Les deux semaines les plus longues de ma vie s'écoulèrent, Emilie avait convaincu ses parents de nous laisser les accompagner au bal de l’Archange malgré l'incompréhension de Noah. Il avait cherché auprès de sa sœur des réponses mais elle ne lui en donna aucune. J’avais demandé à Emilie de ne pas parler de ma demande. Le jour du départ en direction d’Archange arriva, dès que Noah et Emilie furent montés dans la diligence nous prîmes le départ. Nous étions partis pour trois jours de voyage jusqu’à notre destination.
La première journée de voyage fut éreintante et je fus heureuse de descendre de cheval, mes jambes étaient tellement endolories que j’avais du mal à marcher ce qui fit rire Baldo. Les hommes montèrent les tempes de Noah et Emilie pendant que les bonnes préparaient le repas. Quant à moi, je devais trouver du bois avec Baldo et ensuite nous devions nous occuper du feu. Chacun avait une tâche bien précise à faire. A la nuit tombée, le campement était prêt ainsi que le repas. J’allais chercher deux assiettes et j’en donnais une à Baldo, je m’installai à côté de lui face au feu. Noah sortit de sa tente afin de récupérer une assiette également. Quand il rentra à nouveau dans la tente, il m’invita d’un signe de tête à le rejoindre. Depuis mon altercation, je m’étais montré très distante avec lui, l’évitant le plus possible. Je lui en voulais de sa réaction, de ne pas m’avoir soutenue.
- Va le rejoindre si tu veux, me taquina Baldo.
- Après, pour le moment je mange avec toi, répondis-je.
- Tu l’évites toujours ?
- Un peu mais c’est dur.
- Allez va voir ton prince, on se voit après.
Je finissais rapidement mon assiette et discrètement je me rendis dans sa tente. Noah se trouvait sur son lit, un livre à la main. Il le posa dès qu’il me vit. Il se releva et vint à ma rencontre. Il s’approcha si près que son parfum m’enveloppa, il leva une main qu’il vint délicatement poser sur ma joue avant de me forcer à le regarder.
- Op, m’évites-tu ? demanda-t-il en me couvant de ses yeux verts. Je pouvais sentir une certaine incertitude dans son regard.
- Peut-être, murmurais-je en baissant les yeux.
- Explique-moi ce que j’ai fait dans ce cas ? Serait-ce à cause de ce qu’il s’est passé dans la bibliothèque ?
J'acquiesçai de la tête pour confirmer ses propos.
- Op, je suis désolé, je ne voulais pas te blesser, ajouta-t-il avant de tirer pour me serrer dans ses bras.
Il ne me fallut pas longtemps pour lui rendre son étreinte. Je sentais mon coeur s’accélérait, son parfum m'entourait, je me sentais si bien dans ses bras.
- Ta venue avec nous dans ce voyage a-t-elle un lien avec tes découvertes ?
- Je pense que je viens d’Archange, de la capitale. J’ai parlé à Emilie d’une solution pour m’y rendre et on saisit cette occasion.
- Emilie ? Baldo était au courant lui aussi ? J’étais le seul pas au courant si je comprends bien, répondit-il avec une pointe de colère.
- Je t’en voulais. Et après ta dernière réaction, je pensais que tu ne comprendrais pas donc j’ai préféré ne pas t’en parler.
- Je comprends même si cela m’énerve que tu ne m’en as pas parlé. Enfin, tu viendrais d’Archange.
- Oui, je souhaite me rendre à la capitale le temps de votre séjour pour essayer d’en découvrir plus sur mes origines, peut être que quelqu’un sera au courant de quelque chose.
- Op, tu sais la capitale est grande, fais attention de ne pas te faire trop d’espoir au cas où. Je ne veux pas que tu souffres après.
- Je sais… Mais je garde espoir malgré tout. Et je suis également heureuse car c’est la première fois que je sors de la ville, je n’ai jamais rien vu d’autre hormis dans les livres.
- Alors profites-en autant que possible.
Nous restâmes un long moment allongé sur son lit, ma tête reposant sur son torse, à discuter de ce que nous pourrions découvrir lors de cette excursion, des paysages, de la culture, des personnes et de la nourriture. Nous parlions si tard que nous finissions par nous endormir.
Le lendemain, nous fûmes réveillés par la douce voix d’Emilie qui fit irruption dans la tente, afin de réveiller son frère. Nous sursotâmes immédiatement mais à la vue de son sourire, nous savions tous deux qu’elle l’avait fait exprès, sachant que nous étions tous les deux-là. Baldo rentra quelques instants plus tard, il posa son regard sur moi avec un grand sourire. Je tournais ma tête vers Noah et nous nous mîmes tous à rigoler. Baldo et Emilie avaient voulu nous mettre sur le fait accompli, nous forçant à reconnaître nos sentiments l’un pour l’autre.
- Je peux savoir ce que vous faites tous içi, lança Noah en souriant.
- Je cherchais mon amie quand je suis allé voir Baldo. Celui-ci m’a indiqué qu’elle n’était jamais revenue de ta tente, pouffa Emilie.
Je tournais la tête vers Baldo qui se retenait de rire. Malgré la familiarité qui s'était instant entre nous quatre, Baldo ne se permettrait pas de familiarité avec Noah et Emilie, ce que je comprenais parfaitement, il ne partageait pas le même lien avec eux, ils restaient ses souverains.
- Merci Baldo de m’avoir couverte, lui lançais-je.
- Je ne peux rien cacher à une aussi gentille princesse que Mademoiselle Emilie.
- Mouais, c’est ça, comme si j’allais te croire.
Baldo me répondit en m’envoyant un baiser de la main.
