En étude de la nature et de ses propriétés magiques, Marlène et Amanda faisaient la tête. Julie, entre les deux, en avait assez.
- Bon, vous allez arrêter de bouder, oui ! Ça suffit maintenant !
- Je suis nulle, soupira Marlène.
- Tu sembles être une bien meilleure magicienne que ce que tu avais laissé entendre, murmura Amanda.
Si les jeunes femmes chuchotaient, ça n'était pas pour ne pas attirer l'attention sur leurs propos, mais afin de ne pas déranger le cours d'étude de la nature, si bien que personne ne chercha à espionner leur conversation.
- Amanda ! grogna Julie que ce sujet dérangeait.
- Tu es une bien meilleure magicienne que moi ! répliqua Marlène, en colère. La quantité d'énergie n'est pas vraiment importante. L'énergie, ça se trouve. Le professeur nous l'a d'ailleurs clairement indiqué en ne puisant pas dans ses réserves personnelles mais dans celles de l'école. À quoi bon avoir beaucoup d'énergie si je ne sais pas m'en servir ! Toi, tu n'en as peut-être pas beaucoup, mais tu sais très bien t'en servir. Moi, même si, en effet, j'en ai plus que ce que vous pensiez, je suis nulle.
- Tu ne connaissais rien à la magie il y a encore quelques mois, intervint Julie. Moi, je trouve que tu te débrouilles plutôt bien. Tu t'en demandes trop. Tu veux tout, tout de suite. Amanda et moi nous servons de nos pouvoirs depuis notre naissance, entourées par des magiciens pour nous montrer la voix. C'est comme si tu avais vécu parmi des sourds-muets toute ta vie et qu'on te mette parmi des êtres humains normaux à quatorze ans. Bien sûr qu'apprendre à écouter, comprendre les sons, mais aussi à les reproduire et donc à parler, sera difficile. Pourtant, ça te semble parfaitement naturel d'entendre ou de parler. Ne sois pas trop dure envers toi-même !
Pendant toute la tirade de Julie, Amanda avait fait la moue.
- Qu'est-ce que tu as, Amanda ? s'exclama Julie.c
- Rien, assura Amanda d'une voix tranchante démentant ses propos. On en parlera plus tard.
À ces mots, Amanda se tourna vers le professeur, l'écouta et prit des notes. Marlène n'avait jamais vu son amie écouter cette matière, et encore moins y écrire quoi que ce fut. Amanda avait vraiment un gros problème. Cependant, ni Marlène, ni Julie n'insista. Elles connaissaient bien Amanda et pour le moment, mieux valait ne rien dire. Amanda avait dit "plus tard", ça serait donc pour plus tard.
Pendant le déjeuner, Amanda ne dit pas un mot et en sport, elle choisit de jouer au basket dans une équipe qu’elle complèta, laissant Julie et Marlène seules sur le cours de tennis. Les deux amies passèrent un bon moment ensemble, sans aborder le sujet sensible d'Amanda. Lorsque celle-ci le déciderait, la discussion aurait lieu. Avant cela, en parler ne servait à rien.
Pendant le dîner, Amanda parla avec Stanislas, son dernier petit-ami en date et avec Paul. Si elle accepta de répondre aux remarques de Julie et de Marlène, elle ne lança en revanche aucune discussion. Le dîner à peine terminé, elle annonça à ses amies qu'elle allait dans sa chambre et vu son regard appuyé, il était clair que les deux jeunes femmes avaient intérêt à l'y rejoindre.
Un peu après le départ d'Amanda, les adolescentes quittèrent le réfectoire pour se rendre dans le quartier des chambres. Elles frappèrent à la porte de celle d'Amanda, qui leur ouvrit et leur fit signe d'entrer. Elle était seule. Amanda ferma la porte à clef avant d'annoncer :
- Comme vous le savez, les chambres sont protégées par l'école. Ce qui est dit ici ne peut être entendu par des oreilles indiscrètes.
- Sauf celle des professeurs et du directeur, fit remarquer Julie.
- Eux, je m'en tape ! s'exclama Amanda, sur les nerfs.
Julie sursauta sous la colère de sa copine. D'habitude, c'était plutôt Julie qui perdait son calme de cette façon. Marlène s'assit sur le lit de Sarah tandis que Julie prenait une chaise et qu'Amanda se posait sur sa couverture.
- Quel est le problème, Amanda ? interrogea Marlène.
- J’ai été vérifier à la bibliothèque – et croyez-moi, je n’étais pas la seule : la limite de Beaumont prouve que c’est impossible.
- Quoi donc ? demanda Marlène.
