- Je veux apprendre à contrôler ma gnosie ! s'exclama Marlène en entrant en cours de maniement de la magie lundi matin. Je ne veux pas avoir à mettre un bracelet de suivi comme les gamins.
Maître Gourdon sourit. Marlène fut encore plus volontaire et appliquée que d'habitude. Elle suivit à la lettre les recommandations et conseils du professeur, si bien que le dimanche suivant, lors du match retour à Florence, Marlène n'eut pas besoin d'un quelconque bracelet pour suivre le match, et évidemment pas d'énergie. Elle n'avait toujours pas trouvé le ver énergétique le plus rentable, mais elle continuait à chercher et ses réserves d'énergie augmentaient significativement.
Les élèves furent téléportés jusqu'à Florence et l'idée qu'elle venait à nouveau d'être copiée dérangea Marlène mais elle l'oublia rapidement, emportée par la fièvre du match. Ils remportèrent le match, cette fois tellement facilement que Marlène ne comprit pas.
- Cette semaine, expliqua Julie une fois de retour à l'école du Mistral, les joueurs de PBM n'ont rien fait d'autre qu'augmenter leurs réserves. Ils n'ont pas amélioré leurs capacités. Sur un long terme, c'est mauvais mais à court terme, c'est positif. Je crois que maître Gilain voulait marquer le coup et écraser vraiment l'école de Florence.
- Je ne comprends pas, annonça Marlène. Cette école possède des réserves d'énergie hallucinantes. Il suffirait de donner cette énergie aux joueurs et le problème serait résolu.
- C'est interdit par la loi, expliqua Julie. Aucun élève n'a le droit de puiser directement dans les réserves de l'école. Seul le directeur et les professeurs le peuvent.
- Et encore, intervint Amanda. Ça dépend de leur contrat. Certains profs n'ont pas le droit, sauf pour ce qui concerne l'éducation.
Ainsi, le directeur avait la jouissance presque exclusive des bénéfices de l'école. Pas étonnant qu'il puisse lancer des sorts incroyables et qu'il soit immortel.
- J’utilise les réserves de l’école pour appeler mes parents avec le guide, indiqua Marlène.
- C’est une exception et la quantité nécessaire est ridicule, balaya Julie du revers de la main.
Marlène signifia d'un geste qu'elle avait compris.
Les semaines suivantes, Marlène dut apprendre à ne pas croire aveuglément ce que lui disait sa gnosie. Après avoir lutté pour comprendre la signification des vibrations, elle devait apprendre à différencier la réalité de l'illusion. Elle comptait bien ne pas se faire avoir par des charlatans une fois dehors alors elle travailla dur.
Elle n'y parvenait toujours pas mi-novembre. En revanche, un mardi, en séance de méditation, elle trouva le rendement maximum de création d'énergie. Dans son moi intérieur, elle créa comme d'habitude un ver plus petit sauf que cette fois-ci, la bulle absorba le ver sans se dédoubler. L'énergie apportée n'avait pas été suffisante. Après avoir un peu tâtonné, elle trouva la quantité exacte nécessaire et maître Beaumont, avec qui elle méditait ce jour-là, la félicita.
- Maintenant, il va falloir trier ton esprit, annonça maître Beaumont.
Marlène leva un sourcil interrogateur. Elle pensait en avoir fini avec la méditation.
- Tu crois que les élèves qui sont ici augmentent leur réserve d'énergie ? interrogea maître Beaumont. Tu penses sincèrement qu'ils ont besoin de l'aide d'un professeur pour ça ?
Marlène ne put qu'admettre qu'elle n'y avait pas pensé mais que ça se tenait.
- Tu as encore beaucoup de choses à faire dans ton esprit, continua maître Beaumont et Marlène répondit par un sourire ressemblant plus à une moue dépitée qu'à une réelle image de plaisir. Dans ton esprit, tes connaissances en magie sont stockées. Pour le moment, elles sont jetées en vrac. Tu vas devoir les trier. Je vais te guider jusqu'au bon endroit mais je ne pourrai pas y entrer avec toi. C'est un endroit trop personnel pour qu'on puisse t'y suivre. Les protections sont grandes, surtout chez toi. On y va ?
Marlène hocha la tête avant de se plonger en méditation. Elle se retrouva dans cet univers noir, sans étoile, avec une simple brise qu'elle suivit pour se trouver face aux nombreux tunnels. Le professeur lui avait dit qu'elle devrait trier son esprit. Elle se dirigea vers l'un des tunnels, un dans lequel elle n'était jamais allée. En y pensant, elle se dit qu'elle avait fait preuve de bien peu de curiosité. Elle ne connaissait pour le moment que deux tunnels : sa réserve de magie et la gnosie. Elle s'étonna de n'avoir jamais tenté de savoir ce que pouvaient contenir les autres. Cependant, elle avait déjà eu du mal à gérer ces deux endroits-là. Elle n'avait pas eu le temps de penser à vouloir aller ailleurs.
