Chère Azeline,
Le temps est bien long sans toi. J'ai hâte que ces vacances soient finies. Tout le monde est joyeux, prépare Noël, et je traîne comme une âme en peine. Je t'ai fait un petit cadeau, j'espère que tu l'accepteras.
A bientôt mon Azéline,
Jules
Azie chérie,
J'aimerais tellement te montrer tout ce que je vois à Paris ! Hier j'ai failli me faire écraser par la nouvelle Peugeot, elle roule à 60 Km heure, tu te rends compte ? Heureusement la vitesse est limitée à 30. Tu me manques, on se voit bientôt, heureusement !
Je t'embrasse très très très fort,
Germaine
Azéline est allée chercher le courrier, elle trouve les cartes postales écrites par ses deux amis. Le pauvre Jules a l'air bien malheureux, il y a une mélancolie chez lui qui met la jeune fille parfois mal à l'aise. Est-elle capable de lui rendre sa joie ? Elle ne le pense pas. La carte de Germaine est plus enjouée, elle est tellement enthousiaste de tout. Azéline aime être en sa compagnie, la vie semble belle à ses côtés.
La vie à Lannargan a repris son cours, Azie est heureuse de retrouver sa famille, sa maison et ses amis. Néanmoins, elle se sent en décalage. Elle avait ce sentiment à Rennes, elle qui se trouvait si campagnarde, maintenant c'est ici qu'elle se trouve trop citadine. Elle doit aller avec Guillemette répéter les chants pour la messe de Noël. Son amie n'habite pas très loin, Azéline est surprise de voir à quel point elle est mal habillée. Elle porte une jupe très longue à carreaux, un corsage boutonné jusqu'au menton et une veste noire très stricte. Ses cheveux sont séparés au milieu et attachés en un chignon bas. La mère de Guillemette arrive de la cuisine, elle est toute en noir, sa sœur est morte il y a un an et demi et elle porte encore le deuil comme le veut la tradition. A 50 ans à peine, elle a l'air d'une très vieille femme, elle porte une coiffe blanche avec un gros ruban de chaque côté attaché au sommet du crâne à la mode des femmes de Dol de Bretagne.
« Bonjour, Azéline ! Je suis contente de te voir. Ce n'est pas trop dur la vie à la ville ? On dit que les gens sont fous à Rennes. Je n'y suis jamais allée, Dieu m'en garde ! »
« Non Madame Morvan, les gens ne sont pas fous. Je me plais beaucoup à Rennes, il y a de beaux magasins, je rencontre des gens différents. J'aime les études que je fais ».
« Tant mieux ma fille », répond la mère de Guillemette. « Ne te laisse pas empoisonner par la grande ville, on vit sainement ici, dans le respect de Dieu. A la ville c'est différent, les gens ne vont même plus à la messe. J'espère que tu y vas », demande-t-elle d'un air soupçonneux. « On ne doit manquer la messe que si l'on est très malade. Est-ce que tu fais tes prières au moins ? »
« Bien sûr Madame Morvan », répond Azéline en mentant effrontément. « Ne vous inquiétez pas pour moi, elle se tourne vers son amie :
« On y va ? Au revoir ».
« Au revoir ma fille ».
Elle s'adresse à Guillemette,
« Ne rentre pas trop tard, ce nouveau curé vient de la ville lui aussi, il n'a pas le sens de l'heure, je veux te voir rentrée pour 5 heures ! »
« Mais oui Maman », répond Guillemette en l'embrassant.
« Je rentre toujours avant 5 heures ».
Azéline se dit que la mère de son amie a peut-être raison, elle commence par être contaminée par la grande ville, elle ne fait plus ses prières, ou rarement et ment comme le fait Germaine. Avant, jamais elle n'aurait osé regarder quelqu'un droit dans les yeux en ne disant pas la vérité. C'est tellement facile finalement. Ils ont tous l'air tellement étriqués, elle a du mal à se dire qu'elle n'est partie que depuis deux mois et demi, il y a eu tant de changements dans sa vie !