- Un magicien de fortune ne peut pas créer plus de 3 um par semaine.
- Et donc ? grinça Marlène.
- Tu as utilisé bien plus d’énergie aujourd’hui que tu aurais pu en créer depuis ton arrivée, constata Amanda.
- Elle peut très bien utiliser des réserves personnelles par héritage de ses grands-parents, gronda Julie. Comment oses-tu interroger Marlène de la sorte ? Les réserves de magie sont quelque chose de personnel ! Si Marlène veut garder ça pour elle, c'est son droit !
Amanda rougit. Marlène regardait sans oser intervenir.
- J'ai fait ces recherches uniquement pour m'assurer que c’était vraiment censé être impossible, s'expliqua Amanda, et même si j’admets n’avoir pas pensé que ses réserves de magie pouvaient venir d’ailleurs, il n’empêche que je me sens trahie. Je nous croyais amies. Je ne comprends pas pourquoi Marlène ne m’en a pas parlé. As-tu eu peur que je sois jalouse ?
La néomage vit ses deux amies lui lancer un regard interrogateur. Désormais, les deux adolescentes étaient contre Marlène. Amanda avait bien su défendre sa cause. Elle avait même rallié Julie et Marlène allait devoir se défendre.
- Je n’ai pas d’héritage caché, assura Marlène.
- Le contrat avec l'école te permet d'utiliser les réserves du lieu ? Il paraît que certains étudiants parviennent à obtenir cela, proposa Julie.
- Uniquement ceux qui ont un gros paquet de fric pour payer, répliqua Amanda.
- Mes parents ont du mal à finir leurs fins de mois et je n'ai pas d'héritage caché, répéta Marlène.
- Les seuls cas où des magiciens de fortune ont eu autant d'énergie, poursuivit Amanda, c'est parce qu'ils étaient en fait des néomages, cachés par le CIM pour leur permettre d'étudier en paix.
- Tu as ta réponse, Amanda, annonça Marlène.
Les deux jeunes filles mirent un moment à analyser la réponse de leur amie. Julie fut la rapide à comprendre et sa réaction fut de crier si fort que Marlène crut que ses tympans allaient exploser.
- Une néomage ! hurla Julie. Je suis amie avec une néomage ! Ah !
Le nouveau cri retentit longtemps dans la tête de Marlène tant il avait été puissant.
- C'est vrai ? dit Amanda, très calme. Tu es… une néomage ?
Marlène se contenta d'un petit hochement de tête.
- Le CIM a préféré ne pas l'annoncer, pour qu'on me fiche la paix. On m'a conseillé de mentir, pour préserver mon calme et me permettre d'entrer dans le monde de la magie en douceur. Les filles, vous êtes mes amies et je vous fais confiance.
- Pourquoi ne nous l'as-tu pas dit plus tôt, en ce cas ? demanda Amanda alors que Julie continuait à hurler de joie et de danser dans la chambre.
- Quand aurais-je dû vous le dire ? Le jour où on s'est rencontré ? Je ne vous connaissais alors pas. Je ne savais pas si je pouvais vous faire confiance. Et ensuite ? Lorsque notre amitié s'est confirmée, quel aurait été le meilleur moment ? Maintenant, avant, après, l'effet aurait été le même, puisque nous étions déjà amies. Ce que je peux vous dire, c'est que je vais avoir besoin de vous, plus que jamais, car les autres élèves du collège vont vite faire le même raisonnement qu'Amanda. Beaucoup d'entre eux voudront devenir mes amis uniquement pour ce que je suis et je ne pourrai pas tous les écarter.
- Nous serons tes gardes du corps ! s'exclama Julie qui arrêtait enfin de crier. Nul ne te dérangera. J'accepte la mission !
- Moi aussi, dit Amanda avant de soupirer et d'annoncer : En étant l'amie d'une néomage, je vais immanquablement attirer encore plus l'attention…
Marlène sentit qu'il y avait quelque chose de profond sous cette remarque, ce que Julie ne capta absolument pas.
- Encore plus de garçons ! s'exclama Julie. Quelle chance !
Amanda sourit mais Marlène sentit que le sourire n'était pas complet. Amanda leur cachait quelque chose, mais Marlène ne demanda rien, sentant que c'était très personnel.
La soirée se termina en discussion sur les garçons, et sur le match de PBM à venir. Marlène en fut très heureuse : ses amies ne changèrent aucunement leur comportement vis-à-vis d'elle, malgré l'importante nouvelle.
Le lendemain matin, à la cantine, Marlène sentait beaucoup de regards posés sur elle. Les élèves ne l'approchaient pas. Alors que Julie et Marlène se lavaient les dents dans leur chambre, Amanda entra et les rejoignit.
