CHAPITRE 11
L’accoustique était extraordinaire. Dans ce temple de la Bonne Mère, un chant aérien s’étirait entre les colonnes fines et sans fin, se déployait sous les coupoles de cristal coloré, enflait dans les chapelles latérales et se posait en de multiples échos dans la rondeur de la nef centrale. La lumière était omniprésente. Filtrant à travers les plafonds de verrières, rebondissant contre les nervures des marbres, puis se tamisant juste à hauteur des fidèles, créant une intimité après l’éblouissement.
Sorc était assis sur l’un des nombreux bancs placés en demi-sphère de l’allée centrale, face à l’autel et à l’immense statue de la Bonne Mère, auréolée d’or et peinte d’argent.
Au milieu de la musique planante dont il n’aurait su dire d’où elle provenait, entouré d’innombrables bougies frémissantes entreposées dans les niches des murs, tiré vers le haut par la perspective et couvé par les formes charnues de l’architecture, Sorc se sentait planer.
Il aurait pu rester assis là des heures si Malisé, posée à sa droite, ne se tortillait pas d’impatience de le voir de nouveau en visite touristique de la Ville plutôt que d’enquêter.
Sorc se leva finalement, en soupirant légèrement, puis se dirigea vers les différents panneaux explicatifs sur l’architecture du lieu qui parsemaient la déambulation. Le temple de la Bonne Mère, situé vers le centre de la haute Ville, était un agrégat de constructions de différentes époques, restaurées puis retravaillées dans leur totalité pour leur donner cette apparente homogénéité actuelle.
Il était le plus grand des nombreux temples de la capitale et Sorc avait hâte d’en visiter d’autres.
Aussi sortit-il finalement du lieu de culte pour retrouver la Ville, occupée, glacée et silencieuse en ce quartier d’affaires.
― Qui est la Bonne Mère pour les habitants de la Ville ? Je veux dire, quel est leur interaction avec Elle au quotidien ? demanda Sorc à Malisé.
― Au quotidien… je ne sais pas trop, il y a des fidèles qui vont au temple tous les week-end et qui lui font des prières régulières, d’autres qui se sont un peu détournés de toute forme de religion. Elle est surtout encrée dans la Haute Ville, beaucoup mois dans les quartiers ouest.
― Moins religieux ? s’étonna Sorc.
― Au contraire, en moyenne beaucoup plus, mais surtout bien plus polythéistes, il y a des tonnes de Dieux là-bas. Vous en avez vu certains des plus populaires peints sur les grandes fresques.
― Et pour quelle raison pensez-vous que la Bonne Mère s’est plus implantée ici que là-bas ?
― Hmmm… je la dirais plus traditionaliste. Je n’y connais pas grand chose en histoire des religions mais il me semble qu’elle est là depuis plus longtemps aussi, en Ville tout du moins. Et puis elle plait car elle est facile à cerner je pense. Sa figure maternelle et protectrice n’est pas très clivante.
― Oh, certains Dieux le sont plus ?
― Oh oui, on retrouve chez d’autres des traits de caractère plus spécifiques, plus ambigus, un peu comme les Dieux de l’antiquité.
Sorc sourit à cette référence.
― Il y a donc des temples aussi dans le quartier ouest ?
― Oui, plein ! Un tous les cinquante mètres dit la légende.
― J’aimerais en visiter quelques uns.
Malisé soupira.
― Etude de terrain toujours ?
― Toujours. J’ai besoin de comprendre cette Ville, trop de choses m’échappent encore.
― Et vous refusez toujours de prendre la voiture ?
― En voiture on ne comprend pas les étendues que l’on sillonne.
Malisé leva les yeux au ciel.
― C’est parti pour tout retraverser à pied.
Sur les conseils de Malisé, ils prirent un chemin un peu différent.
Policière et sorcière traversèrent et visitèrent une partie de la vieille ville, ses maisons moyenâgeuses étroitement serrées les unes contre les autres, ses rues pavées et ses petites églises, dédiées elles-aussi à la Bonne Mère, faites de grosses pierres massives et de clochers élancés.
― Je peux vous poser une question ? demanda Malisé alors qu’ils ressortaient de la visite de l’une d’elles.
― Oui.
― Vous avez des pouvoirs magiques ?
Sorc sourit.
― Je pratique la sorcellerie.
― Et donc ? Vous avez des pouvoirs ?
― D’une certaine façon oui, mais c’est plus compliqué que cela.
― Je peux avoir une démonstration ? osa Malisé, les yeux brillants d’attente.
― Les sorcières ne pratiquent pas la sorcellerie gratuitement. Nous essayons même de la pratiquer le moins possible.
― Oui mais là c’est pas pareil, vous ne pourriez pas me faire un petit sort juste pour voir ?
― Non, dit Sorc tranquillement.
― Ça se trouve vous ne savez même pas faire de magie et vous bluffez.
― Je ne fais pas de magie, je fais de la sorcellerie.
― Oh, il y a une différence ?
― Oui.
― Laquelle ? insista Malisé.
Sorc soupira. C’était un sujet qu’il n’avait que peu envie de creuser.