Le jeune curé semble en décalage lui aussi, il vient de Rennes.
« Bonjour les filles ! Comment allez-vous aujourd'hui ? Voici la petite nouvelle, Azéline c'est ça ? Bonjour Azéline ».
Il parle fort et vite. Les gens d'ici sont plus discrets et plus posés. La future institutrice se dit qu'il va avoir des problèmes à Lannargan. Les gens vont se méfier de lui. Elle a vu la réaction de Madame Morvan.
« En place ! On va prendre page 10, ‘il est né le divin enfant', tu la connais celle- là Azie ? »
Il l'a appelée « Azie », c'est incroyable ! Seule Germaine avant lui avait eu cette idée ! Azéline le trouve d'emblée sympathique, enfin quelqu'un qui va la comprendre.
Guillemette a le feu aux joues :
« Il est beau tu ne trouves pas ? J'adore ses mains, regarde-le quand il bat la mesure, je fonds. »
L'après-midi se passe à merveille, les deux filles devront revenir demain pour aider à faire la crèche. Les personnages sont prêts, mais il faut les disposer dans la grotte et une petite scénette doit avoir lieu avec les enfants.
« Je compte sur ton expérience avec les enfants Azie », dit Père François.
Azéline est contente qu'on lui fasse confiance. La soirée se passe tranquillement au coin de feu avec sa mère et sa grand-mère, son père est parti se coucher dès que sa soupe a été avalée à grand bruit.
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Azie chérie,
Je suis allée au parc de St Cloud, il y a une allée pour les voitures, une pour les cavaliers et une pour les piétons, c'est très amusant. J'ai pris un taxi auto pour aller voir une amie de mes parents, il va à une vitesse !
Tu me manques, j'aimerais te montrer tout cela,
Je t'embrasse très fort,
Germaine
Azéline est heureuse de recevoir des cartes postales de son amie. Elle vit des vacances à Paris par procuration. Quelle ville excitante ! La jeune fille ne se voit pourtant pas dans les rues parisiennes au milieu de ces nouvelles voitures qui font du bruit et sentent mauvais. Ces belles mécaniques lui semblent dangereuses, elle est plus tranquille à Rennes, c'est une étape importante pour cette fille de la campagne.
Béryl est contente de retrouver Azéline dans son cadre de Lannargan, elle lui paraît plus proche.
« Germaine t'appelle ‘Azie chérie', tes parents ne te faisaient pas de remarques ? Ils ne trouvaient pas ça curieux ? »
« J'attendais le facteur et je veillais à ce que mes parents ne lisent pas mes cartes postales, mais je sais que le facteur ne se privait pas, et que c'était une vraie pie », répond Azéline.
« Ce qui inquiétait plus mes parents, c'était que les garçons m'écrivent, ça ne se faisait pas. En plus mes cartes venaient de Rennes, mais surtout de Paris. Elles représentaient une curiosité pour les gens de Lannargan. C'est le problème ici, les ragots des habitants. Ils n'ont rien à faire d'autre, qu'observer et critiquer dès que quelque chose sort de l'ordinaire.
Béryl est étonnée par la magie qu'opère les voitures sur les filles :
« Quand on voit la place qu'elles ont pris maintenant dans notre vie, c'est fou de se dire qu'avant rouler à 50 à l'heure était une folie. »
« Beaucoup de choses étaient une folie à cette époque, mais j'ai adoré vivre ces moments. »
Béryl s'intéresse au père François :
« il a l'air bien mignon ce jeune curé, est-ce qu'il va se passer quelque chose avec Guillemette ? »
« Patience mon amie, patience... »
Page facebook : arielleffe
Je prends toujours un grand plaisir à suivre ton histoire. Il n'y pas beaucoup d'action mais il quelquec chose qui me pousse à lire la suite.
Je reviendrais pour la suite.