- Je suis passée de tables en tables, pour mesurer la température. Nos camarades ne sont pas totalement sûrs d'eux. Ils préfèrent attendre d'avoir des preuves plus concrètes avant de t'aborder. Plusieurs ont appelé leurs parents pour les prévenir. Ainsi, pas mal de gamins vont être guidés par leurs parents pour trouver la meilleure façon de t'approcher.
- Super, grogna Marlène.
- Pour le moment, ils ne vont rien faire, rappela Julie.
- Ils ne vont plus me lâcher, histoire d'être témoins de ma prochaine démonstration de haute magie. Ça ne me ravit pas, précisa Marlène.
Amanda et Julie haussèrent les épaules. Il n'y avait pas grand-chose à répondre à ça.
En cours de maniement de la magie, Marlène commença à reconnaître plusieurs formes en plus des couleurs, mais le résultat n'était pas brillant. Le cours, d'habitude à moitié rempli, avait fait salle comble et Marlène était observée par tous ses camarades. Ils se lassèrent vite, constatant le peu de progrès de la jeune femme.
En méditation, elle eut la paix car le cours était, comme d'habitude, déjà plein à son arrivée. Elle put tranquillement retourner dans le monde étrange rempli de balles transparentes. Elle fut ravie de voir devant elle les trois ballons qu'elle avait récupérés lors de sa dernière visite. Elle n'aurait pas à les rechercher.
Elle commença par se demander à quoi elle voulait que l'endroit ressemble. Elle changea la couleur du ciel pour qu'il soit bleu, sans nuage mais sans soleil non plus. La lumière venait de partout, diffuse et douce, sans aucune agressivité.
Puis, le sol se transforma à son tour. Elle choisit de se voir entourée d'eau sur laquelle les ballons flottèrent, portés par un courant invisible. Elle se trouvait elle-même dans une grosse bulle, qui flottait sur l'eau. Les ballons pouvaient entrer dans la bulle sans problème et Marlène ne tombait pas dans l'eau, retenue par la bulle. Elle se rendit compte, en revanche, qu'elle était pied nu et que ses pieds pataugeaient dans une eau chaude et propre. Elle apprécia beaucoup.
Elle fit venir à elle les trois ballons, qui volèrent jusqu'à sa main. Elle fit entrer la compréhension du son dans la gnosie à l'intérieur de la bulle contenant la maîtrise générale de la gnosie. Le geste fut naturel et facile.
Elle observa ensuite autour d'elle et son regard fut attiré par un autre ballon. Il vint vers elle, comme s'il répondait à un ordre muet de Marlène. La jeune femme le saisit et sut qu'il contenait la capacité à comprendre les couleurs dans la gnosie. À son tour, elle le fit entrer dans la première bulle, qui était plus grosse et contenait deux petites bulles, qui bougeaient librement. Instinctivement, Marlène décida d'attacher les deux bulles ensemble et sur sa volonté, un fils relia les deux bulles à l'intérieur de la grande.
Un autre ballon contenait le rendement maximal du ver énergétique. Marlène rappela la bulle concernant la création de magie, qu'elle avait trouvé lors de sa première venue et fit entrer dedans la bulle qu'elle venait de trouver.
Elle attrapa ensuite une bulle contenant la capacité à transférer de l'énergie. Marlène trouva que c'était lié à la création de magie, mais sans hiérarchie. Elle attacha les deux bulles ensemble.
La bulle suivante contenant la capacité à différencier les illusions sonores des sons réels dans la gnosie. Marlène fut étonnée de la trouver là, alors qu'elle ne maîtrisait pas encore totalement cette connaissance. Elle la mit dans la bulle traitant de la gnosie, l'attachant aux deux autres déjà présentes dedans.
Elle perçut soudain une vibration. Une petite vague se forma sur l'eau et Marlène comprit que le cours venait d’arriver à son terme. Elle sortit de méditation pour trouver maître Beaumont, souriant, qui attendait son retour.
- Alors ? C'est mieux rangé là dedans ?
- Oui, mais ça risque d'être sacrément long ! Je n'ai fait que six balles en deux heures de temps !
- Oui, ça va être long, confirma le professeur. Parce que c'est le début. Lorsque tu auras classé beaucoup de boîtes, les suivantes sauront où aller et le rangement se fera sans que tu n'interviennes.
Elle espéra que le rangement se ferait rapidement de manière automatique.
- Et comme tu as commencé à classer, voici pour toi, dit maître Beaumont en lui tendant une feuille de papier un peu rigide.
Marlène s’en saisit et lut « Diplôme magique n°1 », daté du jour et signé par le directeur de l’école.
