XII
Lisa énonce la consigne, puis le groupe se met en mouvement. On se déplace de façon aléatoire sur le tatami. Les premiers rires forcés se manifestent. J’attrape la main d’un participant lui sert et rit bêtement.
On se croise, se recroise, on se sert la main, on rit, on répète l’opération et après l’échauffement, le corps se détend.
J’oublie le monde extérieur pour m’ancrer naturellement dans l’instant présent. Je lâche prise et les fous rires sincères s’enchainent jusqu’à la fin de la séance.
***
Du parking de la villa, j’entends des hurlements provenant de l’intérieur. Les voix sont reconnaissables entre mille : Sarah et Hélène. Jeanne, qui comme à son habitude se ballade autour du domaine, roule à toute allure. Elle n’en sait pas plus. Pas le temps de l’amener, je me précipite à la salle à manger.
- Je vais la défoncer cette pétasse !
Arrivée sur les lieux du conflit, je suis surprise par ce qui se déroule. J’ai perdu mon pari avec moi-même, Hélène et Sarah ne se disputent pas. En revanche, l’avocate se démène pour contenir la merdeuse prête à sauter à la gorge d’une auxiliaire de vie. Manie est avec Viviane et fusille la scène du regard. Que se passe-t-il ?
A son tour, Martine fait irruption dans la pièce par la véranda, les bottes pleines de terre.
- C’est quoi le problème ? Interroge-t-elle de son ton le plus masculin.
- Je vais lui éclater sa tronche à cette pute…
- Sarah, ça suffit, réplique Hélène. Tu te calmes et tu nous expliques, bordel !
La jeune-fille est hystérique. Le teint rougit par la colère, sa rage est tournée vers la personne qui se tient à distance. Il s’agit de Séverine. Les mains d’Hélène agrippent les épaules de Sarah, qui crie et pointe son téléphone en signe de menace.
Martine intervient. Elle entoure de ses bras puissants la taille de la jeune-fille qu’elle soulève et amène dans la véranda. Du regard, j’interroge Hélène qui s’avère aussi ignorante.
- Cette fille est complètement folle ! Intervient Séverine effrayée.
- Expliquez-nous ? Lui intime Hélène.
- Je ...ne sais pas… hésite Séverine.
- Vous ne savez pas ? S’enquit Manie les larmes aux yeux.
- Ce que dit cette gamine est infondé, se défend l’AVS. Je vais avertir mon employeur !
Son ton et son attitude me paraissent suspects…
- Saloooooope ! Hurle Sarah du côté de la véranda.
- Tu vas la fermer oui ! Rétorque Martine de son tact légendaire.
Je suis outrée, abasourdie et sans voix en écoutant les explications de Manie. Sarah, la fouineuse, a inopinément oublié son smartphone dans la chambre de Viviane en mode enregistreur. Les mots abjects prononcés par l’aide à domicile envers la vieille dame me mettent hors de moi et je n’ai pas besoin de regarder Hélène pour sentir qu’elle l’était tout autant.
Près de la porte, Martine, visiblement très contrariée, maintient fermement Sarah par le tee-shirt. La jeune-fille déclenche l’enregistrement et nous assistons impuissantes au déferlement de violence verbale de Séverine envers Viviane qui a souillé sa protection.
J’ai envie d’étrangler cette femme, ou d’autoriser Martine à lâcher Sarah le fauve.
Affolée, Séverine rassemble ses affaires. Dans une ultime tentative :
- Il est interdit d’enregistrer les employés à leur insu, je vais …
- Sors de chez nous, sorcière !
L’ordre émane de Jeanne dont je n’avais pas remarqué la présence jusqu’à présent.
Séverine s’échappe en courant, c’est la seule chose intelligente qu’elle avait à faire.
Et j'avais juste une question : est-ce que Martine est lesbienne ?
Et par contre si Martine est lesbienne (je parle en tant que concernée) : comparer une femme lesbienne à un homme (genre « prend son ton le plus masculin » etc.) est un cliché homophobe courant et assez violent, même si je me doute bien que tu as de bonnes intentions !! C’est déjà super d’inclure une femme lesbienne (qui ont beaucoup aidé et continuent d’aider) dans un livre sur un mouvement féministe. Mais voilà j'ai relevé ce cliché qui est vraiment à éviter de préférence
Et du coup, je n'avais pas pensé qu'en parallèle, elle peut être identifiée à un cliché homophobe. Surtout si tu dis violent ! Non, ça c'est hors de question de faire passer un tel message dans mon texte. Il va falloir que j'y réfléchisse. En attendant, et dans cette version, je n'évoque pas son orientation sexuelle. C'est pour la suite qu'il faudra que je m'y penche plus sérieusement :).
Merci pour cette remarque
J'aime le "inopinément" …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………...