Lorsque son corps toucha l'entrée du tunnel, elle se retrouva dans un endroit plutôt étrange. Le sol était en marbre noir et on ne voyait ni mur, ni plafond, ni ciel. Cet endroit n'avait juste pas de limite, à part le sol sur lequel Marlène pouvait se déplacer mais avec difficulté.
En effet, le sol froid était jonché d'obstacles : des sortes de ballons transparents. Il y en avait partout, parfois formant des tas très hauts. Le désordre régnait en maître. Les boîtes sphériques semblaient avoir été jetées là par hasard et il y en avait partout.
Marlène avança mais le décor ne changea pas. Tout se ressemblait. La seule chose qui lui permettait de savoir qu'elle bougeait était les tas de boites, parfois gros, parfois petits. On avait l'impression d'être dans un désert étrange avec des rochers de ci de là, mais des rochers en plastique transparents.
Marlène se tourna et se retourna, seule dans cet endroit sans limite, sans vie. Elle n'avait pas peur. Elle savait que pour sortir, il suffisait qu'elle le veuille. Cependant, l'endroit ne lui plaisait pas. Ce désordre avait quelque chose d'effrayant. Cela ne l'empêcha pas de continuer à se déplacer, se demandant s'il y avait vraiment quelque chose à trouver quelque part.
Une balle attira son attention. Elle n'aurait su dire pourquoi car elles se ressemblaient toutes. Elle s'en saisit et sut qu'elle contenait la capacité à comprendre les vibrations transmises par la gnosie. Marlène la retourna dans ses mains, cherchant à comprendre comment elle pouvait savoir que la balle n'était pas vide et contenait cette connaissance, en vain.
Se disant que cette trouvaille devait cependant être importante, elle la garda et continua à avancer. Elle trouva une autre balle pleine. Celle-ci contenait la capacité à comprendre les sons transmis par la gnosie. Marlène se dit que c'était redondant, mais ne sut pas comment réagir face à cette réflexion. Une troisième balle contenait la capacité à créer de l'énergie, fondamentale à tous magiciens. Là, Marlène ne vit aucun rapport et porter trois balles en même temps commençait à être difficile. Consciente qu'elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle devait faire, elle choisit de sortir de méditation et de demander conseil à maître Beaumont.
À son retour dans le monde réel, elle constata qu'une bonne heure était passée.
- Ah ! Marlène ! Où étais-tu ?
Marlène, sachant que l'endroit était différent d'une personne à l'autre, lui décrivit le sien le plus précisément possible. Lorsqu'elle eut terminé, maître Beaumont annonça :
- Tu dois classer les balles en fonction de leur contenu.
- Comment ? interrogea Marlène, un peu perdue.
- Sylvain, par exemple, se voit dans une bibliothèque, et chaque livre contient un savoir. La première fois qu'il est allé là-bas, les livres traînaient sur le sol. Il a fait apparaître des bibliothèques, des tables, des chaises, un ciel, des murs et il a changé la couleur du sol. L'endroit, beaucoup plus accueillant, permet à son esprit de mieux utiliser les connaissances, comme s'il appréciait cet environnement chaleureux et convivial. Tu peux, je ne sais pas, mettre les bulles les unes dans les autres.
Marlène ouvrit de grands yeux. Était-ce vraiment possible ?
- Marlène, c'est ton esprit ! s'exclama maître Beaumont. Tu peux faire ce que tu veux. Tu peux aussi relier les uns aux autres les bulles qui ont un lien. Tu peux créer des pièces différentes. Lisha se représente ses connaissances comme des bougies. Une bougie allumée signifie qu'elle contient une information. Lorsque deux informations sont complémentaires, Lisha faire fondre les deux bougies, mélange les deux cires, pour recréer une bougie plus grande, qui s'allume toute seule. Son esprit est un immense tapis, recouvert de coussins, avec des bougies parfumées un peu partout.
Marlène aima beaucoup ces anecdotes. Pouvoir ainsi appréhender la complexité et la variété de la magie la fascinait.
- Naturellement, comme je te l'ai dis, je n'ai jamais vu ces endroits moi-même, puisque l'esprit en interdit l'accès à quiconque, mais ils me l'ont décrit, comme toi.
Marlène enregistra l'information. Elle voulut tenter de rendre son monde accueillant mais ne put le faire car les élèves se levaient pour aller manger.