Nous sortîmes tous de la tente afin de déjeuner et Emilie et Noah se joignirent à leurs domestiques et leurs soldats. La bonne humeur régnait et ce fut ainsi jusqu'à ce que l’on arrive à destination.
Le matin de la troisième journée de voyage, nous aperçûmes enfin la capitale et le lac. Un frisson me remonta à cette vue, je ne savais pas pourquoi mais de l’inquiétude monta en moi. Plus on s’approchait de la ville, plus cela augmentait. La capitale était très différente de chez nous, les habits, les senteurs, la nourriture tout se différenciait. On traversait les rues, les habitants nous accueillir avec joie, fêtant notre arrivée. Alors que j’observais la foule, j’avais la sensation de nombreuses fois de me faire dévisager par les habitants, c’était assez étrange pourtant rien ne me distinguait de mes compagnons. Je décidais de les ignorer, j’aurais tout le temps de découvrir pourquoi dès que nous serions installés. Nous pénétrâmes l’enceinte du château, les domestiques furent immédiatement amenés aux appartements dans lesquels nos souverains séjournaient avant même que l’on aperçoive les souverains de l’Archange. Une jeune fille nous faisait visiter l’enceinte du château tout en nous expliquant les règles à ne pas enfreindre. Il y avait deux règles assez étranges, la première, celle qui était la plus bizarre : nous ne devions absolument pas rentrer dans une chambre située dans l’aile Ouest du château sous peine d’être exécuté. Quant à la seconde en tant que domestiques provenant d’un pays étranger, nous avions interdiction de voir ses majestés sauf si la demande vient d’eux. Même si nous n’étions jamais présentés aux souverains, il était assez étrange de ne jamais pouvoir les apercevoir alors que nous séjournions chez eux. J’acceptais leurs règles sans rechigner, j’avais promis à Emilie de me tenir et je comptais tenir cette promesse.
Nous avions convenu avec Émile que je ne travaillerais pas durant ce séjour afin que je puisse faire un maximum de recherche, la seule chose qu’elle m’avait demandé, c’était de rentrer le soir, et au moindre imprévu de la prévenir. Nous étions dans la capitale durant quinze jours, cela me laissait beaucoup de temps.
Le soir même, avec Baldo nous sortîmes du château et nous allâmes dans la ville à la découverte. On déambulait dans les rues marchandes, des odeurs de nourriture régnaient en force mettant à rude épreuve mon ventre. Nous décidâmes finalement de goûter une spécialité à base de viande avec des fruits, le goût était assez étrange mais cela rendait bien. Puis, on se rendait dans une auberge, nous avions toujours voulu y aller mais nous n’avions jamais d’argent et pour la première fois, on pouvait se le permettre. Quand nous entrâmes, la musique retentissait, les rires, les voix régnaient avec puissance. Nous nous installâmes au comptoir et demandâmes une bière chacun. Une fois nos bières en main, nous trinquâmes avant d’en boire une grosse gorgée. La bière était tellement rafraîchissante. Nous commencions à discuter quand j'aperçus trois hommes accoudaient à une table nous observait. Je faisais signe à Baldo qui me répondu aussitôt :
- Op, rappelle-toi, içi, on a aucune protection.
- Je sais, je vais les ignorer.
Je n’aimais pas quand les gens me dévisageaient de la sorte comme si j’étais un simple bout de viande fraîche. Les hommes pouvaient être si dégoûtants.
Alors que je détournais le regard d’eux, j’aperçus que d’autres personnes qui nous fixaient, c’était vraiment étrange car cette fois ci, il y a eu également des femmes. Je montrais de nouveau à Baldo qui comme moi ne comprenait pas. Quand la serveuse passa à côté de nous, je l’interceptais :
- Excusez-moi mademoiselle mais pourquoi tout le monde nous regarde bizarrement ?
La jeune fille fut surprise de la question.
- Je vous expliquerais à la fin de mon service si vous voulez bien attendre jusque-là, je dois vous montrer quelque chose, vous comprendrez mieux.
Sur ces paroles, la serveuse reprenait son travail nous laissant avec nos interrogations. Nous entendîmes donc que l’auberge ferme pour obtenir la réponse à notre question.
Quand les derniers clients furent partis, elle installa sur l’une des tables un immense portrait d’une jeune femme au yeux bleus et aux cheveux blonds. Je restai muette en voyant se portrait car cette jeune femme peinte me ressemblait très portrait. Baldo resta sans voix ce qui ne lui arrivait pas souvent.
- Qui est-ce ? demandais-je.
Je pensais connaître une partie de la réponse mais j’avais besoin de l’entendre.
- La reine Angel d’Archange, notre reine à l’âge de vingt ans, annonça l’aubergiste qui nous rejoint. Si les personnes vous dévisageaient c’est à cause de cela car vous ressemblez énormément à notre reine.
- Votre reine… Vos souverains ont-ils perdu un enfant, il y a plusieurs années ?
- Je l’ignore, mademoiselle, mais je pense que vous devriez voir sa majesté la reine rapidement.
- C’est impossible, soufflais-je, je ne peux voir ou parler avec eux, cela fait partie des règles du palais. Je ne peux pas mettre en danger la vie de mes souverains.
- Je comprends.
Pendant de longs instants je contemplais le portrait de la reine Angel, on se ressemblait vraiment, c’était si impressionnant. Ce que je ressentais était assez étrange et je me trouvais partagé entre de la joie, j’avais peut-être retrouvé ma famille mais en même temps je ne m’étais jamais imaginé que j’aurais pu venir d’une famille royale et cela me semblait impossible. Mais je devais en avoir le cœur net.