plein milieu de l'action. Y aura-t-il une suite ? C'est tres frustrant -justement parce que tu as etabli toute cette saga avec ce talent, decrit ce monde, sa beaute, ces personnages attachants... Et puis, alors que la tension monte pour la confrontation entre les deux camps, tu laisses tomber le rideau. Je vois bien que tu parles d'un T1, ce qui laisse planer l'espoir d'un T2. Mais existera-t-il?

Tu disais dans ta reponse il y a quelques temps "Giadeo a ses raisons", mais tu aurais pu ajouter : mais tu n'en sauras jamais rien. (oui, je suis agacee....) :-)

Par ailleurs, je ne comprends pas en quoi Etelia peut chercher a conquerir le trone. Elle est une reine consort, non? Je ne me souviens pas qu'il y ait dans cette version une regle qui prevoit que le conjoint du souverain puisse regner de plein droit, et non comme simple regent(e)? Et les crimes de Sarvinie, ou est le probleme?. La Voiliere n'a rien a lui envier.

Du coup, la soumission de tous ces personnages a l'autorite d'Etelia des qu'elle apparait n'est pas tres comprehensible.

Voila ce que c'est d'ecrire aussi bien que toi : on t'en veut quand tu nous laisses tomber! :-)
Merci quand meme pour ce voyage. J'ai aime.
Edouard PArle
Posté le 12/06/2024
Coucou Annececile !
Oui, ça a été écrit pour un T2. A vrai dire, j'ai envie d'écrire un peu autre chose que de la fantasy en ce moment donc je préfère ne pas m'engager mais c'est possible que je revienne à ce projet.
Cette frustration de ne pas continuer est un peu liée à mon propre ressenti. Les projets d'ampleur c'est bien mais j'ai aussi envie d'écrire des histoires avec des fins, c'est ce que je m'attache à faire sur l'actuel.
Oui, Etelia est très (trop ?) peu développée, cette fin de roman n'est qu'une première esquisse du perso. Il faudrait (faudra) développer davantage les évènements qui ont précédé son exil avant de pouvoir comprendre son retour.
Merci beaucoup de ce retour et de tous les autres ! Je veux que tu saches que tes commentaires ont été une grosse source d'inspiration sur ce roman en V1 et en V2, que j'ai beaucoup progressé en te lisant et répondant (=
J'espère moins te décevoir sur mes prochaines fins^^
A très bientôt !
annececile
Posté le 13/06/2024
Tu ne m'as certainement pas decue! Captivee plutot, d'ou la frustration de ne pas connaitre le denouement de ton histoire! :-)
Oui a tres bientot !
MrOriendo
Posté le 27/02/2024
Hello Edouard !

Voilà un chapitre final qui fait retomber la tension et achève ce roman en douceur, tout en plaçant les fondations pour la suite.

Je te disais dans mon commentaire précédent que j'étais perplexe et mitigé sur la fin de l'arc de LV, mon ressenti est le même concernant ce chapitre, mais ce n'est pas forcément une mauvaise chose. Je vais tâcher de te l'expliquer au mieux, en espérant que ça te sera utile. Attention, pavé en approche !

Déjà, je trouve qu'il y a un contraste énorme avec les précédents chapitres. On passe de la violence incroyable de l'assassinat de Livana (en tout cas, moi je l'ai pris comme une sacrée gifle car je ne m'y attendais pas du tout !) aux émotions tempétueuses de Ame quand elle rejette Pellon, puis on enchaîne avec la découverte du passé déchirant de celui-ci pour finalement ressentir toute la satisfaction jubilatoire de La Voilière quand elle parvient à tuer Afener et à s'emparer du titre de Bras Droit. C'est un final de roman haletant, super bien construit, très bien raconté, qui m'a fait passer par toutes les émotions et qui m'a happé pour ne plus me lâcher. Et là, on se retrouve avec Kelas qui est tranquillement en train de chasser le sanglier dans les bois et fait une pause pour prier dans une chapelle.
C'est très déstabilisant, mais je trouve ça assez malin. Tu fais instantanément retomber la tension pour nous donner la sensation qu'on marche vers une forme d'épilogue, ce qu'annonçait déjà l'arrivée d'un nouveau personnage point-de-vue. On s'attend logiquement à ce qu'il n'y ait plus de surprise majeure, à une fin "un peu plan-plan" pour faire le bilan du roman et ouvrir la transition vers le deuxième tome.

Mais non, encore une fois tu ne laisses pas de repos à ton lecteur et tu repars dans une forme de crescendo avec la disparition d'Azelia, la rencontre avec Anastor, l'explication de tous les crimes de Sarvinie et pour finir, LA grande révélation de cette fin de roman : l'identité de la Dame d'Etain qui se cachait dans l'ombre depuis si longtemps. Dans l'idée, je trouve ça super bien construit et ça peut vraiment être une bonne fin. Dans les faits, pour moi ça a un peu fait flop.

Pourtant, il ne manque vraiment pas grand chose pour que ça marche. Déjà, j'ai trouvé ce chapitre un peu moins bien écrit que les autres, ce qui est vraiment dommage quand on sait que c'est le dernier de ton roman, et qu'il faut y apporter un soin particulier. Il y a quelques coquilles orthographiques, des longueurs de phrase que tu pourrais gommer, il mérite sa relecture. Ensuite, je pense qu'il faudrait rajouter de la tension quand Kelas se précipite au secours d'Azelia, pour faire comprendre au lecteur que non, ce n'est pas fini et le rembarquer avec toi. Rajouter aussi de la surprise quand il découvre Anastor. J'aime le fait qu'il le reconnaisse à sa voix, mais je trouve que ça manque vraiment d'émotion. Il passe violemment de la peur indicible d'avoir perdu sa fille au soulagement de retrouver son frère et on doit davantage ressentir ce conflit intérieur, je pense.