- J’ai mon DM1 ? s’exclama Marlène. Il suffisait juste que je classe mes connaissances pour l’obtenir ?
- Oui, répondit le professeur que cela amusait visiblement. C’est une bonne chose, tu sais, que tu n’aies jamais cherché à connaître les compétences nécessaires à l’obtention des diplômes. Tu avances selon tes envies et en nous faisant confiance. Continue comme ça.
Marlène observa la feuille de papier en souriant. Elle n’en revenait pas. Elle était ravie ! Elle s’imagina très bien la fierté de ses parents qui l’accrocherait probablement dans leur salon.
- En revanche, tu n’es pas prête pour le DM2, s’amusa maître Beaumont.
Marlène lui envoya un regard interrogateur.
- Ce diplôme n’est pas réel, annonça maître Beaumont.
Marlène coupa sa gnosie et l’objet disparut. Marlène grimaça. Elle s’était faite avoir en beauté.
- C’était une façon pour moi de te signifier ton obtention, précisa-t-il. Le plus important est que l’information a été transmise au CIM. Quant au bout de carton, si tu veux, nous en imprimerons un pour tes parents.
- Oui, je veux bien, merci, ronchonna Marlène, toujours vexée de s’être fait avoir par une illusion.
- Et oui ! Il y a encore du travail avant d’être au point, jeune fille ! annonça maître Beaumont.
- Maître, j'ai une question, annonça Marlène en relançant sa gnosie.
Maître Beaumont, qui s’éloignait pour aller déjeuner, se replaça devant elle et l'écouta.
- Dans cet endroit, j'ai trouvé une bulle contenant une capacité que je ne maîtrise pas encore entièrement.
- Laquelle ? interrogea le professeur.
- La différence entre un son réel et une illusion sonore dans la gnosie, l'informa Marlène.
À ce moment-là, Marlène entendit un son et elle savait qu'il n'était pas réel, sans devoir couper sa gnosie. C'était une évidence. Ses oreilles n'avaient pas entendu le son. Jusque-là, elle n'avait pas été en mesure de s'en rendre compte.
- Ça alors ! s'exclama Marlène. J'ai tout de suite su qu'il n'était pas réel !
- C'est parce que ton esprit est plus ordonné. Il parvient mieux à aller chercher les informations et les connaissances.
Marlène resta un instant muette, réfléchissant à ce que son professeur venait de lui dire. Maître Beaumont en profita pour souffler :
- Je suppose que tu ne récupères pas toutes les bulles qui sont autour de toi. Tu en choisis seulement certaines.
- Je prends celles qui contiennent des connaissances. Pour la plupart, d'ailleurs, elles ne contiennent rien, expliqua Marlène.
- Elles contiennent toute quelque chose, répliqua maître Beaumont. Simplement, la plupart des connaissances, tu ne peux pas les comprendre car tu ne sais pas à quoi elles font référence, n'ayant jamais pratiqué.
Marlène mesura alors l'étendue des choses qu'elle avait encore à apprendre et cela lui donna le tournis. Son océan semblait infini et des ballons flottaient partout à sa surface. Elle n'en avait sélectionné que très peu, par rapport à la multitude.
Elle remercia le professeur de ses explications et retrouva ses amies au réfectoire. Julie et Amanda discutaient PBM, avec une telle ferveur qu'elles ne se rendirent qu'à peine compte de l'arrivée de Marlène. Marlène fronça les sourcils. Qu’Amanda se trouvât seule ne la surprit pas : elle avait jeté son dernier copain le matin même. L’absence de Paul, en revanche, était très inhabituelle.
- Où est Paul ? demanda Marlène.
Amanda grimaça en secouant négativement la tête. Marlène comprit qu’elle n’aurait pas dû poser la question. Trop tard…
- Je l’ai largué, cet imbécile !
Marlène écarquilla les yeux. Elle croyait ce couple solide, assez pour finir en « et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Que s’était-il passé ? Julie lui expliqua :
- Cet abruti a utilisé la magie pour balancer une tarte à la tête de Lycronus Stoffer.
Les mots interdits. Aïe. Amanda serra la mâchoire. Marlène se recroquevilla, consciente de la gravité de la situation. Elle osa :
- Tu n’as pas apprécié qu’il harcèle ce garçon ?
Marlène ne savait même pas à quoi ressemblait ce fameux « Lycronus Stoffer » mais en tout cas, il prenait cher. Marlène ne comprenait pas pourquoi tout le collège semblait s’être lié contre lui… tout le monde, sauf Amanda, qui le défendait, créant de grosses dissensions au sein du trio.