― C’est compliqué, dit-il enfin.
― Mon père me dit que lorsqu'on répond “c’est compliqué” c’est que l’on ne sait pas soi-même.
Sorc la regarda.
― Oh si, je sais, dit-il finalement d’un ton lourd et triste.
La visite des rues suivantes se fit en silence.
Il sortirent petit à petit de la vieille ville et rejoignirent lentement les quartiers ouest.
*
Les temples du dieu Parsha, abondants dans la petite zone, avaient peu de choses en commun avec ceux de la Bonne Mère. Surchargés, tout en dorures et breloques, enfumés dans les volutes d’encens, ils rivalisaient de clinquant et de mystique.
Sorc déposa une pièce dans l’une des nombreuses boîtes prévues à cette effet. En échange de son don, il reçu une petite carte vernissée à l'effigie du dieu.
― Glissez-là dans votre porte monnaie et elle vous apportera bonne fortune, lui chuchota Malisé.
La sorcière s’exécuta.
Sur les bancs du temple, une foule était amassée pour une cérémonie que Sorc ne savait identifier. L’assemblée chantait et tapait du pied sur le sol. Les hommes portaient de fines couronnes étoilées, les femmes un maquillage doré sur leurs joues.
Sorc et Malisé se faufilèrent discrètement hors du bâtiment.
― De quoi s’agissait-il ? demanda Sorc.
― Précisément, je ne sais pas. Ces cérémonies servent à attirer l’attention de Parsha, à lui demander chance et surtout fortune. Il pourrait s’agir d’un mariage ou tout aussi bien d’une création d’entreprise.
― Parsha est-il l’un de ces dieux ambigus dont vous me parliez tout à l’heure ?
― Lui ? Oh, pas vraiment. C’est un bon vivant notoire. Il est dit qu’il possède le plus grand trésor que l’univers ait connu et que parfois, entre deux fêtes, il se penche sur l’un ou l’autre d’entre nous pour lui faire profiter un peu de cette fortune. Tout est donc question d’attirer son attention.
― Fortune et chance… est-il responsable aussi de la mauvaise fortune ?
― Et bien non, c’est pourquoi il est si apprécié. Au mieux il apporte un peu de sa magie, au pire rien ne se passe.
― Sauf pour l’argent dépensé à l’organisation de la cérémonie, qui lui, n’est pas rendu. Savez-vous qui récupère ce…
Sorc n’eût pas l’occasion de finir sa phrase.
Des sirènes assourdissantes retentirent au coin de la rue. De grands camions rouges et argent déboulèrent en trombe, faisant s’écarter tout obstacle de leur passage.
Ils passèrent devant Sorc et Malisé à pleine vitesse puis s’enfoncèrent dans une allée adjacente.
― Des pompiers ! s’exclama Malisé en se tournant vers Sorc. Il y a du feu quelque part !
― On y va ! dit Sorc en courant à la suite des camions.
C'est chouette de retrouver Malisé. "Policière et sorcière", voilà un binôme qui sonne bien, et leur duo donne de la dynamique à la scène.
Encore une allusion à cette différence entre magie et sorcellerie - on voit venir les mages, à mon avis :-).
Cette Bonne Mère, c'est la même que dans l'histoire de Tess ? En tous cas, je cherche les liens et je fais un lien mental entre la statuette des Trois Parentes et la Bonne Mère, il me semble que les femmes, dans l'histoire de Tess, en parlent (ou alors ce n'est que mon imagination, et la faute à la lecture fragmentée :-) ).
A quoi sert la visite du temple de Parsha ? Lui, par contre, son nom ne me dit rien du tout.
Un chapitre assez court et efficace, je pars sur la suite.
Très joli chapitre, unnpeubcontemplatif, mais qui finit avec un petitbcoup de fouet. Je me demande si tu as vraiment besoin de 2 temples. Un seul ne pourrait-il pas suffire ? Quite à rester dedans plus longtemps, dans ses allées et en voyant ses fidèles ?
Peut être aussi jouer sur Malisé qui essaie de lier profil psychologique des fidèles, leurbdieu et les crimzs ? Pour avoir un liant. Maintenant que j'yvpense, n'avions nous pas laissé Sorc dans le coma ? Ne peut on pas avpit quelqurs informations dessus ? A t ilnparlé à Malisé de ce qu'il a vu?
Je t'ai relevé 2 petites choses :
Répétition entre musiquebplanante et planer pour Sorc aubtout début, et "encrée" au lieu de "ancrée"
Merci de continuer ta lecture !
Je pensais chercher le contraste entre ce Dieu des quartiers riches et celui des quartiers pauvres, mais tu penses que c'est trop ? Hmmm je comprends, je vais y réfléchir. Et c'est vrai qu'il manque peut-être un lien avec les crimes... je prends note de tout cela : )
Ah, Sorc n'était pas dans le coma, il s'était juste endormi profondément, mince, ce n'était donc pas très clair, je vais corriger cela pour que le doute ne puisse perdurer.
Merci encore pour tes commentaires toujours si utiles et constructifs !
A bientôt : )