Concernant le récit des crimes de Sarvinie, je le trouve bien dans sa construction mais je pense qu'il mérite aussi une relecture pour y apporter de la finesse. L'usage du "QUOI" pour marquer la surprise de Kelas, c'est un artifice qui fonctionne bien mais qui est un peu "grossier" comparé à ce dont tu nous as habitué avec ta jolie plume. Idem sur des formulations telles que "envoyé me faire foutre" ou "ses cadets étaient aussi des anges, bien élevés et tout". Le "et tout" sonne très familier dans cette phrase. Ce changement de registre m'a un peu détaché de ma lecture.

Enfin, j'en arrive à la découverte de l'identité de la Dame d'Etain.
Pour moi il y a deux choses qui ont rendu cette grande révélation un peu "molle", avec un effet pétard mouillé.

L'utilisation de la devinette pour amener le lecteur à se poser la question et à chercher au côté de Kelas, ça peut être une bonne idée et fonctionner. Mais en l'état, j'ai trouvé que ça ajoutait juste de la longueur et que ce n'était pas super bien amené. Peut-être que ce passage mérite lui aussi une réécriture, ou qu'il faudrait juste le tronquer pour amener directement Kelas devant la Dame d'Etain et marquer davantage sa surprise au moment où il la reconnait, je ne sais pas. C'est ta décision.

Ensuite, l'identité de la Dame d'Etain elle-même. Etelia.
Je pense qu'il y a vraiment matière à déclencher un effet "wahoo" chez le lecteur en mode "je ne m'y attendais pas, j'avais pas du tout pensé à elle, elle était censé être morte !", mais pour que ça fonctionne il faut faire en sorte que le lecteur assimile bien qui est ce personnage, son importance. Mais il faut le faire de manière subtile et c'est toute la difficulté du truc.
Je te l'ai déjà dit, il y a énormément de personnages dans ton histoire, et certains sont beaucoup plus marquants que d'autres. L'histoire de la famille royale amarine regorge de noms, de disparitions inexpliquées, de morts. Serantio, Anastor, la princesse voyageuse, les enfants assassinés par Sarvinie, Etelia (leur mère, si j'ai bien suivi du coup ?), et tous les rois précédents...
Pour moi Etelia n'était qu'un nom parmi tant d'autres dans cette nébuleuse, tu l'as évoquée à plusieurs reprises dans le roman mais de manière si fugace qu'elle ne m'avait pas marqué, à chaque fois elle se perdait de façon diffuse au milieu de tous les autres et de toutes tes légendes (comme celle du Renard Rouge, des Jumeaux Cerfs, etc...). J'ai vraiment adoré la richesse de cette histoire que tu as construite, ça donne de la profondeur et du réalisme à ton roman. Mais ça ne rend pas service à sa chute, puisque ce personnage d'Etelia, j'en avais presque complètement oublié l'existence et par conséquent, la révélation que c'est elle la Dame d'Etain, ça m'a laissé un peu indifférent. J'étais beaucoup plus surpris et enthousiaste en découvrant que le personnage dans la chapelle était Serantio, tu l'as vu dans mon commentaire. Parce que ce personnage-là, tu nous l'as vendu, tu en as beaucoup parlé, et j'étais tout content de le retrouver en mode "trop bien, j'ai hâte de voir quel rôle il va jouer !". Je n'ai pas du tout eu cet effet avec Etelia, c'est clairement ce qui me manque ici. Tu vois ce que je veux dire ?

En dehors de ça, le chapitre est bien ! Tu as vraiment une bonne base pour faire un bon final, dans sa construction comme dans les idées. Il manque juste une touche de finesse, un peu de relecture et de la préparation en amont pour s'assurer que le personnage d'Etelia, sans insister trop lourdement dessus, trouve davantage sa place dans l'esprit du lecteur.
Et là, je pense que tu tiendras vraiment un truc pas mal.

Pavé César, je t'avais prévenu ! ^^
Au plaisir,
Ori'
MrOriendo
Posté le 27/02/2024
PS : Au final, on ne sait toujours pas qui a tué Sarvinie ? T_T
Edouard PArle
Posté le 07/03/2024
Coucou Ori !
Beaucoup de choses dans ton comm ahah
Oui, je suis d'accord avec toi sur les petits points à corriger.
J'ai un peu réfléchi après avoir lu ton comm et je pense avoir aussi une idée pour expliquer ton ressenti. Cette fin marchait bien pour la 1ère version mais moins ici je pense parce qu'on a déjà eu l'intégration de Sangel aux masqués. Ils sont donc beaucoup moins mystérieux, et on connaît déjà Anastor, deux éléments qui n'étaient pas là dans la précédente version.
Et oui, ça ne m'étonne pas que le retour de Serantio soit plus marquant que celui d'Etelia. Avec ça en tête, le dernier chapitre de Sangel ferait une meilleure fin.
Quand aux crimes de Sarvinie, je ne me souviens plus ahah, je vais relire^^
Merci de ton passage !
A bientôt !
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