- Avant que tu partes, dis-moi, souffla maître Beaumont.
Marlène stoppa. Elle ne s'attendait pas à ce que le professeur la retienne.
- Comment as-tu su quel tunnel emprunter ? Tu ne m'as même pas laissé le temps d'arriver que tu y étais déjà…
- Je ne sais pas, maître. J'ai su que c'était celui-là, c'est tout.
Maître Beaumont lui sourit puis la libéra et Marlène rejoignit ses amies.
Le lendemain, en cours d'utilisation d'objets magiques, monsieur Toupin demanda à ses élèves de se servir d'un objet dissocié : une touche de piano qui pouvait jouer toute la gamme, à condition de bien s'en servir. Le but était de jouer un air connu, choisi des élèves. Marlène réussit l'exercice en moins de deux minutes. Elle joua frère Jacques sans la moindre difficulté, rendant ainsi jaloux plusieurs élèves, dont Amanda et Julie, qui n'avaient toujours pas réussi à jouer trois notes correctes de suite.
Autant Marlène ne cherchait jamais à trouver à l’avance l’effet d’un objet magique, compétence dans laquelle elle se savait nulle et qui l’ennuyait, autant l’utilisation des objets l’amusait. Si elle parvenait à obtenir un truc comme ça, elle pourrait enfin montrer de la magie à ses parents et ça, ça l’intéressait. Sauf que monsieur Toupin n’offrait jamais les objets dissociés. Seule une reconnaissance avant activation le permettait et jusque là, personne n’y était parvenu.
Monsieur Toupin félicita Marlène avant d'annoncer :
- Hé bien, puisque tu as été très rapide, je vais te donner un autre travail. Voici un autre objet magique.
Marlène prit la petite pierre que lui tendait le professeur.
- Son pouvoir est de voler. La difficulté étant de le contrôler. La direction ne dépend pas de ce que tu lui demandes. Il n'est pas dissocié. Non, la direction et la vitesse de vol dépendent de l'endroit et de la quantité d'énergie que tu mets dans la pierre. Tu as jusqu'à la fin des deux heures de cours pour t'entraîner à t'en servir. En fin d'heure, si tu sais la contrôler, tu pourras la garder.
Marlène sourit à ce challenge a priori facile. Elle observa l'objet à travers la magie. Il contenait six réservoirs : devant, derrière, à droite, à gauche, en haut et en bas. Elle transféra une quantité infime d'énergie en haut et la pierre ne bougea pas. Elle transféra un peu d'énergie et la pierre s'éleva parfaitement à la verticale. Marlène s'amusa à la faire monter et descendre. Plus elle y mettait d'énergie et plus la pierre montait vite. C'était amusant.
Elle mit de l'énergie dans la partie de droite. La pierre tomba sur la table et partit horizontalement sur la droite. Marlène se concentra pour transférer de l'énergie dans les réservoirs du haut et de droite en même temps. Cela s'avéra plus compliqué mais la pierre réagit parfaitement en volant vers la droite.
Marlène s'amusa longuement car le contrôle n'était pas évident. Elle tenta de la faire aller en diagonale, transférant de la magie dans trois réservoirs en même temps. Plus elle mettait d'énergie dans une partie et plus la pierre allait vite dans cette direction.
Une fois lancée à pleine vitesse, Marlène tentait de l'arrêter brusquement en activant les réservoirs inverses. Ça n'était pas facile et à plusieurs reprises, sa pierre atterrit sur la table d'un camarade, voir sur eux, causant quelques cris de douleurs au bras ou dans le dos.
Marlène était à la fois désolée et amusée. Tandis que ses camarades se concentraient pour faire jouer des notes différentes à la touche de piano, Marlène promenait sa pierre en tout sens. Elle remarqua alors qu'Amanda ne faisait rien. La jeune femme avait probablement fait son possible et était vidée. Ce qui surprit davantage Marlène fut le regard éberlué que son amie lui portait.
- J'ai un bouton sur le nez ou quoi ? chuchota Marlène tout en tentant de maintenir le contrôle sur la pierre.
- Tu te rends compte de ce que tu es en train de faire ? murmura Amanda en retour.
Visiblement, elle ne voulait pas attirer l'attention du professeur ou des autres élèves. C'était raté car murmurer avait eu l'effet inverse, annonçant un secret à venir, si bien que toutes les oreilles – réelles ou magiques – furent immédiatement tournées vers les deux filles.
- Je fais voler une pierre, répondit Marlène en utilisant un ton normal, sans se rendre compte que la classe toute entière était à l'écoute.