- Je m’en fous qu’il s’en prenne à ce mec ! s’écria Julie tandis qu’Amanda serrait les poings de rage et se retenait visiblement de gifler sa copine.
Marlène n’osa pas commenter. La discussion était assez houleuse comme ça.
- Il a utilisé la magie ! Sa magie personnelle ! précisa Julie.
Marlène ne comprenait pas l’importance de ce détail.
- Paul s’est retrouvé dans le bureau du directeur et le coup du « mais c’était de la magie inter que je peine à contrôler ! Maîtriser la vitesse et la direction de la tarte m’était très difficile. C’était pour m’entraîner » n’est étrangement pas passé !
L’ironie transpirait de son ton.
- Il s’est fait renvoyer ? proposa Marlène, ahurie.
- Ses parents sont riches. Ils ont payé pour qu’il puisse rester. L’amende était salée et Paul s’est fait passer un savon monumental de ses parents.
Marlène l’imaginait aisément.
- Hors de question que je reste avec un looser pareil, conclut Julie.
Marlène fronça les sourcils. Elle avait jeté Paul parce qu’il s’était fait rabroué pas parce qu’il avait harcelé un autre élève. Marlène chercha Paul des yeux pour le trouver tout seul, à une table. D’autres élèves ricanaient en le regardant. Le harceleur venait de passer de l’autre côté. Amanda mâcha une pomme de terre les lèvres pincées.
Marlène comprit que Julie tenait avant tout à sa réputation, à son apparence extérieure. En perdant, Paul risquait de l’emmener au fond alors au lieu de l’aider à remonter, elle le virait purement et simplement. Marlène caressa Julie des yeux puis Amanda, qui tentait sans vraiment y parvenir de soutenir Lycronus Stoffer et qui, clairement, n’appréciait pas l’attitude de Julie vis à vis de Paul.
Marlène soupira. L’amitié entre Julie et Amanda vacillait. Marlène se retrouvait entre les deux. Elle remplit son assiette et Julie relança la discussion sur le PBM, oblitérant complètement Paul. Amanda suivit volontiers. Marlène se força à faire de même avant de totalement adhérer au sujet choisi. Voilà un thème qui les réunissait sans heurts.
Pendant les échanges, Marlène constata qu’Amanda regardait souvent dans la même direction, discrètement, comme si elle ne voulait pas que son sujet d’étude s’en rende compte. Julie, absorbée dans sa cuisse de poulet et ses prédictions sportives, ne semblait pas s’en apercevoir.
Marlène profita qu’Amanda plonge pour attraper un morceau tombé au sol pour déterminer la cause de l’intérêt de sa copine. Miraël Fawzi, élève de quatrième année, excellent magicien non néomage, il jouait dans l’équipe de l’école de PBM. Il déjeunait entouré de plusieurs garçons de son âge, tentant de faire abstraction des nombreuses œillades que lui faisaient les adolescentes aux tables voisines.
Marlène se retourna vers Amanda qui venait de se redresser et fit celle qui ne voyait rien. Marlène ignorait qu’Amanda eut des vues sur le joueur de PBM. Amanda ne le lui avait jamais dit. Marlène respecta son intimité en restant étonnée : elle ne lui connaissait pas cette pudeur, cette timidité. Elle d'habitude si franche et directe avec les garçons qu’elle accumulait…
L'après-midi, les trois amies se rejoignirent autour d'un match de tennis et lorsqu’il fut temps de trouver un quatrième joueur, Marlène se retint de proposer de demander à Miraël. Elle dut se mordre la langue mais parvint à ne pas titiller sa copine. Elle ne voulait pas se montrer indiscrète envers Amanda. Si un jour la jeune femme voulait lui parler, elle le ferait, en attendant, elle ne comptait pas ouvrir ce sujet de discussion ni l’embêter.
Le soir, Marlène fit signe à ses amies de la rejoindre dans sa chambre.
- J’ai eu mon DM1 aujourd’hui ! s’enthousiasma-t-elle.
Ses amies ne réagirent pas.
- Quoi ? s’exclama Marlène. C’est mon premier ! C’est trop bien.
- Super ! Bravo ! s’écria Julie mais elle voyait bien que la jeune femme se forçait.
- Quoi ? répéta Marlène.
- Ben… tu sais… le DM1… tout le monde l’obtient avant même d’entrer à l’école. Tous les enfants le passent vers… 6 ou 7 ans, indiqua Amanda. On est contentes pour toi hein ! Mais…
C’était pourri, comprit Marlène. Elle avait rattrapé le niveau d’un gamin de début d’école primaire. Elle soupira et s’endormit renfrognée.