- Marlène, tu as consommé combien d'énergie jusque là ? s'exclama Amanda, qui semblait maintenant en colère.
- Amanda ! gronda Julie. Ça ne se demande pas !
Marlène sourit à l’intervention prévisible de son amie.
- Je n'en ai aucune idée, avoua Marlène en haussant les épaules.
Elle avait envie de répondre « Une goutte dans un océan » car depuis le rendement maximum atteint la veille, elle créait de la magie sans cesse et sans difficulté, ne s’arrêtant que pour dormir ou aller en classe comme maintenant. Elle n’avait pas réalisé de test de contenu et ignorait totalement combien elle utilisait. Elle l’estima à un grain de sable sur une plage gigantesque.
Monsieur Toupin intervint :
- Marlène, il serait en effet bon que tu saches combien d'énergie tu perds en t'amusant de la sorte. En revanche, cela ne regarde pas tes camarades. Viens avec moi.
Marlène suivit le professeur jusque dans une petite réserve attenante à la salle de classe. Il sortit un tube de grès et annonça :
- Ce tube contient un kum. Transfère ton énergie jusqu'à ce qu'il soit plein.
Marlène possédait déjà cette quantité en septembre. Depuis, elle avait largement augmenté. Marlène trouva cela ridicule mais elle s’exécuta tout de même, le remplissant sans difficulté. Dans sa bulle, il y avait toujours énormément de magie.
- Tu as repéré à quoi ça correspondait ? interrogea monsieur Toupin.
Marlène rougit. Elle n'avait pas compris que monsieur Toupin lui offrait un moyen de comparaison pour pouvoir compter son énergie. Marlène s'y reprit à plusieurs fois et finalement, fut en mesure de dénombrer l'énergie qu'elle utilisait.
- Combien penses-tu avoir utilisé d'énergie pour contrôler la pierre jusque-là ? demanda monsieur Toupin.
- Je n'en suis pas certaine parce qu'à ce moment, je ne faisais pas attention, mais je dirais bien trois kum.
- Amanda est une bonne magicienne. Pas beaucoup d'énergie mais une excellente maîtrise. Elle quittera bientôt le collège et c'est dommage. Malheureusement, elle n'aura jamais de quoi le payer et vu sa maîtrise, ça serait du gâchis qu'elle utilise sa magie uniquement dans des remboursements.
- Elle travaille déjà tous les après-midi pour rattraper le niveau du collège non magique, confirma Marlène.
- Exactement et comme elle est une excellente magicienne, elle a senti l'énergie que tu dépensais sans compter dans ce nouveau jeu. Marlène, tu savais que ça allait se produire et ça va commencer. Tes camarades vont commencer à se rendre compte de tes capacités. Tu sais ce que ça signifie.
- Je vais être aussi populaire que Miraël ?
- Probablement plus dans un premier temps car les enfants adorent la nouveauté.
- Puis-je dire la vérité à mes deux amies ? interrogea Marlène.
- Marlène, tu peux dire la vérité à qui tu veux !
- Vous en pensez quoi ? demanda Marlène.
- Je n'ai pas d'opinion. Ce sont tes amies, pas les miennes. Chacun est différent. Tu les connais beaucoup mieux que moi. À toi de voir si tu penses qu'elles seront capables d'accepter cette nouvelle, de l'encaisser, de l'avaler et de la digérer, tout ça sans maux d'estomac.
La comparaison fit sourire Marlène.
- Vous saviez, en me donnant cet objet, l'effet que ça aurait.
- Naturellement que je le savais, annonça monsieur Toupin. Encore une fois, il fallait que ça se produise un jour ou l'autre. Pourquoi pas aujourd'hui. Ceci dit, je n'ai fait qu'aller dans le sens de ton apprentissage. Tu sais contrôler des objets magiques normaux et dissociés. L'étape suivante est les objets magiques à réservoirs multiples.
- Vous n'avez jamais proposé cet exercice à Amanda.
- Parce qu'elle n'a pas assez d'énergie pour ça.
- A-t-elle encore des choses à apprendre en cours d'utilisation d'objets magiques ? interrogea Marlène.
- Oh que oui, la même chose que toi, et que tous les autres ! Déterminer l'effet d'un objet magique sans qu'on ait besoin de vous le dire et ça, on peut dire que c'est une montagne de difficulté !
Marlène explosa de rire. C'était peu dire ! Depuis le début de l'année, pas un élève de la classe du mercredi et du samedi n'avait été en mesure de trouver la fonction d'un objet. On disait dans les couloirs que certains élèves, qui y allaient à d'autres horaires, avaient trouvé, mais nul ne savait exactement qui avait trouvé quoi, les heureux gagnants préférant rester discrets et Marlène les comprenait. Lycronus Stoffer, dont le nom était toujours interdit entre Amanda et Julie, se prenait assez de regards noirs pour que les autres heureux vainqueurs ne s’en vantent pas.
- Allez ! En classe ! Il te reste moins d'une heure pour réussir à contrôler cette pierre si tu veux pouvoir t'amuser avec dans ta chambre. Au boulot !
Marlène retourna dans la classe sous le regard de ses camarades, mais aucun ne lui adressa la parole. Amanda avait quitté la classe, probablement pour méditer. Julie appuyait frénétiquement sur la touche de piano mais Marlène ne reconnut aucunement l'air qu'elle essayait de reproduire. Frédéric, dans le fond, jouait maladroitement "À la pêche aux moules" tandis que Sarah avait choisi le générique du dessin animé reprenant les histoires de Julien, le petit magicien. Marlène ne fut en mesure de reconnaître aucun des airs joués par les autres élèves de la classe.
- Vous avez bien travaillé, tous, finit par annoncer monsieur Toupin.
Marlène avait fini par comprendre que Julie voulait jouer le générique de l'inspecteur Gadget, mais le résultat n'avait pas été extraordinaire. Marlène avait également reconnu deux ou trois airs chez les autres élèves, mais aucun n'avait réussi, à part Frédéric et Sarah.
- Mais monsieur, l'heure n'est pas encore terminée ! répliqua Frédéric. Il reste encore vingt minutes !
- C'est exact, dit monsieur Toupin mais vous allez pouvoir vous reposer et vous contenter de regarder pour une fois. Mettez-vous tous debout le long des murs, sauf Marlène, évidemment.
Les élèves se regardèrent, surpris. En revanche, ils ne se le firent pas dire deux fois. S'étant tous pris quelques coups de pierre pendant le cours, ce fut avec plaisir qu'ils s'éloignèrent.
- J'ai promis à Marlène qu'elle pourrait garder la pierre si son contrôle de celle-ci était suffisant. Pour m'en assurer, nous allons jouer à un petit jeu.
Monsieur Toupin sortit une seconde pierre de sa poche ainsi qu'un tube de grès, avant d'adresser à Marlène :
- J'ai à ma disposition ce kum et une pierre identique à la tienne. Ton but, toucher la mienne avec la tienne. Si tu y parviens avant que je n'ai utilisé le kum ou que le cours se termine, tu as gagné. Compris ?
Marlène n'en revenait pas ! Elle allait se battre contre son professeur dans le contrôle de la pierre et ici, il n'était pas question de quantité de réserve, puisque le professeur utilisait une réserve de magie extérieure, mais bel et bien de contrôle de la magie. Marlène était nerveuse. Elle allait devoir montrer sa capacité de maîtrise de la magie devant tous les élèves de la classe.
Surtout, tous allaient remarquer qu'elle consommait une quantité hallucinante d'énergie pour contrôler la pierre. Pendant l'entraînement, elle avait brûlé ce kum en vingt minutes, soit exactement le temps restant, et cela représentait déjà trop pour la plupart des élèves de la classe. Monsieur Toupin se mettait à son niveau grâce à ce tube de grès. Sauf que Marlène utiliserait probablement bien davantage de magie lors de ce duel que lors de ses entraînements.
- Prête, Marlène ?
- Oui, monsieur.
La pierre du professeur s'éleva. Marlène fit partir la sienne très rapidement, espérant surprendre le professeur mais la pierre adverse s'écarta au dernier moment. Marlène n'eut pas le temps de redresser. Déstabilisée, elle fit n'importe quoi et la pierre s'écrasa contre un mur avant de tomber lourdement au sol tandis que la pierre du professeur ne bougeait pas, toujours à un mètre du sol, statique.
Les autres élèves rirent de cette déconvenue mais Marlène reprit le contrôle. Le professeur bougeait assez peu sa pierre tandis que Marlène consommait la magie à une vitesse hallucinante. Elle avait déjà utilisé une énergie qu'elle estima à deux kum là où le tube de grès de son adversaire affichait une perte d'à peine dix um.
L’heure se termina et Marlène n'avait réussi qu'à faire des petits trous dans plusieurs murs de la salle. Les élèves l'applaudirent toutefois. Monsieur Toupin lui sourit et Marlène lui rendit son sourire. Marlène devait bien l'admettre : elle manquait encore de contrôle. Si ses réserves étaient grandes, elle s'épuisait pour rien. Le professeur avait utilisé trente-trois um et elle avait cessé de calculer après vingt kum. Marlène était éreintée par cette épuisante et vaine concentration.